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15/06/2022

Cartographie des productions agricoles en fonction de leurs usages à des fins de prospective

Dans un article publié dans Nature Food, une équipe de chercheurs (deux chercheurs américains, un brésilien et deux chinois) ont créé une cartographie permettant de localiser les productions agricoles en fonction de leurs usages, tels que définis par la méthode des bilans de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : alimentation humaine, alimentation animale, transformation, export, industrie, semences et pertes. Ils se sont notamment concentrés sur dix productions, représentant 83 % des calories alimentaires et 63 % des surfaces récoltées au niveau mondial : orge, manioc, maïs, huile de palme, riz, sorgho, soja, canne à sucre, blé et colza.

Au-delà des riches informations qu'apportent ces cartes, les chercheurs sont arrivés à plusieurs conclusions intéressantes en analysant les données disponibles sur plus de cinq décennies. Tout d'abord, la part des cultures directement utilisées pour l'alimentation humaine a baissé de 51 à 37 % entre les années 1960 et 2010 (figure ci-dessous). Ensuite, leurs rendements sont globalement plus faibles que ceux des cultures destinées à d'autres usages. L'analyse géographique permet aussi d'identifier des changements dans la répartition des usages dans la quasi-totalité des pays. En France, la réduction des productions agricoles à destination de l'alimentation animale a, par exemple, été compensée par la croissance des cultures destinées à la transformation, à l'export et aux usages industriels.

Évolution des surfaces cultivées et des rendements par type d'usage

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Source : Nature Food

Lecture : en a, total des surfaces cultivées (hectares) ; en b, rendement en kcal par hectare ; en c, rendement en kg de protéines par hectare ; en d, rendement en kg de lipides par hectare. Les projections à 2030 sont basées sur les 20 dernières années ; les ombres correspondent à un intervalle de confiance de 90 % lors de la projection linéaire réalisée par le modèle.

Enfin, les auteurs se sont penchés sur le potentiel d'une telle allocation des usages pour atteindre l'Objectif de développement durable n°2 de sécurité alimentaire. Ils ont pour cela comparé les calories alimentaires qui seront produites « en plus », en 2030, aux besoins requis par la croissance démographique et la population aujourd'hui sous-alimentée. Leurs conclusions sont que parmi les 86 pays dans lesquels des populations souffrent aujourd'hui de sous-alimentation, plus du tiers (31) ne seront pas en mesure d'atteindre cet objectif, et ce même si l'ensemble des calories récoltées sont allouées aux seuls besoins alimentaires humains (figure ci-dessous).

Réalisation projetée de l'ODD 2 en 2030

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Source : Nature Food

Lecture : en b, écart entre les kcal à usage direct d'alimentation humaine et les besoins caloriques pour la population supplémentaire (croissance démographique) et sous-alimentée ; en c, mêmes considérations qu'en b, mais en incluant la totalité des calories récoltées sans distinction d'usage.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d’études et de prospective

Source : Nature Food

09/10/2018

Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road. Agrimonde-Terra, Chantal Le Mouël, Marie de Lattre-Gasquet, Olivier Mora (coord.)

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Paru en septembre 2018, en version anglaise uniquement, l'ouvrage Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road. Agrimonde-Terra présente de façon détaillée la démarche, les méthodes et les résultats de l'exercice prospectif éponyme conduit par l’Inra et le Cirad. Ayant mobilisé environ 80 experts internationaux au sein de multiples ateliers thématiques, l'étude avait pour objectifs d'analyser et d'explorer les déterminants des changements d'usage des sols aux niveaux mondial et régional, les évolutions à attendre en matière de surfaces agricoles, et les grands enjeux relatifs à la sécurité alimentaire à l'horizon 2050.

La démarche prospective a porté sur le système « usage des sols - sécurité alimentaire », influencé par cinq variables directes (systèmes de culture, d'élevage, forestiers, structures des exploitations agricoles, relations rural-urbain) et trois variables exogènes (contexte global, climat, régimes alimentaires). La combinaison des hypothèses d'évolution de ces variables a donné lieu à la production de cinq grands scénarios (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) : trois scénarios tendanciels (« métropolisation », « régionalisation », « ménages ») et deux scénarios de rupture (« qualité des aliments et santé », « communautés rurales dans un monde fragmenté »). La narration de ces scénarios est enrichie de simulations chiffrées (cf. figure) issues de l'outil « GlobaAgri-AgT », un modèle d'équilibre utilisation-ressources de la biomasse mondiale développé par la plateforme GlobAgri Cirad-Inra, regroupant les commodités agricoles en 33 catégories, à partir des données de Faostat.

Changements d'usage des sols au niveau mondial entre 2010 et 2050 selon différents scénarios (millions d'hectares et % d'évolution)

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Source : Éditions Quæ

Au-delà des scénarios eux-mêmes, l'ouvrage est riche d'une revue de littérature des prospectives par scénarios menées sur ce thème (chapitre 4), d'une synthèse rétrospective des grandes tendances (chapitre 5), et d'un focus régional sur l'Afrique subsaharienne (chapitre 15). Au total, si tous les scénarios conduisent à une augmentation de l'usage agricole des terres, seul le scénario « santé » se révèle capable d'assurer la sécurité alimentaire mondiale à l'horizon 2050. Analysant en détail le rôle des technologies, du commerce et d'autres facteurs, les auteurs concluent en dégageant un ensemble d'options de politiques publiques, certaines valables dans tous les scénarios, d'autres spécifiques à chacun d'entre eux.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Éditions Quæ