Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/07/2022

Impacts de la Covid-19 et du changement climatique au Guatemala

Un article publié par l'International Food Policy Research Institute (IFPRI), en juin 2022, s'intéresse aux conséquences de la Covid-19 et des événements climatiques extrêmes sur les revenus, l'alimentation et les migrations dans les zones rurales du Guatemala. Entre 2019 et 2021, le pays a en effet connu plusieurs chocs. Il y a eu d'abord la pandémie, dont les conséquences en matière de santé publique furent moins dramatiques que dans d'autres pays d'Amérique centrale, alors que le taux de vaccination y est l'un des plus faibles (42 % en juin 2022). Pour juguler la crise, le gouvernement a mis en place une politique de confinements très stricts. De plus, deux ouragans, Eta et Iota, ont frappé le pays, entraînant inondations, coulées de boue et glissements de terrain.

Pour analyser les effets de ces chocs sur les populations, les auteurs ont mené trois campagnes d'enquêtes par questionnaires téléphoniques entre 2019 et 2021, auprès d'un échantillon d'environ 1 600 ménages ruraux situés dans les zones montagneuses de l'ouest du Guatemala. Si les résultats montrent une amélioration des revenus, de la sécurité alimentaire et de la diversité de l'alimentation, en 2021 par rapport à 2020, leurs niveaux restent en-deçà de ceux de 2019. Cette situation est plus marquée encore pour les populations qui ont été exposées aux catastrophes naturelles. Sur le plan de la sécurité alimentaire, l'offre locale de denrées aurait connu une reprise, mais elle se serait accompagnée de prix plus élevés, selon les ménages enquêtés (figure ci-dessous).

Perception de l'évolution des prix en 2020 et 2021

guatemala 1.JPG

Source : IFPRI

Par ailleurs, la prévalence des expériences vécues d'insécurité alimentaire légère et modérée aurait diminué par rapport à 2020, même si elle reste supérieure à 2019. Celle des épisodes sévères resterait supérieure à 20 % des ménages enquêtés depuis le début de la pandémie, contre 11 % en 2019. Enfin, le score de diversité alimentaire aurait connu une évolution, avec un recul de la consommation de protéines animales et une augmentation de celle de fruits et légumes. Quant aux intentions de migration, qui sont trois fois plus importantes en 2021 qu'en 2019, elles découlent davantage du niveau de revenus que de l'exposition directe au virus, des restrictions de mobilité locale et des perturbations du marché alimentaire.

Johann Grémont, Centre d'études et de prospective

Source : IFPRI

11/07/2022

L'impact du conflit russo-ukrainien sur les systèmes alimentaires caribéens

conflit russo ukrainien,alimentation,sécurité alimentaire,caraïbes

The Caribbean Plant Health Directors Forum, dont le secrétariat est assuré par les services internationaux du ministère de l’agriculture des États-Unis, a organisé en mai 2022 un webinaire sur les impacts du conflit russo-ukrainien pour les pays membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Ceux-ci importent une grande partie de leur alimentation pour un coût annuel de six milliards de dollars. Nigel Durrant (CARICOM) a souligné combien la pandémie avait affecté l’accès des ménages à l’alimentation du fait de la hausse des prix : un tiers d’entre eux déclarent avoir réduit leur consommation et vu leurs réserves en denrées diminuer. De plus, si les importations d’Ukraine et de Russie ne représentent que 0,1 % des produits à destination de ces pays, les conséquences en chaîne de la guerre ont mené à une inflation des prix du blé et du maïs. Or, ces derniers figurent parmi les 10 produits les plus importés localement. Le maïs est particulièrement important dans l’alimentation animale : il représente 70 % des coûts de production de la volaille, viande la plus consommée dans la région.

Source : The Caribbean Plant Health Directors Forum

Les conséquences de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale

Un rapport publié par l'IPES Food en mai 2022 s'intéresse aux conséquence de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale. Quatre faiblesses structurelles, déjà identifiées lors de la crise de 2007-2008, restent d'actualité selon les auteurs : la dépendance aux importations alimentaires, notamment pour les pays africains ; le manque de transparence des marchés céréaliers sujets à la spéculation ; un défaut de diversité dans les systèmes et les modes de production ; la récurrence de chocs liés au climat, aux conflits et à la pauvreté. En matière de soutien à apporter aux pays fragilisés par ces phénomènes, les auteurs considèrent qu'il serait dangereux de chercher à augmenter la production au détriment de l'environnement. Ils font sept recommandations, comme la diversification de la production alimentaire, la réduction de la dépendance à l'égard des engrais et de l'énergie fossile, ou encore la constitution de stocks de céréales à l'échelle régionale.

Source : IPES Food

Publication du rapport mondial 2022 sur les crises alimentaires

Le sixième rapport mondial sur les crises alimentaires, publié en juin 2022 par le Global Network Against Food Crises, alerte sur l'augmentation de l'insécurité alimentaire en 2021. Il rend compte des grandes évolutions mesurées par les indicateurs liés à la sécurité alimentaire depuis 2016, ainsi que les facteurs responsables de leur accroissement dans 53 pays sélectionnés pour leur degré élevé d'insécurité. Les conflits constituent le moteur principal dans 24 pays (déplacement des populations). Ils sont suivis par les chocs économiques (y compris ceux liés à la pandémie de Covid-19) pour 21 pays, puis par les événements climatiques extrêmes (8 pays). Le rapport propose une projection de ces données en 2022 pour 41 pays (figure ci-dessous), avant de détailler la situation par grande région et par pays.

Projection du nombre de personnes en situation de crise alimentaire en 2022

carte crises alimentaires .jpg 
Source : Global Network Against Food Crises

Source : Global Network Against Food Crises

15/06/2022

Initiative FARM : conséquences de la guerre en Ukraine et réponses stratégiques

Dans le cadre de l'initiative française FARM (Food and Agriculture Resilience Mission), lancée en mars 2022, un « groupe de travail académique », réunissant une dizaine d'experts de haut niveau, a analysé les implications du conflit actuel et réfléchi à des réponses stratégiques. Leurs premières conclusions, livrées en mai, décrivent la complexification des enjeux agricoles, les effets en cascade de la guerre sur la sécurité alimentaire mondiale, et les nouveaux engagements attendus de l'Union européenne et de la France.

L'extrême importance de la question alimentaire est d'abord rappelée. Il faut nourrir une population croissante, dans un contexte de pressions environnementales et géo-stratégiques exacerbées. Les déstabilisations de la guerre, après celles causées par deux années de pandémie, obligent à repenser les principes de régulation et de gouvernance, et même toute l'architecture de la mondialisation, mais en veillant à maintenir les processus de transition vers une durabilité forte.

Plus globalement, l'intensification des jeux et enjeux géopolitiques, en matières agricole et alimentaire, entraîne un redoublement des besoins et des ambitions. L'agriculture est plus que jamais un secteur prioritaire pour la stabilité des relations internationales. Quant à l'alimentation, elle reste une des conditions de la paix sociale. La région de la mer Noire est emblématique de ces défis, des nouveaux rapports de force et des reclassements stratégiques en cours : réarmement agricole des pays de la zone, rapide modernisation des équipements, investissements spectaculaires, tissu logistique dense et fortes capacités productives et exportatrices, en particulier pour les céréales.

La troisième partie du document est consacrée à la guerre et à ses effets en chaîne. Sont d'abord passés en revue les impacts immédiats : destruction de matériels et de récoltes, restriction des chargements portuaires et du commerce, flambée et volatilité des prix, renchérissement des engrais, retour de « l'arme alimentaire », etc. À plus long terme, d'autres conséquences sont probables : difficultés d'approvisionnement, fragilisation de certaines régions ou populations, reconfigurations diplomatiques, érosion du multilatéralisme, nouvelles alliances entre puissances souhaitant « désoccidentaliser » la marche du monde.

Pour finir, les auteurs livrent quelques recommandations stratégiques. Les premières, qui concernent le rôle de l'Europe et de la France, insistent sur les nécessaires analyses de risques, les mesures de gestion de marché et la création d'institutions de régulation. D'autres visent à faciliter la mobilisation et l'efficacité de l'aide alimentaire internationale. La question des stocks agricoles et céréaliers est ensuite abordée, les objectifs étant tout à la fois de mieux les déclarer, connaître, gérer et utiliser. Les tensions possibles entre cultures alimentaires et non alimentaires sont aussi évoquées, avec le cas typique des biocarburants, dont la réduction voire l'interdiction sont de plus en plus souvent discutées. Enfin, les dernières pages traitent du développement de la sécurité alimentaire en Méditerranée et en Afrique, zones qui pourraient être durement touchées par les contrecoups du conflit en cours.

Notons, pour terminer, que le document comprend d'intéressantes annexes (marché mondial du blé, estimations de productions agricoles ukrainiennes pour 2022, tensions liées aux engrais en Europe et en France, etc.) et qu'une version révisée et actualisée est annoncée pour fin juin.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Source : Initiative Farm, Task Force Interministérielle France

19/04/2022

Guerre en Ukraine : conséquences à moyen terme sur les marchés

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a publié dès février, et actualisé fin mars, une note d'information sur les conséquences possibles pour les marchés agricoles du conflit entre la Russie et l'Ukraine. Après un rappel du rôle joué par les deux protagonistes sur les marchés mondiaux des matières premières agricoles (graphique ci-dessous de la part de ces deux pays dans la production mondiale) et des engrais, la FAO identifie les principaux risques induits par la guerre.

Part de la Russie et de l'Ukraine dans la production d'une sélection de cultures (tournesol, orge, blé, maïs, colza, soja)

Ukraine marchés.jpg

Source : FAO

La Russie est le 1er exportateur mondial de blé en 2021, le 2e d'huile de tournesol et le 3e d'huile de colza. L'Ukraine occupe la 3e place pour l'orge, le maïs et le colza, la 1ère pour l'huile de tournesol. Certains pays à la sécurité alimentaire précaire, tels que la Somalie, l'Érythrée, Madagascar, sont dépendants à plus de 70 % de l'origine « mer Noire » pour leurs achats de blé. Enfin, la Russie est un acteur majeur du commerce des fertilisants, occupant respectivement les 1er, 2e et 3e rangs pour les engrais azotés, potassiques et phosphatés. Ces positions ont d'ailleurs été amplifiées par la flambée du cours du gaz, matière première entrant dans la composition des ammonitrates.

Au-delà des tensions sur les prix et les approvisionnements, la FAO identifie des risques, en particulier de logistique : état préoccupant du réseau ferroviaire ukrainien, fermeture des ports de la mer Noire, surprime d'assurance pour les bateaux civils naviguant dans la zone, mise à l'arrêt des usines de transformation, etc. Les sanctions internationales pourraient aussi réduire la production agricole russe, en limitant les importations de pesticides et semences, dont le pays est très dépendant. À partir de simulations réalisées avec le modèle Aglink-Cosimo, la FAO envisage des conséquences sur plusieurs années. Elle considère qu'en dépit des ajustements des autres exportateurs, les prix mondiaux du blé en 2026/2027 pourraient être de 10 à 20 % supérieurs au scénario de référence, et de 10 à 15 % plus élevés pour le maïs, les autres céréales et les graines oléagineuses.

En outre, selon une note récente de la FAO, la désorganisation des circuits de distribution, les atteintes aux infrastructures, les déplacements de population, les difficultés d'approvisionnement en intrants pourraient déboucher sur une crise alimentaire en Ukraine. D'après une évaluation rapide des besoins, plus de 40 % des régions du pays (oblasts) anticipent des pénuries alimentaires à brève échéance (graphique ci-dessous), les deux tiers des commerçants faisant déjà état de difficultés d'approvisionnement.

Pénuries et difficultés d'approvisionnement en Ukraine : anticipation de pénuries au fil du temps (à gauche) et part des commerces reportant déjà des difficultés (à droite)

Ukraine marchés 2.jpg

Source : FAO

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : FAO, FAO

Sécurité alimentaire mondiale et guerre en Ukraine : les éclairages de l'Ifpri

Sur son site Web, l’International Food Policy Research Institute (Ifpri) diffuse des expertises sur les menaces actuelles pesant sur la sécurité alimentaire mondiale. Publiés en mars 2022, deux articles analysent les impacts de la crise et les solutions locales qui peuvent être apportées en Égypte et au Yémen. Ces deux pays sont très dépendants des importations de blé pour l'alimentation de leur population, à 62 % pour l'Égypte, à 97 % pour le Yémen. 5 webinaires sont également organisés par les experts régionaux de l'Ifpri, sur la crise et ses répercussions dans les différentes parties du globe. Les deux premiers, déjà en ligne, mettent en perspective l'actualité avec les précédentes flambées des prix de 2007-2008 et 2010-2011. Ils proposent des témoignages sur la situation de certains pays d'Afrique subsaharienne, d'Amérique latine, des Caraïbes et d'Asie du Sud. Le troisième traitera des implications pour le secteur de la fertilisation et pour les pays subventionnant les engrais.

Source : Ifpri, Ifpri, Ifpri

10:24 Publié dans Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : prix, ukraine, sécurité alimentaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/04/2022

L'institut cambodgien de ressources pour le développement

CDRI.jpg

Fondé en 1990 dans un contexte marqué par la fin d’un conflit qui déchira le Cambodge, le Cambodia Development Resource Institute (CRDI) est un centre de recherche dont les activités sont reconnues par le gouvernement cambodgien, avec comme objectif global le développement durable du pays. L'institut est intégré aux réseaux de recherche et de réflexion régionaux, comme le NARDT (Network for Agriculture and Rural Development Think-Tanks for Countries in Mekong Sub-Region), soutenu par le Fonds international de développement agricole, une agence onusienne.

L'activité de l'institut comporte 5 axes : gouvernance et société inclusive, développement économique et commerce, éducation, ressources naturelles et environnement, politiques agricoles et développement rural. Ce dernier est traité au sein d'un centre de recherches éponyme dont les travaux, centrés géographiquement sur le Cambodge, s’intéressent à l’économie agricole (approche quantitative et qualitative), mais aussi à la sécurité alimentaire, en intégrant le volet nutritionnel.

L'institut produit ses propres études, à l’instar de celle consacrée en 2021 à la manière dont sont employés les produits phytosanitaires dans les exploitations agricoles cambodgiennes. Elle a montré l'importance des pesticides dans les coûts de production, avec des situations variées en fonction de l'âge de l'agriculteur, de son sexe ou de son niveau d'éducation. D'autres travaux sont conduits avec des partenaires internationaux, telle l’analyse consacrée aux impacts directs et indirects de la Covid 19 sur le commerce agroalimentaire du pays. Réalisée dans le cadre du programme de recherche PRCI (Food Security Policy Research, Capacity and Influence), financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international, et coordonnée par l'université du Michigan, l'université Cornell et l’Institut international de recherche en sécurité alimentaire, elle montre que l'économie agricole cambodgienne reste structurellement déficitaire, mais qu'elle a relativement bien résisté à la pandémie de la Covid 19.

Outre les publications, sont organisés des séminaires et des ateliers, à destination des décideurs politiques, des partenaires de développement et des chercheurs.

Johann Grémont, Centre d'études et de prospective

Source : Cambodia Development Resource Institute

07/02/2022

Durabilité et résilience du système alimentaire des Hauts-de-France

Le Basic et Bio Hauts-de-France ont réalisé un diagnostic de la durabilité et de la résilience du système alimentaire régional, insistant sur les enjeux de reterritorialisation. Les auteurs se sont appuyés sur des données publiques, la littérature existante et des ateliers d'échange avec une soixantaine d'acteurs. L'étude établit un « potentiel nourricier » de 130 % : la région est excédentaire en terres agricoles par rapport aux besoins alimentaires de ses habitants. Mais, elle présente un « potentiel agro-industriel » de seulement 70 % : les capacités de transformation agroalimentaire régionale et les emplois associés sont insuffisants pour répondre à la demande des habitants en produits transformés. Le diagnostic pointe également des fragilités du système alimentaire : dépendance aux intrants importés, faible capacité de résistance face aux chocs climatiques extrêmes, etc. Enfin, il présente deux scénarios à l'horizon 2050 (tendanciel et « de résilience et de préservation ») et leurs impacts sur l'emploi, les potentiels nourricier et agro-industriel.

Le « potentiel nourricier » des Hauts-de-France en 2019

potentiel nourricier.jpg

Source : Le Basic-Bio Hauts-de-France

Source : Le Basic

12/01/2022

Élevage d’insectes et hydroponie en Afrique

Publié en décembre 2021, un rapport de la Banque mondiale attire l'attention sur l'intérêt de l'élevage d'insectes et de l’utilisation de l'hydroponie en Afrique. Cela contribuerait à améliorer la sécurité alimentaire d'un continent où près d'un quart de la population est sous-nutri, tout en luttant contre le gaspillage, l'ensemble s’intégrant dans une économie circulaire. En effet, les insectes et l'hydroponie valorisent les déchets provenant de l'alimentation humaine comme animale et de l'industrie, et produisent une grande quantité de protéines (figure ci-dessous). L'hydroponie valorise aussi les déchets provenant des élevages d'insectes. Les auteurs calculent, par exemple, que cet élevage permettrait de fournir en un an jusqu'à 14 % des protéines utilisées dans l'élevage africain des porcs, chèvres, poissons et poulets. Il produirait également l'équivalent de 19,4 milliards de dollars de biofertilisants, tout en créant plus de 15 millions d'emplois et en valorisant 200 millions de tonnes de déchets végétaux.

Insertion des élevages d'insectes et de l'hydroponie dans une économie alimentaire circulaire

insectes et hydroponie.jpg

 
Source : Banque mondiale

Source : Banque mondiale

12/10/2021

Un podcast sur la sécurité alimentaire en République populaire de Chine

chine,sécurité alimentaire,gaspillage

Le 35e épisode du podcast China in context, diffusé par la School of Oriental and African Studies, porte sur les évolutions récentes du débat public sur la sécurité alimentaire en Chine. Le sinologue Bob Ash a rappelé combien ce sujet était important dans l’histoire et la mémoire nationales, le pays ayant connu selon lui les « pires famines de l’humanité ». À partir des années 1980, le sujet s’est fait plus discret avant de revenir dans les discussions publiques, sous l’influence de Xi Jinping. Quatre préoccupations majeures apparaissent aujourd'hui : i) la baisse de la production nationale de riz (la Chine en est devenue le plus gros importateur mondial en 2013), alors même que les céréales ont longtemps dominé le régime alimentaire ; ii) les tensions politiques avec les États-Unis et l’Australie, menaces potentielles pour les approvisionnements ; iii) le niveau du gaspillage alimentaire, estimé à 20 millions de tonnes, qui a conduit à la mise en œuvre en 2020 de l’opération « Assiette vide », incitant à la frugalité ; iv) l’enjeu hydrique du fait d’une disponibilité en baisse de l’eau.

Source : China in context

15/06/2021

L'agriculture biologique peut-elle nourrir la planète avec les ressources azotées disponibles ?

Des études récentes considèrent que l'agriculture biologique (AB) pourrait nourrir la population mondiale en 2050. Toutefois, elles ne tiennent pas compte de la disponibilité des ressources en azote pour l'AB et surévaluent donc son potentiel de production. Dans un article publié en mai dans la revue Nature Food, des chercheurs étudient la possibilité d'une transition globale et massive vers l'agriculture biologique, en prenant en compte ce facteur limitant.

Les auteurs utilisent un modèle biophysique d'optimisation linéaire (GOANIM) qui maximise, pour chaque unité géographique, la production en AB étant donné la quantité d'azote organique disponible. 216 scénarios sont ensuite comparés à un scénario de référence dans lequel la production repose à 100 % sur l'agriculture conventionnelle. Ces scénarios diffèrent selon 6 critères : i) la part de la surface agricole dédiée à l'AB ; l'utilisation d'azote issu ii) des eaux usées et iii) d'exploitations d'élevage conventionnel ; iv) la reconception des systèmes d'élevage ; v) un changement de régime alimentaire ; vi) une réduction des pertes alimentaires.

Les résultats montrent qu'une conversion totale à l'AB diminuerait la production alimentaire de 36 % par rapport au scénario de référence, avec une forte variabilité selon les régions. Il serait donc impossible, selon les auteurs, de nourrir la population mondiale avec une agriculture 100 % biologique, même en réduisant complètement les pertes alimentaires. Cependant, il serait possible d'atteindre cet objectif avec 60 % d'AB si des changements étaient mis en œuvre à la fois du côté de la production (ex. : possibilité d'utiliser de l'azote issu d'élevages conventionnels ou d'eaux usées) et de la consommation (ex. : changement de régime alimentaire) (figure ci-dessous). Convertir 20 % de la surface agricole mondiale serait même possible sans modifier la demande ni la réglementation sur les sources d'azote autorisées en AB.

Possibilités de réalisation des différents scénarios 

AB.jpg

Source : Nature Food

Lecture : chaque cellule représente un scénario (tous les scénarios ne sont pas représentés). Les chiffres dans chaque cellule indiquent la quantité moyenne d'azote nécessaire pour que la production biologique couvre la demande alimentaire mondiale (kgN/ha). Les scénarios sont classés selon quatre catégories : réalisable (vert foncé - production plus élevée que la demande), probablement réalisable (vert clair - production inférieure à la demande de moins de 5 %), probablement réalisable (orange - production inférieure à la demande de plus de 5 % mais de moins de 8 %) et irréalisable (rouge - production inférieure de plus de 8 % à la demande). Le scénario correspondant à une transition totale de l'agriculture vers l'AB est présenté dans la dernière ligne.

Les auteurs soulignent enfin l'importance de restructurer les systèmes d'élevage pour le développement de l'agriculture biologique. Selon eux, il faudrait notamment les réorienter vers des élevages ruminants et mieux les répartir sur le territoire pour favoriser le bouclage du cycle de l'azote. Ces observations contrastent avec les résultats d'autres études qui s'appuient sur une baisse drastique de la taille du cheptel, ignorant ainsi le rôle crucial de l'élevage comme source d'intrants pour l'AB.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Food

13/04/2021

Les pistes de la CNUCED pour un nouvel agenda du commerce mondial

Les conclusions du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, présentées en juillet 2020, mettent en cause l'accord sur l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et soulignent que ce dernier constitue une barrière à la pleine mise en œuvre du droit à l'alimentation. En réponse, la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED, voir un portrait de cet organisme), en prévision de la tenue à l'automne 2021 de sa 15e session et de la 12e conférence ministérielle de l'OMC, argue qu'une meilleure mise en œuvre de cet accord, et notamment de ses mécanismes de traitement spécial et différencié, favoriserait la contribution du commerce international à l'effectivité du droit à l'alimentation. Les auteurs enjoignent notamment les pays membres de l'OMC à mettre en œuvre les soutiens techniques et financiers prévus par l'accord pour la production agricole. Ils proposent aussi des pistes d'amélioration : abolition des restrictions à l'exportation pour les biens essentiels à destination des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, ou pour l'aide en situation d'urgence ; adaptation du plafond des aides, afin d'améliorer le soutien aux producteurs agricoles vulnérables ; instauration d'une solution pérenne pour un stockage public renforçant la sécurité alimentaire.

Source : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

12/03/2021

Une évaluation de l'impact des acquisitions foncières à grande échelle sur la sécurité alimentaire des pays cibles en Afrique

Depuis les années 2000, certains « pays en développement » sont la cible d'investisseurs visant à acquérir ou louer de larges étendues de terres agricoles. Dans un article publié dans World Development, trois chercheurs analysent ce phénomène qui suscite des interrogations quant à ses implications socio-économiques et environnementales, et est parfois présenté comme un moyen d'améliorer la productivité agricole et la sécurité alimentaire des pays cibles.

Pour l'évaluer, les auteurs ont analysé les transactions foncières à grande échelle recensées en Afrique, depuis 2000, dans la base de données Land Matrix. Au total, près de 500 transactions dans 38 pays africains ont été étudiées. Les auteurs ont d'abord estimé le niveau de sécurité alimentaire des pays cibles au regard des quatre critères utilisés par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : disponibilité, qualité et accessibilité de l'alimentation, stabilité des approvisionnements. Ils ont ensuite identifié le « critère prioritaire », c'est-à-dire celui qui était le plus dégradé. Enfin ils ont répertorié, pour chacune des transactions, la production envisagée (cultures alimentaires, polyvalentes ou spécifiquement de rente) et le débouché (marché local ou export). Sur cette base, ils ont déterminé le critère de la sécurité alimentaire que les investissements étaient le plus susceptible d'améliorer. En effet, une transaction associée à une production destinée aux marchés locaux permettra vraisemblablement de renforcer la disponibilité de l'alimentation dans le pays cible. A contrario, un investissement impliquant des cultures de rente destinées à l'export permettra probablement au pays cible d'accumuler des devises, et donc de renforcer sa capacité d'importation pour faire face à l'instabilité de ses propres approvisionnements.

Les auteurs montrent que, dans 14 pays, les transactions à grande échelle ne contribuent pas de manière appropriée à la sécurité alimentaire du pays cible, car elles améliorent un critère non prioritaire. Seuls 7 pays voient leur sécurité alimentaire renforcée de façon adéquate (figure ci-dessous). Dans ces conditions, les auteurs estiment que les investissements à grande échelle, tels qu'ils sont actuellement pratiqués, sont peu susceptibles d'améliorer la sécurité alimentaire des pays cibles.

Contribution des investissements à grande échelle à la sécurité alimentaire des pays cibles en Afrique

foncier .jpg

Source : World Development

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : World Development

09/02/2021

Un avis de l’Efsa sur l’usage des insectes en alimentation humaine

En janvier 2021, l’Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa) a publié un avis autorisant l’utilisation d’insectes en alimentation humaine, dans le cadre du règlement novel food. Ce faisant, l’Efsa répond à une demande de la Commission européenne, saisie par un industriel. Le panel de scientifiques a appuyé son avis sur un dossier fourni par l'industriel lui-même.

L’avis porte sur l’utilisation après séchage des larves de ténébrion (Tenebrio molitor), entières ou sous forme de poudre incluse ensuite dans un aliment. Après récolte des œufs et éclosion, les larves sont élevées dans des containers et nourries de végétaux et de farines de céréales. Au bout de 11 semaines, elles sont tamisées afin d’éliminer tout déchet (substrat, exuvies, fèces, etc.) et triées pour retirer les larves mortes. Elles sont ensuite tuées par un passage pendant 1 à 5 minutes dans de l’eau bouillante, séchées puis déshydratées en four ventilé. Les larves commercialisées entières ou broyées (poudre) sont ensachées et stockées à température ambiante.

Ce nouvel aliment est proposé pour l’ensemble de la population, sous des formes variées : en-cas et snacking (en particulier pour les larves entières), produits à forte teneur protéique pour les sportifs, ingrédient de biscuits et de produits à base de légumes ou de pâtes. Il se caractérise par sa richesse en protéine, en matières grasses et en fibres (tableau ci-dessous), sous ses deux formes. Le taux protéique élevé doit cependant être relativisé car la technique d’analyse inclut la présence de chitine, composante principale des fibres alimentaires insolubles. Les taux de traces de métaux lourds, de mycotoxines et de bactéries sont inférieurs aux normes recommandées.

Composition de 5 échantillons de larve de ténébrion in toto

efsa.jpg

Source : Efsa

Notons enfin que ce produit ne présente pas de toxicité particulière. Des allergies, rares, sont cependant possibles et documentées dans les pays asiatiques, consommateurs d’insectes. Un risque d’allergie croisée est possible pour les personnes allergiques aux crustacés et acariens. Les experts rendent donc un avis favorable à ce nouvel aliment pour les usages prévus tout en recommandant à son producteur d’engager des recherches sur son allergénicité.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Agence européenne de sécurité sanitaire