13/10/2020
Dans quelle mesure les prix agricoles reflètent-ils le contenu en eau des produits et la rareté de celle-ci ?
Une étude récemment parue dans Environmental Research Letters s'intéresse aux liens entre les prix agricoles, le contenu des produits en eau et la rareté de cette ressource dans les pays producteurs. Son objectif est d'apporter un éclairage empirique sur l'allocation de l'eau au niveau mondial, dont la question de la tarification constitue un point central. Même en l'absence de tarification, il se peut que les contraintes d'accès à l'eau augmentent les coûts de production et se reflètent in fine dans le prix des produits. S'appuyant sur les données de FAOSTAT, d'AQUASTAT, de la Banque mondiale et de WaterToFood, les auteurs utilisent une série de modèles économétriques pour analyser l'influence, sur le prix des denrées agricoles de 162 pays sur la période 1991-2016, du contenu en eau (empreinte) des produits et d'un indicateur de rareté de l'eau dans le pays producteur. Les résultats montrent que ces deux variables ont une influence statistiquement significative sur les prix, surtout dans le cas des matières premières (blé, maïs, soja, pomme de terre), moins dans celui des cultures commerciales (café, cacao, thé, vanille) (cf. figure). Ces premiers éléments à l'échelle mondiale pourront faire l'objet d'approfondissements théoriques et empiriques afin de confirmer, infirmer ou nuancer, à terme, ces hypothèses.
Relation entre le prix des produits agricoles (en ordonnée) et leur empreinte eau (en abscisse), pour 12 produits et catégories de produits
Source : Environmental Research Letters
Source : Environmental Research Letters
12:00 Publié dans Environnement, Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : empreinte eau, environnement, tarification eau | Imprimer | |
12/10/2020
Stock de capital dans l'agriculture : nouvelle base de données et analyse de tendances au niveau mondial
Un article de la revue Food Policy présente les travaux menés par une équipe de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque d'Italie sur la constitution d'une base de données sur le stock de capital dans l'agriculture, la forêt et la pêche au niveau mondial. Comme le soulignent les auteurs, en dépit de l'intérêt majeur de telles données pour analyser la croissance et la productivité, il n'existait pas jusqu'à ce jour d’outil de ce type regroupant des informations comparables pour un large périmètre géographique. La base de données couvre 189 pays sur la période 1995-2017. Elle est construite selon la méthode de l'inventaire perpétuel, qui consiste à estimer le stock de capital comme la somme des investissements des années antérieures, en incluant un facteur de dépréciation. Elle contraste avec les données antérieurement produites par la FAO fondées sur l'estimation des stocks physiques. Une première analyse de tendances fournit des résultats intéressants : le stock de capital a augmenté de 97 % au niveau mondial entre 1995 et 2017, passant de 3 100 à 6 200 milliards de dollars - un taux similaire à celui de la croissance du PIB agricole mondial sur la même période. Cette augmentation a été particulièrement rapide en Asie ; le taux des investissements rapportés au PIB agricole reste cependant plus élevé en Europe et en Amérique du Nord.
Stock net de capital agricole selon les régions du monde, en dollars américains constants 2010, 1995-2017
Source : Food Policy
Source : Food Policy
10:40 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : capitalisme agricole, tendances | Imprimer | |
15/09/2020
Impact négatif de la déforestation sur la culture du maïs dans le Cerrado
Une étude publiée le 29 juin 2020 dans la revue Nature Sustainability met en évidence que la déforestation dans le Cerrado, second biome brésilien le plus important en surface, conduit à une baisse des rendements de la culture de maïs. Pour mémoire, le Cerrado a déjà connu une déforestation de 50 % de ses zones de végétation native, et le code forestier brésilien prévoit notamment que les propriétés rurales doivent conserver 20 à 35 % de végétation native, selon leur emplacement géographique.
Les auteurs ont analysé et comparé les données climatiques avant déforestation, et pour une gamme de situations après déforestation intégrant de la culture de soja ou une double culture soja-maïs. Dans tous les cas, le nombre de jours avec des températures critiques pour les cultures augmente et l’évaporation diminue significativement. La culture du soja, moins sensible à la température, ne connaît pas de baisse de rendement significative, contrairement à celle du maïs qui est affectée par l’augmentation du nombre de nuits lors desquelles la température ne descend pas en dessous de 24°C. La baisse de rendement constatée s’établit entre - 6 à - 8 % selon les situations.
La production de maïs se développe fortement ces dernières années au Brésil, troisième producteur mondial de cette céréale. Les scientifiques indiquent toutefois que le système climatique du Cerrado pourrait être bousculé si l’évapotranspiration pendant la saison sèche devenait trop faible. En effet, ce biome, également appelé « forêt inversée », en raison de la présence de très grandes racines, ne cesse pas son activité d’évapotranspiration pendant la saison sèche, ce qui permettrait le retour de la saison des pluies. L’absence d’une quantité suffisante de végétation native pourrait alors conduire à casser ce cycle des pluies et porter davantage préjudice à l’activité agricole.
Julien Barré, Conseiller régional Agriculture et Alimentation, Service Économique Régional, Ambassade de France au Brésil
Source : Nature Sustainability
18:38 Publié dans Agronomie, Environnement, Forêts Bois, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : brésil, déforestation, pluies, maïs, soja, évapotranspiration | Imprimer | |
Les sentinelles des pandémies, Frédéric Keck
Paru en juin 2020, à la suite d'une première version en anglais publiée six mois plus tôt, l'ouvrage Les sentinelles des pandémies s’inscrit dans les travaux sur la biosécurité, dont l'objet est la préparation aux pandémies : cette technique de gestion des crises sanitaires, alternative à la prévention (abattage) et à la précaution (vaccination), repose sur la surveillance du vivant et la détection de signaux d’alerte précoces.
Frédéric Keck, directeur du Laboratoire d'anthropologie sociale (Collège de France, CNRS, EHESS), place au cœur de son étude la surveillance des maladies animales et les manières dont elles transforment les pratiques de contrôle, par les autorités vétérinaires, du travail agricole (voir à ce sujet un précédent billet), ainsi que les relations entre oiseaux et humains. Le travail de terrain, conduit à Hong-Kong, Singapour et Taïwan, a une portée générale. Parce qu'elle concentre des facteurs de développement des zoonoses (urbanisation massive, élevage industriel, conséquences du changement climatique), la Chine du Sud est un laboratoire des périls et solutions susceptibles de concerner une large partie du monde.
L'auteur propose une définition de la « préparation aviaire » : celle-ci vise à anticiper une prochaine crise en détectant, en temps réel, les signaux d’alerte émis par les oiseaux et en suivant les mutations du pathogène entre les espèces. Elle se fonde sur des collaborations entre microbiologistes, éleveurs, vétérinaires et ornithologues, observées par F. Keck au sein d’exploitations agricoles, lors d'expériences en laboratoire ou à travers des dispositifs de surveillance des oiseaux sauvages.
Des vétérinaires prélèvent des volailles à la recherche du virus de la grippe aviaire dans la région du Fujian, 2006
Source : éditions Zones sensibles. Crédit : Vincent Martin
L'auteur décrit les modalités d'introduction de « poulets sentinelles » (shaobingji, littéralement « poulet soldat siffleur ») dans des unités d'élevage vaccinées. Il détaille aussi la surveillance des interactions entre ces animaux, pour vérifier l’immunité des animaux vaccinés et le caractère sain des poulets sentinelles. Du côté des laboratoires, les microbiologistes analysent le comportement des cellules dentritiques aviaires, agents de signalisation des anomalies survenant entre l’organisme et un corps étranger. Enfin, la pose d'un GPS sur les oiseaux permet de documenter le comportement d'espèces sauvages susceptibles de se rapprocher des animaux de rente. Cet ouvrage trouve un écho dans les défis liés au décloisonnement des santés animale et humaine, qui accompagnent la gestion des coronavirus.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Lien : Éditions Zones sensibles
18:28 Publié dans Mondialisation et international, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires, Société | Lien permanent | Tags : keck, pandémies, chine, zoonoses, volaille | Imprimer | |
Prévenir une prochaine pandémie en bloquant les zoonoses
Considérant que la pandémie de Covid-19 est d'origine zoonotique, comme 75 % des maladies émergentes, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Institut international de recherche sur l'élevage (International Livestock Research Institute, ILRI) ont publié en juillet 2020 un rapport incitant à prévenir un prochain épisode, en brisant la chaîne de transmission (figure ci-dessous) selon une approche One Health (« une seule santé »).
Le rapport liste sept facteurs anthropiques concourant au développement d'une pandémie d'origine zoonotique. Parmi ceux-ci, la demande croissante de protéines d'origine animale, en particulier en Asie, a entraîné en 50 ans une augmentation considérable des productions mondiales de viande (+ 260 %), de lait (+ 90 %) et d’œufs (+ 340 %), avec pour conséquence leurs intensification et industrialisation. Le commerce et le transport de produits ou d'animaux vivants, qui en découlent, accroissent les contacts avec les humains, ainsi que la dissémination de maladies potentiellement non détectées sur des bêtes importées, en raison d'une durée du transport inférieure à la période d'incubation. De plus, l'urbanisation, les changements d'utilisation des terres, les industries d'extraction et certains impacts du changement climatique favorisent aussi les zoonoses. C'est par exemple le cas du développement des zones d'irrigation, propices aux vecteurs de maladies.
Transmission et contrôle d'une zoonose
Source : UNEP
Lecture : A : la transmission d'une infection et son amplification dans la population humaine (en rouge) arrivent après qu'un agent pathogène provenant de la faune sauvage (en rose) ait contaminé une espèce domestique (en vert clair), qui amplifie la capacité de cet agent à se transmettre à l'homme. B : une détection précoce et le contrôle d'une maladie animale réduisent l'incidence de cette zoonose chez l'humain (en bleu clair) et chez les animaux domestiques (en vert). Les flèches montrent les contaminations interespèces.
Pour enrayer le développement des zoonoses, le PNUE et l'ILRI formulent dix recommandations. Ainsi, les modalités d'apparition et de prévention de ces maladies doivent être mieux étudiées, de manière interdisciplinaire : sciences de la santé, sociologie, économie, etc. Les analyses coût-bénéfice sont aussi à mobiliser, pour démontrer l'intérêt de la prévention par rapport à la réaction après crise. La régulation des zoonoses et les politiques publiques du type « de la fourche à la fourchette », favorables à la biodiversité, doivent être développées. Les mesures de biosécurité devraient également être systématisées, avec une incitation financière en direction des « pays en voie de développement ». Une co-existence des zones agricoles et des zones sauvages est, en outre, à rechercher. Enfin, une approche globale de type One Health et une gouvernance tripartite Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) et Organisation mondiale de la santé animale (OIE) permettraient de combiner la dimension environnementale, la santé humaine et la santé animale.
Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective
Source : UNEP
18:25 Publié dans Mondialisation et international, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : one health, zoonoses, covid-19 | Imprimer | |
Relocalisation des chaînes globales de valeur et propagation des risques économiques : premiers enseignements du modèle d'équilibre général METRO de l'OCDE
La pandémie de Covid-19 a été marquée par une certaine désorganisation des chaînes globales de valeur (CGV) et a relancé le débat sur l'opportunité d'une relocalisation de la production, hypothèse étudiée dans une publication récente de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Selon certains acteurs, la fragmentation des CGV serait intrinsèquement source de vulnérabilité, car elle crée des interdépendances susceptibles d'amplifier la propagation de chocs d'offre ou de demande entre les pays. Une relocalisation permettrait alors de réduire l'exposition aux risques et d'assurer une plus grande stabilité économique. Pour d'autres, en revanche, la fragmentation des CGV est, dans le cadre d'un commerce fluide, un gage de stabilité permettant la diversification géographique des sources d'approvisionnement.
Pour fournir de nouveaux éléments de réponse, les auteurs ont utilisé le modèle d'équilibre général METRO, qui intègre les interdépendances produites par les CGV. Deux régimes contrastés ont été simulés : un régime « interconnecté », correspondant à la structure actuelle des chaînes de valeur ; un régime « relocalisé », basé sur une augmentation générale de 25 % des droits de douane au niveau mondial et sur une subvention publique équivalant à 1 % du PIB pour les secteurs domestiques (hors services), dont l'agriculture et l'alimentation. Dans les deux cas, un ensemble de chocs positifs et négatifs ont été simulés, sous forme de réductions et d'augmentations de 10 % des coûts des échanges commerciaux, entre chaque région du monde subissant le choc et ses partenaires extérieurs.
Baisse de la production dans les secteurs clefs en régime relocalisé
Source : OCDE
L'étude montre qu'en l'absence de chocs, une relocalisation mondiale généralisée aurait un coût significatif par rapport au régime interconnecté, avec des baisses substantielles du PIB : -5,1 % en France, -4,2 % pour l'Union européenne en général, -10,8 % en Asie du Sud-Est, etc. Si la relocalisation conduirait, pour certains produits et pays, à une hausse de la production, ce ne serait pas le cas pour la production alimentaire, qui baisserait partout : -10 voire -20 % selon les cas (figure ci-dessus). Enfin, pour les auteurs, un régime globalement relocalisé ne réduirait pas la variabilité de la production et de la consommation résultant des chocs, car les importations qui permettraient de les absorber seraient plus coûteuses et plus volatiles (figure ci-dessous). Ces résultats des simulations varient néanmoins fortement selon les pays et les secteurs.
Ces premiers résultats sur deux scénarios très contrastés devraient donc donner lieu à des approfondissements, par exemple en considérant des relocalisations stratégiques et ciblées (secteurs, filières, produits, pays, territoires), les impacts sur l'innovation, l'environnement, le marché de l'emploi, etc.
Pour tous les secteurs stratégiques, la production est plus instable en régime relocalisé
Source : OCDE
Lecture : tous les changements de variables sont relatifs au niveau du scénario de base correspondant au régime interconnecté, lequel est égal à 1. Les points bleus indiquent la base dans le régime donné par rapport à la base interconnectée, et les moustaches montrent les écarts moyens, pour les chocs négatifs et positifs, sur le coût des échanges commerciaux.
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
Sources : OCDE, Blog Ecoscope
18:14 Publié dans 1. Prospective, Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : relocalisation, chaines globales de valeur, cgv, risques | Imprimer | |
Biais thématiques et spatiaux de la littérature scientifique sur la sécurité alimentaire
Dans son numéro de septembre 2020, la revue Global Food Security présente les enseignements d'une étude de la littérature scientifique traitant de la « sécurité alimentaire ». Les auteurs y proposent une analyse innovante, utilisant une technique de fouille de texte (text mining) pour mettre en perspective les aspects thématiques et géographiques de ces travaux. À partir d'une recherche avec les mots clés « food security » et « food insecurity » dans la base Scopus, ils constituent un corpus de 16 152 résumés d'articles scientifiques, revus par les pairs et en langue anglaise. Publiés de 1975 à 2018, leur nombre augmente fortement sur la période récente (plusieurs milliers par an), à l'image de la tendance générale des publications scientifiques.
Les analyses couvrent la plupart des pays (187 identifiés), et des variations significatives sont constatées. Les États-Unis font l'objet du nombre le plus important d'articles (15 %), suivis de la Chine et de l'Inde. La répartition des travaux au sein d'une grande région ou entre pays de niveaux similaires de développement économique est inégale : par exemple, en Asie, les États de l'ex-URSS sont moins traités, comme ceux d'Afrique centrale. Dans les années récentes, la localisation des travaux ne concorde pas avec celle des populations les plus en insécurité alimentaire, du fait, par exemple, du ciblage des financements ou de la disponibilité des données.
Les auteurs identifient neuf grands thèmes au sein du corpus. Tous les sujets sont globalement connectés, et deux groupes spécifiques se dégagent, autour des aspects biophysiques de la production et des aspects sociaux de la sécurité alimentaire. Si, avant le milieu des années 1990, les travaux portent essentiellement sur l'Afrique et sur les enjeux économiques et la sécurité alimentaire globale, beaucoup d'autres thématiques sont plus récentes. Actuellement, les conditions de vie, la sécurité alimentaire mondiale et le climat et la durabilité occupent une place importante (respectivement 14,9 %, 14,6 % et 13,1 % des productions analysées).
Évolution des articles scientifiques portant sur la sécurité alimentaire : nombre total (C), répartition par grandes régions (A) et par thèmes (B)
Source : Global Food Security
Lecture : en A, proportion de la littérature sur la sécurité alimentaire par grandes régions, avec un pas de temps de cinq ans, et exclusion des articles ne ciblant pas une zone spécifique (HICs : pays aux plus hauts revenus ; LAC : Amérique latine et Caraïbes). En B, proportion de la littérature liée à différents thèmes. En C, nombre de publications par an : pour les années récentes, le nombre d'articles diminue car ceux ne bénéficiant pas de citations dans d'autres productions n'ont pas été retenus dans la constitution du corpus selon l'un des critères fixés par les auteurs : comme certains articles publiés récemment n'ont pas encore pu être cités dans d'autres publications, le nombre total d'articles retenus diminue.
Enfin, plusieurs limites de cette démarche sont soulignées : le recours à la seule base Scopus, écartant notamment la littérature plus ancienne ; la prise en compte uniquement des productions en anglais ; un travail sur les seuls résumés des articles.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Global Food Security
16:50 Publié dans Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : sécurité alimentaire, chine, etats-unis | Imprimer | |
Rapport 2020 de la FAO sur l'état de la sécurité alimentaire dans le monde : les coûts cachés des « régimes non sains »
Le rapport 2020 sur la sécurité alimentaire dans le monde confirme une dégradation récente de la situation : 690 millions de personnes sont touchées par la faim (10 millions de plus que l'an passé) et 2 milliards sont en situation d'insécurité alimentaire modérée à grave. En 2030, 840 millions de personnes pourraient souffrir de la faim. De plus, en 2020, seraient concernées 83 à 132 millions de personnes supplémentaires, du fait de l'épidémie de Covid-19.
Le rapport se concentre sur l'accessibilité des régimes sains dans le monde, en moyenne 5 fois plus chers que les régimes non sains (riches en amidon couvrant uniquement les besoins caloriques). Dans tous les cas, les coûts cachés (santé, environnement) de l'alimentation sont très significatifs. D'ici à 2030, l'adoption de régimes sains réduirait de 95 % les coûts des maladies non transmissibles (maladies cardiaques, diabète ou cancer), et de 41 à 74 % ceux liés aux émissions de gaz à effet de serre. Des politiques publiques de soutien à la transformation des systèmes alimentaires et de protection sociale sont enfin préconisées.
Les préconisations pour réduire le coût et améliorer l'accessibilité des régimes sains
Source : FAO
Source : FAO
15:17 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : régime alimentaire, sécurité alimentaire | Imprimer | |
Technologies clés et brevets de « classe mondiale »
En juin 2020, la fondation Bertelsmann a publié une analyse des brevets déposés, au niveau mondial, de 2000 à 2019. S'appuyant sur des traitements de gros volumes de données (big data) et considérant 58 domaines clés, les auteurs ont déterminé leur qualité (couverture du marché et pertinence technologique) et leur origine géographique (localisation de l'inventeur). Retenant les mieux classés (10 %), ils considèrent particulièrement l'Amérique du Nord (Canada, États-Unis), l'Asie de l'Est (Chine, Corée du Sud, Japon) et l'Europe à 27. De manière générale, le nombre de brevets augmente fortement sur la période et l'Asie de l'Est y occupe une place croissante. Dans le détail, retenons par exemple que la Chine est leader sur les biocides et les fertilisants, et que la France se positionne dans les cinq premiers pays pour les biotechnologies vertes et les fertilisants. De son côté, l'Europe à 27 occupe la première place dans 12 technologies clés, en particulier dans les domaines agricoles et alimentaires.
Évolution (2000-2019), par pays, du nombre de brevets de classe mondiale dans le domaine de l'alimentation fonctionnelle
Source : Fondation Bertelsmann
Source : Fondation Bertelsmann
14:55 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : big data, brevet, fertilisant | Imprimer | |
04/09/2020
Urbanisation et « villes-actionnaires » en Inde
Paru en août 2020 sur La vie des idées, un article rend compte de l'ouvrage de l'urbaniste S. Balakrishnan consacré aux « villes-actionnaires » indiennes. « Avatar » des projets de corridors économiques destinés à accélérer l'industrialisation du pays et nécessitant de très nombreuses terres agricoles, la « ville-actionnaire » a été pensée comme un moyen de résoudre les conflits entre investisseurs et propriétaires ruraux. Ceux-ci deviennent actionnaires de l'entreprise immobilière (dividendes à percevoir sur les transactions), contre l'abandon de leurs activités agricoles (ex. : canne à sucre). Ce travail de terrain met en évidence les spécificités locales : positions dominantes de certaines castes, difficultés pour les communautés de travailleurs agricoles sans terre de faire valoir leurs intérêts, rôle variable des institutions rurales traditionnelles. Il soulève aussi diverses questions sur ce modèle de développement urbain.
Source : La vie des idées
14:08 Publié dans Mondialisation et international, Territoires | Lien permanent | Tags : inde, ville, urbanité, urbanisation | Imprimer | |
Des importations européennes de soja brésilien issues de la déforestation illégale
Selon un article publié en juillet dans la revue Science, une part non négligeable des exportations brésiliennes de soja (environ 20 %) et de viande bovine (au moins 17 %), en provenance des biomes de l'Amazonie et du Cerrado vers l'Union européenne, serait liée à de la déforestation illégale. Par ailleurs, 2 % des entreprises forestières seraient responsables de 62 % de la déforestation illégale dans ces régions.
Source : Science
13:59 Publié dans Forêts Bois, Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : exportation, déforestataion, brésil, soja | Imprimer | |
08/07/2020
Des transformations importantes des chaînes de valeur mondiales, accélérées par l'épidémie de Covid
Si la pandémie n'en est pas à l'origine, elle accélère les tendances lourdes à l’œuvre en matière d'investissements internationaux et, par là même, la transformation des chaînes de valeur mondiales : telle est la conclusion de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), dans son rapport publié en juin 2020.
L'organisme y conduit une analyse approfondie des évolutions, au cours des trente dernières années, de la « production internationale », à savoir celle des multinationales à l'origine des chaînes de valeur globales et des échanges qu'elles génèrent. Il propose notamment une classification des secteurs d'activité en fonction du type de chaîne de valeur, utilisant des critères liés à leur longueur et leur fragmentation, à la distribution géographique de la valeur ajoutée, au mode de gouvernance et au degré d'internalisation. L'agriculture (incluse dans l'ensemble I de la figure ci-dessous), apparaît comme l'archétype du secteur primaire peu intensif en capital, alors que l'agroalimentaire (ensemble III) est représentatif des chaînes de valeur régionalisées.
Répartition de la production internationale en fonction de la longueur et de la dispersion géographique des chaînes de valeur mondiales et identification des configurations archétypales
Source : CNUCED
Lecture :
- I : industries primaires avec a. celles intensives en capital et b. celles peu intensives en capital ;
- II : chaînes de valeur intensives avec a. les faiblement technologiques et b. les technologiques ;
- III : répartition géographique avec a. une distribution en étoile et b. une distribution régionalisée :
- IV : industries des services connectés aux chaînes de valeur mondiales avec a. celles à forte valeur ajoutée, et b. celles à faible valeur ajoutée.
Les auteurs identifient trois ensembles de tendances qui ont transformé les chaînes de valeur au cours des trois dernières décennies et qui auraient été renforcées par la pandémie : la nouvelle révolution industrielle (robotisation et intelligence artificielle, digitalisation, fabrication additive), les évolutions en matière de politiques économiques (interventionnisme national, protectionnisme en matière d'investissement et de commerce, régionalisme et bilatéralisme), affirmation des enjeux de durabilité (réglementations, transformation des process et des produits, impacts sur les approvisionnements).
En combinant ces évolutions, quatre trajectoires des chaînes de valeur mondiales sont envisagées pour la prochaine décennie : relocalisation, diversification, régionalisation et reproduction. Dans ce dernier scénario, les multinationales se concentrent sur le design des produits et le pilotage des chaînes de valeur, délégant la production en série à des sous-traitants localisés au plus près des consommateurs, notamment grâce à l'impression 3D. Pour l'agriculture, la régionalisation et, dans une moindre mesure, la diversification et la relocalisation sont les trajectoires les plus probables. Dans le cas des industries agroalimentaires, la régionalisation et la diversification seraient les voies principales d'évolution.
Pertinence des différentes trajectoires selon les secteurs
Source : CNUCED
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : CNUCED
15:41 Publié dans 1. Prospective, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : cnuced, agriculture, agroalimentaire, chaines de valeur, covid-19 | Imprimer | |
06/07/2020
Manger en ville. Regards socio-anthropologiques d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, Audrey Soula, Chelsie Yount-André, Olivier Lepiller, Nicolas Bricas (dir.)
Faisant suite au colloque « Manger en ville » organisé à Paris en décembre 2017, cet ouvrage réunit les regards socio-anthropologiques portés par des chercheurs d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie sur les mangeurs urbains. Alors que la question alimentaire est souvent abordée sous les angles de la consommation ou de la nutrition, le grand intérêt de ce livre est de se placer au niveau des individus, de leurs pratiques et de leurs représentations, d'autant plus que, comme le rappelle J.-P. Hassoun dans sa préface, « la ville est porteuse d'injonctions sociales entremêlées, souvent contradictoires ou paradoxales ».
À partir de terrains variés, les trois parties traitent des prescriptions normatives, de la rencontre entre alimentation et paysages urbains, et de l'invention de nouvelles pratiques culinaires. Par exemple, S. Kapadia interroge les notions de confiance et de défiance à Baroda (État du Gudjarat, Inde), à partir de la consommation hors domicile d'étudiants et de la popularité non démentie des « nouilles Maggi » depuis trois décennies, et ce malgré une crise sanitaire récente. De son côté, L. Martinez-Lomelí analyse les tensions entre injonctions sanitaires et patrimoniales à Mexico et Guagalajara (Mexique). Enfin, Y. Berton-Ofouémé présente les transformations de la cuisine urbaine à Brazzaville (République du Congo), du début des années 1990 à 2018, entre invention de nouveaux mets par les citadins (salades de crudités, peau de porc grillée) et diversification de la cuisine de rue. Si tous les continents y sont dorénavant représentés, la restauration hors domicile revêt des significations différentes selon les catégories socio-professionnelles. Dans un contexte de difficultés économiques, elle permet en particulier une alimentation à moindre coût et la création d'activités.
En conclusion, les coordonnateurs de cet ouvrage soulignent que ces analyses permettent de « questionner le regard habituellement porté, le plus souvent depuis le Nord, sur l'alimentation dans les villes du Sud ». Ces contributions échappent aux regards souvent « catastrophistes » ou « dénonciateurs » et documentent non pas des mouvements d'« uniformisation », de « convergence » ou de « transition », mais une grande diversité de situations et de trajectoires.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Quæ
15:09 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : ville, mangeur, afrique, asie, amérique latine | Imprimer | |
03/07/2020
Des pistes pour améliorer la résilience du système alimentaire britannique
En réponse à une saisine du gouvernement en 2019, et en écho à la pandémie de Covid-19, le Parlement britannique a publié une note qui rappelle la nécessité de garantir la résilience du système alimentaire national et propose quelques pistes pour atteindre cet objectif. Parmi celles-ci, les auteurs mettent en avant la combinaison d'approches variées (ex. : production locale et commerce international), le fait de reposer moins sur les chaînes Just-in-time que sur des produits pouvant être stockés, et l'amélioration des infrastructures locales et régionales (ex. : privilégier de nombreux petits abattoirs locaux plutôt que quelques super-structures). Réduire les émissions de gaz à effet de serre en développant l'économie circulaire et la lutte contre le gaspillage, promouvoir la transparence des chaînes alimentaires, leurs externalités sociales et une alimentation plus saine figurent aussi parmi les préconisations. Selon les auteurs, un organisme public indépendant, capable de développer une vision globale du sujet, pourrait être chargé de les mettre en œuvre.
Source : UK Parliament Post
15:05 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : royaume-uni, résilience, système alimentaire | Imprimer | |
Ghana, Tanzanie, Zimbabwe : emploi et représentations de l’avenir des jeunes ruraux
Un article publié en mai 2020 dans le Journal of rural studies étudie l’entrée des jeunes dans la vie professionnelle, dans des régions rurales de l’Afrique subsaharienne qui connaissent toutes un essor des activités de transformation, de transport et de commercialisation des productions agricoles. L’étude qualitative de T. Yeboah et ses collègues auprès de 117 jeunes montre que ces territoires leur offrent un éventail d’opportunités : ils trouvent des emplois rémunérés ou s'installent à leur compte en agriculture, dans la transformation alimentaire ou les services. Le sexe, le diplôme et une parentèle favorisant l’accès aux facteurs de production différencient les trajectoires. De plus, selon les auteurs, l’absence de titre de propriété foncière ne constitue pas un obstacle majeur à l’activité agricole, alors que la protection des individus contre les risques de tous ordres est, elle, un enjeu majeur de la sécurisation des parcours. Questionnés sur leur représentation de l’avenir, les individus mentionnent moins la migration que l’extension de leur activité.
Les types et contenus de l’activité professionnelle selon les pays
Source : Journal of rural studies
Source : Journal of rural studies
15:03 Publié dans Mondialisation et international, Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : ghana, zimbabwe, tanzanie, jeunes, rural | Imprimer | |