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14/09/2017

Le marché de Paris joue un rôle croissant dans la formation des prix du blé

Deux chercheurs américains, de l'université du Montana et du ministère américain de l'agriculture (USDA), ont analysé les contributions respectives des différents marchés à la formation des prix mondiaux du blé. Dans un article publié en août dans l'American Journal of Agricultural Economics, ils montrent que le marché de Chicago reste leader en tant que lieu de formation des prix mais que sa position s'érode depuis 2010 au bénéfice de la place de Paris. En termes de volume de transactions, Chicago rassemble la majorité des échanges, mais Paris n'a cessé de progresser depuis une dizaine d'années. Accessibles depuis le monde entier, les différents marchés coexistent grâce à leurs spécialisations qualitative et géographique, permettant aux opérateurs d'optimiser leur couverture du risque.

Quels sont les rôles de ces différents marchés dans la formation et la découverte du prix ? Des travaux précédents (voir à ce sujet une étude commandée par le ministère de l'Agriculture) avaient déjà mis en évidence, sur la base de prix journaliers et à l'aide d'un modèle à correction d'erreurs (VECM), que le marché français apparaissait leader des variations de long terme. Ici, les auteurs ont utilisé des données de prix à haute fréquence, compilées à l'échelle de la minute, pour voir quelle place boursière était déterminante dans cette formation des prix sur la période 2008-2013. La même approche statistique leur permet de déterminer lequel des prix est leader, et lequel s'ajuste pour converger vers leur composante commune.

Part mensuelle du leadership informationnel du marché de Chicago

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Source : American Journal of Agricultural Economics

L'analyse montre que si Chicago reste la référence, avec un leadership informationnel de 83 %, cette position s'érode nettement depuis mi-2010, passant de 91 % à 76 %. Cette érosion s'explique par le déclin de la place des États-Unis dans le commerce mondial du blé, ainsi que par l'essor de l'Europe et surtout du bassin de la mer Noire. En 2010, la sécheresse en Russie a déclenché un choc d'offre et une flambée des cours mondiaux dans laquelle le marché de Paris était leader. Celui-ci permet en effet, par sa proximité géographique, une meilleure couverture des risques pour le bassin de la mer Noire, qui a pris une place prépondérante dans les équilibres et déséquilibres mondiaux. Une analyse des données postérieures à 2013 permettrait de voir si cette tendance se confirme.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : American Journal of Agricultural Economics

11:42 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : blé, prix, marché, paris, chicago |  Imprimer | | | | |  Facebook

EuroChoices : le Brexit et ses conséquences pour le secteur alimentaire

La revue EuroChoices a consacré son numéro d'août 2017 aux conséquences du Brexit sur le secteur alimentaire, avec trois articles d'analyse, une double page statistique et un point de vue. Les articles d'analyse se concentrent sur les problèmes de politique commerciale : conséquences du Brexit sur les accords commerciaux et la PAC (article d'Alan Swinbank), options en matière de quotas tarifaires sur les importations agroalimentaires de l'Union européenne (Brian J. Revell), et impacts sur les échanges agroalimentaires avec l'Irlande (Alan Matthews).

L'article de Swinbank fait le point sur la situation en matière de droits de douane de l'Union européenne, qui selon lui restent élevés pour un ensemble de produits agricoles (produits laitiers, bœuf, sucre), en dépit des cycles de négociations commerciales internationales et des réformes de la PAC. Cela engendre un dilemme en matière de politique commerciale, car le maintien des échanges agroalimentaires avec l'Union européenne – y compris avec la République d'Irlande – impliquerait, pour le Royaume-Uni, d'adopter des droits de douane cohérents avec ceux de l'UE, et par là même de renoncer à une libéralisation de ses échanges avec les pays tiers.

L'article de Revell complète l'analyse en se concentrant sur la question des quotas tarifaires (contingents d'importation à droits de douane réduits). Après une description précise de ces quotas par produit, Revell analyse les différentes solutions envisageables pour les modifier, et met en exergue les complexités technique et politique du problème. Enfin, Alan Matthews analyse en détail le cas de l'Irlande qui, avec 37 % de ses exportations agroalimentaires vers le Royaume-Uni, pourrait voir ses filières particulièrement affectées par le Brexit, impliquant un possible ajustement structurel du secteur.

Cet ensemble d'articles est complété par un focus statistique sur le Brexit et l'industrie de la pêche aux Pays-Bas, et par un article présentant le point de vue de Berkeley Hill sur les futurs possibles de la politique agricole britannique. Ce numéro consacré au Brexit est le second publié par EuroChoices, après celui d'août 2016 sur le Brexit et le secteur agroalimentaire.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : EuroChoices

Les paiements pour services environnementaux peuvent réduire la déforestation, d'après une expérience menée en Ouganda

Un article, publié en juillet dans la revue Science, présente les travaux de chercheurs en économie et en sciences de l'environnement sur l'efficacité des paiements pour services environnementaux (PSE) pour réduire la déforestation. Les auteurs, Seema Jayachandran et ses collègues, ont utilisé une expérience par assignation aléatoire afin d'évaluer l'impact de ce type d'instruments sur la conservation des forêts, et donc sur les émissions de CO2 générées par leur dégradation. La mobilisation de cette méthode est une première dans l'étude des PSE et avait pour but de répondre à deux questions fréquemment posées à leur sujet : rémunèrent-ils des propriétaires terriens qui, même sans paiement, auraient tout de même fourni le service environnemental ciblé (additionnalité des PSE) ? Comment être sûrs que cette déforestation n'est pas reportée sur des forêts voisines (phénomènes de fuites) ?

Région et villages (groupes de traitement, en jaune, et de contrôle en vert) de l'étude

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Source : Science

Cette expérience a été réalisée dans 121 villages de deux districts du nord-ouest de l'Ouganda. 60 de ces villages faisaient partie du groupe de traitement (en jaune à droite sur la figure) : un paiement a été proposé pendant deux ans aux propriétaires terriens s'ils acceptaient de conserver leurs forêts. Les 61 autres villages ont été assignés au groupe témoin (en vert sur la figure) et n'ont pas eu la possibilité de participer au programme. Des enquêtes ont été effectuées avant la mise en place du programme, afin de s'assurer que les deux groupes étaient bien statistiquement similaires. À l'issue de ces deux années, la déforestation a été mesurée au niveau des villages et des exploitations, à l'aide d'images satellite collectées pour l'occasion.

Exemples de variations de couverture forestière

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Source : Science

Les résultats montrent que les villages qui ont reçu le paiement ont déforesté deux fois moins que ceux qui ne l'ont pas reçu (4,2 % de perte de couvert forestier contre 9,1 %). De plus, les auteurs n'ont trouvé aucune preuve de déplacement de la déforestation au sein des villages ou entre eux. Enfin, ils ont estimé les bénéfices produits par le programme en termes de stockage de carbone en utilisant son coût social. Ils ont ainsi montré qu'ils étaient 2,4 fois supérieurs aux coûts de mise en œuvre du programme, et ce sans prendre en compte les bénéfices liés à la biodiversité et aux services de régulation rendus par les forêts. Ces résultats encourageants restent toutefois liés au contexte local et ne sont pas généralisables. Des expériences similaires dans d'autres régions seraient utiles pour confirmer leur portée générale.

Estelle Midler, Centre d’études et de prospective

Source : Science

12/09/2017

Un premier rapport de l'OIE sur la consommation mondiale d'antibiotiques chez les animaux

Dans un article publié en août, Food Safety News revient sur la publication, par l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), de son premier rapport sur la consommation mondiale d'antibiotiques chez les animaux. Ce rapport fait suite à l'adoption par l'organisation, en mai 2015, d'une solution sur la mise en place et le pilotage d'une base de données sur ces utilisations. Cette base de données sera gérée en parallèle avec le portail WAHIS relatif à la santé animale dans le monde. En amont de la décision de 2015, des négociations avaient été menées par les points focaux dans les différentes régions : Amériques, Asie-Pacifique, Europe, Afrique et Moyen-Orient. Les modèles de documents (questionnaires d'enquêtes) ont été élaborés par un groupe de travail ad hoc sur la résistance bactérienne, puis approuvés par la commission scientifique des maladies animales. La collecte des données, sur la période 2010-2015, s'est faite en conformité avec les codes sanitaires terrestre et aquatique. 130 des 180 États membres de l'OIE ont ainsi répondu à l'enquête, parmi lesquels 89 ont fourni des données chiffrées, sur les volumes de médicaments vétérinaires antibiotiques commercialisés notamment.

Ce rapport pointe certaines divergences d'utilisation. La question de l'utilisation des antibiotiques en tant que facteur de croissance est ainsi largement traitée. En effet, cette pratique, interdite dans l'Union européenne depuis 2006, n'a pas encore été abolie mondialement, même si le nombre de pays l'autorisant diminue d'année en année. Les chiffres de 2015 mentionnent encore cet usage dans 25 des États ayant répondu à l'enquête. Or, parmi les antibiotiques utilisés assez couramment en tant qu'additif en alimentation animale, figure la Colistine, importante en médecine humaine.

Cette base de donnée répond à un enjeu crucial pour le maintien de la santé globale (initiative One Health), en fournissant des informations provenant de pays qui, pour certains, n'ont pas encore mis en place de réglementation suffisante pour assurer des conditions sécurisées de commercialisation et d'usage de médicaments vétérinaires, en particulier chez les animaux producteurs d'aliments. En effet, si ce système de surveillance est maintenant bien rodé au niveau communautaire, ainsi que l'atteste le dernier rapport JIACRA (voir à ce sujet une brève sur ce blog), il n'en est pas de même à l'échelon mondial. La connaissance de ces données représente donc une étape pour combattre les antibiorésistances.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Food Safety News

07/09/2017

Bénéficier des échanges de produits de la mer : faire payer des droits d'accès versus exporter soi-même

Une étude publiée en août dernier par les universités de Colombie-Britannique et de Tasmanie permet de retracer les captures (période 1950-2010) et les flux d'échanges (1970-2010) de produits de la mer, par pays d'origine et de destination. Les résultats sur les échanges, obtenus en appariant les données FAO stat avec celles de la base UN Comtrade, sont particulièrement intéressants. En effet, la connaissance fine du commerce de ces produits constitue un enjeu important, notamment dans le cadre des négociations à l'OMC sur les subventions dans le secteur de la pêche.

Les auteurs font ressortir un accroissement significatif et une réallocation géographique des flux commerciaux de produits de la mer. Représentant seulement 9 millions de tonnes en 1970, ils atteignent 33 millions en 2010. Au début de la période, l’Europe réalisait l'essentiel des importations, principalement en provenance d'Afrique, d'Amérique du Sud et du Nord. En 2010, l'Asie est devenue le premier importateur, avec l'Amérique du Sud comme principal partenaire commercial, et a augmenté ses exportations à destination de l'Afrique, de l'Amérique du Nord et de l’Europe. Cette dernière continue d'importer depuis l'Asie et l'Amérique du Sud, et a réduit ses importations en provenance d'Afrique.

L'étude considère que la signature, en 1982, de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du secteur de la pêche explique, pour partie, l’accroissement des échanges. Cette convention attribue à chaque pays côtier une zone de pêche réservée (dite « zone économique exclusive » - ZEE) de 200 milles, accessible aux autres États après paiement de droits d'accès. En analysant les zones de captures, les auteurs montrent que, excepté pour l'Asie, la plupart des pays ont depuis réduit leur pêche dans les ZEE et augmenté leurs importations. Selon eux, cette réduction représente, pour les pays en développement, une opportunité pour s’insérer dans le commerce international, en exploitant leurs ressources et en exportant, plutôt qu'en accordant des droits d'accès à d'autres pays. En effet, dans les années 1970, la surpêche dans les pays développés avait conduit ces derniers à accroître leurs captures dans les ZEE des pays en développement qui bénéficiaient de ressources halieutiques plus importantes.

Evolution des échanges internationaux dans le secteur de la pêche par région, entre 1970 (d) et 2010 (e) : régions importatrices représentées par la bande extérieure, régions productrices et exportatrices dans l'intérieur du cercle ; total des échanges indiqué au centre

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Source : Marine Policy

Enfin, l'article montre que plus un pays est pauvre, plus la valeur de ses exportations de produits de la mer est forte comparée aux importations, et vice versa. Cela suggère que la hausse des exportations de la part des pays en développement devrait contribuer à leur objectif de réduction de la pauvreté.

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : Marine Policy

06/09/2017

L'empire de l'or rouge. Enquête mondiale sur la tomate d'industrie, Jean-Baptiste Mallet

Dans un ouvrage argumenté, précis et mené comme un thriller, Jean-Baptiste Mallet expose le résultat de deux années de travail d'enquête de terrain sur la production et le commerce de ce produit de grande consommation qu'est le concentré de tomates. Alternant éléments documentaires sur l'histoire du développement de cette industrie depuis la fin du XIXe siècle, portraits d'entrepreneurs et analyses issues de ses investigations en France, en Italie, en Angleterre, aux États-Unis, en Chine et au Ghana, l'auteur brosse un portrait édifiant d'un produit banal qui se révèle emblématique de la mondialisation des systèmes alimentaires.

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Le premier constat qui émerge est celui des multiples réussites, tant agronomiques qu’industrielles, sous-jacentes au secteur. Soutenue par les progrès de la génétique végétale et des machines-outils, la production mondiale de tomates est passée de 28 millions de tonnes en 1961 à 164 en 2016, dont un quart est transformé pour un marché en croissance de 3 % par an. Parmi les portraits d'entreprises structurantes, on retiendra celui de la Heinz Company. Fondée en 1876 et célèbre pour son tomato ketchup américain et sa HP sauce britannique, elle illustre à elle seule le succès du modèle capitaliste américain. Un autre exemple notable est celui de l'entreprise chinoise Chalkis, dont le capital est détenu par l'Armée populaire de Libération, et qui a contribué en 10 ans à faire de la Chine le premier producteur mondial de concentré.

Le journaliste dépeint également les excès et scandales de cette agro-industrie. Il évoque les fermetures d'entreprises insuffisamment compétitives, car transformant des tomates locales, face à celles utilisant du concentré chinois. En 2015, l'Italie a ainsi importé plus de 200 000 tonnes de concentré qui, réhydraté, salé puis reconditionné, a été revendu comme produit italien en Europe, Afrique et Moyen-Orient. Le rôle de l'agro-mafia italienne dans le contournement des règles douanières, l'existence d'un marché africain de « vieux » concentré chinois impropre à la consommation, ou encore l'ajout courant d'additifs (fibre de soja, amidon ou dextrose) au concentré chinois, sans mention sur les étiquettes, sont amplement documentés. Des conditions de travail dans les champs de tomates du Xinjuiang (Chine) à l'exploitation de la main-d’œuvre immigrée illégale en Italie du sud, c'est au final un portrait de la résurgence d'un sous-prolétariat moderne au service de la mondialisation alimentaire que dresse l'auteur.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Lien : Fayard

11/07/2017

Goulets d'étranglement et vulnérabilités dans le commerce alimentaire mondial

Un rapport de Chatham House propose une analyse des goulets d'étranglement et des vulnérabilités du commerce alimentaire mondial. Selon ses auteurs, la sécurité alimentaire dans le monde est très dépendante du commerce d'un petit nombre de commodités agricoles, dont la production est concentrée dans quelques pays. Pourtant, cette question est paradoxalement mal connue et n'est pas considérée à la hauteur de son importance politique, économique et stratégique.

Sur la base d'un croisement original de données de commerce mondial (Chatham House Resource Trade Database) avec un modèle de cartographie des flux bilatéraux de commodités, le rapport identifie quatorze goulets d'étranglements majeurs pour la sécurité alimentaire mondiale : les grands canaux maritimes (Panama, Suez), les détroits (Douvres, Gibraltar, Bosphore, Dardanelles, Bab al-Mandab, Ormuz, Malacca), les ports (Brésil, côte ouest des États-Unis, mer Noire), les routes brésiliennes, les voies de chemin de fer (États-Unis, mer Noire) et les voies navigables nord-américaines (cf. infographie ci-dessous).

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Source : Chatham House

Trois risques principaux sont susceptibles de congestionner ces goulets d'étranglement : les risques météorologiques, les risques sécuritaires (instabilité politique, piraterie, terrorisme) et les risques institutionnels (restrictions des passages, etc.). Le rapport souligne que ces risques ne concernent pas que les commodités agricoles, mais également l'approvisionnement en engrais. Par ailleurs, certains États dépendent d'un petit nombre de goulets d'étranglement : c'est le cas des pays importateurs de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord vis-à-vis des ports et voies ferrées russes et ukrainiens et des détroits turcs.

Sur la base de cette analyse, les auteurs concluent par une série de recommandations à l'attention des pays et des organisations internationales : intégrer davantage les goulets d'étranglement dans la gestion du risque et la planification stratégique ; investir dans les infrastructures fondamentales pour la sécurité alimentaire ; améliorer la confiance et la prévisibilité du commerce alimentaire ; développer le stockage stratégique et les accords pour le partage de l'offre en situation d'urgence ; et développer les connaissances sur les goulets d'étranglement.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Chatham House

Bilan et déterminants de la libéralisation du commerce agricole depuis 2001

Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) a publié en juin un document de travail explorant l'évolution des droits de douane agricoles depuis le lancement du « cycle de Doha » de l'Organisation mondiale du commerce. Les auteurs ont mené une analyse statistique à partir d'une base de données qu'ils ont développée sur les protections tarifaires des produits agricoles et agroalimentaires, à un niveau de désagrégation très fin, sur la période 2001-2013. Ils ont également mobilisé le modèle MIRAGE du CEPII pour explorer, à 2030, deux scénarios extrêmes : un scénario de réalisation ambitieuse et effective de l'ensemble des accords régionaux en cours de négociation, et un scénario de protectionnisme généralisé où les pays remonteraient leurs droits de douane au niveau des plafonds autorisés par l'OMC.

Les auteurs montrent que l'agriculture demeure plus protégée, sur le volet tarifaire, que les autres secteurs, avec 36,5 % de droits de douane en moyenne, contre 12,9 % pour le reste de l'économie, mais qu'elle s'est largement ouverte depuis 2001 (- 40 %). Les travaux confirment que le système multilatéral n'a joué qu'un rôle limité dans cette libéralisation. De façon surprenante, ils trouvent que celui des accords commerciaux bilatéraux ou régionaux est également marginal, en dépit de leur triplement en 25 ans. Contrairement à une idée reçue, ce faible effet n'est pas dû à l'exclusion de l'agriculture de ces accords : les auteurs démontrent que la majorité des produits agricoles est soumise à une libéralisation équivalente à celle des produits industriels, les exceptions agricoles ne concernant que des listes réduites de produits sensibles. La plupart des réductions de droits de douane se sont en fait produites de façon unilatérale, en dehors de tout accord, à l'instar de ce qu'ont réalisé le Nigeria, l'Inde ou encore le Mexique.

Par ailleurs, le scénario « régionalisme approfondi » illustre un potentiel commercial étonnamment faible des accords régionaux en cours de négociation : les exportations et importations européennes augmenteraient respectivement de 0,2 % et de 0,7 %, avec une croissance de la production agricole de la plupart des pays inférieure à 2 %. En revanche, un scénario de « guerre commerciale » conduirait à plus que doubler les droits de douane mondiaux, réduisant le commerce de plus d'un quart, avec des impacts variables selon les pays.

Changement dans les droits de douane moyens entre 2001 et 2013 sur une sélection de pays

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Source : CEPII

Lecture : « bound MFN », « applied MFN » et « preferential applied » représentent les pourcentages, respectivement, des droits de douane plafond autorisés par l'OMC, de ceux appliqués en moyenne et de ceux appliqués dans le cadre d'accords bilatéraux ou régionaux.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : CEPII

05/07/2017

L'Instituto Nacional de Tecnología Agropecuaria (INTA) – Institut National de Technologie Agricole (Argentine)

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Fondé en 1956, l'Institut National de Technologie Agricole (INTA) est un organisme public argentin ayant une autonomie opérationnelle et financière. Rattaché au ministère de l'Agro-industrie, il développe des actions de recherche, d'innovation technologique, de vulgarisation et de communication. Présent sur l'ensemble du pays, l'INTA est organisé en 15 centres régionaux, 52 stations expérimentales, 6 centres de recherche, 22 instituts de recherche et 350 unités de vulgarisation, consacrées aux échanges d'informations et de connaissances. Son action est organisée selon cinq axes thématiques : production végétale, production animale, développement économique et social, développement technologique, environnement. Elle est déclinée en programmes qui concernent l'ensemble des filières agricoles, ainsi que des sujets transversaux : agro-industrie et chaînes de valeur, territoires, environnement, alimentation, bioénergie, biotechnologies, ressources génétiques, agriculture familiale, développement rural, etc.

En 1993, s'est constitué le Groupe INTA, qui incorpore à l'INTA deux organismes privés : la Fondation ArgenINTA et Intea S.A. Le premier a comme objectif l'amélioration des conditions de vie en milieu rural, à travers l'assistance aux secteurs dont l'accès au crédit est limité. Le second a pour mission de favoriser les échanges entre l'INTA et les acteurs de la chaîne agro-industrielle, afin de les accompagner, par la mise à disposition de ressources et connaissances, dans des stratégies d'amélioration de la compétitivité.

L'INTA produit une série de publications : notes de vulgarisation, articles, manuels, rapports, collections d'ouvrages dans les domaines de la recherche et du développement, de l'enseignement supérieur, de la vulgarisation pour enfants et adolescents. On y retrouve un large éventail de sujets comme, par exemple, les céréales, les oléagineux, l'élevage, la production laitière, la jeunesse rurale, le climat. On notera également un article sur l'intérêt de conduire des exercices de prospective pour un organisme comme l'INTA. Par ailleurs, depuis 2002, la revue à comité éditorial Revista de Investigaciones Agropecuarias (RIA) est publiée en accès libre. Le dernier numéro traite de résistances aux antimicrobiens, de production de « viandes alternatives » (issues d'espèces autochtones ou exotiques notamment), ou encore de changement climatique et du rôle des toits verts.

Enfin, soulignons que l'INTA a signé des nombreux accords avec des organismes internationaux et nationaux publics, des centres de recherche et des universités d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Asie, d'Afrique et d'Océanie.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : INTA

14:56 Publié dans Enseignement et recherche, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : portrait, inta, argentine |  Imprimer | | | | |  Facebook

Des réformes au bénéfice des travailleurs agricoles risquent de faire évoluer de nombreuses productions aux États-Unis

Dans un article publié sur le site de l'université de l'Illinois, une équipe d'économistes de l'université de Cornell aborde les conséquences, pour l'agriculture, des évolutions du droit du travail agricole de nombreux États fédérés, d'autant plus d'actualité que les incertitudes de la nouvelle équipe présidentielle sur les politiques migratoires alimentent les inquiétudes des agriculteurs. En effet, des États comme la Californie ou le Wisconsin emploient une grande quantité de main-d’œuvre agricole (fruits et légumes, lait), et engagent ou annoncent des réformes provoquant un accroissement important du coût de cette main-d’œuvre (hausse du salaire minimum, droit aux heures supplémentaires, etc.).

S'il leur est difficile de prédire les impacts des adaptations qui seront nécessaires, les chercheurs avancent que les changements seront importants. Ils citent plusieurs évolutions possibles, telles une chute de la production nationale de certains fruits et légumes, une substitution rapide du capital au travail, une relocalisation de la production de certains bassins vers d'autres régions, ou encore l’essor des filières de proximité. Certaines exploitations de taille moyenne pourraient être particulièrement en difficulté, tandis que l'investissement dans la qualité du management sera un impératif pour beaucoup.

Source : farmdoc daily

04/07/2017

Technologie numérique et promesses de changements pour l'agriculture africaine

Un article publié mi-mai par la Harvard Business Review présente les derniers développements technologiques et informatiques appliqués à l'agriculture en Afrique. Selon l'auteur, ceux-ci pourront fournir aux entreprises africaines des solutions technologiques et financières adaptées à la petite agriculture (mesure et traitements de données sur les sols, informations sur les marchés, etc.). L'article souligne que la réussite de ces solutions dépendra d'un ensemble de facteurs tels que le contexte institutionnel, l'amélioration des infrastructures de communication, la réduction des résistances culturelles des agriculteurs vis-à-vis de ces technologies.

L'auteur, Ndubuisi Ekekwe, a une riche trajectoire dans le domaine de la technologie numérique. Diplômé des universités John Hopkins (Baltimore) et de Calabar (Nigeria), il est le fondateur de l'Institut Africain de Technologie, a publié plusieurs ouvrages et développé des technologies dans le domaine de la robotique.

Source : Harvard Business Review

03/07/2017

Développement du tourisme et recomposition des élites dans le Nordeste brésilien

Dans un article publié dans Actes de la recherche en sciences sociales, Tristan Loloum étudie comment les transformations à l’œuvre dans les plantations sucrières de l’arrière-pays, concernant la jeunesse urbaine et les paysans-pêcheurs du littoral, ont pesé sur la vocation touristique du Nordeste brésilien. Dans les littoraux sous l’emprise des élites agraires se développe « un tourisme d’enclaves » (resorts, hôtels all-inclusive). Au contraire, dans les zones où les paysans-pêcheurs avaient gardé une certaine autonomie, apparaissent de petites structures touristiques intégrées aux villages. L’auteur approfondit le cas de Praia de Pipa, haut lieu du surf, où la modernisation des pêches permet aussi l’émergence d’une élite autochtone.

Source : Actes de la recherche en sciences sociales

14:39 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : brésil, tourisme |  Imprimer | | | | |  Facebook

Renforcer les compétences pour participer aux chaînes de valeur mondiales

À l'occasion de la publication récente de son opus annuel sur les compétences, l'OCDE a analysé le lien entre développement des compétences nationales et participation aux chaînes de valeur mondiales. Alors qu'il y a peu encore, l'avantage comparatif des pays de l'Organisation, dans les secteurs technologiquement avancés, était directement lié au degré d'instruction, les compétences sont désormais plus discriminantes, à la fois au niveau des individus et des pays.

Croisant des données d'enquêtes sur les compétences des adultes avec les données sur les chaînes de valeur, par grands secteurs (parmi lesquels l'agroalimentaire), l'analyse relève par exemple la corrélation entre compétences cognitives (littératie, numératie, résolution de problèmes) et volonté d'apprendre d'un côté, et le niveau des exportations de l'autre. Le rapport débouche sur des préconisations en matière de politiques éducatives et de formation.

Source : OCDE

14/06/2017

Production et productivité de l'agriculture en Russie

Après une décennie 1990 marquée par une baisse importante en période de transition post-soviétique, la production agricole russe a connu une augmentation remarquable depuis le début des années 2000. Une étude récente de l'Economic Research Service de l'USDA analyse le contenu de cette croissance, en utilisant la « méthode de la comptabilité de la croissance » sur la période 1994-2013. Cette méthode permet de distinguer ce qui relève de la croissance de l'utilisation des intrants (terres, travail, engrais, etc.), de ce qui relève de celle de la productivité globale des facteurs de production. Une des originalités de l'étude réside dans l'utilisation de données régionales, agrégées à l'échelle des districts fédéraux russes.

Selon les auteurs, on peut distinguer trois grandes périodes :

- 1994-1998 : diminution substantielle de la production agricole (-4,6 % par an), mais avec une diminution des intrants encore plus forte (-8,8 % par an), d'où une augmentation de la productivité globale des facteurs ;

- 1998-2005 : rebond et augmentation de la production, les intrants poursuivant leur baisse mais à un rythme moins soutenu ;

- 2005-2013 : croissance de la production, mais ralentie par rapport à la période précédente, et augmentation légère de la croissance des intrants.

Évolution de la croissance de la productivité globale des facteurs de production de l'agriculture russe

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Source : USDA

D'après l'étude, ces trois périodes résument la transition de l'agriculture russe de l'économie dirigée vers l'économie de marché : contraction d'un secteur agricole initialement surdimensionné, restructuration amenant à des gains de productivité et à une spécialisation régionale, et nouvelle phase de croissance. La restructuration et la spécialisation de l'agriculture ont été particulièrement marquées dans certains districts, notamment le district Sud, qui a été un des moteurs des évolutions de la production et de la productivité dans les années 2000. La géographie agricole se modifie en profondeur : dans le district de la Volga par exemple, la production s'est déplacée des céréales, des pommes de terre et du lait vers les betteraves, les œufs et les graines de tournesol.

Par ces changements structurels, la Russie est de retour sur le marché mondial, avec 12 % des exportations mondiales de blé, et une réduction substantielle de ses importations de viande. En 2016, une récolte record de blé en a fait le leader mondial des exportations, une première depuis 1991.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : USDA

10:13 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : russie, usda, production, productivité |  Imprimer | | | | |  Facebook

Évaluation de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition au Sénégal : un regard critique sur l'investissement privé pour le développement

Le Groupe de réflexion sur la sécurité alimentaire (GRSA) canadien, une coalition regroupant 23 institutions dont des agences de développement international et d’aide humanitaire, des organisations agricoles et des ONG, a publié en mai un rapport intitulé L’investissement privé en agriculture est-il la solution ? Évaluation de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN) au Sénégal. La NASAN est une initiative du G8, lancée en 2012 par Barack Obama, visant à accroître la part de l’investissement privé dans l’agriculture africaine afin de réaliser une croissance agricole soutenue et inclusive pour réduire la pauvreté. L'évaluation commanditée par le GRSA porte spécifiquement sur l'implication du Canada dans la NASAN au Sénégal et ses impacts.

L'étude repose sur un travail de terrain conduit au Sénégal et au Canada en 2015 et 2016. Après une analyse bibliographique du fonctionnement et des leviers de la NASAN, ainsi que de ses premiers résultats dans d'autres pays africains, des entretiens qualitatifs ont été conduits auprès des autorités des deux pays, d'experts et de représentants de la société civile et du secteur privé. Deux entreprises de culture du riz sénégalaises ont ensuite fait l'objet d'études d'impacts approfondies. Enfin, l'auteure du rapport a participé à divers événements relatifs aux objectifs du programme. Notons qu'il n'y a toutefois pas eu d'analyse détaillée des impacts de l'initiative sur les différents piliers de la sécurité alimentaire ou sur le niveau de vie des Sénégalais.

Le rapport conclut que le Canada a joué un rôle central dans le lancement de la NASAN au Sénégal, avec un appui technique et logistique au gouvernement, et via une assistance financière. En dépit de cet engagement réel, les impacts du programme apparaissent faibles et, selon l'auteure, largement en-deçà des attentes initiales des parties prenantes. La NASAN a favorisé la production de semences certifiées par les autorités sénégalaises, en réussissant, contrairement à d'autres situations, à la faire coexister avec l'utilisation et l'échange de semences paysannes. Néanmoins, elle n'a pas généré de résultats significatifs, que cela soit en termes de réformes conduites par le gouvernement, d'augmentation de l'investissement privé en agriculture ou d'amélioration de la sécurité alimentaire.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Conseil canadien pour la coopération internationale