12/07/2022
Une cartographie affinée des émissions agricoles, corrigées de l'effet des échanges commerciaux
Dans un article publié dans Nature Communications, des chercheurs ont analysé les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la production agricole, corrigées de l'effet des échanges commerciaux, sur la période 1987-2015. Alors que de nombreuses estimations considèrent uniquement la production agricole, ils ajoutent aux émissions de la production nationale « à la porte de la ferme » celles imputables aux importations avant de soustraire celles liées aux exportations. Cette méthode se rapproche de la mesure de « l'empreinte carbone » (consommation finale), mais le rôle des pays intermédiaires dans les flux commerciaux est davantage mis en évidence. Les flux par type de produits ont aussi été analysés.
Les conclusions montrent que l'effet du commerce est particulièrement important pour des pays très importateurs. Par exemple, pour Bahreïn, le Koweït et les Émirats arabes unis, les émissions corrigées sont au moins quatre fois plus importantes. À l'inverse, des pays fortement exportateurs (Australie, Nouvelle-Zélande) voient leurs émissions diminuer de moitié.
Les émissions dans la plupart des régions augmentent, à l'exception de l'Europe (accroissement de la productivité agricole et de l'efficience d'utilisation des ressources), de l'Océanie (systèmes à bas niveaux d'intrants) et de l'ancienne Union soviétique (crise économique et disparition de certaines subventions lors de l'éclatement du bloc). Si l'analyse au niveau national montre d'importantes progressions des émissions totales en Chine (+ 253 Mt CO2eq/an), au Pakistan (+ 60 Mt CO2eq/an) et au Nigeria (+ 41,6 Mt CO2eq/an), le classement change lorsque ces émissions sont rapportées à la population : ce sont alors des pays comme la Mongolie ou l'Uruguay qui arrivent en tête (figure ci-dessous).
Émissions corrigées de l'effet du commerce (1987-2015)
Source : Nature Communications
Lecture : en a et c, émissions corrigées totales, respectivement en 1987 et 2015 ; en b et d, émissions corrigées par tête, respectivement en 1987 et 2015.
Enfin, le calcul des émissions liées aux changements d'usage des terres (ex. déforestation), corrigées de l'effet des échanges commerciaux (figure ci-dessous), montre une augmentation drastique pour certains pays à faibles émissions (multiplication par 50 pour la Chine, par 60 pour l'Italie et l'Espagne, etc.).
Émissions liées aux changements d'usage des terres corrigées de l'effet du commerce (2015)
Source : Nature Communications
Lecture : en a, émissions liées aux changements d'usage des terres ; en b, différences entre les émissions liées aux changements d'usage des terres et les émissions corrigées de l'effet du commerce.
Selon la perspective adoptée par cette étude, les habitants de certains pays « en développement » peuvent émettre beaucoup de GES, au même titre que les « pays développés », et ce pour plusieurs raisons : consommation de produits à forte intensité en émissions (viande, produits laitiers, riz), pratiques agricoles moins efficientes, pays intermédiaires importants dans les flux commerciaux mondiaux.
Marie-Hélène Schwoob, Centre d’études et de prospective
Source : Nature Communications
09:52 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : gaz à effet de serre, émissions agricoles, empreinte carbone | Imprimer | |
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