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08/01/2019

Déstructuration des systèmes alimentaires africains par les nouvelles stratégies de la grande distribution

Un rapport de GRAIN de novembre 2018 s'intéresse au développement de la grande distribution en Afrique, par les multinationales, et à ses effets sur les systèmes alimentaires traditionnels. Le document recense les chaînes de distribution, l'origine des capitaux, les pays d'implantation. Par ailleurs, il fournit des données chiffrées soulignant l'importance économique des marchés locaux et commerces de rue, qui représentent entre 80 et 90 % de la totalité des ventes alimentaires (hors Afrique du Sud et Kenya). Selon les auteurs, le développement de la grande distribution sur le continent est susceptible de remettre en cause « la subsistance de millions de petits vendeurs et de producteurs locaux » et de représenter un danger pour « la santé des populations » (lié au changement d'habitudes) et la diversité des cultures alimentaires traditionnelles ». Le document s'intéresse également aux mouvements de contestation et aux politiques gouvernementales.

Source : GRAIN

18/12/2018

Matières premières importées en France et risques de déforestation et de corruption

Une étude récemment publiée par le cabinet britannique 3Keel, pour le compte de WWF France, montre que certaines matières premières importées en France sont plus à risque de déforestation et corruption que d'autres. Au-delà de l'empreinte sociale et forestière liée aux importations, l'analyse vise essentiellement à caractériser leur durabilité au regard de la déforestation et des enjeux sociaux dans les pays d'origine.

3Keel s'est tout d'abord attaché à quantifier les importations de la France, pour les sept commodités déjà identifiées comme vecteurs de déforestation, soit par la concurrence exercée sur l'utilisation des sols (via les défrichements), soit par la dégradation des forêts ou des écosystèmes arborés (exploitation forestière ou surpâturage) : soja, cacao, huile de palme, caoutchouc, bois, pâte à papier, bœuf (animaux vivants et viande) et cuir. Les auteurs ont pris en compte les importations de matières premières brutes, de produits transformés les incorporant comme ingrédients, et des autres productions auxquelles elles contribuent comme intrants (exemple du soja pour les produits carnés).

Au-delà de la traduction en hectares des volumes importés, il s'agit d'identifier dans quelle mesure la production de ces commodités fait courir un risque de déforestation, de corruption, de travail illégal ou forcé. Les auteurs ont ainsi développé un indice de risque agrégeant plusieurs paramètres : la perte de couverture forestière entre 2012 et 2016, le taux de déforestation, l'indice de perception de la corruption (Transparency International) et l'indice des droits globaux (International Trade Union Confederation). En croisant les flux d'importation et l'indice de risque, ils concluent que l'empreinte de la France repose à 35 % sur des situations à risques élevé à très élevé. Cette proportion varie sensiblement selon les matières premières : de 84 % pour l'huile de palme à 8 % pour la pâte à papier.

Fort risque de déforestation ou de corruption pour un tiers des surfaces nécessaires à la production des matières premières agricoles et forestières importées en France

foret.jpg

Source : WWF

Enfin, pour chaque produit, les origines les plus problématiques sont identifiées : si l'Amérique latine est très représentée, la Chine, la Côte d'Ivoire et la Russie sont respectivement aux 2e, 3e et 6e rangs pour l'ensemble des matières premières.

Soulignons que ces travaux rejoignent ceux menés par l'ONG Envol Vert, publiés en novembre 2018, et basés sur une méthodologie un peu différente.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : WWF France

Commerce, origine des aliments et émissions de gaz à effet de serre de la consommation alimentaire de l'UE

Dans un article paru en décembre dans Global Food Security, des chercheurs européens ont développé une approche systémique pour évaluer l'empreinte carbone (émissions de gaz à effet de serre, GES) de la consommation alimentaire de l'Union européenne (UE), due non seulement à la production primaire, aux changements dans l'utilisation des terres, mais aussi au commerce international. En effet, celui-ci permet de relier les émissions et processus d'utilisation des terres afférentes des producteurs aux consommateurs, sur de grandes distances.

Les chercheurs rappellent qu'environ 19 à 29 % des émissions anthropiques totales de GES, à l'échelle mondiale, sont dus aux systèmes alimentaires. Ceux-ci présentent donc un grand potentiel d'atténuation des changements climatiques.

Émissions de GES d'origine alimentaire présentées par A) groupes d'aliments, B) pays origine (domestique, importé)

ges,empreinte carbone,consommation alimentaire,commerce international

Source : Global Food Security

Lecture : les catégories « viande, œufs » et « produits laitiers » comprennent également les émissions provenant de la production d'aliments pour animaux.

Les résultats montrent que les empreintes carbone de la consommation alimentaire diffèrent, d'un pays de l'UE à l'autre, avec des estimations allant de 610 kg CO2eq/tête/an pour la Bulgarie à 1 460 pour le Portugal. Ces différences sont principalement liées à la quantité de produits animaux consommés. Pour les auteurs, ceci confirme que la réduction de consommation de produits d'origine animale, en particulier de viande bovine, constitue un moyen efficace pour limiter les émissions de GES d'origine alimentaire.

Les chercheurs mettent aussi en exergue le rôle important du commerce international de produits alimentaires dans les émissions européennes de GES. En moyenne, plus du quart de l'empreinte carbone serait dû aux produits importés de pays tiers, en particulier des continents américain et asiatique. Dans la mesure où ce commerce joue un rôle de plus en plus important dans l'approvisionnement alimentaire mondial, la comptabilisation des émissions alimentaires devrait davantage en tenir compte, en particulier dans l'orientation des politiques alimentaires et d'atténuation des changements climatiques.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Global Food Security

13/12/2018

Impact des appellations d'origine protégée sur les exportations françaises de produits laitiers

Une étude réalisée par l'Inra et le CEPII, publiée en octobre dernier, estime l'impact des appellations d'origine protégée (AOP) sur les exportations françaises de produits laitiers (fromages, matières grasses et pâtes à tartiner). Les estimations sont réalisées à partir de données individuelles d'entreprises issues des douanes et de l'Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), pour l'année 2012. Ce travail revêt un intérêt particulier car les AOP constituent un sujet sensible dans les négociations commerciales internationales.

Les auteurs montrent d'abord que les produits laitiers AOP sont reconnus par les consommateurs étrangers comme étant de qualité, pouvant être vendus à des prix plus élevés. Selon l’analyse économétrique, pour une destination donnée, un fromage AOP est exporté 11,5 % plus cher qu’un produit similaire sans appellation. Cela s'explique par le surcoût engendré par son mode de production, mais aussi par la qualité perçue par les consommateurs. L'analyse montre en effet qu'elle est en moyenne plus élevée pour les produits laitiers AOP que pour les produits laitiers sans appellation.

Cette qualité perçue permet aux produits AOP d'être vendus sur un plus grand nombre de marchés, sans pour autant accroître les quantités exportées vers chaque pays. L'étude révèle que les appellations ont un impact positif sur l'accès à de nouveaux marchés européens et vers les pays ayant des systèmes d’indications géographiques. En revanche, elles n'ont pas d'impact sur l'accès aux autres marchés. Par ailleurs, les estimations relatives aux quantités exportées suggèrent que les AOP ne permettent pas aux entreprises d'accroître ces volumes exportés, dans les pays où elles sont déjà présentes, par rapport aux entreprises déjà exportatrices qui ne bénéficient pas de l’appellation.

En conclusion, les auteurs suggèrent que l'impact non significatif de l'AOP, sur l'accès aux marchés extra-européens et sur le volume des échanges, doit conforter les pouvoirs publics dans leur stratégie d'identification et de protection de ces appellations hors du marché communautaire.

Valeur unitaire médiane des exportations entre entreprises disposant, ou non, de produits sous AOP en 2012

AOP.jpg

Source : CEPII

Lecture : « Auth.firms » (autorized firms) correspond aux entreprises habilitées à exporter des produits laitiers AOP (les « Auth. firms, no PDO » n'en exportent pas ; les « Auth. firms, PDO » en exportent) ; « Other firms » correspond aux entreprises non habilitées à exporter des produits sous AOP.

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : CEPII

La concentration de la terre en Colombie, source de marginalité socio-économique et de conflits armés

Un récent article des Anales de Geografía (Universidad Complutense de Madrid) d'octobre 2018 aborde la question de la distribution des terres en Colombie. Dans une perspective historique, s'appuyant sur des données statistiques issues des recensements agricoles, son auteur analyse les relations socio-économiques et politiques à l'origine de la structure agraire du pays.

Selon l'article, l'inéquitable répartition des terres ainsi que la défaillance de l’État ont joué un rôle dans la guerre civile qu'a subie le pays pendant une cinquantaine d'années, et dont la fin a été actée par la signature d'un accord de paix en 2016. Tout au long de cette période, des populations rurales ont été déplacées et la propriété de la terre s'est concentrée. En 1992, les exploitations de plus de 1 000 ha possédaient 27 % de la superficie agricole du pays, contre 9 % pour celles de moins de 10 ha. À la fin de la décennie 1990, celles de plus de 2 000 ha (0,06 % des propriétaires, soit 2 000 personnes) en possédaient 51 %, celles de moins de 5 ha (67 % des propriétaires, soit 2,3 millions de personnes), 3 %.

L'article indique cependant que de nombreuses réformes agraires ont été effectuées : la première date de 1936, la dernière figure dans l'accord de paix de 2016 et devrait s'attaquer à la prédominance des productions destinées à des exportations traditionnelles (fruits et légumes, cacao, café, huile de palme, sucre de canne, banane, caoutchouc, bois) et non traditionnelles (fleurs notamment). L'auteur souligne que ces réformes n'ont pas eu les effets escomptés sur l'amélioration des conditions de vie en milieu rural.

Actuellement, selon l'auteur, l'inégale distribution des aides publiques est due à l'entente entre l’État et les propriétaires fonciers. Ces derniers, anciennement positionnés sur de l'élevage extensif, produisent dorénavant du palme et de la canne à sucre pour des biocarburants et sont les seuls, avec les agro-industries, à percevoir à ce titre des subventions, justifiées par la protection de l'environnement et la redynamisation de l'espace rural.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Anales de Geografía

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15/11/2018

Rapport de l'OCDE sur l'innovation, la productivité et la durabilité de l'agriculture en Chine

La dernière revue-pays de la série de l'OCDE sur l'innovation, la productivité et la durabilité de l'agriculture s'intéresse à la Chine. Après un bilan chiffré et détaillé de la situation agricole et alimentaire chinoise (chapitre 2), le rapport analyse l'ensemble des politiques susceptibles d'influencer l'innovation, le changement structurel et l'utilisation des ressources naturelles et le climat : macroéconomie, commerce, taxation, politiques foncières, agricoles, systèmes de R&D, etc. (chapitres 3 à 6).

Le rapport souligne l'extraordinaire transformation de l'agriculture chinoise au cours de ces vingt dernières années, dans un contexte de profonds changements structurels (croissance démographique, vieillissement, industrialisation, etc.). La productivité et la production agricoles ont connu une forte croissance, mais au détriment des ressources naturelles.

Autrefois centrée sur l'autosuffisance en grains et le soutien des prix, la politique agricole chinoise s'est diversifiée : soutien aux revenus agricoles, sécurité alimentaire, compétitivité, environnement et progrès scientifique. Les soutiens des prix pour le coton, le soja et le maïs ont été remplacés par des aides directes, même si l'aide publique aux producteurs continue d'augmenter (cf. figure). La protection de l'environnement est récemment devenue un objectif majeur de la politique agricole du pays, avec le développement de programmes et de réglementations dédiés. La sécurisation des droits liés à la terre, nécessaires pour attirer des capitaux dans l'agriculture, a été progressivement renforcée.

Autre tendance marquante, l'accélération des investissements dans la R&D agricole, multipliés par quatre entre 2000 et 2013. L'OCDE souligne cependant que, rapporté au PIB agricole, ce chiffre reste inférieur à ceux observés aux États-Unis et dans l'Union européenne, et note des améliorations possibles dans la gouvernance de la R&D (répartition des rôles entre public et privé, droits de propriété intellectuelle, etc.). Cette analyse comporte aussi un éventail de recommandations (chapitre 1), invitant la Chine à poursuivre et approfondir les réformes engagées, en insistant sur l'utilité d'une revue régulière et d'une mise en cohérence accrue des politiques publiques.

Évolution du soutien aux producteurs agricoles chinois, 1995-2016

Chine-OCDE.jpg

Source : OCDE

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : OCDE

Plus d'autonomie pour les femmes rurales africaines : un vecteur de développement agricole, agro-industriel et de sécurité alimentaire

Publiée récemment, une synthèse de l'étude Perspectives régionales sur le genre et les systèmes agroalimentaires, menée par la FAO et l'Union africaine, pose la question de l'inégalité du statut des femmes africaines par rapport à celui des hommes. Le sujet de l'égalité des sexes a été abordé à plusieurs reprises par l'Union : Agenda 2063, Déclaration de Malabo de 2014, Programme de développement durable à l'horizon 2030, etc.

À l'horizon 2050, plus de la moitié de la population du continent sera urbaine et la demande alimentaire augmentera. Selon les auteurs, l'activité des femmes pourrait contribuer à satisfaire cette demande si les engagements de l'Union africaine se concrétisent (30 % des droits de propriété, 50 % des financements consacrés aux femmes, etc.). À ce jour, dans la plupart des pays, l'agriculture emploie plus de 50 % de la population dont la moitié sont des femmes.

Le rapport souligne que le travail féminin est et sera sujet à des freins divers. Il est généralement restreint à l'agriculture de subsistance. Il est en outre concurrencé par les tâches domestiques et éducatives dans la famille. Les femmes sont de plus moins bien loties dans l'accès à l'école et à la formation professionnelle : le taux d’alphabétisation des plus de 15 ans est de 54 % contre 69 % pour les hommes. Dans la production, les femmes ont moins accès aux intrants, à la mécanisation, aux financements et aux marchés. Au total, les ménages gérés par des femmes sont davantage exposés à la pauvreté, leurs revenus représentant entre 30 % et 65 % de ceux des hommes.

L'étude signale également des lacunes institutionnelles concernant la politique de genre, le pouvoir décisionnel des femmes étant assez limité, même si le rapport note des progrès dans certains pays.

Finalement, les auteurs font diverses recommandations : par exemple, l'intégration du genre dans l'analyse et l'évaluation des politiques publiques, la mise en place d'observatoires (données sur le genre et bonnes pratiques relatives à l'égalité des sexes) dans les plans d'investissement en agriculture, des programmes de sécurité alimentaire conçus pour les femmes facilitant leur accès aux partenariats public-privé, etc.

Type de propriété foncière agricole chez les hommes et les femmes, moyenne pour l'Afrique subsaharienne, 2010-2017

FAO-femmes.jpg

Source : FAO

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

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14/11/2018

Impact des taxes à l'exportation sur les prix mondiaux et le commerce international de produits agricoles et alimentaires

Une étude concernant 36 pays, réalisée par le National Bureau of Economic Research et publiée en août dernier, estime l'impact des taxes à l'exportation sur les prix à l'exportation et le commerce de produits agricoles et alimentaires, sur la période 2005-2015. Dans un premier temps, l'impact ex post de ces mesures est estimé à partir d'un modèle gravitaire puis, dans un deuxième temps, l'impact ex ante d'une suppression de ces taxes est analysé à l'aide d'un modèle d'équilibre général calculable (GTAP-POV). Ce travail est intéressant car si les restrictions à l'exportation augmentent ces dernières années, elles n'ont jusqu'ici fait l'objet de recherches ciblées que sur certains produits et pays.

L'analyse révèle d'abord que les taxes à l'exportation, mises en œuvre par les pays, n'ont affecté les prix à l'exportation et le commerce que pour certains des produits ayant fait l'objet de telles mesures. L'effet des taxes sur les prix ne pouvant pas être directement capturé à travers les modèles gravitaires, les auteurs en valident l'existence lorsque l'impact sur les valeurs est différent de celui sur les volumes échangés. Les résultats montrent que les taxes à l'exportation ont eu un effet positif sur les prix et négatif sur les exportations, pour les produits laitiers, les fruits et légumes, les graines oléagineuses, les huiles et graisses végétales, le sucre et les sucreries, les préparations alimentaires et les boissons.

À partir du modèle GTAP-POV, les auteurs mettent ensuite en évidence que la suppression des nombreuses taxes à l'exportation, en place en 2008, aurait permis aux régions qui les appliquent (voir figure) d’accroître leurs productions et leurs exportations. La hausse de ces exportations générerait par ailleurs une augmentation des prix mondiaux. Dans ce scénario, les effets sur les prix et le commerce sont les plus importants pour les produits les plus fortement taxés en 2008 : le blé et les graines oléagineuses dans les pays (Indonésie, pays de l'ex-URSS, Chine, Amérique du sud). Au contraire, la production et les exportations baissent dans les autres pays qui exportent ces mêmes produits, en raison de la concurrence accrue sur les marchés internationaux (notamment au Canada et aux États-Unis).

Taxes à l'exportation en place en 2008 par pays et produits

Taxes.jpg

Source : NBER

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : National Bureau of Economic Research

12/11/2018

Au Japon, la pluriactivité des agriculteurs joue un rôle sur leur maintien en activité

De manière générale, on considère que la pluriactivité des agriculteurs joue un rôle contrasté dans le maintien ou non des exploitations. Publiés dans le Journal of Agricultural Economics, des travaux récents, menés à l'échelle des préfectures japonaises, par une équipe nippo-américaine, démontrent que son impact dépend de la part des revenus non agricoles et du type d'emploi sur et hors de l'exploitation.

Le Japon, comme de nombreux pays développés, a dû faire face à une rapide baisse du nombre d'exploitations au cours des dernières décennies. Dans le cas particulier de ce pays, cela se traduit aussi par un recul de la production agricole, y compris pour le riz, en dépit de soutiens publics importants. Si l'ajustement structurel a été favorisé de façon à permettre le développement d'exploitations plus performantes, des politiques ont également été mises en œuvre pour ralentir la baisse du nombre d'agriculteurs (16 % de moins entre 2000 et 2005). Près de 80 % des agriculteurs sont pluriactifs, et la taille moyenne des exploitations « commerciales » est de 1,45 ha.

S'inscrivant dans la lignée des travaux étudiant la cessation d'activité, quel qu'en soit le motif (retraite ou reconversion), les auteurs ont approfondi l'analyse de l'impact de la pluriactivité, développant une méthode intéressante et potentiellement réutilisable dans d'autres contextes. Devant les différents niveaux de consolidation des données (ménage, commune, préfecture, etc.) et l'hétérogénéité des types de variables (discrètes, continues), les chercheurs ont utilisé une modélisation bayésienne hiérarchique pour optimiser les informations dont ils disposaient.

Leurs résultats font ressortir le caractère essentiel, dans la compréhension des arrêts d'activité en agriculture, des conditions locales d'emplois, de revenus non agricoles et d''urbanisation. Ainsi, si la pluriactivité réduit les sorties nettes de l'agriculture, son impact est plus important dans les préfectures où elle est répandue, tout en ne contribuant que marginalement aux revenus des ménages agricoles. La composition du collectif de travail sur l'exploitation est également à prendre en compte : la présence de salariés et la répartition de ce travail au sein du couple (l'un y travaillant à plein temps, l'autre à l'extérieur) consolide la structure. À l'inverse, l'urbanisation, tout en fournissant des opportunités de pluriactivité (en volume d'emploi et en valeur), facilite la sortie définitive de l'agriculture, en réduisant les coûts de transaction liés à l'arrêt d'activité. Les auteurs recommandent donc de prendre en compte les situations locales afin d'élaborer des politiques de soutien aux exploitations plus efficaces en termes de maintien de l'agriculture et de limitation des friches.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

09:48 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : japon, agriculteurs, pluriactivité |  Imprimer | | | | |  Facebook

05/11/2018

Usages et dimensions symboliques des boissons industrielles dans les familles urbaines chinoises

La Chaire Unesco Alimentations du monde a publié, en septembre, le septième numéro de ses SoWhat?, consacré à la consommation de boissons industrielles dans les familles urbaines en Chine. Alors que le pays connaît une transition alimentaire transformant les rapports des habitants aux protéines et aux boissons, les auteurs s'appuient sur les résultats d'une enquête qualitative menée en 2014-2015 pour comprendre la place des boissons industrielles dans la société chinoise contemporaine. Ils mettent ainsi en évidence que choisir une boisson relève d'un « arbitrage complexe », aux niveaux familial (normes sociales du prescrit, de l'autorisé et de l'interdit, tensions entre générations) et individuel (opposition entre santé et plaisir, compromis entre prix, marque et symbolique du chaud et du froid). Objectifs éducatifs des parents et enjeux de socialisation entrent également en compte.

Source : Chaire Unesco Alimentations du monde

15/10/2018

Impact du changement climatique sur l'évolution du commerce international à l'horizon 2050-2059

Une étude, réalisée par l'organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique (CSIRO), publiée début septembre, présente une simulation de l'impact de l'accroissement des émissions de CO2 à l'horizon 2050-2059 sur le commerce mondial de riz, de maïs, d'oléagineux et de céréales secondaires. Les projections climatiques sont estimées à partir de modèles dits de « systèmes terrestres » et les impacts sur la production agricole à partir de modèles de cultures au niveau mondial (Global Gridded Crop Models). Ces modèles sont ensuite couplés à GTEM-C, un modèle d'équilibre général calculable dynamique, afin d'en estimer les effets sur le commerce. Ce travail est original, les impacts des échanges sur le changement climatique étant généralement étudiés, et non l'inverse. En outre, peu d'articles analysent conjointement les conséquences biologiques et économiques des évolutions climatiques.

Les auteurs utilisent les projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les RCP (Representative Concentration Pathway), pour simuler un scénario pessimiste de réchauffement climatique (RCP 8.5) et un autre plus optimiste incluant des mesures d'atténuation des émissions de CO2 (RCP 4.5). Ces deux scénarios affectent le commerce international en modifiant la productivité agricole, les prix à la production, et donc la compétitivité à l'exportation des pays. Ils sont comparés à une situation de référence correspondant à un réchauffement climatique élevé (RCP 8.5), sans impact sur la productivité grâce au progrès technique.

Impacts du changement climatique sur le commerce de riz, maïs, oléagineux et céréales secondaires à l'horizon 2050-2059, selon deux scénarios (RCP 4.5 et 8.5)

Commerce.jpg

Source : Palgrave Communications

Les résultats suggèrent que la répartition du commerce, pour les produits étudiés, différerait de la situation actuelle, avec ou sans atténuation des émissions de CO2. L'impact du réchauffement climatique sur la productivité est négatif pour certains pays (ex. : États-Unis) mais positive pour d'autres (ex. : Chine) (voir figure). Le commerce agricole serait plus concentré dans le scénario pessimiste, quelques régions dominant les marchés. Dans le scénario plus optimiste, les acteurs du commerce international seraient plus diversifiés, ce qui rendrait le système moins vulnérable aux chocs climatiques ou institutionnels. Les mesures d'atténuation des émissions de CO2 contribueraient ainsi à stabiliser les échanges, l'approvisionnement des populations, et donc à réduire l'insécurité alimentaire.

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : Palgrave Communications

10/10/2018

Les méga-entreprises agricoles, une porte d'entrée pour le capital financier en agriculture : le cas de El Tejar

Un article de la revue Mundo Agrario d'août 2018 aborde la financiarisation de l'agriculture et les investissements en terres, dans la zone du Mercosur, via le cas de l'entreprise El Tejar. Les objectifs de ses fondateurs étaient d'en faire la plus grande entreprise agroindustrielle au monde et de la coter en bourse.

À partir d'une approche multi-échelle, nationale (Argentine), régionale (Mercosur) et internationale (logique des fonds de private equity, crises financières, marchés de commodités), l'étude de cas de El Tejar repose sur une trentaine d’entretiens et une observation participante menée parmi son personnel en Argentine et au Brésil. L'évolution de cette entreprise familiale, fondée en 1987 en Argentine, permet d'aborder le rôle des capitaux financiers spéculatifs internationaux, auxquels elle a fait appel en 2006 pour soutenir son expansion transfrontalière vers la Bolivie, l'Uruguay et surtout le Brésil. En s'appuyant sur le modèle argentin d'agriculture né dans les années 1990 (semis direct / soja OGM / glyphosate / externalisation des tâches), et en combinant propriété foncière et fermage, El Tejar a progressivement mis en production dans le Mercosur 72 000 ha en 2003, 105 000 ha en 2004, 900 000 ha en 2008.

Selon les auteurs, le secteur agricole est considéré comme un refuge face aux crises successives (bulles technologique et immobilière), et un placement intéressant dans le contexte du boom des prix des commodités et de la terre (en particulier pour des investissements dans des entreprises privées non cotées en bourse). Cependant, la sortie des capitaux, en cas de difficultés économiques, est source d'instabilité pour le secteur agricole. El Tejar en est l'illustration, son expansion au Brésil s'étant accompagnée d'une gestion hasardeuse, qui reproduisait le modèle argentin sans prendre en compte les spécificités locales. Les pertes enregistrées dès le début de la production, dans ce pays, ont entraîné des changements de management, lesquels ont conduit finalement à une restructuration de l'entreprise, puis à la vente des principaux actifs en Argentine et en Uruguay en 2014, afin de concentrer la production au Brésil. La surface contrôlée, en terres propres et en fermage, n'était ainsi plus que d'environ 200 000 ha en 2014/2015.

Évolution de la surface contrôlée par El Tejar dans le Mercosur, de 2003/2004 à 2014/2015 (milliers d'ha) et faits marquants dans l'histoire de l'entreprise

ElTejar2.jpg

Source : Mundo Agrario

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Mundo Agrario

09:59 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : mercosur, financiarisation, argentine, brésil |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/10/2018

Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road. Agrimonde-Terra, Chantal Le Mouël, Marie de Lattre-Gasquet, Olivier Mora (coord.)

Agrimonde-Terra.jpg

Paru en septembre 2018, en version anglaise uniquement, l'ouvrage Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road. Agrimonde-Terra présente de façon détaillée la démarche, les méthodes et les résultats de l'exercice prospectif éponyme conduit par l’Inra et le Cirad. Ayant mobilisé environ 80 experts internationaux au sein de multiples ateliers thématiques, l'étude avait pour objectifs d'analyser et d'explorer les déterminants des changements d'usage des sols aux niveaux mondial et régional, les évolutions à attendre en matière de surfaces agricoles, et les grands enjeux relatifs à la sécurité alimentaire à l'horizon 2050.

La démarche prospective a porté sur le système « usage des sols - sécurité alimentaire », influencé par cinq variables directes (systèmes de culture, d'élevage, forestiers, structures des exploitations agricoles, relations rural-urbain) et trois variables exogènes (contexte global, climat, régimes alimentaires). La combinaison des hypothèses d'évolution de ces variables a donné lieu à la production de cinq grands scénarios (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) : trois scénarios tendanciels (« métropolisation », « régionalisation », « ménages ») et deux scénarios de rupture (« qualité des aliments et santé », « communautés rurales dans un monde fragmenté »). La narration de ces scénarios est enrichie de simulations chiffrées (cf. figure) issues de l'outil « GlobaAgri-AgT », un modèle d'équilibre utilisation-ressources de la biomasse mondiale développé par la plateforme GlobAgri Cirad-Inra, regroupant les commodités agricoles en 33 catégories, à partir des données de Faostat.

Changements d'usage des sols au niveau mondial entre 2010 et 2050 selon différents scénarios (millions d'hectares et % d'évolution)

Agrimonde-Terra3.jpg

Source : Éditions Quæ

Au-delà des scénarios eux-mêmes, l'ouvrage est riche d'une revue de littérature des prospectives par scénarios menées sur ce thème (chapitre 4), d'une synthèse rétrospective des grandes tendances (chapitre 5), et d'un focus régional sur l'Afrique subsaharienne (chapitre 15). Au total, si tous les scénarios conduisent à une augmentation de l'usage agricole des terres, seul le scénario « santé » se révèle capable d'assurer la sécurité alimentaire mondiale à l'horizon 2050. Analysant en détail le rôle des technologies, du commerce et d'autres facteurs, les auteurs concluent en dégageant un ensemble d'options de politiques publiques, certaines valables dans tous les scénarios, d'autres spécifiques à chacun d'entre eux.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Éditions Quæ

04/10/2018

L'université Harvard et ses investissements fonciers

En septembre 2018, GRAIN consacre un rapport à l'université Harvard en tant qu'acteur majeur des investissements fonciers à l'échelle mondiale. Selon les auteurs, un réseau complexe et opaque de sociétés lui ont permis, jusqu’en 2017, d’acquérir 850 000 ha pour un montant de 930 millions de dollars. Ils s'appuient sur des données issues des déclarations d'impôt de l'université et de ses filiales, sur les investissements en ressources naturelles (données Preqin), des rapports universitaires ainsi que des témoignages des populations concernées. Les terres ont été achetées au Brésil, en Afrique du Sud, en Ukraine, en Nouvelle-Zélande, en Australie et aux États-Unis. Le rapport indique que ces transactions ont pu être sources de conflits avec les populations locales, et avoir des conséquences néfastes sur l'environnement et la ressource en eau. C'est notamment le cas dans la région du Cerrado au Brésil où des partenariats avec des sociétés locales ont permis de prendre le contrôle de grandes surfaces par la suite déforestées pour la culture du soja ou de la canne à sucre. Dans le cas présent, l'échec productif de ces investissements témoigne du caractère spéculatif des projets.

Terres agricoles du Fonds de dotation de l'université Harvard

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Source : GRAIN

Source : GRAIN

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18/09/2018

Publication de l'Atlas mondial de la désertification, ouvrage de référence sur la dégradation des sols et l'empreinte écologique des systèmes alimentaires

Le Centre commun de recherche (Joint Research Centre), service scientifique interne de la Commission européenne, vient de publier la troisième édition de l'Atlas mondial de la désertification, 20 ans après la deuxième. Proposant des cartes originales basées sur une vaste revue de la littérature académique et des données satellitaires, l'ouvrage offre un large panorama de l'empreinte humaine sur la planète et ses sols. Il accorde une place centrale aux productions agricoles et forestières, tout en intégrant les déterminants sociaux, économiques et écologiques de la désertification.

L'atlas détaille, en première partie, les schémas d'occupation humaine de la Terre (villes, surfaces agricoles, migrations, etc.), avec un focus sur les impacts écologiques des échanges internationaux (ex. déplacements d'eaux et de terres virtuelles). Sa deuxième partie est consacrée à l'enjeu de sécurité alimentaire, dans le contexte de l'augmentation de la demande mondiale, et couvre à la fois les productions végétales (surfaces cultivées, consommations de fertilisants, de produits phytosanitaires, rendements, etc.) et animales (distribution et impacts de l'élevage), mais également les enjeux liés à l'agriculture familiale. Une troisième partie illustre les limites de la durabilité de nos systèmes de production en matière, notamment, de gestion quantitative et qualitative de l'eau, de dégradation des sols, de couverts végétaux et de biodiversité. L'ouvrage croise ensuite diverses sources de données et des études de cas pour consolider ses conclusions et en tirer des propositions de pistes d'action.

Utilisation des terres nationales et internationales nécessaires à la consommation des pays

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Lecture : la taille des camemberts représente la surface de terres nécessaire (en millions d'hectares) pour répondre à la consommation nationale. La part rouge des camemberts figure la proportion de terres nationales utilisée, et la part jaune celle des terres d'autres pays. Les couleurs de la carte indiquent si les pays sont importateurs (rouge) ou exportateurs (bleu) nets de terres.

Source : Centre de recherche commun de la Commission européenne

L'une des évolutions majeures des systèmes alimentaires mises en évidence par l'atlas est ce qu'il dénomme le « télécouplage » (telecoupling), soit le fait que nous consommons des biens alimentaires produits de plus en plus loin de nous (figure ci-dessus). La délocalisation des impacts écologiques et des changements d'usage des terres liés à cette consommation est croissante. Les auteurs soulignent que l'une des conséquences de ce déplacement de la production est que les consommateurs ont de moins en moins conscience de son coût environnemental réel, ce qui accroît l'« apathie collective » en matière de développement durable.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Joint Research Centre