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15/06/2022

Soja : les défis de la dépendance européenne

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Les défis liés à la dépendance européenne au soja importé font l'objet de nombreuses analyses. Ils s'inscrivent dans la continuité de problématiques déjà rencontrées à diverses périodes : accords politiques à l'origine de la Politique agricole commune (non-subvention du soja en échange du soutien des céréales), embargo américain de 1973 (prise de conscience de la dépendance européenne au soja américain), cultures OGM (brevetage du vivant, principe de précaution, etc.), destruction de la forêt amazonienne, etc. Sur plusieurs de ces aspects, des publications récentes apportent des éclairages intéressants.

Tout d'abord Solagro, dans une étude intitulée La face cachée de nos consommations, s'intéresse aux surfaces agricoles et forestières associées aux importations de soja pour l'élevage. À la base du modèle de nutrition animale depuis les années 1960, fondé sur l'association maïs ensilé-soja pour la production laitière, il est aussi une composante essentielle de l'alimentation des volailles et des porcs. Pour réduire sa dépendance en soja américain, l'Union européenne (UE) s'est tournée vers l'Amérique latine, contribuant dès lors indirectement à la déforestation amazonienne. De façon originale, Solagro évalue les superficies correspondant aux importations françaises de soja à plus d'un million d'hectares.

Alors que la Commission européenne a déposé une proposition de règlement visant à lutter contre la déforestation importée (voir à ce sujet une précédente brève), l'association Canopée - Forêts vivantes a publié une étude sur les allégations de durabilité avancées par les principaux négociants en soja, qui révèle de nombreuses contradictions avec leurs stratégies réelles d'approvisionnement. S'appuyant sur des données satellitaires d'occupation du sol et sur le suivi des infrastructures des négociants (silos, voies ferrées privées, etc.), elle met en évidence le développement de la production de soja, entre 2018 et 2020, dans les municipalités brésiliennes présentant des risques de déforestation.

Une autre étude récente (Science Advances), sur les stratégies d'approvisionnement des négociants, confirme que le traçage de l'origine du soja fait en Amérique latine via des intermédiaires locaux ne permet pas de lutter efficacement contre la déforestation. Par ailleurs, une évaluation ex ante des paiements pour services écosystémiques (World Development) conclut à la nécessité de combiner incitations financières au changement et politiques d'exclusion du soja issu de la déforestation.

Enfin, réduire la dépendance européenne au soja latino-américain et la déforestation induite passe par le développement de la production européenne. Des chercheurs ont par exemple identifié trois variétés adaptées au climat de l'est de l'Europe, avec des résultats économiques positifs (European Journal of Agronomy). Une autre équipe a calculé que l'UE pouvait devenir autosuffisante à 50 %, y compris en tenant compte du changement climatique (Nature Food).

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Initiative FARM : conséquences de la guerre en Ukraine et réponses stratégiques

Dans le cadre de l'initiative française FARM (Food and Agriculture Resilience Mission), lancée en mars 2022, un « groupe de travail académique », réunissant une dizaine d'experts de haut niveau, a analysé les implications du conflit actuel et réfléchi à des réponses stratégiques. Leurs premières conclusions, livrées en mai, décrivent la complexification des enjeux agricoles, les effets en cascade de la guerre sur la sécurité alimentaire mondiale, et les nouveaux engagements attendus de l'Union européenne et de la France.

L'extrême importance de la question alimentaire est d'abord rappelée. Il faut nourrir une population croissante, dans un contexte de pressions environnementales et géo-stratégiques exacerbées. Les déstabilisations de la guerre, après celles causées par deux années de pandémie, obligent à repenser les principes de régulation et de gouvernance, et même toute l'architecture de la mondialisation, mais en veillant à maintenir les processus de transition vers une durabilité forte.

Plus globalement, l'intensification des jeux et enjeux géopolitiques, en matières agricole et alimentaire, entraîne un redoublement des besoins et des ambitions. L'agriculture est plus que jamais un secteur prioritaire pour la stabilité des relations internationales. Quant à l'alimentation, elle reste une des conditions de la paix sociale. La région de la mer Noire est emblématique de ces défis, des nouveaux rapports de force et des reclassements stratégiques en cours : réarmement agricole des pays de la zone, rapide modernisation des équipements, investissements spectaculaires, tissu logistique dense et fortes capacités productives et exportatrices, en particulier pour les céréales.

La troisième partie du document est consacrée à la guerre et à ses effets en chaîne. Sont d'abord passés en revue les impacts immédiats : destruction de matériels et de récoltes, restriction des chargements portuaires et du commerce, flambée et volatilité des prix, renchérissement des engrais, retour de « l'arme alimentaire », etc. À plus long terme, d'autres conséquences sont probables : difficultés d'approvisionnement, fragilisation de certaines régions ou populations, reconfigurations diplomatiques, érosion du multilatéralisme, nouvelles alliances entre puissances souhaitant « désoccidentaliser » la marche du monde.

Pour finir, les auteurs livrent quelques recommandations stratégiques. Les premières, qui concernent le rôle de l'Europe et de la France, insistent sur les nécessaires analyses de risques, les mesures de gestion de marché et la création d'institutions de régulation. D'autres visent à faciliter la mobilisation et l'efficacité de l'aide alimentaire internationale. La question des stocks agricoles et céréaliers est ensuite abordée, les objectifs étant tout à la fois de mieux les déclarer, connaître, gérer et utiliser. Les tensions possibles entre cultures alimentaires et non alimentaires sont aussi évoquées, avec le cas typique des biocarburants, dont la réduction voire l'interdiction sont de plus en plus souvent discutées. Enfin, les dernières pages traitent du développement de la sécurité alimentaire en Méditerranée et en Afrique, zones qui pourraient être durement touchées par les contrecoups du conflit en cours.

Notons, pour terminer, que le document comprend d'intéressantes annexes (marché mondial du blé, estimations de productions agricoles ukrainiennes pour 2022, tensions liées aux engrais en Europe et en France, etc.) et qu'une version révisée et actualisée est annoncée pour fin juin.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Source : Initiative Farm, Task Force Interministérielle France

Marché mondial du vin et restructuration de la filière du champagne

La revue Économie rurale d’avril-juin 2022 présente un article sur l’adaptation des viticulteurs champenois aux évolutions du marché mondial du vin. Cette étude a été réalisée dans un contexte de renforcement de l’environnement concurrentiel des vins de champagne, sous l’effet de changements de la consommation, de la production de vins dits « du Nouveau Monde » et de la restructuration du vignoble des pays européens. Entre 2002 et 2018, les ventes de vins effervescents ont beaucoup progressé (+ 58 % en volume), mais la hausse n’a que peu bénéficié au champagne (+ 5 %).

Les auteurs, sur la base d’une enquête et d’entretiens, ont établi une typologie des vignerons champenois, selon différents critères : profil de l’exploitant, part des différentes activités dans le chiffre d’affaires, prix des vins, part des exportations dans les ventes, etc. Les chercheurs ont en particulier analysé leur degré d’intégration verticale dans la filière, c’est-à-dire leur implication aux différentes étapes, de la production à la distribution. Trois grands types de producteurs ont été identifiés. Les « traditionnels » (32 %) ont le degré d’intégration verticale le plus faible : ils sont pour la plupart récoltants et la vinification est principalement faite par une coopérative. Les « commerçants » (57 %) ont un degré d’intégration intermédiaire : ils vinifient une grande partie de leurs vins. Les « pionniers » (11 %) vinifient la quasi-totalité de la production et ont des capacités commerciales, notamment à l’export, supérieures à celles des autres groupes.

Les auteurs estiment qu’un lien positif existe entre le degré d’intégration verticale et le niveau de valorisation du champagne. Selon eux, dans un contexte de compétitivité et de rentabilité en baisse, seuls les exploitants « en mesure de valoriser leur production parviendront à se maintenir sur le marché ». Un positionnement haut de gamme des produits permettrait d’affronter les concurrents arrivés plus récemment sur le marché, dont certains bénéficient de coûts de production inférieurs à ceux du champagne. Ils peuvent alors dédier plus de fonds aux stratégies de marques et aux exportations. Les « pionniers » semblent donc les mieux adaptés à ce nouveau contexte. Parallèlement, la hausse du nombre de viticulteurs (donc n’assurant pas la transformation) devrait se poursuivre, avec un risque de baisse du prix du raisin (non quantifiable) et du poids des vignerons dans les ventes de champagne.

Amandine Hourt, Centre d’études et de prospective

Source : Économie rurale

Cartographie des productions agricoles en fonction de leurs usages à des fins de prospective

Dans un article publié dans Nature Food, une équipe de chercheurs (deux chercheurs américains, un brésilien et deux chinois) ont créé une cartographie permettant de localiser les productions agricoles en fonction de leurs usages, tels que définis par la méthode des bilans de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : alimentation humaine, alimentation animale, transformation, export, industrie, semences et pertes. Ils se sont notamment concentrés sur dix productions, représentant 83 % des calories alimentaires et 63 % des surfaces récoltées au niveau mondial : orge, manioc, maïs, huile de palme, riz, sorgho, soja, canne à sucre, blé et colza.

Au-delà des riches informations qu'apportent ces cartes, les chercheurs sont arrivés à plusieurs conclusions intéressantes en analysant les données disponibles sur plus de cinq décennies. Tout d'abord, la part des cultures directement utilisées pour l'alimentation humaine a baissé de 51 à 37 % entre les années 1960 et 2010 (figure ci-dessous). Ensuite, leurs rendements sont globalement plus faibles que ceux des cultures destinées à d'autres usages. L'analyse géographique permet aussi d'identifier des changements dans la répartition des usages dans la quasi-totalité des pays. En France, la réduction des productions agricoles à destination de l'alimentation animale a, par exemple, été compensée par la croissance des cultures destinées à la transformation, à l'export et aux usages industriels.

Évolution des surfaces cultivées et des rendements par type d'usage

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Source : Nature Food

Lecture : en a, total des surfaces cultivées (hectares) ; en b, rendement en kcal par hectare ; en c, rendement en kg de protéines par hectare ; en d, rendement en kg de lipides par hectare. Les projections à 2030 sont basées sur les 20 dernières années ; les ombres correspondent à un intervalle de confiance de 90 % lors de la projection linéaire réalisée par le modèle.

Enfin, les auteurs se sont penchés sur le potentiel d'une telle allocation des usages pour atteindre l'Objectif de développement durable n°2 de sécurité alimentaire. Ils ont pour cela comparé les calories alimentaires qui seront produites « en plus », en 2030, aux besoins requis par la croissance démographique et la population aujourd'hui sous-alimentée. Leurs conclusions sont que parmi les 86 pays dans lesquels des populations souffrent aujourd'hui de sous-alimentation, plus du tiers (31) ne seront pas en mesure d'atteindre cet objectif, et ce même si l'ensemble des calories récoltées sont allouées aux seuls besoins alimentaires humains (figure ci-dessous).

Réalisation projetée de l'ODD 2 en 2030

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Source : Nature Food

Lecture : en b, écart entre les kcal à usage direct d'alimentation humaine et les besoins caloriques pour la population supplémentaire (croissance démographique) et sous-alimentée ; en c, mêmes considérations qu'en b, mais en incluant la totalité des calories récoltées sans distinction d'usage.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d’études et de prospective

Source : Nature Food

Quels impacts socio-économiques de l'irrigation en Inde ?

S'il est généralement admis que l'irrigation permet de réduire la pauvreté rurale, la question de ses impacts sur les inégalités est plus discutée. Pour éclaircir ces débats, des chercheurs ont analysé les conséquences socio-économiques du développement de l'irrigation dans la région du Karnataka, au sud de l'Inde. Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue Nature.

Les auteurs ont d'abord reconstitué les dynamiques agraires historiques de la région, au moyen d'une cinquantaine d'entretiens. Cette analyse a montré que l'agriculture s'y caractérisait, dans les années 1950-1960, par une forte différenciation sociale et une hétérogénéité des tailles d'exploitation, allant de quelques hectares à plusieurs dizaines. Les producteurs disposant des plus grandes surfaces ont été les premiers, dès les années 1970, à avoir les moyens de creuser des puits pour l'irrigation. Ils ont ainsi pu cultiver de la canne à sucre, très rémunératrice, et accumuler des capitaux conséquents. Progressivement, une part importante des autres agriculteurs est aussi parvenue à s'équiper, souvent au prix d'un lourd endettement. De plus, la raréfaction de la ressource en eau les a rapidement contraints à délaisser la canne pour des productions moins exigeantes mais moins rémunératrices (légumes, curcuma, etc.).

Le second temps du travail a été consacré à la modélisation des systèmes de production actuels du Karnataka et à l'évaluation de leurs performances économiques. Il montre que l'irrigation accroît les performances des exploitations qui en bénéficient, quelle que soit leur taille. Cependant, le gain est beaucoup plus important pour les agriculteurs disposant de grandes surfaces, qui ont pu s'équiper en matériel de micro-irrigation, et ainsi sécuriser en partie leur production malgré la moindre disponibilité en eau. De leur côté, ceux qui ne produisent encore que des cultures pluviales (sorgho, éleusine, dolique, etc.) ont malgré tout pu bénéficier des retombées économiques de l'irrigation, en travaillant pour le compte des agriculteurs irrigants. L'analyse économique montre toutefois que leur salaire est jusqu'à vingt fois inférieur à la productivité économique de leur travail, relativisant le caractère redistributif de l'emploi créé par l'irrigation. Ces travaux confirment donc l'efficacité économique de l'irrigation mais ils montrent qu'elle peut s'accompagner d'un accroissement des inégalités.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Nature

09:57 Publié dans Agronomie, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, agronomie, inde |  Imprimer | | | | |  Facebook

Automatisation dans l’industrie de la viande

La revue Animal Frontiers traite, dans son numéro d'avril 2022, de l'automatisation dans l'industrie de la viande et de ses perspectives dans les prochaines années. Du fait de la complexification des process et de la diminution du nombre des personnes souhaitant travailler dans ce secteur, l'automatisation s'y développe rapidement. C'est en particulier le cas pour la découpe et pour les espèces présentant des variations anatomiques limitées (porc, volaille).

Un premier article rétrospectif présente l'évolution de la robotisation de la découpe depuis quarante ans au Royaume-Uni. Les capacités développées par les travailleurs, sur la chaîne de transformation (perception sensorielle, contrôle de la motricité, prise de décision pour le trait de coupe), doivent petit à petit s'appliquer aux machines. Leur utilisation est motivée par divers objectifs : plus grande sécurité, qualité constante, meilleur rendement, plus grande rapidité, diminution des coûts liés au salaire, au recrutement et à la formation des salariés. En contrepartie, le robot doit effectuer les activités de boucherie aussi bien qu'un humain : maintenir la pièce à couper dans une position appropriée ; éviter tout mouvement pendant le coupage ; déterminer le trait de coupe en fonction de critères anatomiques ; utiliser la technologie adéquate (jet d'eau, laser, lames tranchantes, etc.) ; contrôler la pièce obtenue. Pour cela, un robot « intelligent » est requis (figure ci-dessous).

Conception d'un robot « intelligent » pour la découpe de la viande

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Source : Animal Frontiers

Comme l'explique un autre article, le développement de la robotisation est freiné en filière viande par l'hétérogénéité des formes et de la consistance de la matière carnée, et par les obligations en matière d'hygiène. L'Intelligence artificielle (IA) permet alors au robot de prendre des décisions en fonction des différents paramètres collectés par ses systèmes « sensibles ». Elle augmente ainsi l'efficacité (et l'efficience) de l'automatisation. Cela nécessite un robot doté d'excellentes qualités techniques (ex. caméras), pour alimenter les algorithmes en données précises : software et hardware doivent être améliorés ensemble. Les données du produit peuvent également être traitées pour orienter celui-ci vers une machine ou un type de coupe adaptés. L'IA vérifie alors la qualité du produit final, par exemple en matière de taille ou de poids par rapport aux attentes commerciales.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Animal Frontiers

Les filières animales françaises face à la pandémie de Covid-19

Deux ans après la crise sanitaire, le numéro de mai 2022 de Productions Animales dresse un état des lieux de trois filières françaises : lait de vache, viandes et secteur équin. Dans chaque cas, les auteurs analysent la situation avant la crise, rappellent les grandes tendances à l’œuvre et détaillent les effets de la pandémie.

Les filières lait et viandes ont été essentiellement confrontées à une crise de la demande, mettant à l'épreuve leur réactivité et leur résilience. La production de lait de vache a été peu affectée en volume, malgré une limitation volontaire en avril 2020 face aux difficultés logistiques. En revanche, le premier confinement a entraîné une modification soudaine des consommations des Français. La fermeture des marchés de plein vent et de nombreux rayons à la coupe, dans les grandes surfaces, a impacté certains produits sous appellation d'origine ainsi que les producteurs en vente directe, poussant au développement de circuits alternatifs (drives fermiers). Le lait, la crème, le beurre et les fromages utilisés comme ingrédients ont vu leur demande croître, avec la hausse des repas pris à domicile. La filière bovins viande a vu se constituer un surstock de jeunes bovins initialement destinés à l'Italie et à la Grèce. En même temps, la demande en vaches a été stimulée par la consommation à domicile, plus axée sur l'origine France que la restauration qui s'approvisionne davantage à l'étranger. Le bœuf haché, déjà en croissance, a été plébiscité pour sa praticité et son prix. Pour la filière porcine, les auteurs détaillent les effets entremêlés de la pandémie de Covid et de la peste porcine africaine. En volailles, les impacts de la Covid sont nettement différenciés selon les espèces : si les volumes de poulets ont progressé, les viandes plus consommées en restauration (canards, pintades) ont été fortement pénalisées (figure ci-dessous).

Évolution de la consommation à domicile de volailles (achats des ménages en volumes), entre 2019 et 2020, et entre 2020 et 2021 (base 100 = 2019)

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Source : Productions Animales

Enfin, les auteurs présentent le cas du secteur équin. Avec l'annulation de plus de 2 500 courses hippiques et d'autres courses à huis clos, les paris ont été moins importants, et les retours économiques dans la filière ont diminué de 100 millions d'euros sur l'année 2020. Après les périodes de fermeture, les centres équestres semblent avoir bien rebondi, ce sport étant le seul à avoir gagné des licenciés depuis 2019.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Productions Animales

14/06/2022

Un cadre d'action en faveur de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture

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La Commission des ressources génétiques de la FAO a publié, en mai 2022, son Cadre d'action en faveur de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture. L'enjeu de ce document est de fournir une architecture globale de gestion de la biodiversité dans les secteurs alimentaires et agricoles. Il poursuit plusieurs objectifs, dont la promotion de la transition vers des systèmes agroalimentaires plus durables, ou encore l'amélioration de la construction d'indicateurs et de mesures pour évaluer les pratiques de gestion de la conservation et de l'utilisation de la biodiversité.

Les auteurs rappellent l'importance de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture. En dépit d'une croissance des pratiques respectueuses de cette biodiversité, celle-ci connaît un déclin. Quant aux connaissances de la faune et de la flore sauvages, elles restent encore incomplètes, et variables selon les régions du monde. Le document fait état de la perte de 178 millions d'hectares de forêts depuis 1990, ou bien encore d'une augmentation de la part des espèces locales de bétail en risque d'extinction (29 % en 2021 contre 26 % en 2019). Ce recul a des causes multifactorielles, liées en particulier à des modifications dans l'utilisation des terres et des eaux. Enfin, les cadres politiques et juridiques destinés à préserver cette biodiversité paraissent insuffisants. À partir de ce constat, les auteurs recensent les besoins en matière de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture, sur la base des contributions des pays au rapport sur l'État de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture.

Trois domaines stratégiques, comprenant 57 mesures à prendre, sont ensuite définis. Le premier concerne la caractérisation, l'évaluation et le suivi de la biodiversité, pour lesquels il conviendrait, par exemple, de soutenir l'amélioration des systèmes d'information. Le rapport appelle ensuite à un renforcement des programmes de conservation. Enfin, les cadres institutionnels relatifs à la biodiversité sont jugés globalement peu attentifs aux liens entre biodiversité, alimentation et agriculture. Les pouvoirs publics sont ainsi invités à renforcer leurs capacités en matière de recherche dans ce domaine. Au final, ce cadre d'action reste avant tout stratégique et il conviendra d'adapter ces recommandations aux spécificités des territoires concernés, afin de les rendre opérationnelles.

Johann Grémont, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

09:54 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement | Lien permanent | Tags : biodiversité, systèmes alimentaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

« Quick commerce » et livraisons à domicile

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Sur France Culture, l'épisode du 20 mai 2022 d'Entendez-vous l'éco évoque les enjeux du développement de la livraison à domicile, notamment des courses alimentaires et des plats cuisinés. Il donne la parole à une urbaniste (L. Dablanc), un professeur de logistique (A. Rouquet) et une économiste (P. Reme-Harnay). De façon complémentaire, un podcast d'Arte-Radio fait intervenir notamment R. Godin (journaliste économique), et propose le témoignage d'un livreur à vélo sans-papiers. Les entreprises les plus citées, telles Deliveroo, UberEats, Flink, Gorillas, Frichti et Getir, essaiment dans les grandes villes à travers le monde, d'abord en Asie du Sud-Est et en Europe depuis 5-6 ans, et dernièrement dans les Amériques. Au-delà des arguments de praticité et de rapidité, le confinement à la crise du Covid-19 leur a assuré une utilité accrue. Associée à cette tendance, la multiplication des dark kitchens s'est traduite par des nuisances de voisinage (voir à ce sujet une précédente brève).

Les deux programmes soulignent la continuité avec « l'épicerie de dépannage », connue dès l'Antiquité. Ils mettent en évidence le paradoxe de services se présentant comme disruptifs et innovants, mais perpétuant des formes brutales et très anciennes de subordination et d'exploitation, à l'encontre de travailleurs peu protégés, exposés à des risques physiques (fatigue, accidents). Vis-à-vis des livreurs, le « management algorithmique » pratiqué entretient une opacité sur les coefficients appliqués aux courses, de façon à diminuer les rémunérations. L'émission de France Culture évoque leurs actions collectives et les évolutions réglementaires pour mieux encadrer des conditions de travail décrites comme « déplorables ».

Enfin, le modèle économique, qualifié de « prédateur », est éclairé de façon particulièrement crue. Ces entreprises ont toutes commencé comme startups, financées par les investisseurs en capital-risque. Elles baissent les prix le temps de « tuer la concurrence » et de fidéliser les consommateurs. R. Godin rapporte cette stratégie au contexte du capitalisme financiarisé. Pendant la « phase de subvention », les levées de fonds permettent d'offrir un service sans se préoccuper du prix, quitte à perdre de l'argent. Elles prennent des parts de marché à la grande distribution et aux épiceries, sans gain de productivité ni création de valeur. Il y a là, selon lui, un simple « transfert d'activités ». Le marché restera de niche et les nouvelles entreprises sont vouées à se faire racheter par les acteurs installés du secteur, à savoir les enseignes de la grande distribution.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Sources : France Culture, Arte Radio

Ifpri, 2022 Global Food Policy Report: Climate Change and Food Systems, 2022, 189 pages

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En mai 2022, l'International Food Policy Research Institute (Ifpri) a publié son Global food policy report annuel, consacré au changement climatique et aux systèmes alimentaires. Il mobilise des travaux internes (notamment des résultats du modèle IMPACT) ou réalisés par d'autres centres du Consultative Group on International Agricultural Research (voir un portrait de cet organisme). Au fil des 12 chapitres, les auteurs décrivent des actions publiques et des innovations à même de répondre aux défis climatiques et à leurs conséquences : nouvelles variétés à cultiver, sources d'énergie « propre », technologies digitales, réforme du commerce, gouvernance des territoires, protection sociale, etc.

Par exemple, ils proposent de consacrer une partie des aides publiques agricoles à la recherche sur des technologies améliorant la productivité et diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Malgré une difficulté de mise en œuvre et la nécessité de mettre en place une coordination internationale, ces investissements publics paraissent les moins distorsifs et les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique. Les auteurs invitent également à réorienter une partie des flux financiers dans une optique de « finance climatique ». Si les flux annuels actuels consacrés aux secteurs de l'agriculture, de la forêt et des autres usages des terres sont estimés à 20 milliards de $ (figure ci-dessous), les besoins sont projetés, à 2030, à 350 milliards pour atteindre les Objectifs de développement durable. Dans un autre chapitre, divers apports des technologies digitales sont mis en avant : gestion des risques (ex. services d'informations météorologiques localisés), suivi de la qualité des denrées, prévisions climatiques, etc.

Montants (millions de $ américain) alloués à la « finance climatique » (moyenne annuelle estimée pour 2017-2018)

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Source : Ifpri

Enfin, l'analyse de plusieurs régions met en évidence des enjeux clés spécifiques : utilisation de l'eau pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, politiques d'aides à l'agriculture pour l'Asie du Sud, etc. Par exemple, l'Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan) fait face à deux défis majeurs : les pénuries d'eau ; la dégradation des terres sous l'effet combiné de l'augmentation des températures, de l'aridité, des pratiques culturales, de l'irrigation et du sur-pâturage. La diversification des cultures et l'utilisation de techniques d'économie d'eau sont les deux pistes principales identifiées, les auteurs soulignant le besoin de production de données locales fiables sur le changement climatique et les systèmes alimentaires.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Lien : Ifpri

Offre, demande et flux de fourrages à La Réunion

Conduit entre 2017 et 2020, le projet GABIR (Gestion agricole des biomasses à l’échelle de La Réunion) visait à améliorer l’autonomie des exploitations en valorisant les biomasses disponibles localement. Un article publié en avril 2022, dans la revue Fourrages, se penche sur les conditions de la mise en place d’une filière fourragère, sur l’île, pour sécuriser l’approvisionnement en saison sèche (caractérisée par un déficit), comme en saison de pluie, pour l’ensemble du territoire.

Dans un premier temps, les chercheurs ont établi des bilans fourragers au moyen d’un modèle spatialisé de simulation des flux. Le parcellaire fourrager de 35 184 ha a été réparti en 12 zones logistiques (figure ci-dessous) puis, à partir de la littérature existante, un type de fourrage, un mode d’exploitation et un rendement moyen ont été associés à chaque parcelle. En volume produit, l’herbe sur pied (pâturée) arrive en tête, suivie par l’enrubanné et le foin.

Les douze zones logistiques identifiées et les élevages présents dans chaque zone (en Unité de gros bétail, UGB)

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Source : Fourrages

Dans un second temps, A. Lurette et ses collègues ont estimé la demande de fourrage au moyen d’une géolocalisation des exploitations et de leurs troupeaux. L’alimentation des 53 800 têtes de bétail se fait majoritairement à partir d’herbe pâturée (32 %), d’affouragement en vert (30 %) et d’enrubanné (22 %). Les bovins et petits ruminants représentent près de la moitié du cheptel et des besoins en fourrage de l'île (tableau ci-dessous).

Total des consommations annuelles de six fourrages par les différents cheptels réunionnais (en tMS/an)

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Source : Fourrages

Les zones logistiques d’offre et de demande ont été superposées, montrant une sous-valorisation de l’herbe en saison des pluies, qui a des répercussions négatives sur la disponibilité des fourrages en saison sèche. Parmi les leviers techniques mobilisables, la fauche dans les Hauts de La Réunion, concernés par le déficit de fourrages, paraît la plus efficace. La modélisation a enfin recherché les solutions les plus optimales, en matière de flux, entre producteurs et consommateurs. Un scénario de référence, basé sur des échanges de proximité, a été comparé à un autre prévoyant une augmentation de la production dans les hauts de l’île et la création de quatre structures de stockage. Ce deuxième scénario aboutit à la couverture des besoins de plus d’élevages et, surtout, à la valorisation de 8 691 tMS supplémentaires de fourrage grâce au stockage.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : Fourrages

09:50 Publié dans Exploitations agricoles, Production et marchés, Territoires | Lien permanent | Tags : fourrages, élevage, outre-mer |  Imprimer | | | | |  Facebook

Poids des véhicules agricoles modernes : un risque pour la productivité des sols

Dans une étude parue en mai 2022, dans la revue Proceedings of the National Academy of Science (PNAS), des chercheurs s'intéressent à l'impact du poids des engins agricoles modernes sur le tassement des sols. Ces nouveaux « mastodontes » sont notamment comparés avec les plus gros dinosaures ayant existé : les sauropodes.

Au cours du XXe siècle, la puissance et la capacité de chargement des véhicules agricoles ont progressé de manière constante, augmentant par là-même leur poids. Entre 1958 et 2020, le poids en charge des moissonneuses-batteuses a été multiplié par 9 (36 tonnes en 2020). Les machines actuelles pèsent désormais davantage que les plus gros animaux terrestres actuellement vivants et que la plupart des dinosaures. Pour éviter des pertes de puissance et une surconsommation de carburant, les fabricants ont ajusté la dimension des pneus et leur souplesse : cela permet de maintenir un rapport constant entre la surface de contact et le poids de ces engins, et donc de limiter les contraintes au sol. Le tassement du sol en surface a donc pu être contenu, voire diminué au cours de la dernière décennie (figure ci-dessous - A). Pour autant, le compactage chronique du sol a, lui, été accru, se propageant aux différentes couches jusqu'à une profondeur de 50 cm, au niveau de la zone racinaire des plantes. De ce fait, la pression subie en sous-sol augmente avec le poids en surface (figure ci-dessous - B). 

Évolution de la pression en surface (A) et à 50 cm de profondeur (sous-sol, B) en fonction du poids des véhicules agricoles, et comparaison avec différents animaux (sauropodes, éléphant, cheval)

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Source : PNAS

Lecture : chiffres en rouge : année d'une moissonneuse-batteuse type sur la période 1958 à 2020. En bleu et en italique, les différents sauropodes (1 : Plateosaurus engelhardti ; 2 : Morosaurus agilis ; 3 : Cetiosaurus sp ; 4 : Argyrosaurus superbus ; 5 : Prontopodus sp. ; 6 : Neosodon praecursor ; 7 : Sauropodichnus giganteus ; 8 : Brachiosaurus sp. ; 9 : Prontopodus birdi ; 10 : Barosauros lentus ; 11 : Argentinosaurus).

Les auteurs estiment que 20 % des surfaces cultivées dans le monde (figure ci-dessous) courent un risque élevé de perte de productivité, difficilement réversible, en raison du compactage chronique provoqué par les engins agricoles modernes, atteignant les limites mécaniques intrinsèques du bon fonctionnement des sols. Les risques les plus élevés, modélisés dans cette étude, concernent les zones agricoles relativement humides, les plus mécanisées et avec de grandes exploitations (Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud et Australie).

Carte mondiale de l'indice de sensibilité au compactage du sous-sol

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Source : PNAS

Lecture : l'indice de sensibilité au compactage du sous-sol (SCSI) représente le rapport entre la contrainte typique estimée du sol et la résistance du sol à une profondeur de 0,5 mètre. Cet indice est basé sur des estimations du niveau de mécanisation, de la taille moyenne des machines agricoles, de la texture du sol et des conditions climatiques. Un indice > 1 correspond à un risque de compactage chronique du sous-sol.

En conclusion, les auteurs appellent les fabricants des futurs véhicules agricoles à des modifications dans la conception des machines pour limiter les effets de compactage chronique des sols.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS 

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Quelles conséquences des sanctions européennes sur les approvisionnements en potasse ?

Dans un Science for policy brief publié en avril 2022, le Centre commun de recherche de l'Union européenne (UE) analyse les conséquences des sanctions contre la Russie et la Biélorussie sur l'approvisionnement en engrais potassiques de l'UE. Ces deux pays représentaient respectivement 28 % et 24 % de ses importations de potasse en 2020. Les auteurs montrent qu'en 2022, le Canada devrait être en mesure d'accroître sa production et d'exporter vers l'UE les 1,2 million de tonnes qui lui manqueront. De leur côté, Russie et Biélorussie devraient réorienter leurs exportations vers le Brésil, l'Inde et la Chine, qui n'ont pour l'heure pas imposé de sanctions à Moscou et Minsk. Ces tensions géopolitiques risquent toutefois d'accroître la volatilité du prix des engrais. Dans ces conditions, l'augmentation de la production de potasse de l'UE et la réduction de l'utilisation des engrais minéraux, telles que prévues dans la stratégie Farm to Fork, paraissent nécessaires.

Source : Centre commun de recherche

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L'élevage de poulpes : une innovation aquacole qui fait débat

Un projet d'élevage de poulpes, aux Canaries, a suscité de vifs débats, dont le journal Le Monde s'est fait l'écho en mai dernier. Alors que sa demande mondiale a explosé et que son commerce international a doublé, dans la dernière décennie, seul le poulpe sauvage est aujourd'hui consommé. L'article rappelle que ce sont des chercheurs de l'Institut espagnol d'océanographie qui ont été les premiers à parvenir à boucler le cycle complet de reproduction de l'animal, en introduisant des larves d'artémies dans son alimentation. Cette découverte, qui a fait l'objet d'une publication dans la revue Aquaculture Research, a ouvert la voie à l'élevage du céphalopode. Les critiques suscitées par ce projet sont d'ordre environnemental, puisqu'il nécessiterait d’accroître la pression de pêche pour nourrir ces carnassiers. Elles sont aussi éthiques. En effet, les poulpes sont reconnus comme étant des animaux « intelligents » d'où des questions de bien-être animal jusqu'ici non traitées pour les invertébrés, comme le relevait un rapport de la London School of Economics.

Sources : Le Monde, Aquaculture Research

13/06/2022

Observatoire des entreprises de gros et d’expédition de fruits et légumes frais en France (2017-2019)

Le CTIFL a publié, en avril 2022, les résultats d'une analyse financière des comptes des entreprises françaises de gros et d'expédition de fruits et légumes frais, sur la période 2017-2019. L’ensemble des informations traitées est issu des documents comptables déposés aux greffes des tribunaux de commerce. Le chiffre d’affaires progresse sur la période observée. Le résultat net des entreprises est influencé par leur capacité à maintenir leur niveau de marge commerciale, ainsi qu’à contenir la progression des charges. Cela représente une difficulté pour les coopératives comme pour les importateurs (pour les charges). Le résultat net des expéditeurs et des grossistes progresse au cours de la période. Des informations économiques et financières sectorielles, ainsi que des éléments conjoncturels, sur la production et la consommation, sont également présentés.

Principaux ratios comptables au 31 décembre 2019

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Source : CTIFL, d’après Insee ESANE 2019

Source : CTIFL

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