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15/04/2019

Protection des poissons pélagiques au niveau international : comment cibler les espaces et les espèces prioritaires ?

La pêche commerciale entraîne la surexploitation de près de 75 % des requins pélagiques et 30 % des espèces de thons. Afin d'appuyer la mise en place de mesures de protection, des chercheurs ont identifié, dans un article de mars 2019 publié dans Science Advances, des zones de pression exercées sur sept de ces espèces. L'étude se limite au nord-est de l'océan Pacifique et a pour objectif d'établir si les zones de forte activité de pêche se superposent à des habitats cruciaux pour ces poissons (leur activité y étant intense), les rendant ainsi d'autant plus vulnérables à cette menace.

Pour ce faire, des données satellitaires ont été utilisées afin de déterminer les zones de pêche hautement exploitées. Les habitats cruciaux ont été, quant à eux, reconstitués à partir de données de traçage par balise des espèces choisies. Les chercheurs ont ensuite quantifié le nombre de recoupements, entre zones de pêche et d'habitat, localisés dans les zones économiques exclusives des États ou en haute mer (juridiction internationale).

Dans le nord-est du Pacifique, 35 % des habitats identifiés comme cruciaux pour les espèces étudiées correspondent également à une forte activité de pêche. Chaque espace de recoupement est en moyenne exploité par la flotte de six pays, et cinq pays (Mexique, Taïwan, Chine, Japon et États-Unis) ont des flottes responsables de plus de 90 % du recoupement. Plus particulièrement, concernant le requin saumon, 94 % de ces espaces sont localisés dans les zones économiques exclusives du Canada et des États-Unis. Ces deux pays pourraient donc, à eux seuls, œuvrer significativement à la préservation de l'espèce, sans avoir besoin du concours de pays tiers. Au contraire, pour le requin bleu, 87 % des espaces de recoupement se situent dans les eaux internationales. La mise en place d'accords internationaux est alors essentielle.

Dans le cadre de l'ouverture de débats aux Nations unies sur la mise en place d'un traité de protection de la haute mer, cette étude propose une méthode intéressante pour cibler des zones et des espèces à protéger en priorité au niveau international.

Juridiction (zone économique exclusive - EEZ - ou haute mer) des espaces de recoupement entre habitats des espèces étudiées et zones de pêche fortement exploitées, nord-est du Pacifique

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Source : Science Advances

Aurore Payen, Centre d'études et prospective

Source : Science Advances

11/04/2019

La valeur ajoutée du commerce international : produits bruts ou transformés ?

Un rapport publié en février dernier par l'OCDE analyse les gains que tirent les pays de leur participation au commerce international, en comparant les bénéfices des échanges de produits bruts et transformés, agricoles et agroalimentaires. Les auteurs utilisent les mêmes données que pour des travaux antérieurs sur les chaînes de valeur mondiales (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Ils apportent des éclairages intéressants car « la montée en grade le long des chaînes de valeur », afin de maximiser la création de valeur ajoutée, constitue un objectif majeur des politiques agricoles de nombreux pays.

Dans un premier temps sont comparées, à l'échelle mondiale, les valeurs ajoutées créées par les exportations de produits bruts et par celles de produits transformés. Les auteurs classent les pays en deux groupes, selon qu'ils sont majoritairement exportateurs de l'un des deux types de produits. Pour chaque groupe, ils estiment la valeur ajoutée moyenne générée par les exportations relativement à la valeur ajoutée totale (produits agricoles et agroalimentaires). Pour contrôler les autres spécificités pouvant influencer le résultat, la moyenne est pondérée par la taille relative du secteur agricole et agroalimentaire national, et par son importance relative dans le commerce mondial. Les résultats montrent, en moyenne pondérée, que la valeur ajoutée générée par les exportations de produits bruts est proche de celle créée par les exportations de produits transformés. Pour les auteurs, la spécialisation des pays vers l'exportation de produits bruts ou de produits transformés n'est donc pas le meilleur levier pour accroître la valeur ajoutée générée par ces exportations, et donc pour augmenter les bénéfices tirés du commerce international.

Dans un deuxième temps, une analyse économétrique explore d'autres facteurs qui permettent aux pays d'augmenter plus efficacement la valeur ajoutée générée par les exportations. Il en ressort notamment que le volume total de cette valeur ajoutée exportée est accru par la participation des pays aux chaînes de valeur mondiales, notamment à travers l'utilisation d'intrants agricoles et non agricoles importés. De même, l'utilisation de services (aux entreprises, transport, financiers, commerciaux), comme intrants dans la production des exportations, rend également ces dernières plus performantes.

Valeur ajoutée générée par les exportations de produits bruts et transformés en 2014

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Source : OCDE

Lecture : « Primary pathway » et « Processing pathway » désignent respectivement les groupes de pays majoritairement exportateurs de produits bruts et de produits transformés. En ordonnée (« multiplier ») : ratio valeur ajoutée générée par les exportations / valeur ajoutée totale dans les secteurs agricole et agroalimentaire. En abscisse, « simple » correspond à la moyenne simple, « TVA weighted » à la moyenne pondéré par la valeur ajoutée totale du secteur agricole, « Export (gross) weighted » à la moyenne pondérée par les exportations de produits agricoles et agroalimentaires.

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : OCDE

10/04/2019

La nutrition dans un monde globalisé. Bilan et perspectives à l'heure des ODD, Yves Martin-Prével, Bernard Maire (coor.)

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Jamais les questions de nutrition n'ont bénéficié d'autant d'attention et d'interventions à l'échelle internationale. Ce livre décrit les étapes et les conditions de cette lente affirmation, et les principaux défis du moment. Rédigé par quelques uns des meilleurs spécialistes français et canadiens du sujet (médecins, agronomes, économistes, gestionnaires de programmes d'aide), il offre un excellent panorama des dispositifs institutionnels et des actions de terrain, des avancées scientifiques, mais aussi des représentations politiques et morales véhiculées par les acteurs.

Plusieurs chapitres font une lecture historique des débats, depuis « la faim dans le monde », relevant de l'urgence humanitaire traditionnelle, jusqu'à l'approche intégrée contemporaine de la « sécurité alimentaire et nutritionnelle », mobilisant un nombre élevé « d'initiatives » et de « mouvements », de centres de décision et de contrôle, aux frontières parfois floues et aux résultats difficiles à évaluer. De décennies en décennies, la question a néanmoins toujours été traitée sous un angle agricole et malthusien, en termes de « disponibilités » puis « d'accès », les vraies nouveautés récentes consistant en l'affirmation du secteur privé et du thème de la « souveraineté alimentaire ».

Une autre série de textes expose les principales pathologies actuelles : malnutrition aiguë de l'enfant, malnutrition plus chronique des adolescents et adultes, carences en protéines et micronutriments (vitamine A, fer, zinc, thiamine, riboflavine), surpoids et obésité, diabète, etc. Les conséquences n'en sont que trop bien connues : retard de croissance physique et de développement psychique, déficience immunitaire, maladies chroniques dites « de civilisation » ou « de surcharge », et, plus largement, moindre niveau d'éducation et perte de capital humain, productivité économique réduite, pauvreté endémique et coûts budgétaires.

Enfin, d'autres articles se concentrent sur l'évolution des priorités politiques, sur les stratégies d'intervention, les jeux d'acteurs et la gouvernance mondiale. Ils insistent tous sur quelques grands principes à faire prévaloir : approche multifactorielle, recherche d'équité, travail partenarial, actions décentralisées, durabilité et redevabilité, mais aussi « promotion de la santé » permettant aux individus et aux populations d'accroître le contrôle de leur propre santé. À l'avenir il faudra surtout, selon les auteurs, lutter contre la fragmentation et le chevauchement des initiatives, favoriser les dispositifs intégrateurs, améliorer le management et mieux faire se parler agronomes, humanitaires et spécialistes du développement. Il faudra aussi établir des plaidoyers basés sur des connaissances étayées et partagées, pouvant garantir l'attention politique et des financements de long terme.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Liens : éditions Karthala, éditions IRD

18/03/2019

Commerce international : emplois exposés et abrités en France entre 1999 et 2015

Un article, publié en janvier dernier par l'Insee dans un dossier spécial consacré aux « Nouveaux impacts de la globalisation », étudie l'évolution de l'emploi dans les secteurs exposés et abrités par rapport à la concurrence internationale, en France sur la période 1999-2015. Un secteur est considéré comme « exposé » lorsqu'il produit des biens et des services faisant l'objet de commerce international. Les données proviennent du recensement de la population de 2012 et des comptes nationaux sur l’emploi total par branches d’activité. Cette étude revêt un intérêt particulier car elle propose une estimation innovante du degré d'exposition du secteur agricole à la concurrence internationale, relativement aux autres secteurs de l'économie. Elle met également en évidence les interactions entre l'emploi des secteurs abrités et celui des secteurs exposés.

Pour chaque secteur de l'économie, les auteurs calculent d’abord un indice de concentration géographique des industries sur le territoire français. Celles qui produisent des biens et des services faisant l'objet d'échanges internationaux tendent à se concentrer géographiquement, afin de profiter d’économies d’échelle et d’agglomération, ou de l’accès aux infrastructures de transport et aux ressources naturelles. Inversement, les activités abritées sont plus dispersées car elles suivent la répartition géographique de la population et des revenus. À partir de cette classification, l'étude montre que la part des emplois exposés dans l'emploi total est minoritaire (24%) et diminue sur la période (voir figure) : l'emploi baisse globalement de près de 6 % dans les secteurs exposés et augmente de plus de 15 % dans les secteurs abrités sur la période étudiée. La diminution la plus importante d'emplois exposés (en pourcentage) a eu lieu dans le secteur agricole.

À partir d'une analyse économétrique, les auteurs estiment ensuite que pour 100 emplois exposés créés dans une zone d'emploi, 80 emplois abrités supplémentaires ont été créés dans la même zone. La création d'emplois dans les secteurs exposés augmente le revenu local, ce qui déclenche une demande supplémentaire de biens et de services exposés et abrités.

Évolution de l’emploi en France dans les secteurs exposés et abrités (en milliers), 1999-2015

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Source : Insee

Lecture : le « secteur non marchand » doit être lu comme les « services non marchands » tandis que le « secteur marchand » regroupe l'ensemble des autres activités de production de biens et services abritées, notamment les secteurs de la construction et de l'équipement.

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : Insee

13:31 Publié dans Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : commerce international, emplois, insee |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/03/2019

Utiliser l'analyse des réseaux sociaux pour comprendre les relations entre différentes catégories d'agriculteurs : le cas de deux communes en Amazonie brésilienne

Un article du numéro d'octobre-décembre 2018 d’Économie rurale, en accès libre sur Cairn depuis février 2019, s'intéresse à la coexistence, au niveau d'un même territoire et d'une même filière, de modèles agricoles différents. L'étude comparative concerne deux villages (Mandacaru et Nova Jerusalem) de la commune de Paragominas, dans l’État du Pará en Amazonie brésilienne, faisant partie du programme fédéral « commune verte », lancé en 2013, qui soutient des pratiques éco-efficientes dans des zones anciennement déforestées, notamment la production laitière comme alternative à l'élevage extensif. Ces communes ont été sélectionnées en raison de leurs situations contrastées en termes d'éloignement du centre urbain et d'état des infrastructures routières.

La méthode repose sur la collecte de données de terrain et leur traitement par une analyse de réseaux. Les auteurs ont conduit 52 entretiens avec des agriculteurs, portant sur les trajectoires, les systèmes de production et les interactions entre acteurs (communications, échanges marchands – location de pâturages par exemple – et non marchands – troc ou dons par exemple). Ces données ont été traitées statistiquement afin de mesurer les nœuds et la densité, la réciprocité et la transitivité des liens. La méthode QAP (Quadratic Assignment Procedure) a été utilisée pour l'analyse des corrélations entre les différents types d'interactions.

Les auteurs ont identifié trois types de producteurs : « pluriactifs », « spécialisés » et « agro-entrepreneurs ». L'analyse des interactions entre ces types révèle des relations de domination, de réciprocité, d'alliance, etc. Dans les deux cas étudiés, le réseau « communication » est le plus dense et les échanges non marchands plus importants que les échanges marchands. Par ailleurs, l'analyse met au jour les mécanismes de diffusion des connaissances, importants en matière de transition écologique, ainsi que la position centrale occupée par certains des producteurs considérés comme « intermédiaires ». Ceux-ci, selon les auteurs, pourraient jouer un rôle de médiation, de vulgarisation et d'accompagnement des autres agriculteurs, dans le cadre du programme « commune verte » et, plus généralement, du développement territorial. Enfin, l'avenir de la production laitière paraît incertain, du fait des asymétries entre catégories d'agriculteurs, et renforcer la position socio-économique des pluriactifs pourrait être une réponse.

Réseaux socio-économiques dans le village de Mandacaru

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Source : Économie rurale

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Économie rurale

13:22 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : brésil, amazonie, réseaux sociaux |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/03/2019

Efficacité d'un projet REDD+ pour la réduction de la déforestation en Amazonie brésilienne

Dans un article publié dans le numéro de janvier 2019 dans l'American Journal of Agricultural Economics, un groupe de chercheurs français et indonésiens présente une évaluation d'impacts des projets pilotes de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) en Amazonie brésilienne. Ils ont utilisé une méthode des différences de différences sur des données originales recueillies auprès de 181 agriculteurs.

Les résultats suggèrent que les projets REDD+ locaux, qui utilisent une combinaison d'interventions, y compris des mesures incitatives et/ou dissuasives, constituent une stratégie efficace pour réduire les taux de déforestation chez les petits propriétaires fonciers amazoniens, en particulier les éleveurs. En moyenne, près 4 ha de forêt ont été sauvés sur chaque ferme participante en 2014, soit une baisse du taux de déforestation d'environ 50 %. La présence à long terme, sur le terrain, du promoteur du projet et la progressivité des mesures d'encadrement et de contrôle, dans les zones les plus reculées, ont vraisemblablement contribué à obtenir ces résultats prometteurs.

Source : American Journal of Agricultural Economics

13:08 Publié dans 2. Evaluation, Climat, Forêts Bois, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : amazonie, redd+, déforestation |  Imprimer | | | | |  Facebook

05/03/2019

Implantation de la mafia dans le système agroalimentaire italien

La Fondazione Osservatorio sulla criminalità nell'agricoltura e sul sistema agroalimentare, le syndicat agricole Coldiretti et Eurispes ont publié récemment le 6e rapport sur la criminalité dans l'agroalimentaire en Italie. Ils constatent la capacité des organisations criminelles à investir tous les maillons de la chaîne alimentaire : production agricole, transformation, transport, distribution (grande distribution et marchés de gros urbains en particulier). D'après les auteurs, ces activités représenteraient, en 2018, 24,5 milliards d'euros (environ 10 % du total des ventes de ces organisations criminelles en Italie). Les enquêtes et données de la Direzione distrettuale antimafia et de la Guardia di Finanza permettent de localiser certaines de ces activités ainsi que les filières concernées, qui incluent l'horticulture, les agrumes, l'huile d'olive et la viticulture. Selon les auteurs, l'ensemble du territoire national est concerné. D'autres activités complètent l'éventail de ces investissements illégaux : trafic de main-d’œuvre, notamment immigrée, vol d'équipements agricoles, de récoltes et de troupeaux, contrefaçons du Made in Italy et du bio.

Source : Osservatorio sulla criminalità nell'agricoltura e sul sistema agroalimentare

13:07 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : italie, agroalimentaire, mafia |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/02/2019

Le Forum économique mondial publie son Rapport 2019 sur les risques globaux

Publié chaque année depuis 2006 en amont du Forum économique mondial (FEM) tenu à Davos, le Global Risks Report s'intéresse aux évolutions des risques globaux de toutes natures – économiques, environnementaux, géopolitiques, sociétaux, technologiques. Le rapport est basé sur une analyse de la littérature et sur l'enquête Global Risks Perception Survey (GRPS) qui comporte quatre volets sur les risques : évolution prévisible en 2019 (i), paysage global à 10 ans (ii), interconnexions entre eux (iii) et avec des variables motrices (iv). Environ 1 000 répondants y ont participé, issus des secteurs public et privé, du monde universitaire et de la société civile.

L'édition 2019 se focalise sur le contexte géopolitique, marqué par le retour des États comme acteurs centraux, la remise en cause du multilatéralisme et les tensions entre puissances. Plus fondamental, les auteurs évoquent le passage d'un monde multipolaire à un monde « multiconceptuel », où des valeurs divergentes prennent le pas sur les objectifs communs, rendant plus difficile l'émergence de compromis. Au sein des pays, le rapport souligne les risques majeurs d'« instabilité sociale profonde » liée à la croissance des inégalités et à la polarisation politique.

Pour la troisième année consécutive, les catastrophes naturelles et les événements climatiques extrêmes sont dans le top 5 des risques globaux. Bien que n'y figurant pas, le risque de « crise alimentaire » est très interconnecté avec les autres risques globaux (cf. première figure). Les menaces pour la sécurité alimentaire sont en hausse, avec une remontée de la sous-nutrition au niveau mondial (cf. seconde figure). Les conflits y contribuent significativement, en causant inflation des prix des denrées et déplacements de population, s'ajoutant aux risques préexistants (démographie, climat, etc.).

Carte des interconnexions des risques globaux 2019

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Source : World Economic Forum

Parmi les risques émergents, figurent les « guerres météorologiques », c'est-à-dire la manipulation technologique des cycles naturels à des fins géopolitiques ou militaires (ex. ensemencement des nuages), et les disruptions alimentaires par les guerres commerciales et les conflits le long des voies logistiques. Selon le FEM, tout cela ne laisse « pas de place pour la nostalgie » mais impose de comprendre les changements en cours pour les maîtriser. À noter également plusieurs publications récentes du Forum sur la traçabilité dans les chaînes de valeur alimentaires, les protéines alternatives et le futur de l'élevage dans les pays en développement à l'horizon 2030.

Augmentation récente de la prévalence de la sous-nutrition au niveau mondial

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Source : World Economic Forum

Julien Hardelin, Centre d’études et de prospective

Source : Forum économique mondial

14/02/2019

Mesure et impact de la participation des pays aux chaînes de valeur mondiales agricoles et agroalimentaires

Publiée début 2019 par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), une étude analyse l'évolution, sur la période 2004-2014, de la participation de soixante-dix pays et régions aux chaînes de valeur mondiales (CVM) agricoles et agroalimentaires, et son impact sur leurs économies. Les indicateurs de participation aux CVM proviennent d'un tableau international des entrées-sorties élaboré à partir de la base de données Global Trade Analysis Project (GTAP). Cette publication revêt un intérêt particulier car, jusqu'à présent, la participation des pays aux CVM agricoles et agroalimentaires n'avait pas été étudiée sur plusieurs années.

Dans un premier temps, les auteurs analysent l'évolution de cette participation, pour chaque pays, vers l'amont (part des exportations nationales produites à partir d'intrants étrangers) et vers l'aval (part des exportations nationales utilisées, en tant qu'intrants, dans les exportations d'autres pays). Depuis le début des années 2000, le niveau de participation amont et aval aux CVM agricoles et agroalimentaires a augmenté, pour l'ensemble des principaux pays européens exportateurs de ces produits (voir graphique). La France fait partie de ceux ayant accru simultanément leurs participations amont et aval. Par ailleurs, au niveau sectoriel, sur la période étudiée, l'intégration dans les CVM du blé et autres céréales, des oléagineux et de la viande bovine a particulièrement augmenté, de plus de 50 %.

Dans un deuxième temps, l'étude s'intéresse à l'impact de la participation des pays aux CVM sur leur secteur agricole. À partir d'une analyse économétrique, les auteurs montrent que l'importation d'intrants pour la production d'exportations (participation amont) augmente la création de valeur ajoutée au sein des filières agricoles. Les importations donnent accès à des intrants plus compétitifs, conduisant à une transformation du processus de production (par exemple accès à de nouvelles technologies, modification du rapport capital/travail, etc.) et une croissance du secteur agricole. De plus, parmi les différentes composantes de la valeur ajoutée (terre, travail, capital), l'analyse révèle que la participation amont des pays aux CVM bénéficie davantage au travail non qualifié qu'au travail qualifié. Ce résultat s'explique vraisemblablement par le contenu en travail non qualifié particulièrement important dans les secteurs agricole et agroalimentaire.

Évolution de la participation amont (Backward) et aval (Forward) aux chaînes de valeur mondiales agricoles et agroalimentaires des principaux pays exportateurs (2004-2014)

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Source : OCDE

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : OCDE

13:40 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : ocde, cvm |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/02/2019

Note de l'APCA sur le Brexit : le scénario du pire et ses conséquences sur le secteur agricole

Dans une note récente, Q. Mathieu et T. Pouch (APCA) analysent les conséquences possibles d'un « Brexit dur » pour le secteur agricole, à la suite du rejet par le Parlement britannique de l'accord sur une sortie négociée du Royaume-Uni (RU) de l'Union européenne (UE). Si cette hypothèse se confirme, dès le 30 mars 2019, le pays rétablirait des droits de douane (entre 10 et 50 % selon les produits) et des barrières non-tarifaires, à l'instar d'un membre de l'OMC sans accord préférentiel avec l'UE. Au-delà du risque de crise alimentaire pour le RU (dépendant à plus de 40 % des importations agroalimentaires européennes), les auteurs posent la question des stratégies de redéploiement possibles pour les pays européens exportateurs, dont la France, troisième fournisseur en produits agroalimentaires (3 milliards d'euros par an de vins et boissons, produits laitiers, viande de porc, pommes de terres et pommes), derrière la Belgique et l’Allemagne. Les auteurs s'interrogent également sur les mécanismes d'accompagnement à envisager pour les agriculteurs en cas de « Brexit dur ».

Source : APCA

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11/02/2019

Un panorama de la filière laitière chinoise : des difficultés pour rebondir suite à la crise de 2008

Dans une étude publiée fin 2018, l'Institut de l'élevage fait le bilan des évolutions de la filière laitière chinoise, dix ans après le scandale du lait frelaté à la mélamine. En croissance exponentielle jusqu'en 2008, la production stagne depuis à un niveau qui ne permet pas de satisfaire une demande croissante et qui tend à se diversifier. La production se concentre au sein de grands élevages, parfois intégrés verticalement et favorisés par le gouvernement, qui les juge plus fiables sur le plan sanitaire, alors que les petits élevages familiaux sont en déclin. Les systèmes de production reposent sur des fourrages importés, d'où des coûts de production élevés. Ceci pénalise les transformateurs, qui pâtissent en outre de la concurrence des importations européennes et océaniennes, et certains d'entre eux cherchent aujourd'hui à acquérir des unités de production à l'étranger. En conclusion, les auteurs estiment que la Chine continuera à dépendre des importations pour son approvisionnement en produits laitiers.

Évolution de la production de lait en Chine

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Source : Idele

Source : Institut de l'élevage

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08/02/2019

Marchés du travail favorables à l'évolution de l'agronégoce d'exportation de raisin : analyse comparative du Brésil et du Chili

Dans son dernier numéro, la Revista Latinoamericana de Estudios Rurales consacre un article aux dynamiques des migrations et des marchés du travail liées à l'agronégoce d'exportation de raisin, au Brésil et au Chili. L'étude s'appuie sur des entretiens effectués entre 2014 et 2018, ainsi que sur l'analyse de données de statistique publique. Selon les auteurs, les deux pays tendent vers un marché du travail plus flexible qui assure à l'agronégoce une large main-d’œuvre disponible, en particulier grâce à différents types de migrations : permanentes, saisonnières, locales, nationales, étrangères. Cette dynamique s'accompagne d'une différenciation de genre quant à la précarité des emplois, au détriment des femmes. Pour les auteurs, ces tendances s'inscrivent dans des processus historiques de développement de l'agronégoce similaires dans les deux pays.

Source : Revista Latinoamericana de Estudios Rurales

12:54 Publié dans Développement, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : brésil, chili, raisin, agronégoce, migrations, travail |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/01/2019

Coopération Sud-Sud : la vision du Maroc sur le développement autonome de l'Afrique

L'Institut royal d’études stratégiques du Maroc (IRES) consacre son Rapport stratégique 2018 au sujet du développement autonome de l'Afrique. Riche de nombreuses cartes thématiques et données chiffrées, le document comprend un diagnostic historique, socio-économique, politique et environnemental (partie 1), une analyse prospective des enjeux à l'horizon 2050 (partie 2), et une réflexion sur les leviers mobilisables pour parvenir à un développement autonome dans lequel le Maroc serait appelé à jouer un rôle structurant (partie 3).

Le diagnostic souligne la grande diversité de l'Afrique : biomes (savane, déserts sur 20 % de la superficie, forêts humides représentant 16 % de la surface forestière mondiale), peuples et cultures (plus de 2 100 langues et de 1 000 ethnies), etc. L'agriculture, principale activité du continent, emploie 60 % des actifs dont une moitié de femmes, la production vivrière concernant 300 millions de personnes. Plusieurs problèmes majeurs sont identifiés : environ 225 millions d'individus (19 % de la population) sous-alimentés, dont 205 millions de subsahariens ; 65 % des sols dégradés ; 3 millions d’hectares de forêts disparaissant chaque année. Par ailleurs, en Afrique subsaharienne, plus de 90 % des surfaces rurales sont « sans papiers » et les investissements fonciers internationaux sont importants, du fait notamment des pays émergents en vue de la production de biocarburants.

La réflexion prospective se concentre sur « trois grands nœuds du futur » : la poussée urbaine (1,3 milliard d'urbains en 2050) ; la transformation rurale ; la sécurité et la gouvernance. La faible organisation de la chaîne alimentaire et le déficit d'infrastructures entravent la distribution des produits alimentaires, alors que l'agriculture assure la subsistance de 70 % de la population. Selon l'Ires, la sécurité alimentaire sera tributaire de l'augmentation des rendements et de la gestion des stocks. L'agriculture climato-intelligente apparaît ici comme une voie à explorer.

L'Ires souligne enfin le rôle du Maroc comme acteur clé du développement du continent, grâce à ses atouts économiques : premier investisseur intra-africain, siège du fonds d'investissement « Africa 50 » de la Banque africaine de développement, détention de 75 % des réserves mondiales de phosphate, expertise dans le secteur halieutique en tant que premier producteur de poissons (voir à ce sujet une précédente brève sur ce blog), etc.

Évolution, entre 2007 et 2016, des flux d'investissements directs marocains en Afrique (en millions de dirhams), selon les pays et tous secteurs confondus

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Source : IRES

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : IRES

15/01/2019

Durabilité de la pêche thonière

Afin d'analyser le fonctionnement du marché mondial du thon, l'Iddri a mené pendant deux ans une revue de la littérature et des entretiens avec des acteurs et des experts. Les résultats, publiés en novembre, montrent que ce produit, lorsqu'il est commercialisé en conserve, est la forme la plus économique de protéines animales. Si ce marché de la conserve est en pleine expansion, tiré par de nouveaux pays consommateurs du Moyen-Orient et d'Amérique latine), l'Union européenne (UE) et les États-Unis en demeurent les principaux (72 % des volumes). Les pêches nationales étant insuffisantes pour satisfaire la demande, l'importation joue un rôle majeur. Cependant, les consommateurs européens et américains sont de plus en plus sensibles à la durabilité de cette pêche. Or, l'état des stocks de thons est très variable selon la zone et l'espèce considérées : seuls 8 % des prises se font à la canne, méthode réputée la plus vertueuse, et des cas d'esclavage et de travaux forcés ont été rapportés sur certains navires et dans certaines conserveries. Enfin, la demande croissante encourage l'investissement pour augmenter les capacités de capture des navires.

La pêche thonière étant un pilier important de l'économie et de la sécurité alimentaire des pays en développement producteurs, le rapport discute les principaux facteurs pouvant influencer le marché mondial. Le premier est la stratégie des enseignes de grande distribution qui, sous la pression des consommateurs, cherchent à développer leurs gammes de produits certifiés, incitant les fournisseurs à s'y engager. Cependant, l'impact réel des labels semble limité : par exemple, parmi les stocks surexploités en 2011 et ayant obtenu une certification, la moitié d'entre eux n'ont pas vu augmenter leur biomasse. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que les labels garantissent un niveau minimum de bonnes pratiques, sans pour autant encourager leur développement. Au niveau de l'UE, un dispositif de lutte contre la pêche illégale de thons a été adopté, visant notamment à interdire l'exportation vers le marché européen des produits en provenance de pays qui ne rempliraient pas les critères demandés. Le Sri Lanka a ainsi été touché par cette mesure, mettant alors rapidement en place les démarches nécessaires pour recouvrer son statut d'exportateur. Pour les auteurs, ce dispositif s'est donc révélé efficace.

Un rapport de synthèse, ainsi que des focus sur l'océan Indien et sur la thématique du changement climatique, sont également disponibles sur le site Internet de l'Iddri.

Les limites des démarches de durabilité

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Source : Iddri

Aurore Payen, Centre d'études et prospective

Source : Iddri

09:01 Publié dans Environnement, Mondialisation et international, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : thon, pêche, durabilité, iddri |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/01/2019

Economic Perspectives on Craft Beer, Christian Garavaglia, Johan Swinnen (dir.)

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Cet ouvrage dresse un panorama des évolutions qui ont transformé en profondeur les marchés globaux de la bière ces vingt dernières années. Tout au long du XXe siècle, le secteur brassicole a en effet connu une intense concentration autour d'un oligopole de grandes firmes multinationales. La boisson elle-même a été très standardisée avec la pasteurisation, la microfiltration et l'utilisation d'une gamme moins variée de malts et de houblons. Une contre-tendance est cependant apparue récemment, avec l'entrée sur le marché de nombreuses micro-brasseries et de nouvelles marques de bières dites « artisanales » (craft beers), aux profils organoleptiques plus typés. Aux États-Unis, leur part de marché aurait dépassé les 10 % en 2014.

Nombre de brasseries dans 6 pays (1930-2015)

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Source : Garavaglia C, Swinnen J, (dir.), Economic Perspectives on Craft Beer

Dans le chapitre introductif, C. Garavaglia (université de Milan-Biocca) et J. Swinnen (université catholique de Louvain et Centre for European Policy Studies) reviennent sur les critères de définition des craft beers (taille de la brasserie, caractère innovant ou traditionnel, indépendance vis-à-vis des multinationales) et rappellent que les situations et trajectoires nationales sont très contrastées. Les auteurs retracent l'émergence du mouvement des bières artisanales et identifient les facteurs qui l'ont favorisé : demande d'une certaine variété par les consommateurs (en réaction à la standardisation), augmentation de leurs revenus, action des associations de buveurs de bière (diffusion de l'information), etc. Ils étudient aussi les relations entre ces nouveaux entrants et les acteurs dominants du marché : tolérance voire renfort mutuel dans un premier temps (avec des contrats à façon), vague de rachats dans un deuxième, et relations tendues autour des contrats de distribution plus récemment.

Comme en témoignent les 16 études de cas réunies dans ce livre, les beeronomics forment aujourd'hui une communauté scientifique structurée, dotée d'une association internationale. Les enseignements à tirer du cas des bières artisanales ont en effet une plus large portée : celle d'une « expérience naturelle en matière de changement industriel ».

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Palgrave Macmillan