Les méga-entreprises agricoles, une porte d'entrée pour le capital financier en agriculture : le cas de El Tejar (10/10/2018)
Un article de la revue Mundo Agrario d'août 2018 aborde la financiarisation de l'agriculture et les investissements en terres, dans la zone du Mercosur, via le cas de l'entreprise El Tejar. Les objectifs de ses fondateurs étaient d'en faire la plus grande entreprise agroindustrielle au monde et de la coter en bourse.
À partir d'une approche multi-échelle, nationale (Argentine), régionale (Mercosur) et internationale (logique des fonds de private equity, crises financières, marchés de commodités), l'étude de cas de El Tejar repose sur une trentaine d’entretiens et une observation participante menée parmi son personnel en Argentine et au Brésil. L'évolution de cette entreprise familiale, fondée en 1987 en Argentine, permet d'aborder le rôle des capitaux financiers spéculatifs internationaux, auxquels elle a fait appel en 2006 pour soutenir son expansion transfrontalière vers la Bolivie, l'Uruguay et surtout le Brésil. En s'appuyant sur le modèle argentin d'agriculture né dans les années 1990 (semis direct / soja OGM / glyphosate / externalisation des tâches), et en combinant propriété foncière et fermage, El Tejar a progressivement mis en production dans le Mercosur 72 000 ha en 2003, 105 000 ha en 2004, 900 000 ha en 2008.
Selon les auteurs, le secteur agricole est considéré comme un refuge face aux crises successives (bulles technologique et immobilière), et un placement intéressant dans le contexte du boom des prix des commodités et de la terre (en particulier pour des investissements dans des entreprises privées non cotées en bourse). Cependant, la sortie des capitaux, en cas de difficultés économiques, est source d'instabilité pour le secteur agricole. El Tejar en est l'illustration, son expansion au Brésil s'étant accompagnée d'une gestion hasardeuse, qui reproduisait le modèle argentin sans prendre en compte les spécificités locales. Les pertes enregistrées dès le début de la production, dans ce pays, ont entraîné des changements de management, lesquels ont conduit finalement à une restructuration de l'entreprise, puis à la vente des principaux actifs en Argentine et en Uruguay en 2014, afin de concentrer la production au Brésil. La surface contrôlée, en terres propres et en fermage, n'était ainsi plus que d'environ 200 000 ha en 2014/2015.
Évolution de la surface contrôlée par El Tejar dans le Mercosur, de 2003/2004 à 2014/2015 (milliers d'ha) et faits marquants dans l'histoire de l'entreprise
Source : Mundo Agrario
Hugo Berman, Centre d'études et de prospective
Source : Mundo Agrario
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