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08/02/2021

Un inventaire des émissions de gaz à effet de serre liées aux usages des terres

Le dernier numéro de la revue Nature présente un recensement des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), liées à l'usage des sols, entre 1961 et 2017. Si les émissions issues de combustibles fossiles sont déjà largement analysées, la compilation de celles liées à l'utilisation des terres, à leur changement d'usage et à l'exploitation de la forêt (rassemblés comme « usage des sols »), est inédite par son ampleur et la période considérée. Sur un pas de temps annuel, à partir des statistiques de la FAO, les émissions et le stockage de GES sont ainsi modélisés par pays, production, type de gaz et processus impliqué (ex. fermentation entérique, récolte de bois). Les émissions de GES sont attribuées aux pays producteurs, et non aux consommateurs des produits finaux puisque l'approche est centrée sur l'usage des sols. De même, dans la base de données constituée, les émissions liées aux cultures ne sont réallouées aux élevages, via l'alimentation animale, que dans un traitement complémentaire.

Il apparaît en particulier (figure ci-dessous), après 40 ans de relative stabilité, que les émissions nettes ont fortement augmenté à partir de 2001, en raison des changements d'usage de sols mis en culture pour la production de céréales et d'oléagineux.

Émissions et stockage mondial de GES liés à l'usage des sols, selon le processus impliqué (à gauche) et le groupe de produits (à droite)

GES.jpg 
Source : Nature

Lecture : pour les processus représentés à gauche, de bas en haut, abandon de terres agricoles, mise en culture de sols pour la production de céréales et d'oléagineux (Land Use Change to croplands, LUC_Crops), fermentation entérique, récolte de bois, conversions de terres en pâturage, rizières, tourbières, différentes formes de fertilisation.

Les émissions de GES sont décomposées en fonction de facteurs techniques et socio-économiques, faisant ressortir différents leviers d'amélioration selon les zones. Ainsi, en Afrique et en Asie centrale, l'amélioration des rendements, pour réduire les surfaces nécessaires aux productions, est prioritaire. Le principal levier d'action concerne néanmoins les pays où les émissions ont le plus progressé à cause du changement d'usage des terres, notamment en Amérique latine et en Asie du Sud. Le défrichement de forêts denses pour la production de soja, riz, maïs et huile de palme est en effet responsable de la forte augmentation des émissions.

Si l'approche par pays producteurs permet de bien identifier les problèmes majeurs, à ce stade, une approche complémentaire rapportant les émissions de GES aux consommateurs ferait ressortir d'autres leviers d'action, notamment pour les pays européens. Enfin, le bilan des GES rappelle les enjeux de stockage du carbone dans les sols agricoles : si, sur la période analysée, l'essentiel des « émissions négatives » est dû à l'abandon de terres agricoles, la prise en compte du potentiel de stockage de carbone dans des terres productives est primordiale (voir à ce sujet un autre billet).

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Nature

08/06/2020

Les besoins en ressources naturelles du système alimentaire des États-Unis

Une étude de l'USDA, publiée en mai, propose une estimation des besoins en ressources naturelles du système alimentaire des États-Unis. Les auteurs ont notamment évalué l'influence du régime alimentaire, en comparant les consommations de 2007 avec un régime qui satisferait les recommandations nutritionnelles de 2010. Les besoins en ressources naturelles (terres, eau, énergies fossiles, produits forestiers) et les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été estimés en utilisant les modèles FEDS-EIO (intrants agricoles nécessaires jusqu'à l'assiette) et Foodprint (besoins en terres et en bétail). Les importations et exportations alimentaires sont exclues de l'analyse. Les résultats confirment l'influence positive qu'aurait un régime alimentaire « santé » sur la réduction des besoins en ressources naturelles, sauf en matière d'eau (dont les volumes prélevés annuellement augmenteraient de 16 %) et d'émissions de GES (qui resteraient au même niveau).

Estimation du changement d'utilisation de ressources naturelles entre le régime alimentaire de base actuel et le régime « santé » (%)

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Source : USDA

Source : USDA

13/04/2020

Application d'échanges de produits alimentaires, gaspillage et émissions de gaz à effet de serre

Un article publié en mars dans Nature Communications estime les impacts sociaux et environnementaux de l'utilisation d'OLIO, application d'échanges entre particuliers de produits alimentaires proches de la date de péremption ou achetés en trop. Lancée en 2015, elle rassemble à ce jour 700 000 utilisateurs dans le monde, dont 73 % au Royaume-Uni. L'étude porte sur la région du Grand Londres et s'appuie sur des données couvrant 19 mois (avril 2017 - octobre 2018).

Les produits enregistrés sur la plate-forme sont regroupés, par une méthode de classification automatique, en 13 catégories selon leurs caractéristiques (frais, congelé ou sec, valeurs nutritionnelles, etc.). Pour chaque échange, des recoupements sont effectués avec les données du recensement britannique pour approcher les caractéristiques sociales des individus. De même, des données géographiques, déclarées dans l'application, permettent d'estimer les émissions de gaz à effet de serre (GES) résultant des déplacements des protagonistes, reconstitués grâce à l'API HERE. 6 scénarios de transport sont ensuite testés, selon le mode choisi (ex. : voiture uniquement) et le niveau de rationalisation avec d'autres déplacements.

Au cours des 19 mois, 90 tonnes d'aliments ont été échangées, soit 60 % des produits proposés sur l'application, pour une valeur de 750 000 £. Quel que soit le scénario de transport, le recours à ce système d'échanges a un niveau d'émissions de GES plus bas que l'achat des quantités équivalentes dans le commerce, permettant d'éviter le rejet de 87 à 156 t CO2eq. Par ailleurs, les échanges ont principalement lieu entre personnes à faibles revenus, mais disposant d'un haut niveau d'études : le développement de ce type de plateforme aurait donc un potentiel limité de réduction de l'insécurité alimentaire (laquelle touche 10 % des Britanniques). Enfin, étant donné que sont gaspillés 124 à 154 kg/pers/an au niveau des magasins et de la consommation finale (soit 10 à 25 % des dépenses alimentaires des ménages), ce type d'applications représente, pour les auteurs, une perspective intéressante d'optimisation des ressources. Ils soulignent toutefois des freins pour les utilisateurs : temps et investissement personnel pour proposer un produit de valeur faible ou nulle ; réticence à consommer une denrée de « seconde main » ; offre limitée en volume et en diversité.

Nombre et pourcentage d'échanges par catégorie de produits alimentaires proposés sur l'application, en fonction du type d'utilisateur

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Source : Nature Communications

Lecture : en abscisses, de gauche à droite : produits de boulangerie ; aliments dits « de base » (farine, boîtes de conserve, huile, condiments, etc.) ; fruits, légumes et aromates ; plats préparés ; sandwiches ; snacks ; boissons (autres que thé ou café) ; thé et café ; autres (pouvant intégrer plusieurs catégories) ; produits laitiers ; protéines animales (viande et substituts, œufs, etc.) ; produits congelés ; aliments pour bébé.

En jaune foncé, produits proposés et échangés par les bénévoles de l'application ; en jaune clair, par les autres utilisateurs ; en gris foncé, produits proposés par les bénévoles n'ayant pas trouvé preneur ; en gris clair, produits proposés par les autres utilisateurs n'ayant pas trouvé preneur.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Communications

18:46 Publié dans Alimentation et consommation, Environnement | Lien permanent | Tags : applications, gaspillage, ges |  Imprimer | | | | |  Facebook

21/01/2020

Recommandations du Haut conseil pour le climat pour l'évaluation des lois ayant des effets sur les émissions françaises de GES

Le Haut conseil pour le climat (HCC) a été chargé, par le gouvernement, de cadrer les méthodes d'évaluation des lois d'orientation ayant des effets sur les émissions françaises de gaz à effet de serre : il s'agit de pouvoir juger de leur contribution aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), et de leur capacité à promouvoir des leviers de la transition énergétique et écologique. Dans un rapport publié en décembre, le HCC apporte une première réponse, portant notamment sur l'opportunité d'évaluer les projets de loi et sur la robustesse de la méthodologie.

Les principales conclusions visent d'abord à trier les projets pertinents à évaluer au regard de la SNBC, afin de ne pas engorger le dispositif de préparation des textes et de pouvoir évaluer en détail les projets importants. Ensuite, les auteurs rappellent la nécessité de fonder l'évaluation sur des principes de transparence (critères, méthodes), d'indépendance de l'évaluateur, et de diffusion des résultats sous une forme appropriable par les acteurs concernés. Ils notent enfin que, en l'état actuel, les études d'impact environnemental sont généralement incomplètes ou insatisfaisantes (sources insuffisamment étayées, choix arbitraire des articles évalués), qu'elles ne sont obligatoires que pour les « projets » de loi émis par le gouvernement (pas pour les « propositions » venant du Parlement), et qu'elles deviennent obsolètes dès que les textes évoluent du fait des amendements déposés.

Un focus est notamment fait sur la loi Égalim, promulguée en octobre 2018. Les auteurs soulignent les points suivants : pas de consultation du CESE sur aucun des 98 articles ; pour quatre articles, étude d'impact repoussée aux ordonnances qui en découleront ; évaluation environnementale des seuls articles 11 (« composition des repas en restauration collective ») et 14 (« pratiques commerciales prohibées à l'occasion des ventes de produits phytopharmaceutiques »). Par ailleurs, selon les auteurs, l'article 11 a été évalué sur la base d'une étude controversée et sans se pencher sur ses impacts sur les indicateurs de la SNBC.

En conclusion, les auteurs invitent à systématiser les évaluations rigoureuses de la contribution des lois d'orientation aux objectifs de la SNBC, quand cela est pertinent, et à s'inspirer de méthodes développées aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, pour améliorer le processus, dans la transparence vis-à-vis du public et des parties prenantes.

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Haut conseil pour le climat

16:26 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, Climat | Lien permanent | Tags : hcc, snbc, lois, ges |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/12/2019

Le potentiel de la consommation d'insectes pour réduire la pression mondiale sur l'utilisation des terres

Un article récemment publié dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems fournit des simulations quantifiant les impacts potentiels de la consommation d'insectes sur l'utilisation des terres dans le monde. Selon les auteurs, les apports nutritionnels issus des insectes auraient, dans ce contexte, la capacité de réduire les émissions de gaz à effet de serre issus de l'élevage, et aussi la concurrence sur l'utilisation des terres. Les auteurs se basent sur les différents scénarios du GIEC et utilisent des formules d'équivalence nutritionnelle (macronutriments) entre insectes et types de viandes issues des bases de données FAO BioComp4 et USDA (données nutritionnelles). Les résultats montrent que si l'utilisation des insectes contribue à réduire l'utilisation totale des terres, celui-ci a cependant un effet limité, suggérant la nécessité de politiques complémentaires en la matière.

Source : Frontiers in Sustainable Food Systems

09:46 Publié dans Alimentation et consommation, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : insectes, terres, ges, élevage |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/06/2019

La relocalisation de la filière forêt-bois contribuerait à la baisse des émissions nationales et mondiales de CO2

Une équipe de l'Institute for Climate Economics (I4CE) a comparé, à la situation actuelle, quatre scénarios de relocalisation de la transformation du bois français et leurs implications en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Il s'agissait ainsi d'évaluer l'impact des échanges et des effets de substitution entre matériaux sur l'inventaire français des émissions et sur les émissions mondiales. Plus précisément, la filière forêt-bois exportant essentiellement des produits bruts et important des produits transformés, comment la modification de la balance commerciale (en quantité et qualité), par le biais d'une transformation accrue de la ressource nationale par les entreprises françaises, déplacerait-elle les émissions de GES du pays, mais également celles de nos partenaires commerciaux ?

Pour ce faire, les auteurs ont reconstitué les flux français de produits bois et de « connexes » (sous-produits du travail du bois, utilisés pour la production de panneaux ou d'énergie). Ils ont identifié l'origine et la destination du bois produit et consommé en France, et intégré les volumes provenant des échanges commerciaux, en se basant sur les statistiques nationales et internationales (FAO). Les analyses de cycle de vie ont été privilégiées, pour prendre en compte toutes les émissions de GES liées à la consommation des produits bois, notamment le transport. Elles permettent également de comparer les émissions lorsque le bois est remplacé par une alternative non-bois, dans les usages énergétiques ou comme matériau.

Récapitulatif des différents scénarios explorés (BE : bois-énergie ; BI : bois d'industrie ; BO : bois d’œuvre)

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Source : I4CE

Les quatre scénarios sont progressifs, pour mieux comprendre l'impact des déplacements des émissions liés aux modifications des échanges. Cet exercice met en évidence les émissions « évitées » liées au commerce international, en complément de l'approche nationale par les inventaires. Le transport international s'avère être un contributeur clé au bilan des émissions de GES du secteur forêt-bois. De ce fait, une relocalisation de la transformation du bois aurait un impact positif sur les émissions mondiales. La réduction proviendrait des émissions évitées sur le transport et la production d'énergie (utilisation des connexes supplémentaires produits), alors même que les scénarios restent conservateurs en ce qui concerne les usages du bois (en énergie ou matériau).

Bilan des émissions de GES pour les différents scénarios, selon les deux approches retenues

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Source : I4CE

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : I4CE

09:54 Publié dans Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : ges, filière forêt-bois, relocalisation, transport, transformation |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/06/2019

Prospective « Zéro émission nette (ZEN) 2050 » : imaginer et construire une France neutre en carbone

L'association française des entreprises pour l'environnement (EpE) a publié, en mai 2019, les résultats d'une prospective sur la neutralité carbone de la France métropolitaine en 2050, compatible avec la croissance économique. Menée par 27 entreprises membres, assistées par un consortium d'experts (Enerdata, Solagro, Carbone 4, Cired), et partagée avec différentes parties prenantes (ONG, scientifiques, organisations professionnelles, etc.), cette étude contribue, selon ses auteurs, à une « appropriation collective » du sujet.

Le rapport s'ouvre sur une analyse de l'évolution des modes de vie, avec la présentation de neuf portraits de ménages français en 2050, caractérisés par leurs besoins de consommation – et donc des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) – et leur motivation à évoluer vers un mode de vie moins carboné. Le document propose ensuite une analyse systémique puis multi-sectorielle des efforts de réduction des GES, afin d'atteindre un niveau d'émissions résiduelles de 100 MtC02eq/an en 2050, ces émissions étant compensées par un puits de carbone équivalent.

Émissions de GES en France (2015-2050, MtCO2eq), par secteurs

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Source : EpE

Le secteur agriculture et alimentation devrait réduire de moitié ses émissions (42 MtC02eq/an en 2050 contre 92 aujourd'hui). La trajectoire proposée par les auteurs nécessite d'amplifier certaines tendances alimentaires : réduction du gaspillage et de la consommation de viande. Côté production, l'effort consisterait en la forte limitation des engrais azotés (- 80 % d'émissions de N2O), l'amélioration de l'efficacité énergétique et la méthanisation des effluents d'élevage (70 %), dans le cadre d'un modèle prônant la qualité alimentaire et combinant agro-écologie et agriculture de précision. Une extension modérée de la forêt, la limitation de l'artificialisation des terres et la séquestration du carbone dans les sols agricoles doubleraient la capacité actuelle de capture du carbone. Enfin, la biomasse agricole, forestière et issue des déchets remplacerait en partie les énergies fossiles (biogaz, agro-carburants, biométhane, bois-énergie), à hauteur de 336 TWh/an, face à une demande estimée à 944 TWh/an en 2050.

Le rapport souligne enfin le rôle structurant de la biomasse pour la transition climatique. Il préconise une gouvernance intersectorielle, encadrée localement et nationalement, pour gérer les concurrences entre les usages de la biomasse, le marché ne pouvant faire seul cet arbitrage.

Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective

Source : EpE

11/06/2019

Un quart des émissions liées au secteur bois-papier est échangé

Le recours aux bois et papiers d'importation permet aux pays développés de limiter les émissions de leurs propres secteurs forêt-bois, selon une étude récente publiée dans Forest Science. Si ce secteur industriel reste l'un des moins émetteurs de gaz à effet de serre (GES), il est l'un de ceux, en revanche, pour lesquels les échanges mondiaux brouillent le plus les inventaires nationaux. En effet, sur la base de la consommation finale de produits (bois, liège, pâte à papier et papier), plus du quart des émissions est importé.

Les auteurs ont utilisé un modèle multi-régional input-output, qui présente l'avantage de différencier les technologies à l’œuvre dans les différents pays (plus ou moins émettrices de GES). Ils se sont appuyés sur une base de données internationale de tableaux entrées-sorties couvrant 41 pays et 35 secteurs d'activité, fournissant une comptabilité environnementale sectorielle sur la période 1995-2009. Distinguant les huit pays les plus importants en matière i) d'émissions basées sur la consommation et ii) d'intensité d'émission (volume de GES par tonne consommée ou produite), ils ont montré l'importance des échanges dans l'empreinte carbone du secteur, selon le profil des pays (importateur ou exportateur, développé ou non). Enfin, si l'intensité d'émission du secteur étudié tend à diminuer sur la période en raison des progrès technologiques, la baisse des émissions du secteur forêt-bois dans les pays développés a été permise par le recours aux importations en provenance de pays moins développés.

Source : Forest Science

09:16 Publié dans Climat, Forêts Bois, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : bois, papier, secteur forêt-bois, ges, échanges |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/04/2019

Analyse du cycle de vie de la production de viande bovine aux États-Unis

Une estimation de l'empreinte environnementale de la production de viande bovine aux États-Unis a été publiée, dans le numéro de février 2019 d'Agricultural Systems, par des auteurs issus de l'USDA, de la National Cattlemen's Beef Association et de l'université de l'Arkansas. Alors que les défis sur le sujet sont nombreux, tant au niveau du marché intérieur qu'à l'exportation, les auteurs ont développé une méthode pour caractériser les systèmes de production et en évaluer les impacts environnementaux. Ils ont utilisé des données sur les caractéristiques et pratiques de 2 270 exploitations (enquêtes en ligne et visites de terrain), ainsi que des statistiques nationales. Ils ont également divisé le pays en sept régions, déterminées à partir des conditions climatiques et des pratiques d'élevage.

Découpage des États-Unis en sept régions, déterminé pour l'analyse de l'empreinte environnementale de la production de viande bovine

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Source : Agricultural Systems

Dans un premier temps, les auteurs identifient 150 systèmes de production représentatifs à l'échelle nationale. Ils utilisent l'Integrated Farm System Model pour simuler, au niveau de l'exploitation et pour plusieurs années climatiques, la production d'aliments et leur consommation, la croissance et la performance des animaux, les cycles de nutriments. Une analyse de cycle de vie leur permet également d'évaluer, pour chaque système, l'utilisation des ressources et les émissions. La figure ci-dessous présente les résultats pour les trois principales phases de l'élevage bovin.

Contribution des trois principales phases d'élevage aux quatre catégories d'impact environnemental étudiées : émissions de gaz à effet de serre, utilisation d'énergie fossile et d'eau, pertes d'azote

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Source : Agricultural Systems

Dans un deuxième temps, une empreinte environnementale moyenne est simulée par région, en incluant les animaux issus de la production laitière. Elle ne permet pas de mettre en évidence des tailles ou systèmes de production plus efficaces, car cette efficacité dépend de nombreux paramètres, comme par exemple, pour les émissions de N2O, le type de bâtiments, de sols, le régime des précipitations, la fertilisation azotée, etc. Enfin, les auteurs utilisent les valeurs régionales pour déterminer les impacts nationaux, à partir du nombre d'animaux par État (74 % provenant de trois régions – Northern et Southern Plains, Midwest). Ils estiment ainsi que, par kg équivalent carcasse produit, 21,3 kg de CO2équ sont émis, 155 g d'N sont perdus, 50 MJ d'énergie fossile et 2 034 L d'eau sont utilisés.

Les auteurs soulignent en conclusion que ces estimations représentent une base potentielle pour des évaluations de stratégies d'atténuation, et précisent que leurs travaux se poursuivent sur les phases suivantes (transformation, consommation, déchets, etc.), afin de fournir une analyse complète de l'impact environnemental de la viande bovine américaine.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Sylvain Maestracci, Conseiller agricole, Service économique de Washington, Ambassade de France aux États-Unis

Source : Agricultural Systems

18/01/2019

Les consommateurs sous-estiment les émissions de gaz à effet de serre dues à leur alimentation

Deux études ont été menées pour évaluer les connaissances des consommateurs sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées à la production de biens alimentaires, et pour analyser l'impact d'un étiquetage « carbone » sur les actes d'achat. Les résultats ont été publiés en décembre dans un article de la revue Nature Climate Change.

Dans la première étude, 514 participants devaient estimer les émissions de GES et la consommation d'énergie nécessitées par la production et le transport de 19 aliments et par l'utilisation de 18 appareils ménagers pendant une heure. Ils disposaient pour cela d'une référence : une ampoule de 100 watts allumée pendant cette durée ou la production d'une tomate de taille moyenne consomment 100 unités. Dans la seconde étude, 120 participants recevaient une quantité d'argent et devaient l'utiliser pour acheter trois types de soupes parmi les six proposées (trois avec de la viande et trois végétariennes). Ils étaient divisés en deux groupes. Ceux du groupe de contrôle pouvaient voir le nom, l'image, la taille, le prix et la composition des soupes. Ceux du groupe de traitement avaient en plus accès à de l'information sur l'empreinte carbone des produits via une échelle colorée allant du vert, pour une empreinte basse par rapport aux autres produits de la même catégorie, au rouge pour une empreinte élevée.

Les résultats de la première étude (figure ci-dessous) montrent que les participants sous-estiment la consommation énergétique et les émissions liées à la production de ces biens (une estimation correcte se situerait sur la diagonale grise), et ce particulièrement pour les aliments. Selon les auteurs, cela s'expliquerait par le fait que la production alimentaire est complexe, notamment au regard de sa consommation d'énergie, et que les sources d'émissions sont multiples et faiblement connues du grand public. Peu de gens savent, par exemple, que le méthane est un GES 28 à 36 fois plus polluant que le CO2.

Estimations moyennes des émissions de GES relativement aux émissions réelles

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Source : Nature Climate Change

Les auteurs constatent également que les participants qui disposent d'une information environnementale achètent moins de soupe à base de viande que ceux du groupe de contrôle, notamment car ils estiment mieux l'impact environnemental de leur choix. Ils soulignent enfin la forte variabilité des mesures d'empreinte carbone selon les hypothèses utilisées et suggèrent donc de représenter cette incertitude sur les logos d'étiquetage environnemental.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Climate Change

09:08 Publié dans 2. Evaluation, Alimentation et consommation, Climat | Lien permanent | Tags : ges, consommation, étiquetage, achats |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/01/2019

22 solutions pour une alimentation durable en 2050

La consommation alimentaire mondiale pourrait augmenter de 50 % d'ici à 2050. Un rapport du World Resources Institute, publié en décembre, propose donc un « menu » de 22 options pour un avenir alimentaire durable. Pour cela, trois défis sont à surmonter : produire plus pour satisfaire la demande (food gap), freiner la conversion et la dégradation des terres (land gap) et réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter l'augmentation de la température à 1,5-2°C (emission gap). Les solutions proposées sont organisées en cinq grandes catégories : 1) réduire la croissance de la demande alimentaire en limitant les pertes et en adoptant des régimes alimentaires moins riches en viande, 2) augmenter la production sans convertir de nouvelles terres (notamment via l'innovation technologique), 3) protéger et restaurer les forêts, les savanes et les tourbières, 4) développer les pêcheries et l'aquaculture durables pour remplacer la viande par du poisson dans les consommations alimentaires et 5) réduire les émissions de gaz à effet de serre (ex. : par une meilleure gestion des effluents d'élevage). Enfin, les auteurs explorent comment trois scénarios, plus ou moins ambitieux, permettent de relever ces défis.

Source : World Resources Institute

18/12/2018

Commerce, origine des aliments et émissions de gaz à effet de serre de la consommation alimentaire de l'UE

Dans un article paru en décembre dans Global Food Security, des chercheurs européens ont développé une approche systémique pour évaluer l'empreinte carbone (émissions de gaz à effet de serre, GES) de la consommation alimentaire de l'Union européenne (UE), due non seulement à la production primaire, aux changements dans l'utilisation des terres, mais aussi au commerce international. En effet, celui-ci permet de relier les émissions et processus d'utilisation des terres afférentes des producteurs aux consommateurs, sur de grandes distances.

Les chercheurs rappellent qu'environ 19 à 29 % des émissions anthropiques totales de GES, à l'échelle mondiale, sont dus aux systèmes alimentaires. Ceux-ci présentent donc un grand potentiel d'atténuation des changements climatiques.

Émissions de GES d'origine alimentaire présentées par A) groupes d'aliments, B) pays origine (domestique, importé)

ges,empreinte carbone,consommation alimentaire,commerce international

Source : Global Food Security

Lecture : les catégories « viande, œufs » et « produits laitiers » comprennent également les émissions provenant de la production d'aliments pour animaux.

Les résultats montrent que les empreintes carbone de la consommation alimentaire diffèrent, d'un pays de l'UE à l'autre, avec des estimations allant de 610 kg CO2eq/tête/an pour la Bulgarie à 1 460 pour le Portugal. Ces différences sont principalement liées à la quantité de produits animaux consommés. Pour les auteurs, ceci confirme que la réduction de consommation de produits d'origine animale, en particulier de viande bovine, constitue un moyen efficace pour limiter les émissions de GES d'origine alimentaire.

Les chercheurs mettent aussi en exergue le rôle important du commerce international de produits alimentaires dans les émissions européennes de GES. En moyenne, plus du quart de l'empreinte carbone serait dû aux produits importés de pays tiers, en particulier des continents américain et asiatique. Dans la mesure où ce commerce joue un rôle de plus en plus important dans l'approvisionnement alimentaire mondial, la comptabilisation des émissions alimentaires devrait davantage en tenir compte, en particulier dans l'orientation des politiques alimentaires et d'atténuation des changements climatiques.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Global Food Security

17/09/2018

Comment réduire l'impact des systèmes alimentaires sur l'environnement ?

Dans un article publié en juin dans la revue Science, des chercheurs ont réalisé une méta-analyse de nombreuses analyses de cycle de vie, pour mesurer l'impact de différentes productions et pratiques agricoles sur divers aspects environnementaux. Les régimes alimentaires et les pratiques de production actuelles sont responsables de 26 % des émissions de gaz à effet de serre, de 90 à 95 % des prélèvements d'eau et génèrent 32 % de l'acidification et 78 % de l'eutrophisation des milieux.

Pour ce faire, ils ont utilisé les résultats de 570 études, représentant 38 700 exploitations, 119 pays, 40 produits alimentaires et 90 % des calories et des protéines consommées à l'échelle mondiale. Ils ont analysé l'impact de chaque étape de la chaîne de production jusqu'au consommateur final. Les résultats sont présentés par types de produit et d'impact.

Estimation des émissions de gaz à effet de serre et de l'utilisation des terres générées par différentes productions (extrait)

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Source : Science

Les auteurs montrent d'abord, pour une production donnée, une forte variabilité des impacts environnementaux et des sources les générant (ex. : consommation électrique). Cela suggère que des améliorations sont possibles, au niveau des exploitations, via l'adoption de certaines pratiques, comme par exemple restaurer les prairies dégradées. Cependant, ces améliorations restent limitées du fait de l'impact non négligeable de certaines productions. En effet, les produits animaux utilisent 83 % des terres et contribuent à environ 57 % des émissions, alors qu'ils ne fournissent que 37 % des protéines et 18 % des calories consommées. Un changement de régime alimentaire paraît donc nécessaire, pour stimuler la transition écologique des systèmes de production de manière significative. Une forte marge de manœuvre existe aussi du côté des transformateurs et des distributeurs, qui devraient favoriser l'usage de la consigne et de matériaux recyclés, veiller à s'approvisionner chez les producteurs les plus performants et développer des standards environnementaux.

En conclusion, les auteurs proposent un plan d'action pour réduire l'impact de notre consommation alimentaire, basé sur l'utilisation d'outils digitaux, proposant aux producteurs un catalogue d'options disponibles et adaptées (ex. : par zone géographique et production). En parallèle, des objectifs environnementaux seraient définis par les décideurs publics et accompagnés d'incitations basées sur la performance réelle des systèmes. Enfin, les impacts seraient communiqués aux consommateurs pour qu'ils soient en mesure de faire des choix informés (étiquetage vert).

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Science

13/09/2018

Consommation de viande, santé humaine et environnement

Sous l'effet de l'augmentation des revenus individuels moyens et de la croissance démographique, la consommation moyenne mondiale de viande par habitant et la quantité totale de viande consommée ne cessent de croître. Dans une revue de littérature parue dans Science en juillet, des chercheurs d'Oxford (Royaume-Uni) pointent les risques potentiels de cette évolution pour la santé humaine et l'environnement, et identifient des leviers d'action en réponse à ces défis.

Sur le plan de la santé, la littérature converge sur le fait que des apports élevés de viande transformée accroîtraient les risques de cancer colorectal et de maladies cardiovasculaires. Inversement, le remplacement des viandes rouges et transformées par des protéines d'origine végétale réduirait le taux de mortalité globale de 6 à 10 % (figure ci-dessous).

Viande transformée et santé : (A) risque relatif de cancer colorectal en fonction de la consommation moyenne de viande transformée ; (B) risque relatif de décès d'origine cardiovasculaire en fonction de la consommation moyenne de viande transformée.

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Source : Science

En matière d'impact environnemental, la production de viande génère plus d'émissions de gaz à effet de serre (GES), par calorie, que les aliments d'origine végétale. Ces émissions proviennent aussi de la déforestation liée à la création de pâturages et à l'extension des terres arables, pour répondre à la demande croissante d'aliments pour animaux. De plus, l'élevage d'herbivores est la source la plus importante de méthane, dont le potentiel de réchauffement de l'atmosphère est relativement élevé par rapport au CO2. Si une gestion prudente des systèmes herbagers peut contribuer au stockage de carbone, les bénéfices nets sont relativement modestes.

Par ailleurs, l'agriculture prélève plus d'eau douce que toute autre activité humaine. Près d'un tiers de cette eau est destiné au bétail. Dans certaines régions, l'agriculture exerce également une forte pression sur des ressources rares en eau et peut exacerber l'érosion des sols.

Émissions de GES dues à la production de différents types d'aliments en 2005-2007 et projections pour 2050

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Lecture : la projection d'émissions suppose une trajectoire d'émissions qui maintiendrait les températures mondiales en dessous de 2°C. L'axe des ordonnées est le pourcentage des émissions totales.

Source : Science

Les auteurs concluent que la tendance à la hausse de la consommation mondiale de viande aura des effets néfastes sur l'environnement et la santé humaine. Ces impacts justifieraient selon eux un contrôle de l'offre et de la demande de viande et de produits carnés par des interventions publiques sur la production, la vente, la transformation, la distribution et les prix de vente. Ils incitent à approfondir la recherche sur l'efficacité des différents outils visant à transformer la consommation alimentaire, parmi lesquels les interventions fiscales, l'étiquetage nutritionnel et les certifications des produits en termes de bien-être des animaux et de normes environnementales.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Science

14/12/2017

Atténuation des émissions de gaz à effet de serre et sécurité alimentaire

Dans une publication d'Environmental Research Letters, un collectif d'une douzaine de chercheurs explore, à 2050, les arbitrages entre sécurité alimentaire et stratégie d'atténuation. Pour ce faire, ils mobilisent le modèle économique d'équilibre partiel GLOBIOM, qui englobe les secteurs agricole et forestier. Cette approche prend en compte, de façon endogène, trois mécanismes d'atténuation : i) des leviers techniques visant le CH4, le N20 ainsi que le carbone séquestré dans les sols, ii) des changements structurels comme les types de systèmes de production (animal et végétal) ou dans les échanges commerciaux, iii) les rétroactions de la demande alimentaire suite aux variations de prix des denrées. La sécurité alimentaire est, quant à elle, considérée via le calcul des calories disponibles par habitant et par jour, la méthode FAO permettant d'estimer le nombre de personnes sous-nutries.

Les auteurs ont construit un ensemble de scénarios, en plus de celui de référence sans changement climatique, qui croisent différentes modalités parmi lesquelles :

- 5 seuils d'augmentation de température, auxquels sont associés une demande en biomasse destinée à l'énergie, et un prix de la tonne CO2 éq ;

- 8 applications différentes du prix carbone variant selon les zones géographiques (ex : pays de l'Annexe-I du protocole de Kyoto seulement, ou avec la Chine).

Pour un scénario avec une cible de + 1,5°C, le secteur des terres (agriculture, forêt et changement d'usage des terres), contribuerait à l'atténuation à hauteur de 7,9 GtCO2 éq par an en 2050. Par rapport au scénario de référence, la disponibilité alimentaire (calories par habitant et par jour) chuterait de 285 unités (110 si la demande est plus inélastique), ce qui signifierait 300 (80 dans le second cas) millions de personnes sous-nutries en plus. Dans un autre scénario, le prix carbone est appliqué à tous les pays pour les émissions de CO2, et seulement pour les pays de l'Annexe-I pour le CH4 et le N20. Il permet d'atténuer de 4,8 GtCO2 éq par an avec un moindre impact sur les calories disponibles (-140 calories). L'introduction de la séquestration de carbone par les sols, sans effet sur les rendements, permet encore d'augmenter ce potentiel à 11,4 GtCO2 éq et de limiter l'impact sur la sécurité alimentaire.

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters