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19/04/2022

Guerre en Ukraine : conséquences à moyen terme sur les marchés

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a publié dès février, et actualisé fin mars, une note d'information sur les conséquences possibles pour les marchés agricoles du conflit entre la Russie et l'Ukraine. Après un rappel du rôle joué par les deux protagonistes sur les marchés mondiaux des matières premières agricoles (graphique ci-dessous de la part de ces deux pays dans la production mondiale) et des engrais, la FAO identifie les principaux risques induits par la guerre.

Part de la Russie et de l'Ukraine dans la production d'une sélection de cultures (tournesol, orge, blé, maïs, colza, soja)

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Source : FAO

La Russie est le 1er exportateur mondial de blé en 2021, le 2e d'huile de tournesol et le 3e d'huile de colza. L'Ukraine occupe la 3e place pour l'orge, le maïs et le colza, la 1ère pour l'huile de tournesol. Certains pays à la sécurité alimentaire précaire, tels que la Somalie, l'Érythrée, Madagascar, sont dépendants à plus de 70 % de l'origine « mer Noire » pour leurs achats de blé. Enfin, la Russie est un acteur majeur du commerce des fertilisants, occupant respectivement les 1er, 2e et 3e rangs pour les engrais azotés, potassiques et phosphatés. Ces positions ont d'ailleurs été amplifiées par la flambée du cours du gaz, matière première entrant dans la composition des ammonitrates.

Au-delà des tensions sur les prix et les approvisionnements, la FAO identifie des risques, en particulier de logistique : état préoccupant du réseau ferroviaire ukrainien, fermeture des ports de la mer Noire, surprime d'assurance pour les bateaux civils naviguant dans la zone, mise à l'arrêt des usines de transformation, etc. Les sanctions internationales pourraient aussi réduire la production agricole russe, en limitant les importations de pesticides et semences, dont le pays est très dépendant. À partir de simulations réalisées avec le modèle Aglink-Cosimo, la FAO envisage des conséquences sur plusieurs années. Elle considère qu'en dépit des ajustements des autres exportateurs, les prix mondiaux du blé en 2026/2027 pourraient être de 10 à 20 % supérieurs au scénario de référence, et de 10 à 15 % plus élevés pour le maïs, les autres céréales et les graines oléagineuses.

En outre, selon une note récente de la FAO, la désorganisation des circuits de distribution, les atteintes aux infrastructures, les déplacements de population, les difficultés d'approvisionnement en intrants pourraient déboucher sur une crise alimentaire en Ukraine. D'après une évaluation rapide des besoins, plus de 40 % des régions du pays (oblasts) anticipent des pénuries alimentaires à brève échéance (graphique ci-dessous), les deux tiers des commerçants faisant déjà état de difficultés d'approvisionnement.

Pénuries et difficultés d'approvisionnement en Ukraine : anticipation de pénuries au fil du temps (à gauche) et part des commerces reportant déjà des difficultés (à droite)

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Source : FAO

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : FAO, FAO

Invasion de l’Ukraine par la Russie : conséquences sur l’approvisionnement de l’Afrique en blé

Think tank installé à Rabat, le Policy Center for the New South analyse et accompagne les politiques publiques, principalement économiques, du Maroc et de l’Afrique. Dans une note publiée en mars 2022 sur son site internet, H.-L. Vedie étudie les dépendances des pays africains au blé de l’Ukraine et de la Russie. Il envisage ensuite les manières d'encourager la diversification des achats et le développement de la production de blé ou d’autres cultures vivrières nationales.

Dans une première partie, l’auteur présente le marché mondial du blé et les principaux producteurs : Chine, pays de l'Union européenne, Inde, Russie, États-Unis, etc. Il rappelle que certains d'entre eux, au vu de leur population, ne disposent pas (ou peu) de capacités d’exportation, rendant la position de la Russie et de l’Ukraine plus prégnante sur les marchés mondiaux : les deux pays contribuent à hauteur d'environ 30 % aux exportations mondiales de blé. Ainsi, en 2020, la Russie s’est classée première exportatrice mondiale avec 37,3 millions de tonnes tandis que l’Ukraine se classait 5e avec 18,1 millions de tonnes.

Dans une seconde partie, sur la base de travaux réalisés par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avant le début de la guerre, l’auteur présente les 26 pays les plus dépendants des blés russes et ukrainiens, à plus de 55 % du total de leurs approvisionnements (figure ci-dessous). Quinze d’entre eux comme l'Érythrée, la République démocratique du Congo et l'Égypte sont situés en Afrique et regroupent, selon les estimations de H.-L. Vedie, près de 40 % de la population africaine. À ces pays, s’en ajoutent d’autres, africains également, très dépendants des importations de blé mais qui ont su diversifier leurs achats : le Maroc et le Nigeria. Le cas de l’Algérie est également évoqué : précédemment approvisionné par la France et l’Allemagne, le pays se tournait vers la Russie au cours de l’année précédant le conflit.

La note indique enfin qu’à la crise d’approvisionnement s’ajoute une crise de prix, dont la hausse, entamée au printemps 2021, a été exacerbée par la guerre. De mauvaises récoltes nationales, des coûts de transport en augmentation, des stocks limités et des problèmes de liquidité s’y adjoignent et créent une situation difficile pour certains pays tels la Tunisie et la Libye.

Pays les plus dépendants, pour leurs importations, des blés russe et ukrainien

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Source : Policy Center for the New South

Amandine Hourt, Centre d’études et de prospective

Source : Policy Center for the New South

10:29 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : approvisionnement, diversification, ukraine, blé, russie |  Imprimer | | | | |  Facebook

Stephen C. Wegren, Frode Nilssen, Russia's Role in the Contemporary International Agri-Food Trade System, Palgrave Macmillan, 2022, 343 pages

agrifood system.JPGCe livre récemment publié, coordonné par deux chercheurs américain et norvégien, revient sur l'évolution récente de l'agriculture russe et sur le nouveau positionnement géostratégique du pays dans le système agroalimentaire mondial.

Dans une première partie, les auteurs retracent les politiques et conditions économiques ayant permis à la Russie de devenir, en une quinzaine d'années, un acteur de premier plan sur les marchés des grains et des produits de la mer. Pour la pêche, la politique mise en œuvre visait à atteindre une couverture de 80 % des besoins nationaux par la production nationale. Elle s'est traduite par la mise en place de contrôles sur les échanges, d'entraves diverses aux activités des compagnies étrangères et d'incitations aux chantiers navals russes pour renouveler la flotte. Dans une deuxième partie, l'évolution des relations commerciales régionales est analysée, en particulier avec la Chine, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et les États-Unis, la Russie ayant inversé la situation et les rapports de force en devenant un fournisseur incontournable et en réduisant sa propre dépendance.

Source : Palgrave Macmillan

Sécurité alimentaire mondiale et guerre en Ukraine : les éclairages de l'Ifpri

Sur son site Web, l’International Food Policy Research Institute (Ifpri) diffuse des expertises sur les menaces actuelles pesant sur la sécurité alimentaire mondiale. Publiés en mars 2022, deux articles analysent les impacts de la crise et les solutions locales qui peuvent être apportées en Égypte et au Yémen. Ces deux pays sont très dépendants des importations de blé pour l'alimentation de leur population, à 62 % pour l'Égypte, à 97 % pour le Yémen. 5 webinaires sont également organisés par les experts régionaux de l'Ifpri, sur la crise et ses répercussions dans les différentes parties du globe. Les deux premiers, déjà en ligne, mettent en perspective l'actualité avec les précédentes flambées des prix de 2007-2008 et 2010-2011. Ils proposent des témoignages sur la situation de certains pays d'Afrique subsaharienne, d'Amérique latine, des Caraïbes et d'Asie du Sud. Le troisième traitera des implications pour le secteur de la fertilisation et pour les pays subventionnant les engrais.

Source : Ifpri, Ifpri, Ifpri

10:24 Publié dans Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : prix, ukraine, sécurité alimentaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/04/2022

Conséquences multiples du conflit en Ukraine

De nombreuses publications s'intéressent aux conséquences diverses de la guerre en Ukraine. Dans une analyse du 7 mars 2022, la Coface traite de divers secteurs (agricole et agroalimentaire, chimie, etc.), et rappelle notamment l'importance de la Russie sur le marché du bois d'œuvre (16 % des exportations en 2019, en particulier de conifères). Les sanctions économiques devraient exacerber les tensions dans un secteur déjà marqué par des restrictions russes aux exportations. Les auteurs envisagent également les conséquences sur l'Europe (inflation, etc.) et les autres régions du monde (Asie-Pacifique, pays du Golfe, Afrique, etc.).

Sur le média en ligne farmdocDAILY, des chercheurs de l'université de l'Illinois publient fréquemment des analyses, par exemple sur les principaux marchés de matières premières agricoles concernés et leurs réactions suite au déclenchement du conflit. Ils s'intéressent au Midwest (implications pour les agriculteurs en matière de choix de cultures ou d'assurances agricoles, liées notamment aux coûts des engrais azotés), et envisagent les perspectives pour la production de céréales en 2023 dans cette zone. Enfin, ils traitent de la dépendance forte du Brésil aux importations d'engrais, et des dynamiques de production de blé au Brésil et en Argentine.

De son côté, l'Institut de l'élevage (Idele) met régulièrement en ligne des contributions envisageant les effets du conflit sur l'élevage, et plus particulièrement les filières de ruminants. En matière d'exportations européennes vers l'Ukraine et la Russie, sont principalement concernés les animaux vivants destinés à la reproduction et à la production de semence, ainsi que certains co-produits (abats frais et congelés, cuirs). Les implantations, dans les deux pays, de trois grands groupes laitiers (Danone, Lactalis, Savencia) sont également rappelées. L'élevage français sera essentiellement touché par la flambée des prix des grains, des engrais et de l'énergie, et l'Idele identifie des « bonnes pratiques » pour en réduire les conséquences (ex. mise à l'herbe précoce pour économiser des concentrés).

Enfin, signalons un numéro de l'émission Le dessous des cartes (12 mars, Arte) consacré au blé, « arme de food power », qui aborde divers sujets de manière didactique.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Des dynamiques entrepreneuriales agricoles portées par des installations d'étrangers

Dans le cadre d'un projet de recherche consacré aux campagnes françaises dans les migrations internationales, la Revue européenne de géographie a publié un article sur les présences étrangères dans les territoires ruraux du sud-ouest de la France. Il évalue la contribution de ces migrations à la diversification sociale et économique de ces espaces.

En croisant travaux de terrain et analyses des recensements de la population depuis 1968, les auteurs montrent que si les migrations internationales concernent essentiellement les espaces urbains, elles ne sont pas négligeables dans certains territoires ruraux : zones frontalières de l'Est, lieux de villégiature de l'arrière-pays méditerranéen, grande périphérie de l’Île-de-France, et sud-ouest du pays (voir figure). Ainsi, alors que les habitants de nationalité étrangère ne représentaient que 3 % des populations vivant en milieu rural (contre 6,5 % au niveau national), ce chiffre atteignait 6,7 % dans le Périgord Vert en 2015.

Répartition des habitants de nationalité étrangère dans les espaces ruraux en France métropolitaine

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Source : European Journal of Geography

Dans cette zone, les auteurs montrent que cette population étrangère est porteuse d'une dynamique d'installation de nouveaux agriculteurs. Sur ce territoire peu dense, le choix d'une activité agricole représente souvent un projet de vie en rupture, au moins partielle, avec la vie citadine et leurs activités professionnelles antérieures. Les auteurs identifient deux types différents d'exploitations qui, dans les deux cas, essaiment à partir d'une exploitation-mère.

Dans le premier cas, les porteurs de projet (de nombreux Britanniques) ont créé des exploitations de maraîchage sur des terrains de faibles superficies (2 ou 3 ha), qu'ils ont achetés dans cette région historiquement tournée vers l'élevage. Ces exploitations sont à l'origine d'innovations commerciales (collectifs de producteurs, vente en cagettes, etc.) combinées à un ancrage local (implication dans des marchés paysans historiquement bien implantés). Le second modèle repose sur des Néerlandais, installés en élevage laitier, attirés par un foncier accessible et des opportunités de reprise. Ce sont plutôt des exploitations de grande taille, insérées dans la filière laitière locale, insérées dans un réseau d'échanges et de formations avec les Pays-Bas. Ces néo-paysans étrangers s'installent quasiment tous en agriculture biologique, confortant une dynamique locale majeure.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : European Journal of Geography

Ces symbioses qui nous gouvernent

Le magazine La Recherche d’avril-juin 2022 publie un dossier de 40 pages sur le thème « symbiose et réseaux du vivant ». Il fait le point sur les dernières découvertes concernant ces interactions naturelles, à différentes échelles (univers, océans, champs cultivés, fromages, intestin, etc.), et leurs implications pour la santé globale : une plongée dans des recherches qui ne s’intéressent pas à l’organisme seul mais à l’holobionte, cet ensemble constitué par l’hôte et tous ses microorganismes (Forest Rohwer, 2002).

Pour l’agriculture, les applications sont multiples. Les relations que tissent les plantes avec les micro-organismes du sol peuvent augmenter leur tolérance à la sécheresse ou à la salinité, modifier leur date de floraison, maximiser l’absorption des nutriments tout en résistant aux parasites et pathogènes, améliorer leur croissance, etc. De nouvelles stratégies d’amélioration des plantes – jusqu’ici focalisées sur leur seul génome – voient le jour, pour sélectionner les végétaux et leurs communautés microbiennes racinaires, ou les traits génétiques favorisant l’interaction hôte-micro-organismes. Les exemples des start-up françaises Mycophyto et Inoculum Plus, qui proposent des biostimulants de symbioses mycorhyziennes pour la santé des plantes, sont mentionnés.

Si « tout bios est donc symbios », si l’individu est constitué des milliards de relations qu’il tisse en continu avec ses vivants, comment parvenir à les modéliser ? Le dossier convoque économistes, écrivains et philosophes pour éclairer les implications de ces nouvelles découvertes, le concept seul « d’écosystème » n’y suffisant plus. Ces sciences de la symbiose peuvent également permettre de mieux comprendre les dynamiques actuelles de la mondialisation et les diverses politiques du vivant gérant la crise environnementale. Elles contribuent aussi à la conception d'une industrie symbiotique où les acteurs d’un même territoire pensent leur développement en privilégiant les interactions entre leurs différentes organisations. Elles travaillent enfin à l'application des solutions symbiotiques du type gagnant-gagnant aux transitions énergétiques et alimentaires. Si l’idée a déjà plus d’un demi-siècle, avec le cas français de la bioraffinerie de Pomacle Bazancourt, les symbioses industrielles peuvent devenir, selon les économistes cités dans le dossier, un levier essentiel de la transition vers une « économie circulaire ».

Cécile Poulain, Centre d’études et de prospective

Source : La Recherche

10:19 Publié dans Enseignement et recherche, Production et marchés, Territoires | Lien permanent | Tags : vivant, économie circulaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

Contributions du numérique à la transition vers des agricultures et systèmes alimentaires durables

Cinq chercheurs d'Inrae et de l'Inria ont publié un livre blanc, Agriculture et numérique, sur les Technologies de l'information et de la communication (TIC) pouvant aider l'agriculture à répondre aux nouveaux enjeux de sécurité alimentaire, climatiques et environnementaux (diminution de la biodiversité, réduction des ressources, etc.). Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), deux grands modèles sont envisageables : l'intensification durable (augmenter la productivité sans effets néfastes sur les écosystèmes), l'agro-écologie (s'appuyer sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes pour concevoir les systèmes de production). L'ouvrage explore les apports du numérique pour la transition vers ce second modèle, plus propice, selon les auteurs, à la préservation d'une agriculture familiale associée à un revenu et à des conditions de travail décentes des exploitants.

Les technologies numériques mises en œuvre par l'agriculture de précision sont actuellement plutôt utilisées dans une optique d'intensification durable. Elles reposent sur quatre principes (observer, diagnostiquer, préconiser, agir), afin de répondre aux besoins des plantes et animaux. Ces principes sont transposables au modèle agro-écologique (exemple dans la figure ci-dessous). De plus, le numérique offre des solutions pour comprendre et gérer la complexité des systèmes de production agro-écologiques, grâce à ses outils d'acquisition, ses capacités de traitement et de modélisation de données massives par les techniques d'intelligence artificielle. Il permet aussi d'anticiper les maladies ou nuisibles (dispositifs optiques pour la surveillance des plantes et la détection des insectes volants, pièges à insectes connectés, etc.) et de faciliter les opérations culturales sur des parcelles de cultures mélangées (petits robots connectés en essaim, cobots, etc.). Les auteurs identifient également d'autres opportunités d'usage : accompagnement de la territorialisation de l'alimentation, rééquilibrage des chaînes d’approvisionnement, appui à l'élaboration de stratégies, transmission et partage de connaissances, etc.

Pour souligner l'importance du développement d'un « numérique responsable » en agriculture, les auteurs en explicitent les différents risques. Ils identifient en particulier l'affaiblissement du lien entre l'agriculteur et la nature, le coût environnemental de ces technologies, l'accentuation de la concentration et de l'industrialisation de l'agriculture, ou encore la perte de souveraineté (maîtrise des données et des outils de production, dépendance aux outils d’aide à la décision, enjeux de cybersécurité).

Chaîne de traitement de l'outil d'aide à la décision Farmstar

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Source : Inrae-Inria

Lecture : à partir d'images spatiales à résolution infraparcellaire, l'outil d'aide à la décision Farmstar fournit des conseils agronomiques à l'agriculteur. Au sein d'une architecture informatique, une chaîne de traitements associe différents flux de données et des modèles agronomiques pour une mise à disposition de cartes et tableaux de bord d'indicateurs dans l'application finale de l'utilisateur, via des Application Programming Interfaces (API).

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : HAL INRAE

14/04/2022

Consommation d'eau et d'énergie en filière porc

Dans la filière porcine, l'importante consommation d'eau et d'énergie sur les postes d'abattage, de découpe et de transformation de la viande, a des conséquences financières et environnementales de plus en plus lourdes. L'Ifip y a consacré une journée technique le 8 mars 2022. Elle s'est déroulée en trois temps : les postes de consommation ont d’abord été détaillés, puis des solutions ont été discutées, et enfin les outils techniques et financiers pour les mettre en œuvre ont été présentés.

Les abattoirs ont des consommations très variables. Une étude de 2018 indique que, selon les établissements, la consommation par porc varie de 244 à 553 litres d'eau, de 12,8 à 45 kWh PCI de gaz et de 8 à 30 kW d'électricité. L'origine de ces différences n'est pas connue dans tous les cas car les comptages détaillés ne sont pas toujours effectués et il est difficile d’identifier le poste le plus pénalisant. La réutilisation de l'eau est une bonne solution, permettant une économie de 40 %. Le passage à des énergies renouvelables est aussi très prometteur.

À l'étape de la transformation, les consommations sont différentes selon le type de produit fabriqué. La génération de froid pour la réfrigération et la congélation est un poste essentiel (jusqu'à 48 % de la consommation électrique) et une gestion améliorée est une source d'économie importante. La production de chaleur pour les différentes cuissons consomme aussi beaucoup d'électricité (1,27 kWh/kg de jambon cuit) et de gaz (0,31 kWh/kg). L'eau chaude respectant les normes sanitaires doit être produite à la fois pour le nettoyage des équipements et pour la fabrication du produit. Compter les dépenses des différents postes est donc la première étape pour réaliser des économies (figure ci-dessous).

Consommation énergétique en filière porcine : intérêts des comptages

filièreporcine.jpg

Source : Ifip

Les outils connectés facilitent ces comptages. Ils permettent de faire un diagnostic des dépenses et de choisir les améliorations nécessaires en fonction des objectifs de l'entreprise, en particulier dans le cadre de la norme ISO 50 001 de gestion de l'énergie. Il est également possible de suivre en temps réel les consommations et des indicateurs de performance énergétique, pour obtenir des certificats d’économie d’énergie. Une comptabilité analytique permet aussi d'évaluer le coût de chaque lot produit pour améliorer les procédés de fabrication. Enfin, des alertes permettent d'éviter les accidents.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Ifip, YouTube

10:16 Publié dans Energie, IAA | Lien permanent | Tags : filière porcine, énergie, eau, transformation |  Imprimer | | | | |  Facebook

Régulation de la publicité sur les produits gras, salés et sucrés et comportements d'achat

La mise en place de restrictions concernant la publicité relative aux produits gras, salés et sucrés fait partie des recommandations de politiques publiques fréquemment mises en avant pour lutter contre l'obésité et promouvoir des régimes alimentaires sains. Dans un article publié en février 2022 dans la revue PloS Medicine, des chercheurs ont évalué l'impact de telles mesures sur le comportement d'achat des consommateurs. Le travail porte sur l'agglomération londonienne, qui, à de rares exceptions près, a interdit ce type de publicité en 2019 dans son réseau de transports en commun.

Pour estimer l'effet de cette réglementation sur l'achat de produits gras, salés et sucrés par les Londoniens, les auteurs ont conduit une analyse contre-factuelle, à partir de données d'achat issues d'un panel de 32 000 foyers. Au sein de ce panel, deux échantillons aléatoires ont été constitués (figure ci-dessous). Le premier était composé de foyers londoniens (977 ménages) ayant eu affaire à la réglementation. Le second, faisant office d'échantillon témoin, comprenait des foyers du nord de l'Angleterre (993 ménages), suffisamment éloignés de la capitale britannique pour pouvoir faire l'hypothèse qu'ils n'avaient pas bénéficié de la réglementation évaluée. Ce dispositif quasi-expérimental a permis de contrôler les facteurs dits « confondants » car susceptibles d’influer eux aussi sur les variables observées : fluctuations saisonnières des comportements d'achat, tendances structurelles concernant la consommation des produits étudiés, etc.

Caractéristiques des échantillons

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Source : PloS Medicine

Les tests statistiques réalisés mettent en évidence un effet positif et statistiquement significatif de la réglementation sur la consommation de produits gras, salés et sucrés. Ainsi, celle-ci a diminué de 6,7 % suite à la mise en œuvre des mesures évaluées. Cela représente environ 1 000 kcal/semaine/foyer, soit l'équivalent de 70 grammes environ de chocolat au lait standard par personne et par semaine. Quoique positif, cet effet demeure trop faible pour contre-balancer la tendance à la hausse de la consommation de ces produits. Enfin, l'effet de la réglementation semble plus prononcé pour certaines catégories de populations (personnes en surpoids, catégories socio-économiques intermédiaires), sans que cela ne soit statistiquement significatif. En conclusion, les auteurs estiment que cette recherche confirme l'efficacité de mesures ciblant la publicité, pour limiter la consommation de certains aliments contribuant à des régimes néfastes pour la santé.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : PloS Medicine

Patrimoine alimentaire et relance des produits

La revue Anthropology of food consacre un numéro aux produits de terroir et aux dynamiques de patrimonialisation dans le domaine agroalimentaire. On y trouvera notamment informations et analyses sur les appellations corses (farine de châtaigne, fromages, charcuterie), et sur le travail des syndicats et associations de défense et de promotion pour « relancer » des produits typiques en déclin.

Parmi les études de cas, signalons l'article de A. Broccolini sur la lentille de Rascino, en Italie, aliment de pauvres « cultivé seulement pour la consommation quotidienne des familles paysannes », et devenu « produit-icône d’un territoire », porté par des producteurs professionnels et un circuit de commercialisation. Parmi les articles plus généraux, P. Pesteil livre une réflexion sur la fraude et ses contre-feux. Après avoir rappelé l'étendue des pratiques de contrefaçon dans le domaine alimentaire, il s'appuie sur différents terrains (Corse, Yakutie en Russie, Italie) pour discuter les intérêts et limites des systèmes de certification d'une part, et des alternatives de « reconquête alimentaire » dite « par le bas » (mouvement Slow Food, certification participative).

Enfin, l'historien P. Meyzie consacre un article aux « produits d'origine » dans la France des XVIIe et XVIIIe siècles. À partir d'archives diverses (livres de cuisine, documents marchands), il retrace l'association entre produits, origine et qualité, avant la mise en place des systèmes de certification officielle (protection intellectuelle en 1824, puis développement des appellations à partir de 1905). On voit ainsi émerger des noms de produits et des conventions de qualité, qui sont aussi des dispositifs de jugement : fromage « de Roquefort », moutarde « de Dijon », etc. Le plus souvent liés à de grandes villes, ils encadrent le commerce et les attentes des contractants, et concernent en premier lieu des produits très circulants, plutôt qu'en danger de disparition. Ces proto-appellations reflètent les perceptions d'une élite de consommateurs parisiens, soucieux d'un certain exotisme culinaire. La carte ainsi établie (figure ci-dessous) est largement familière, mais elle fait aussi apparaître quelques produits oubliés, ou très confidentiels. Selon l'auteur, ces « gisements de patrimonialisation » pourraient servir de base à des initiatives de redynamisation territoriale.

Localisation des produits d'origine (1680-1830)

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Source : Anthropology of food

Lecture : la taille des points associés à chaque produit est proportionnelle au nombre de mentions identifiées dans le corpus.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Anthropology of food

Séraphin Kati-Coulibaly (dir.), Les substances d’origine végétale en Côte d’Ivoire. Potentiel et développement durable, Éditions IRD, février 2022, 208 pages

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Cet ouvrage porte sur les plantes cultivées (à des fins industrielles ou vivrières), mais aussi prélevées dans le milieu naturel, qui présentent un intérêt économique pour les secteurs de la cosmétique, de la médecine traditionnelle et des compléments alimentaires. Il s’inscrit dans la perspective d’un partage équitable, entre les utilisateurs et les fournisseurs de ressources génétiques, des avantages découlant de leur exploitation (Protocole de Nagoya). L'analyse donne également la priorité à l’amélioration des chaînes de valeur et à la recherche de débouchés commerciaux.

La première partie fait un état des lieux des espèces déjà valorisées et de celles qui pourraient l’être. Par exemple, la production de cacao (1,79 million de t/an) est en partie transformée sous forme d’aliments à caractère médicinal ; le karité l’est dans la filière cosmétique. Mais demeurent sous exploitées l’oseille de guinée, le Prunus africana (figure ci-dessous) ou la Lippia multiflora. De plus, la Côte d’Ivoire est le premier producteur et exportateur mondial de noix de cola (260 000 t majoritairement exportées, 118 millions d’euros de chiffre d’affaires), mais ses qualités médicinales restent peu valorisées. Pourtant, le « médicament traditionnel amélioré » (MTA), répondant à des critères de qualité et d’efficacité contrôlés, sans pour autant bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché, est reconnu dans la législation nationale.

Valorisations du Prunus africana

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Source : Institut de recherche pour le développement

Lecture : fruit de P. africana (A) ; écorce entière et en poudre de P. africana (B) ; exemples de complément alimentaire (C) et de médicament soumis à autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne (D) obtenus à partir de P. africana.

On observe aussi le développement de plusieurs marchés de la cosmétique en Afrique et la mise en place, à Lagos, d’un pôle de recherche dédié, tandis que les innovations du Ghana en matière de médecine traditionnelle ont été valorisées par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

La deuxième partie du livre est consacrée aux savoirs locaux, « chaînon manquant du développement », et la troisième porte sur le cadre juridique national. La dernière section, coordonnée par V. Boisvert (université de Lausanne), rappelle des points clés pour le développement des chaînes de valeur cosmétiques, médicales ou des compléments alimentaires. Par exemple, la qualification adéquate des types de produits envisagés en est un : produits finis, ingrédients « naturels » destinés à la transformation industrielle et issus d’une diversification de la production agricole et agroforestière. Le ciblage des marchés (attentes des consommateurs, règles locales de commercialisation) et l'identification des principaux bénéficiaires des gains économiques sont aussi importants. Ces choix devraient, selon les auteurs, s’appuyer sur un exercice de prospective économique.

Nathalie Kakpo, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions IRD

13/04/2022

Éléments de prospective sur l'avenir de la sûreté alimentaire

Le programme de prospective pour la sécurité sanitaire des aliments, de la FAO, a publié un rapport détaillant certains facteurs d'évolution pouvant l'influencer : le changement climatique, l'évolution des régimes alimentaires et de la consommation, celle des modes de production (agriculture urbaine, culture cellulaire) et le recyclage des plastiques. S'appuyant sur la littérature existante, les auteurs soulignent les effets de l'augmentation des températures et de l'humidité sur le développement de populations pathogènes (salmonelles, mycotoxines, etc.) dans les produits alimentaires. De plus, les inondations pourraient augmenter le risque de diffusion des agents contaminants dans les champs. L'acidification des océans constituerait aussi un facteur encourageant le développement des algues, avec des conséquences sur la biodiversité environnante, mais aussi sur la contamination des produits de la mer par certaines toxines qu'elles produisent.

Des régimes plus riches en protéines végétales et le développement de la consommation de nouveaux produits (insectes, méduses, algues, etc.) soulèveraient selon les auteurs plusieurs problèmes. Au-delà des risques d'allergies mentionnés par le rapport, la consommation excessive de certains de ces produits induirait des risques de surconsommation de certains éléments comme les phyto-œstrogènes et l'iode. La flore microbienne et bactériologique de ces espèces nouvellement consommées nécessiterait aussi d'être étudiée avec attention. Enfin, des problèmes liés à la proximité d'élevages ou de cultures pourraient aussi apparaître (métaux lourds, toxines, résidus phytosanitaires, etc.).

Les auteurs attirent l'attention sur les impacts potentiels des nouveaux modes de consommation (problème de rupture de la chaîne du froid dans le cas des plats préparés à la maison, etc.). Ils identifient aussi ceux associés à la production (cryoprotectants pour préserver la viande in vitro des effets du froid, impacts des pollutions de l'air, de l'eau et des sols pour les produits issus de l'agriculture urbaine), et à l'économie circulaire (contamination possible d'aliments par des emballages mal recyclés).

Le rapport suggère enfin plusieurs pistes d'intérêt pour la recherche : le microbiote (notamment pour son rôle dans la compréhension des problèmes sanitaires), mais aussi l'intelligence artificielle, les données massives et les technologies blockchain, etc.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d’études et de prospective

Source : FAO

L'institut cambodgien de ressources pour le développement

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Fondé en 1990 dans un contexte marqué par la fin d’un conflit qui déchira le Cambodge, le Cambodia Development Resource Institute (CRDI) est un centre de recherche dont les activités sont reconnues par le gouvernement cambodgien, avec comme objectif global le développement durable du pays. L'institut est intégré aux réseaux de recherche et de réflexion régionaux, comme le NARDT (Network for Agriculture and Rural Development Think-Tanks for Countries in Mekong Sub-Region), soutenu par le Fonds international de développement agricole, une agence onusienne.

L'activité de l'institut comporte 5 axes : gouvernance et société inclusive, développement économique et commerce, éducation, ressources naturelles et environnement, politiques agricoles et développement rural. Ce dernier est traité au sein d'un centre de recherches éponyme dont les travaux, centrés géographiquement sur le Cambodge, s’intéressent à l’économie agricole (approche quantitative et qualitative), mais aussi à la sécurité alimentaire, en intégrant le volet nutritionnel.

L'institut produit ses propres études, à l’instar de celle consacrée en 2021 à la manière dont sont employés les produits phytosanitaires dans les exploitations agricoles cambodgiennes. Elle a montré l'importance des pesticides dans les coûts de production, avec des situations variées en fonction de l'âge de l'agriculteur, de son sexe ou de son niveau d'éducation. D'autres travaux sont conduits avec des partenaires internationaux, telle l’analyse consacrée aux impacts directs et indirects de la Covid 19 sur le commerce agroalimentaire du pays. Réalisée dans le cadre du programme de recherche PRCI (Food Security Policy Research, Capacity and Influence), financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international, et coordonnée par l'université du Michigan, l'université Cornell et l’Institut international de recherche en sécurité alimentaire, elle montre que l'économie agricole cambodgienne reste structurellement déficitaire, mais qu'elle a relativement bien résisté à la pandémie de la Covid 19.

Outre les publications, sont organisés des séminaires et des ateliers, à destination des décideurs politiques, des partenaires de développement et des chercheurs.

Johann Grémont, Centre d'études et de prospective

Source : Cambodia Development Resource Institute

Impacts socio-économiques de la peste porcine africaine aux Philippines

La peste porcine africaine (PPA) est apparue aux Philippines en juillet 2019, occasionnant une baisse de production de 9,8 % au dernier trimestre de la même année. Si les mesures sanitaires ont permis de limiter les conséquences de l'épizootie, leurs impacts sur la vie quotidienne des éleveurs, et plus largement des travailleurs de la filière porcine, ont été moins bien étudiés. Pour y remédier, une évaluation a été mise en place, en coopération avec l'Australie et le Timor oriental. Il était principalement basé sur des groupes de discussion, dans des zones rurales ayant subi la PPA. Il en ressort qu'aux Philippines les petits élevages sont nombreux, certains d'appoint, souvent familiaux, et que la perte d'animaux est économiquement très lourde. En outre, les produits des ventes servent souvent à payer les frais d'éducation des enfants. Enfin, ces petits propriétaires considèrent le porc comme un membre de la famille et son euthanasie provoque un choc émotionnel et des réactions d'hostilité envers le personnel sanitaire.

Source : Frontiers in Veterinary Science