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31/05/2022

Lobbying agro-industriel, biocarburants et environnement

Cet article éclaire les coulisses du travail de représentation d’intérêts à Bruxelles. À partir d’archives, d’entretiens et d’observations, l’auteure retrace les inflexions, pendant les décennies 2000-2010, des campagnes d’influence d’une firme agroalimentaire dont les approvisionnements sont impactés par les réglementations en faveur des biocarburants. Ce lobbying a une double face, en direction des eurocrates, mais aussi, en interne, auprès des différents services de l’entreprise, appelés à présenter une « façade institutionnelle unifiée ».

Source : Actes de la recherche en sciences sociales

15:38 Publié dans 4. Politiques publiques, Biomasse/Biocarburants, IAA | Lien permanent | Tags : lobbying, biocarburants |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/10/2020

Biomasse. Une histoire de richesse et de puissance, Benoit Daviron

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La question du changement dans le secteur agricole est ancienne. Les réponses qui y ont été apportées ont souvent pris la forme de fresques linéaires, centrées sur l'Europe, où les systèmes agraires se succèdent au gré des découvertes agronomiques et des innovations matérielles, selon des « phases de développement » logiquement enchaînées.

Refusant cette vision téléologique fondée sur le seul progrès technique, Benoit Daviron élargit l'analyse en prêtant beaucoup d'attention aux approvisionnements énergétiques, en particulier ceux tirés de la biomasse (organismes vivants, végétaux comme animaux). La thèse défendue est que l'histoire de l'agriculture doit être lue à travers les rapports entre biomasse, richesse (biens, marchés) et pouvoir (institutions, États). Ce faisant, sa réflexion sur les dynamiques du capitalisme accorde une grande place aux processus de domination, aux rapports de pouvoir et aux conflits. L'agriculture n'est pas seulement là pour nourrir mais, en tant que forme la plus répandue de « colonisation de la nature vivante », pour fournir des ressources d'énergie et de matière vitales au métabolisme des sociétés.

Sa démonstration associe intimement histoire, économie et géographie. Elle suit la destinée des grands pays dominants (« hégémons ») qui ont mobilisé, échangé et consommé cette biomasse, depuis la fin du XVIe siècle jusqu'au début du XXIe siècle. Le récit commence vers 1580, avec l'hégémonie des Provinces-Unies, dont les pratiques commerciales à grande échelle permettent de contrôler la biomasse lointaine. Il se prolonge, au XVIIIe siècle, avec la rivalité entre la France et l'Angleterre pour accaparer la biomasse issue de leurs colonies et plantations. La troisième étape, au XIXe siècle, voit le Royaume-Uni importer cette biomasse de la terre entière pour alimenter ses usines. Vient ensuite, avec les deux guerres mondiales, le temps de l'opposition entre les États-Unis et l'Allemagne : intensification de l'agriculture, recherche de produits de synthèse, etc. Une cinquième configuration se dessine entre l'après-Seconde Guerre mondiale et le début des années 1970 : triomphe du pétrole, généralisation des produits issus de la chimie remplaçant la biomasse non alimentaire, industrialisation de l'agriculture. Enfin, ces quatre dernières décennies, l'hégémonie des États-Unis se maintient du fait de la globalisation accrue des économies, et les échanges de biomasse connaissent une accélération marquée sous l'emprise de la demande asiatique.

Cet ouvrage ambitieux et très documenté atteste d'une pensée forte et originale. Il montre que la captation du vivant a toujours accompagné l'émergence et la prééminence du « pays leader de son temps ». Plusieurs régimes d'utilisation de la biomasse se sont succédés au fil des siècles, accompagnant la puissance hégémonique de sociétés maîtresses de leur économie-monde. À travers cette description des fronts pionniers de la biomasse, Benoit Daviron nous livre une solide histoire politique et économique de l'agriculture, mais aussi une très convaincante histoire de la mondialisation.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

07/07/2020

L'Agence européenne de l'environnement fait le point sur les biodéchets

L'Agence européenne de l'environnement (EEA) a publié, début juin 2020, un état des lieux de la gestion des biodéchets dans l'UE, afin de promouvoir leur valorisation au sein d'une économie circulaire. Il s'agit aussi d'éclairer les modalités par lesquelles l'Union peut atteindre les cibles qu'elle s'est fixées en matière de réduction et de traitement durable des biodéchets (ex. : recycler 65 % des déchets municipaux d'ici à 2035).

Les auteurs soulignent que les biodéchets représentent 34 % des déchets municipaux dans l'UE, dont 60 % issus de l'alimentation et 36 % des espaces verts. Les pertes et gaspillage alimentaires compte pour 88 millions de tonnes chaque année, soit 173 kg/personne, ou encore 20 % de la nourriture produite. Un tel volume a des effets négatifs en termes environnementaux et de consommation, chaque kg de nourriture gaspillée représentant 0,8 à 4,5 kg de CO2 émis, et 3,2 à 6,1 € perdus pour l'acheteur.

Les biodéchets dans une économie circulaire

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Source : Agence européenne de l'environnement

Les auteurs recensent ensuite les possibilités de traitement et de valorisation des biodéchets, au premier rang desquelles le compostage. Celui-ci nécessite un processus qualité pour que le fertilisant qui en est tiré soit pur et utilisable. L'Allemagne, le Danemark et le Royaume-Uni ont par exemple développé des standards de qualité du digestat. Si les données sur le compostage, notamment des particuliers, sont rares, les auteurs estiment que 48 % des Slovènes ont un dispositif domestique dédié. En parallèle, ils mentionnent la digestion anaérobie produisant du biogaz ou du biodiesel, et l'alimentation animale. Cependant, la capacité de traitement des biodéchets varie beaucoup d'un État membre à un autre (de 0 à 356 kg/personne/an).

Enfin, les auteurs identifient des pistes d'actions publiques pour améliorer la prévention et le traitement des biodéchets : normes d'étiquetage responsable (interdire de labelliser « compostable » ou « biodégradable » des produits contenant du plastique, etc.) ; approches politiques combinant des mesures de sensibilisation et d'autres à caractère économique (annulation de la TVA sur les produits alimentaires donnés, etc.) ou réglementaire ; partenariats public-privé ; plates-formes de redistribution de la nourriture.

Hiérarchie des options préférables dans la gestion des biodéchets

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Source : Agence européenne de l'environnement

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Agence européenne de l'environnement

15:20 Publié dans Biomasse/Biocarburants, Environnement | Lien permanent | Tags : biodéchets, pertes, gaspillage, économie circulaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/02/2020

Production française d'agrocarburants et conséquences en matière d'affectation des sols

L'Assemblée nationale a publié, en janvier 2020, le rapport d'une mission d'information sur les agrocarburants. Celle-ci, conduite en 2019, visait à dresser un état de la situation actuelle, identifier les points de blocage et recenser des pistes d'évolution pour le développement des agrocarburants en France. La mission a conduit dix-huit auditions et reçu des contributions écrites.

Les auteurs notent un contexte mondial porteur du fait de l'urgence climatique (voir figure, pour l'exemple de l'Union européenne). Ils rappellent que les agrocarburants émettent 65 % à 70 % de gaz à effet de serre en moins que les carburants conventionnels, et que le coût de leur production est moins dépendant du pétrole. Malgré cela, ils s'interrogent sur le faible intérêt des constructeurs automobiles pour les agrocarburants, qui se traduit par une production française de bioéthanol réduite (11 millions d'hectolitres contre 600 millions aux États-Unis).

Pour mieux prendre en compte l'intérêt climatique des agrocarburants, les auteurs incluent dans leur réflexion les changements d'affectation des sols induits (directement ou non) par l'augmentation de la demande. En effet, il peut en résulter une libération du carbone stocké dans le sol et ainsi une fuite qui diminue l'intérêt de ces agrocarburants en termes climatiques. Cette limite a été modélisée par l'ADEME (modèle MATSIM-LUCA), démontrant que l'augmentation de l'utilisation de biodiesel en France, entre 2004 et 2009, aurait fait augmenter de 31 000 ha la surface française cultivée en oléagineux (dont 25 000 ha de colza), et, à l'échelle mondiale, de 1,1 million d'ha la surface cultivée en oléagineux (correspondant à une conversion de 620 000 ha de céréales et une entrée de 443 000 ha dans les grandes cultures).

Sur ces bases, les auteurs proposent des pistes, en particulier sur les plans législatif, fiscal et réglementaire : déplafonner l'incorporation à 7 % des agrocarburants de première génération ; indicer les soutiens fiscaux sur le CO2 économisé par rapport aux carburants classiques ; intensifier l'effort de recherche sur la production de biocarburants à partir de résidus et d'algues. Ils rappellent également au Parlement la nécessité de légiférer, pour favoriser les filières françaises par rapport aux importations d'huile de palme, jugée inacceptable en tant qu'agrocarburant du point de vue sociétal comme environnemental.

Évolution de la production primaire de biocarburants liquides dans l'UE sur la période 1990-2017

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Source : Assemblée nationale

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Assemblée nationale

09:33 Publié dans Biomasse/Biocarburants | Lien permanent | Tags : assemblée nationale, agrocarburants, sols |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/05/2019

Des biocarburants pour le transport aérien, une alternative de plus en plus crédible

Des chercheurs de Berkeley ont récemment montré que l'emploi de biocarburants, à base de sorgho fourrager, dans le transport aérien pourrait devenir économiquement intéressant. L'enjeu est immense compte tenu de la consommation en énergie de ce secteur et de son impact sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Leurs résultats sont publiés dans Energy & Environmental Science.

Les auteurs se sont appuyés sur les avancées obtenues au sein du Joint BioEnergy Institute en matière de décomposition de la cellulose, dont les coûts ont été très réduits par l'utilisation d'un processus intégré de déconstruction de la biomasse à base de liquide ionique à haute densité. Ils se sont focalisés sur la production de molécules offrant, en outre, un meilleur rendement que les carburants actuels pour avions.

Ils ont quantifié et comparé les prix de revient des différents produits obtenus, et mesuré les impacts en matière de GES de chacune des cinq voies technologiques modélisées sur l'ensemble du cycle de vie. Afin de déterminer le process le plus performant, plusieurs options techniques ont été testées pour les différents types de liquide ionique (servant à décomposer la cellulose en sucres) et de fermentation (aérobie, anaérobie). Enfin, les rendements des différentes voies ont été fixés soit à leur niveau actuel, conforme à la littérature, soit à leur niveau théorique, une fois tous les freins levés.

Représentation de l'ensemble de la chaîne de production des carburants à partir de sorgho fourrager

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Source : Energy & Environmental Science

Cette recherche montre que le coût de revient des carburants est fortement tributaire de la qualité de la biomasse (provenant du sorgho) et du rendement du process de transformation. En se rapprochant des rendements théoriques, les biocarburants pourraient quasiment s'aligner sur les cours projetés pour les carburants fossiles à l'horizon 2050. La valorisation de la lignine, sous-produit du bioraffinage, et la mise en place de crédits carbone, pour le secteur du transport aérien, rendraient l'alternative économiquement rentable. Enfin, les performances supérieures de ces carburants de nouvelle génération pourraient se traduire par une consommation moindre, justifiant une prime de quelques cents par litre.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Energy & Environmental Science

13:08 Publié dans 1. Prospective, Biomasse/Biocarburants | Lien permanent | Tags : sorgho, biocarburants, transport aérien |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/02/2019

La bioéconomie basée sur la forêt en Europe, une stratégie efficace pour décarboner l'économie mondiale

Telle est la principale conclusion d'un article publié dans la revue Forests en janvier 2019 par une équipe de chercheurs allemands ayant modélisé l'impact, sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), d'une hausse de 1 % de la consommation intermédiaire européenne de produits forestiers. La baisse des émissions au niveau mondial serait nettement plus importante, en utilisant ce levier bioéconomique forestier, qu'avec un développement d'une bioéconomie basée sur l'agriculture.

Pour analyser l'impact d'une augmentation de la consommation, dans les process industriels, de produits forestiers en substitution à d'autres intrants, les auteurs ont utilisé un modèle d'équilibre général, qui décrit le fonctionnement de l'économie mondiale de façon globale et détaillée par régions. Ce modèle GTAP est mis à disposition par un réseau international de chercheurs travaillant sur des questions de politique économique (commerce notamment), et qui coopèrent pour produire une base de données économiques cohérente. Les auteurs ont recouru à plusieurs modules complémentaires, de façon à mieux couvrir les problématiques d'usages des sols, à décrire les impacts sur le secteur agricole et à calculer les conséquences en matière d'émissions de GES.

Selon le modèle, une hausse de 1 % de la consommation intermédiaire de produits forestiers, par les 28 pays de l'Union européenne (UE), déplace les équilibres au sein des matières premières renouvelables, notamment en modifiant les rapports de prix des produits et des facteurs de production. D'un côté, la consommation européenne plus importante de bois se traduit par une extension des surfaces forestières, au détriment de l'agriculture, par une augmentation des échanges intra-européens et des importations de produits forestiers en provenance de pays tiers. De l'autre, elle conduit à une hausse des prix des produits agricoles en Europe et à une stimulation de la production dans le reste du monde. Au total cependant, les effets sur le commerce mondial agricole et alimentaire sont négligeables.

In fine, remplacer 1 % de matières premières non forestières par du bois, dans la production industrielle, permettrait de réduire les émissions mondiales de GES de 17,25 Mteq CO2, y compris hors UE (Russie et États-Unis notamment), et ce sans accroître la déforestation en zones tropicales grâce aux contraintes européennes sur le commerce du bois (règlement FLEGT).

Impact d'une hausse de 1 % de la consommation de produits forestiers sur le commerce des pays européens ( %)

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Source : Forests

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Forests

11/05/2018

Impacts du biodiesel sur les pays en développement exportateurs de produits agricoles : quel lien avec le prix du pétrole ?

Dans son numéro de mai 2018, le journal Energy Policy a publié un article analysant, sur la période 2000-2014, l'impact de la demande croissante de biodiesel de « première génération » sur la balance des paiements (balance commerciale, investissements directs étrangers, compte de capital) de seize pays dits « en développement » ou « en transition » (Congo, Nigeria, Pakistan, Soudan, Algérie, Bangladesh, Égypte, Éthiopie, Iran, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Thaïlande). Cet article revêt un intérêt particulier au regard du débat sur l'arbitrage « produits alimentaires versus carburants », qui peut se poser pour certains pays exportateurs de produits agricoles (matières premières et huiles) utilisés pour la production de biodiesel.

Les auteurs décrivent d'abord la relation entre le prix du pétrole et celui des 10 produits agricoles étudiés. L'augmentation du prix du pétrole impacte négativement le pouvoir d'achat des ménages, réduisant la demande et donc le prix des produits agricoles. Cependant, le développement du biodiesel, durant les années 2000, a créé une corrélation positive entre les prix des produits agricoles et du pétrole (voir figure) : une hausse du prix du pétrole entraîne une augmentation de la demande en biocarburants et donc du prix des produits agricoles. Par ailleurs, ces derniers impactent positivement la valeur des exportations et donc la balance des paiements des pays exportateurs de produits agricoles.

À partir d'une estimation économétrique, l'étude montre alors que le prix du biodiesel (et donc celui des produits agricoles) joue positivement sur la balance des paiements des pays exportateurs de produits agricoles, mais que cet effet s'annule lorsque le prix du pétrole est trop élevé. En effet, pour un pays exportateur de produits agricoles et importateur de pétrole, un prix élevé de ce dernier renforce l'impact positif des prix du biodiesel sur la balance des paiements, via la corrélation positive décrite précédemment entre prix du pétrole et prix agricoles. Cependant, le prix élevé du pétrole exerce également un effet négatif sur la balance des paiements, du fait de l'augmentation des dépenses d'importation en pétrole du pays. L'analyse montre que lorsque le prix du pétrole atteint 60 $/baril, l'effet négatif annule l'effet positif.

Ces résultats soulignent donc l'importance d'intégrer l'évolution du prix du pétrole dans la conception des politiques nationales visant à promouvoir la production de produits agricoles exportés pour la production de biocarburants.

Corrélation entre les prix du pétrole et de trois produits agricoles utilisés dans la production de biodiesel (huile de soja, huile de palme, maïs)

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Source : Energy Policy

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : Energy Policy

06/02/2018

Développement d'une bioéconomie forestière européenne : bilan des connaissances et perspectives

Dans une récente publication, le European Forest Institute fait le point sur des réflexions publiées ces derniers mois sur la bioéconomie liée à la forêt, et présente un état des lieux des connaissances et des questions de recherche. Les différents articles thématiques abordent des points particulièrement sensibles, parmi lesquels : la disponibilité de la ressource, les conséquences sur la biodiversité, l'impact des types de propriété forestière, la contribution à l'atténuation ou à l'adaptation au changement climatique, l'emploi et les compétences dans la filière, etc.

Dans ce dernier cas, les auteurs relèvent la difficulté de disposer de statistiques couvrant l'étendue de la filière, notamment dans un contexte de développement de nouveaux usages pour le bois. Ils identifient aussi un risque important pour l'essor de cette bioéconomie : le développement du travail illégal dans l'exploitation forestière qui, en diminuant la rentabilité des exploitants légaux, pourrait conduire à une forte hausse des accidents et à des difficultés croissantes pour trouver des entreprises de travaux forestiers, intermédiaires entre forêt et industrie. Ce risque est d'autant plus important qu'au cours des 20 dernières années, dans tous les pays européens, propriétaires publics et industries de transformation ont massivement externalisé l'exploitation forestière.

Source : European Forest Institute

10:12 Publié dans Biomasse/Biocarburants, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : efi, bioéconomie forestière, forêt |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/01/2018

Le Déméter 2018, Huiles végétales : enjeux, marchés et controverses

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Dans un dossier d'une douzaine d'articles, le rapport Déméter 2018 dresse un tableau détaillé des défis et des controverses associés à la forte croissance des huiles végétales au plan mondial. Dans le premier article, A. Rival (Cirad) dessine une géopolitique des huiles végétales, d'où il ressort que 85 % de la production mondiale reposent sur quatre sources : Amérique pour le soja, Europe pour le colza, mer Noire pour le tournesol et Asie du Sud-Est pour le palme. Cependant le barycentre de la consommation se déplace vers l'Asie, tandis que l'Afrique attire les investisseurs comme front pionnier, selon J.-M. Roda (Cirad). En résultent des rivalités entre le Nord et le Sud (par exemple, en Afrique, entre investisseurs occidentaux – Archer, Bunge, Cargill et Dreyfus – et malaisiens), mais aussi entre modèles de production, intensifs en intrants au Nord, en main-d’œuvre au Sud.

La forte croissance du marché mondial des huiles s'explique principalement par la transition alimentaire dans les pays émergents. Cependant, pour P. Dusser (Groupe Avril), c'est la consommation de protéines qui devrait tirer le marché dans la prochaine décennie, sachant que les cultures étudiées ici permettent de produire, dans des proportions variables, à la fois de l'huile et des protéines. Les usages non alimentaires auraient, d'après D. Pioch (Cirad), un avenir prometteur dans le domaine de la chimie, mais plus incertain en matière énergétique.

Les préférences des consommateurs évoluent : J.-M. Lecerf (Institut Pasteur) rappelle que si les lipides ont été les premières cibles des recommandations nutritionnelles, il n'existe pas sur le plan diététique d'huile parfaite. La tendance est aujourd'hui à la diversification des huiles pour des motivations éthiques ou de santé. De plus, la perception des consommateurs est au cœur d'enjeux stratégiques pour le secteur. Les allégations « sans huile de palme » sont ainsi jugées trompeuses par plusieurs auteurs, car injustifiées sur le plan nutritionnel et contre-productives en matière de durabilité. En parallèle, l'huile de palme est devenue un laboratoire d'innovations en matière de certification environnementale, associant l'industrie et les ONG. Les tensions internes à ces dispositifs, que décrit E. Cheyns (Cirad), en soulignent les limites, et la question de la durabilité des modes de production apparaît clairement comme l'un des enjeux pour l'avenir.

Alexandre Martin, Centre d'études et de prospective

Lien : Le Déméter

07/11/2017

Bioéthanol : état des lieux vu des États-Unis

L'Economic Research Service (ERS) de l'USDA fait un bilan des exportations de bioéthanol et de drêche sèche par les États-Unis, principal pays producteur et exportateur. Soulignant les opportunités et barrières aux échanges commerciaux, cette publication offre aussi un panorama des situations de divers pays. En 2016, 26 États, en plus des acteurs historiques (États-Unis, les 28 États membres de l'Union européenne, Brésil), se sont dotés de politiques d'incorporation dans les carburants (mandats).

Huit pays sont analysés en détail : Argentine, Canada, Chine, Colombie, Inde, Japon, Philippines et Thaïlande. En Chine, troisième producteur mondial de bioéthanol, 11 provinces et 40 villes incorporent du bioéthanol à hauteur, en moyenne, de 10 % (entre 7 et 20 %). La consommation chinoise est surtout couverte par la production domestique (cf. figure ci-dessous). Les importations, autorisées depuis 2015, proviennent principalement des États-Unis, avec une taxe douanière à 5 % relevée à 30 % en 2017.

Consommation, production, importations et exportations de bioéthanol en Chine sur la période 2007-2017

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Source : USDA

Source : ERS - USDA

08:28 Publié dans 4. Politiques publiques, Biomasse/Biocarburants | Lien permanent | Tags : bioéthanol, usda, mandats d'incorporation |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/11/2017

Déchets organiques et résidus de culture : un gisement de matériaux pour la construction et une source de valeur à l'échelle des métropoles

L'utilisation de certains déchets organiques solides, dans la fabrication des matériaux de construction plutôt qu'en fermentation ou en amendements organiques, pourrait modifier profondément la chaîne de valeur des produits agricoles. Dans une publication récente, le cabinet Arup en étudie la faisabilité et l'impact à l'échelle d'une ville.

Sur la base d'un inventaire des solutions existantes à partir de sources organiques (canne à sucre, blé, ananas, tournesol, feuilles, etc.), les auteurs mettent en avant des complémentarités entre les acteurs de la construction et de l'agriculture, et le potentiel d'émergence de nouvelles activités économiques à l'échelle de différentes métropoles. Ainsi, 1 tonne de déchets et résidus organiques permet de produire 1 000 m² de panneaux minces.

Schéma d'économie circulaire à partir des productions agricoles et forestières

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Source : Arup

Une simulation est conduite sur la métropole milanaise, prenant appui sur le système de recyclage des déchets organiques solides et sur l'importance de l'agriculture sur ce territoire. Près de 8 millions de m² de panneaux pourraient être produits annuellement, en transformant seulement 10 % des déchets organiques et résidus de culture.

Source : Arup

Les microalgues, une promesse à concrétiser

Si les microalgues sont déjà employées comme compléments alimentaires ou comme ingrédients « santé », leur utilisation à une échelle plus importante se heurte à plusieurs défis, technologiques, réglementaires, culturels. Tel est le constat dressé récemment dans la revue Industrial Biotechnology. L'enjeu est de taille, face à l'accroissement des besoins de la population mondiale en nutriments de qualité, notamment en acides gras et acides aminés essentiels, que la production de poissons ne pourra pas combler. La production de ces acides aminés par le biais de microalgues est la plus économe à la fois en eau douce et en terres arables.

Consommation d'eau et de terres pour la production d'acides aminés essentiels selon diverses sources agricoles

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Source : Industrial Biotechnology

Les auteurs font le point sur quatre voies technologiques aujourd'hui mises en œuvre, en termes de maîtrise de la qualité de production et de la consommation en eau, énergie et sols : les procédés de fabrication, in vitro ou dans le milieu naturel, présentent des bilans très contrastés. Dans tous les cas, la baisse des coûts de production, en réduisant l'empreinte carbone, est un enjeu, notamment pour développer la consommation. En alimentation humaine, le potentiel réside surtout dans le cracking et l'intégration dans les process alimentaires, en particulier pour la production de viande artificielle. Pour ce faire, les auteurs relèvent que la réglementation pour l'homologation des produits à des fins alimentaires et, plus spécifiquement, pour la labellisation « biologique », nécessiterait d'être adaptée.

Source : Industrial Biotechnology

09/10/2017

Open science et base de données

L'IIASA a publié dans Scientific data, un journal dédié aux bases de données et à l'Open science, trois articles sur des jeux de données en partie libres d'accès sur la plate-forme Geo-Wiki : structure de la biomasse forestière en Eurasie, occupation et utilisation des terres et terres cultivées à l'échelle mondiale.

Ainsi, la carte ci-dessous, sur les terres cultivées, est le fruit d'une campagne participative de 3 semaines. Les 80 contributeurs ont interprété environ 36 000 images satellites, chacune d'elles étant découpée en 25 cellules. Le participant devait alors spécifier celles avec plus de 50 % de terres agricoles cultivées. Un contrôle qualité était intégré au processus : des images préalablement expertisées étaient soumises de façon régulière aux contributeurs ; au total, toutes les images étaient validées entre 4 et 7 fois. Les 30 premiers participants (classement réalisé à partir du contrôle qualité) pouvaient alors choisir entre être co-auteur de la publication ou recevoir un bon d'achat allant de 50 à 750 euros sur Amazon.

Pourcentage moyen de terres cultivées au niveau mondial, carte établie à partir de la campagne participative

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Source : Scientific data

Sources : IIASA, Scientific data

05/09/2017

Le JRC a publié le premier état des lieux de la bioéconomie dans l'Union européenne

Un rapport publié récemment par le Joint Research Center (JRC) analyse la place de la bioéconomie au sein des 28 États membres. Elle représentait en 2014 de l'ordre de 9 % des emplois tous secteurs confondus, les 3/4 relevant des secteurs « agriculture », ainsi qu'« alimentation, boissons et tabac ». Le rapport souligne l'absence de législation spécifique à la bioéconomie et rappelle que les financements européens passent notamment par le programme cadre Horizon 2020, les Fonds structurels et d'investissement européens et le Fonds européen pour les investissements stratégiques.

Cet état des lieux souligne également que les études des impacts environnementaux des produits biosourcés, à l'exception de la bioénergie, sont encore peu nombreuses. Les premiers résultats montrent un impact plus faible, par rapport à leur référence issue d'énergies fossiles, sur le changement climatique. Les impacts seraient cependant plus importants sur l'eutrophisation, l'acidification ou l'usage des terres, conséquences des modes de production de la biomasse et d'une plus faible efficience des processus de transformation.

Source : Joint Research Center

10:39 Publié dans Biomasse/Biocarburants | Lien permanent | Tags : bioéconomie, jrc |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/06/2017

Fractionnement de la lignocellulose : vers une amélioration de la valorisation de la biomasse ?

D'après une publication dans Science Advances, la mobilisation du solvant GVL (γ-valerolactone) permet de fractionner la biomasse lignocellulosique en trois produits valorisables sur des marchés existants :

- pâte de cellulose avec un haut niveau de pureté permettant une utilisation dans l'industrie du textile ;

- furfural, une molécule plateforme issue de l'hémicellulose ;

- mousse de carbone, à partir de la lignine.

Cette méthode permet de convertir jusqu'à 80 % de la ressource initiale en produits mobilisables. De même, elle permettrait de recycler le solvant GVL, issu de la biomasse, et ainsi de le réutiliser. Par ailleurs, les auteurs soulignent un coût par kilogramme de produit de l'ordre de 0,71$, soit plus faible que celui de la production d'éthanol ou de biocarburants dits « avancés » (respectivement 1,06$ et 1,38$).

Source : Science Advances

08:55 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir, Biomasse/Biocarburants | Lien permanent | Tags : biomasse, lignocellulose, fractionnement |  Imprimer | | | | |  Facebook