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12/07/2022

Motivations, freins et leviers à la diversification des cultures

En juin 2022, la revue Agricultural Systems publie une analyse de trajectoires de diversification culturale et des facteurs qui les déterminent. Cette diversification est fondamentale dans la construction d'agro-écosystèmes durables. Elle contribue à un meilleur contrôle des adventices, à la réduction de la pression parasitaire, à la biodiversité, à une amélioration de la composition des sols, ainsi qu'à la résilience économique des exploitations agricoles. Malgré tout, enjeux dominants et verrouillages socio-économiques convergent vers une simplification générale des assolements et des spécialisations régionales. Il est donc particulièrement intéressant de se pencher sur les exploitants qui ont choisi de diversifier leur assolement, à rebours de la tendance générale.

Les chercheurs ont étudié 33 exploitations ayant diversifié leurs cultures de rente, dans trois régions européennes contrastées : la Vendée, la Scanie (Suède) et les Marches (Italie). Des entretiens approfondis, enrichis par des indicateurs quantitatifs de la diversité des cultures, ont permis de reconstituer leurs trajectoires à long terme, d'identifier leurs motivations, les difficultés rencontrées et les ressources mobilisées. À partir de ces informations, une classification statistique a été construite, identifiant trois types de parcours de diversification, en lien avec les principales cultures de rente de chaque région (figure ci-dessous).

Variété et déterminants des parcours de diversification des cultures

diversification, Source : Agricultural Systems

Le premier cheminement type correspond à une diversification lente, ou basse : une culture est introduite en moyenne tous les cinq ans, pour un total d'une ou deux. Ces démarches ont été motivées par une comparaison des performances économiques ou agronomiques de chaque culture avec celles des cultures majoritaires dans la région, les introductions devant être adaptées aux systèmes d'exploitation. Le deuxième type repose sur un accroissement des surfaces consacrées aux cultures de diversification, avec près de cinq cultures introduites au final, celles-ci devenant majoritaires dans l'assolement. Il repose sur une approche plus systémique, basée sur la rotation des cultures. Enfin, le troisième parcours type vise explicitement la diversité des cultures. Il implique une forte augmentation du nombre de cultures, sur un temps resserré, avec plus de deux nouvelles productions testées par an. Parmi les leviers encourageant ces démarches, l'implication des acteurs de l'aval dans la valorisation des produits et l'accompagnement au changement est essentielle.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems

Jean Boiffin, Thierry Doré, François Kockmann, François Papy, Philippe Prévost (coord.), La fabrique de l'agronomie. De 1945 à nos jours, Éditions Quæ, 2022, 498 pages

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Cet ouvrage éclaire les développements de l'agronomie en France depuis le milieu du XXe siècle. Entre science et technique, entre production de connaissances sur « les relations entre les plantes cultivées, le milieu et les pratiques agricoles » et solutions d'ingénierie pour mieux « raisonner la conduite des cultures », la discipline d'abord ancrée dans la chimie agricole et la physiologie végétale, se renouvelle au contact des sciences humaines, de l'écologie, etc. Elle répond aussi à de nouvelles demandes en matière de durabilité et de formation. Deux parties décrivent les processus, les étapes et les acteurs de cette évolution.

La première porte sur les dynamiques scientifiques contribuant à la « cohérence interne » de l'agronomie. Est ainsi mise en perspective l'apparition de concepts clés comme le « système de culture », l'« itinéraire technique » ou le « modèle d'action » (figure ci-dessous). De même, les approches, méthodes et outils de l'agronome s'enrichissent.

Chronologie de l’émergence des domaines, objets et concepts de l’agronomie, entre 1945 et 2020

agronomie,discipline

 Source : Éditions Quæ

Les exemples étudiés, comme le « profil cultural », « l'analyse de rendements » ou la « modélisation d'accompagnement », illustrent la tension entre deux stratégies : « s'affranchir de la variabilité ou en tirer parti ». Le développement du numérique permet, de façon inédite, de formaliser des raisonnements et de modéliser les agroécosystèmes, mais il sert aussi de levier à l'automatisation des agroéquipements. Un chapitre vise plus particulièrement les échelles d'analyse (parcelle, exploitation, région, etc.) et le « couplage entre fonction productive et environnementale de l'agriculture ». Un autre aborde la succession de cinq régimes de conception des « objets » de l'agronomie, et la contribution de la discipline aux processus d'innovation et de transition.

La seconde moitié du livre s'intéresse davantage aux institutions qui mobilisent, orientent et financent l'activité des agronomes : recherches fondamentale et appliquée, établissements de formation (notamment de l'enseignement supérieur), système du développement agricole, etc. À partir des cas de l'azote, de la gestion des sols et du foncier, et de la protection des plantes (plan Écophyto), le chapitre consacré aux politiques publiques souligne les risques d'instrumentalisation, et les « relations difficiles » entre commande d'expertise et autonomie disciplinaire.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

09:45 Publié dans Agriculteurs, Agronomie, Enseignement et recherche, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : agronomie, discipline |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/07/2022

Nelly Pons, La permaculture, PUF, 2022, 128 pages

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L'essayiste N. Pons, ancienne directrice de Terre et Humanisme (association créée par Pierre Rabhi), publie un « Que sais-je ? » consacré à la permaculture. Après des éléments de définition (un « système agricole complet basé sur la permanence, inspiré des écosystèmes naturels »), l'ouvrage présente les principes dégagés par B. Mollison et D. Holmgren (voir à ce sujet un précédent billet). L'auteure rappelle que la permaculture se veut une méthode de design applicable à divers domaines, basée sur l'observation des ressources et des contraintes. La deuxième partie de l'ouvrage s'intéresse à la mise en œuvre de ces principes, dans les jardins individuels, dans les fermes maraîchères et en agriculture urbaine, mais aussi dans la conduite d'entreprises et le développement personnel. Enfin, un dernier chapitre esquisse un panorama mondial du mouvement, et présente les réseaux et formations en France. La question de la viabilité de la permaculture et les débats sur sa diffusion (ex. questions de l'astreinte au travail manuel et de la rémunération) sont abordés très rapidement (voir à ce sujet un précédent billet).

Lien : PUF

09:27 Publié dans Agronomie, Enseignement et recherche, Production et marchés | Lien permanent | Tags : permaculture, production, agriculture |  Imprimer | | | | |  Facebook

01/07/2022

Innovations numériques au service de la transition agro-écologique au Bénin

Dans un article des Cahiers Agricultures, des chercheurs traquent les innovations numériques pouvant soutenir la transition agro-écologique au Bénin. Adaptant la méthode d’une précédente étude, ils identifient une vingtaine de solutions atypiques utilisées par les agriculteurs et évaluent leur intérêt agro-écologique. Deux grands types d’innovations se dégagent : des systèmes de collecte de données pour l’aide à la décision et le pilotage ; des plateformes d’échange ou de partage d’informations. Si ces innovations sont porteuses d’amélioration des pratiques, aucune n’est dédiée à l’agro-écologie. Leur déploiement au Bénin est également soumis à plusieurs réserves : coût élevé, mauvaise couverture réseau, faible culture numérique des agriculteurs, multiplicité des langues locales, etc.

Source : Cahiers Agricultures

11:49 Publié dans Agriculteurs, Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : bénin, numérique, agro-écologie |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/06/2022

Quels impacts socio-économiques de l'irrigation en Inde ?

S'il est généralement admis que l'irrigation permet de réduire la pauvreté rurale, la question de ses impacts sur les inégalités est plus discutée. Pour éclaircir ces débats, des chercheurs ont analysé les conséquences socio-économiques du développement de l'irrigation dans la région du Karnataka, au sud de l'Inde. Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue Nature.

Les auteurs ont d'abord reconstitué les dynamiques agraires historiques de la région, au moyen d'une cinquantaine d'entretiens. Cette analyse a montré que l'agriculture s'y caractérisait, dans les années 1950-1960, par une forte différenciation sociale et une hétérogénéité des tailles d'exploitation, allant de quelques hectares à plusieurs dizaines. Les producteurs disposant des plus grandes surfaces ont été les premiers, dès les années 1970, à avoir les moyens de creuser des puits pour l'irrigation. Ils ont ainsi pu cultiver de la canne à sucre, très rémunératrice, et accumuler des capitaux conséquents. Progressivement, une part importante des autres agriculteurs est aussi parvenue à s'équiper, souvent au prix d'un lourd endettement. De plus, la raréfaction de la ressource en eau les a rapidement contraints à délaisser la canne pour des productions moins exigeantes mais moins rémunératrices (légumes, curcuma, etc.).

Le second temps du travail a été consacré à la modélisation des systèmes de production actuels du Karnataka et à l'évaluation de leurs performances économiques. Il montre que l'irrigation accroît les performances des exploitations qui en bénéficient, quelle que soit leur taille. Cependant, le gain est beaucoup plus important pour les agriculteurs disposant de grandes surfaces, qui ont pu s'équiper en matériel de micro-irrigation, et ainsi sécuriser en partie leur production malgré la moindre disponibilité en eau. De leur côté, ceux qui ne produisent encore que des cultures pluviales (sorgho, éleusine, dolique, etc.) ont malgré tout pu bénéficier des retombées économiques de l'irrigation, en travaillant pour le compte des agriculteurs irrigants. L'analyse économique montre toutefois que leur salaire est jusqu'à vingt fois inférieur à la productivité économique de leur travail, relativisant le caractère redistributif de l'emploi créé par l'irrigation. Ces travaux confirment donc l'efficacité économique de l'irrigation mais ils montrent qu'elle peut s'accompagner d'un accroissement des inégalités.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Nature

09:57 Publié dans Agronomie, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, agronomie, inde |  Imprimer | | | | |  Facebook

31/05/2022

Évaluation des effets des VRTH sur la biodiversité

L’Inrae et l’Anses ont publié en mars 2022, dans la revue Weed Research, une évaluation comparant la diversité florale de 239 parcelles de tournesol, ensemencées par des variétés classiques ou rendues tolérantes aux herbicides (VRTH). Une moindre diversité des plantes adventices est observée à l’intérieur des champs avec VRTH : elle est imputable aux différences de pratiques agricoles (plus d’herbicides appliqués, moins de rotations de cultures, etc.). Aucune différence significative n’a cependant été relevée, durant les deux années d’observation, pour la biodiversité aux abords des parcelles.

Source : Inrae

15:26 Publié dans Agronomie, OGM, Protection des végétaux et des animaux | Lien permanent | Tags : vrth, tournesol |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/05/2022

Des jachères environnementales peuvent induire une intensification inattendue

Début 2022, la revue Environmental Modeling & Assessment a publié une évaluation des impacts environnementaux indirects des politiques de mise en jachère de terres arables. Les jachères font partie des politiques agricoles européennes et américaines depuis la fin des années 1980. Visant initialement à limiter une offre devenue abondante et à résorber les stocks publics, la Politique agricole commune (PAC) leur a conféré un caractère obligatoire à partir de 1992. L'introduction du paiement vert, avec la prise en compte des surfaces d'intérêt écologique, en 2013, peut être lue comme une évolution vers une jachère facultative, à visée environnementale, favorable en particulier à la biodiversité.

La mise en jachère d'une partie des terres d'une exploitation pourrait toutefois encourager l'intensification de l'usage des terres restantes, afin de maintenir les revenus. Pour le vérifier, les auteurs de l'article ont estimé la réponse de la demande en intrants (engrais et pesticides) aux variations du montant des aides dévolues aux jachères. Ils ont développé un modèle économétrique original d'allocation des surfaces et des ressources, par exploitation, à partir de la comptabilité de plus de 500 exploitations de grandes cultures de la Meuse, entre 2006 et 2010.

En estimant les élasticités, ils confirment que les surfaces mises en jachères sont sensibles à l'importance des aides qui leur sont dédiées, comme l'est la demande des exploitations en engrais et pesticides, et les quantités utilisées par hectare cultivé. Il semble ainsi, toutes choses égales par ailleurs, que les exploitants soient paradoxalement incités à intensifier leur production sur les surfaces restantes. Pour augmenter les surfaces en jachères non obligatoires de 5 %, il ressort de la simulation qu'il faudrait une augmentation des aides de près de 34 %, pour compenser les pertes en grandes cultures. Elle induirait une intensification et une demande accrue de 2 % en engrais et de 1 % pour les pesticides, à moins d'appliquer simultanément une augmentation des taxes sur ces intrants.

Sans qu'il s'agisse d'une évaluation environnementale complète, les auteurs mettent en évidence les risques d'effets induits, en contradiction avec les objectifs environnementaux affichés. Ils plaident ainsi pour des évaluations ex ante afin de coordonner et mettre en cohérence les différentes politiques publiques.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Modeling & Assessment

12:20 Publié dans 2. Evaluation, Agronomie, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : jachère, intrants, évaluation, biodiversité |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/05/2022

Une orge modifiée capable de fixer l'azote de l'air ?

Répliquer sur d'autres plantes cultivées le fonctionnement symbiotique entre les bactéries et les légumineuses, pour permettre à celles-ci de fixer l'azote de l'air, représente un Graal de l'ingénierie biologique. En modifiant simultanément des souches bactériennes et une lignée d'orge, une équipe de chercheurs d'Oxford aurait réussi à mettre en place une nouvelle symbiose de ce type, présentée dans un article publié dans PNAS Microbiology. L'orge a ainsi été modifiée pour produire de la rhizopine, une molécule impliquée dans les symbioses des légumineuses, tandis que la bactérie Azorhizobium caulinodans a vu sa sensibilité à cette molécule accrue. Les deux ont ensuite été associées. Si ces travaux restent très expérimentaux, l'association symbiotique créée semble fonctionner et manifeste, bien que faiblement, une activité de nitrogénase au niveau de nodules sur les racines de l'orge. Ils ne sont pas encore applicables au champ, mais représentent toutefois une vraie avancée dans la compréhension des mécanismes symbiotiques, issus de millénaires de coévolutions.

Source : PNAS Microbiology

09:05 Publié dans Agronomie, Production et marchés | Lien permanent | Tags : azote, légumineuses, bactéries, agronomie, orge |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/03/2022

Contribution des biotechnologies à l'augmentation du potentiel de rendement du maïs

Dans une étude publiée dans PNAS, la revue officielle de l'Académie nationale des sciences des États-Unis, des chercheurs s'intéressent aux gains de rendement du maïs irrigué cultivé dans trois régions de l'État du Nebraska, entre 2005 et 2018. Ils estiment que ces gains sont dus pour 48 % à des conditions climatiques particulièrement favorables, pour 39 % à l'amélioration des pratiques agronomiques et pour seulement 13 % aux progrès génétiques des semences permis par les biotechnologies (figure ci-dessous).

Les auteurs ont dans un premier temps alimenté un modèle agronomique adapté au cas considéré, comprenant les données climatiques quotidiennes des stations météorologiques locales. Ils ont ainsi constaté que près de la moitié du gain de rendement global est attribuable à des conditions climatiques très propices sur la période étudiée : hausse du rayonnement solaire, températures plus fraîches en période de floraison et plus élevées dans la phase végétative. En dehors du climat, les chercheurs ont fait l'hypothèse que le reste de l'augmentation de rendement est d'origine technique : évolution des pratiques agronomiques, améliorations génétiques apportées aux semences de maïs. Pour distinguer ces contributions, ils ont identifié et estimé celles de nature agronomique à partir des données enregistrées par les agriculteurs : rendements, intrants appliqués (engrais, produits phytosanitaires), irrigation, culture précédente, etc. Selon les auteurs, trois quarts des gains de rendement issus du progrès technique (soit 39 % des gains totaux) proviendraient de l'évolution des pratiques : augmentation des quantités d'engrais azotés et des densités de semis, changements dans le travail du sol, rotation des cultures, etc. Le quart restant est attribué à l'amélioration génétique des semences de maïs utilisées sur la période, soit 13 % du gain de rendement global.

Estimation des contributions à l'augmentation du rendement d'une culture de maïs irrigué dans trois zones agricoles du Nebraska entre 2005 et 2018

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Source : PNAS

Lecture : le gain de rendement (kg/ha) annuel de la culture de maïs irrigué est calculé pour trois zones agricoles du Nebraska (Lower Niobrara - LN, Tri-Basin - TB, Upper Big Blue - UBB), ainsi que pour la moyenne des trois. Ce gain est ensuite décliné selon la contribution relative estimée du climat (en vert), des techniques agronomiques (en jaune) et de l'amélioration des semences apportée par les technologies génétiques (en rouge).

Les résultats de cette étude montrent des apports limités des biotechnologies à l'augmentation du potentiel de rendement d'une culture, dans un contexte spécifique : du maïs génétiquement modifié était déjà cultivé au Nebraska en 2005, avec des niveaux de rendement parmi les plus élevés au monde et dans des conditions climatiques et agronomiques propices. Selon les auteurs, si des résultats similaires étaient identifiés dans d'autres contextes, l'augmentation de la production serait plutôt due à des pratiques agronomiques améliorant les rendements ou à une intensification des cultures.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

16/03/2022

Interaction génétique entre variétés et performance agronomique des mélanges

La littérature agronomique a montré que les mélanges variétaux présentent en moyenne une productivité et une résistance aux maladies supérieures à celles des cultures monovariétales, mais ces bonnes performances moyennes cachent une forte variabilité, que la littérature peinait à expliquer. Une étude publiée dans la revue New Physiologist, en janvier 2022, fournit un éclairage génétique nouveau : elle démontre, pour le blé dur, que des associations génétiques de deux variétés peuvent être défavorables à la performance du mélange. Ainsi, la diversité d’une zone du génome de la plante peut à elle seule entraîner des effets négatifs majeurs sur la productivité de l’association.

L’expérimentation a porté sur 179 peuplements purs de blé dur et 202 mélanges de deux variétés. Par rapport aux peuplements purs, les mélanges étaient globalement plus productifs (+ 4 % sur le rendement du grain) et moins affectés (- 17 %) par la septoriose (maladie foliaire provoquée par le champignon Septoria tritici). Cependant, les résultats de ces mélanges étaient variables : 43 % d'entre eux étaient moins productifs que leurs composants de peuplements purs et 24 % ont été plus affectés par la septoriose. À l’échelle du génome, les auteurs ont identifié une région de l’ADN pour laquelle la richesse allélique, entre les génotypes associés, impliquait une plus grande sensibilité à la septoriose et un moindre rendement du mélange (- 7,6 % contre + 5,7 %). Il semblerait donc que les effets positifs de la diversité des mélanges puissent être contrecarrés par des associations génétiques défavorables concernant certaines zones du génome.

L'étude des interactions entre plantes, au niveau génomique, ouvre donc de nouvelles pistes de recherche, pour mieux concevoir les mélanges dans les stratégies de diversification des cultures.

Cécile Poulain, Centre d’études et de prospective

Source : New Phytologist

15/03/2022

Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, TAPE. Outil pour l'évaluation de la performance de l'agroécologie, décembre 2021

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Fin 2021, l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) a publié le guide d'application de son nouvel outil pour l'évaluation des performances de l'agro-écologie (TAPE-Tool for Agroecology Performance Evaluation). Conçu avec des partenaires scientifiques et institutionnels du monde entier, cet outil vise à consolider les données disponibles sur l'agro-écologie, et à développer un dispositif commun d'évaluation de ses performances. Il s'appuie pour cela sur différents cadres d'analyse préexistants, et fait actuellement l'objet de tests à grande échelle dans plusieurs pays (Italie, Kenya, Laos, Mexique, etc.).

La démarche TAPE se déroule en plusieurs étapes : i) description du système de production agricole analysé et de son contexte territorial (caractéristiques socioéconomiques, environnementales et démographiques, inventaire des politiques impactant l'agro-écologie, etc.) ; ii) caractérisation de son degré de « transition agro-écologique » ; iii) évaluation de ses performances ; iv) analyse et interprétation participative des résultats. La caractérisation de la transition s'appuie sur une déclinaison, en 37 indicateurs semi-quantitatifs, des dix composantes de l'agro-écologie établies par la FAO. Ces indicateurs sont détaillés dans le document et la figure ci-dessous présente un exemple d'application à Cuba. L'axe « Diversité » en agrège ainsi plusieurs relatifs à la diversité des cultures, des animaux, des arbres et autres plantes vivaces, ainsi que des activités, produits et services.

Caractérisation de trois exploitations agricoles cubaines, à différents stades de transition agro-écologique : monoculture conventionnelle, transition récente et transition avancée

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Source : FAO

Les performances des systèmes sont quant à elles évaluées selon dix critères : sécurité des régimes fonciers (cadre juridique, durée des baux, existence de conventions, etc.), productivité, revenus, valeur ajoutée, exposition des travailleurs agricoles aux pesticides, diversité alimentaire, autonomisation des femmes, perspectives professionnelles des jeunes, biodiversité agricole et santé du sol. Ces critères sont évalués grâce à des indicateurs déjà utilisés pour le suivi des Objectifs du développement durable (ODD).

Le TAPE peut ainsi être utilisé à l'échelle des exploitations comme des territoires, et il doit permettre un suivi dans le temps de l'évolution des systèmes de production. Basé sur des questionnaires simples, il permet aux producteurs de mettre en place des auto-diagnostics, mais pourrait aussi être utilisé à grande échelle pour le suivi et l'évaluation des politiques publiques.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Lien : FAO

14/03/2022

Sur quelques parutions récentes

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Commençons cette sélection d'ouvrages par celui que M.-A. Selosse (professeur au Muséum national d'histoire naturelle) consacre au sol. Dans L'origine du monde. Une histoire naturelle du sol à l'intention de ceux qui le piétinent (Actes Sud, 2021, 482 pages), il nous convie à un « magnifique périple souterrain », décrivant successivement les composants des sols, leurs dynamiques et les conditions de la vie végétale.

Sur les sols poussent, entre autres, les céréales, dont A. Bonjean (généticien des plantes et ethnobotaniste) et B. Vermander (anthropologue) racontent la longue et riche histoire, depuis la sédentarisation de l'humanité, dans un livre abondamment illustré : L'homme et le grain. Une histoire céréalière des civilisations (Les Belles Lettres, 2021, 480 pages).

Au-delà des seules céréales, mentionnons la 4e édition revue et augmentée du manuel coordonné par P. Prévost (docteur en didactique des sciences agronomiques), devenu un classique de l'enseignement agricole : Les bases de l'agriculture. Comprendre la pratique. S'initier à l'agronomie (Lavoisier, 2021, 359 pages). Le livre s'adresse aux élèves et étudiants mais il intéressera aussi tous ceux qui souhaitent avoir « une vision globale des connaissances nécessaires à l'activité agricole d'aujourd'hui ».

Du côté de l'élevage, et plus généralement des animaux, notons le remarquable ouvrage de B. Denis (professeur honoraire de l’École nationale vétérinaire-ENV de Nantes) et J.-P. Vaissaire (ancien assistant de zootechnie à l’ENV d’Alfort), qui présente près de 660 races domestiques appartenant à une quinzaine d’espèces : bovins, ovins, caprins, porcins, volailles, etc. : Les races d'animaux domestiques en France. Étude générale et inventaire (Delachaux et Niestlé, 2021, 408 pages).

L'alimentation fait toujours l'objet de nombreuses publications. Parmi les plus récentes, on retiendra le petit opus de J.-P. Williot (historien, Sorbonne Université) et G. Fumey (géographe, Sorbonne Université) sur l'Histoire de l'alimentation (PUF, 2021, 126 pages). Saluons aussi l'importante somme dirigée par R. Burke (Technological University, Dublin), A. Kelly (University College, Cork), C. Lavelle (CNRS) et H. This (Inrae), qui laisse entrevoir de nombreux aspects de l'alimentation et de la gastronomie du futur : Handbook of Molecular Gastronomy. Scientifc Foundations, Educational Practices and Culinary Applications (CRC Press, 2021, 894 pages).

T. Pouch (APCA et université de Reims) et M. Raffay (APCA) nous ramènent au présent, avec un livre qui tire les enseignements, pour l'agriculture et l'alimentation, des chocs sanitaires et économiques entraînés par la crise du covid : La pandémie et l'agriculture. Un virus accélérateur de mutations ? (Éditions France Agricole, 2022, 109 pages). Un regard prospectif y est aussi porté sur les enjeux liés à l'urgence climatique, à l'insécurité alimentaire et à la gouvernance mondiale.

Enfin, adoptant une approche plus large, A. Stanziani (EHESS et CNRS) brosse une vaste fresque des systèmes agricoles et alimentaires dans Capital Terre. Une histoire longue du monde d'après. XIIe-XXIe siècles (Payot, 2021, 430 pages). Partant des époques de contrainte et de travail forcé (XIIe-XIXe siècles), il aborde ensuite le régime productiviste (1870-1970), puis la période actuelle de « haute globalisation », dont il envisage les prolongements dans les décennies à venir (1970-2050). Sensible aux questions de démocratie, d'égalité sociale et de protection de la planète, il décrit les transformations de la gouvernance économique mondiale et fait diverses recommandations pour un monde meilleur en 2050.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

10/03/2022

Un outil d'analyse multifactorielle de l'usage des terres agricoles

Une équipe de chercheurs vient de publier, avec l’Organisation mondiale des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l'Institut international de recherche sur le riz (IRRI), un système d'analyse de l'adéquation des terres aux productions agricoles. Cet outil (Agricultural Land Use Evaluation System : ALUES) prend la forme d'un module complémentaire (package) pour R, logiciel libre de traitement de données. Il intègre les besoins de 56 cultures (dont la luzerne, le blé, la banane ou le riz) en matière de composition et structure des sols, de température et de pluviométrie, ainsi que les caractéristiques de plusieurs zones d'Asie du Sud-Est à titre d'exemple. L'intérêt de ce package est notamment le recours à des algorithmes complexes d'analyse multifactorielle, reposant sur une démarche de logique floue. Cette approche non binaire permet d'évaluer de façon progressive les différentes adéquations, en tenant éventuellement compte d'effets de seuil. Elle permet aussi de les résumer en un indicateur synthétique (figure ci-dessous).

Adéquation des terres de l'île de Marinduque (Philippines) à la production de bananes

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Source : R-cran/ALUES

Lecture : l'adéquation des sols à la production de bananes est faible (en rouge) à élevée (en jaune) selon des critères de part d'éléments grossiers (CFragm), capacité d'échange cationique des argiles (CECc), pH (pHH2O), texture (SoilTe). Un indicateur agrégé (Overall Suitability) est également présenté.

Source : R-cran

Effets des alternatives aux pesticides « fondées sur la nature »

Un article de la revue Outlook on Agriculture, publié en février 2022, se penche sur les alternatives aux pesticides utilisées dans le cadre de l’agriculture biologique. Les résultats des méta-analyses mobilisées par les auteurs montrent que certaines associations de cultures sont favorables à l'élimination des parasites, des adventices et des maladies végétales (ex. pyriculariose du riz, rhizoctone brun). La combinaison du blé et de la féverole réduit ainsi de 33 % l’occurrence de maladies. L’association de variétés de riz permet, elle, une résistance aux maladies, quel que soit le niveau d'apports en azote, lesquels peuvent jouer sur les variétés lorsqu'elles sont cultivées seules. De manière générale, la diversification végétale augmente de 44 % la présence des prédateurs d'insectes ravageurs et de 54 % la mortalité de ces derniers, réduisant ainsi de 23 % les dommages aux cultures. Pour encourager de telles pratiques, les auteurs invitent à rémunérer les agriculteurs pour les services rendus à l’environnement et les éventuelles pertes associées.

Source : Outlook on Agriculture

14/02/2022

Quelles pratiques culturales pour les oléoprotéagineux en agriculture biologique ?

Les surfaces consacrées aux cultures oléoprotéagineuses en agriculture biologique ont nettement progressé en France, entre 2014 et 2018, en particulier dans le Sud-Ouest (figure ci-dessous). Après les cultures intermédiaires, le soja et le tournesol sont les deux principales productions. Une enquête de Terres Inovia auprès des producteurs, publiée dans le dernier numéro d'OCL, a permis de préciser les itinéraires techniques développés, en comparant productions biologique et conventionnelle, ainsi que le contexte et les motivations des agriculteurs.

Développement des cultures oléo-protéagineuses en agriculture biologique entre 2014 et 2018

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Source : OCL

La production de tournesol en agriculture biologique présente plusieurs spécificités par rapport au conventionnel. Elle s'inscrit dans des rotations plus longues et nettement plus diversifiées, ce qui permet un meilleur contrôle de la pression parasitaire. Dans le sud de la France, l'usage d'une culture intermédiaire précédant le tournesol est aussi plus courant (32 % des surfaces enquêtées, contre 6 % en conventionnel). Ces cultures intermédiaires sont alors plus variées et elles incluent des légumineuses. Le semis du tournesol se révèle nettement plus tardif : les producteurs multiplient les tâches de travail du sol pour préparer les parcelles et ils attendent les températures idéales, pour une levée rapide qui limitera la concurrence des adventices. Ces semis tardifs semblent finalement pénaliser les rendements du tournesol bio, plus exposé aux stress hydriques et contraint à une période de végétation plus courte.

À la différence du soja conventionnel, celui produit en agriculture biologique est majoritairement destiné à la consommation humaine. Cette valorisation le rend particulièrement rentable et influence les itinéraires techniques. Il revient ainsi plus souvent dans les rotations, grâce à une pression parasitaire plutôt faible dans ces zones de production. Les cultures suivantes profitent alors de l'azote fixé dans le sol par cette légumineuse. La difficulté principale de cette production est le contrôle des adventices, celui des plantes toxiques étant primordial pour la consommation humaine. Vu les enjeux, le désherbage manuel est finalement la solution la plus sûre, pratiqué sur plus de la moitié des surfaces.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Oilseeds and fats, Crops and Lipids (OCL)