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06/06/2018

Alimentation, Brexit et Irlande du Nord : enjeux essentiels

Un policy brief de la Food Research Collaboration fait le point sur les enjeux alimentaires du Brexit par rapport à l'Irlande du Nord. Le document rappelle, chiffres à l'appui, l'importance économique des échanges de produits agroalimentaires entre la République d'Irlande, l'Union européenne et le Royaume-Uni, ainsi que les risques de disruption des chaînes de valeur. Les enjeux logistiques sont également mis en exergue : selon les auteurs, une frontière « sans frictions » grâce aux nouvelles technologies (passeport électronique, drones, applications téléphoniques, GPS, etc.) est en réalité impossible. Outre le nombre élevé de points de passages entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, d'autres défis sont à considérer : besoins en infrastructures de contrôle et en systèmes d'inspection adéquats, technologies non encore disponibles, cadre légal, etc. Le rapport propose une série de recommandations et exhorte les décideurs politiques à prendre davantage en considération les enjeux alimentaires du Brexit relatifs à l'Irlande du Nord.

Source : Food Research Collaboration

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05/06/2018

En agriculture, plus de 90 % des emplois sont informels selon l'OIT

L'Organisation internationale du travail (OIT) vient de publier la troisième édition de son panorama du travail informel dans le monde, approfondissant l'investissement réalisé en 2013 à l'occasion de l'édition précédente. Ce sont désormais plus de 100 pays (soit plus de 90 % de la population active) qui sont couverts par des jeux de statistiques comparables. Un important travail méthodologique a ainsi permis d'évaluer le nombre d'emplois du secteur informel, et de les qualifier (types d'activité, d'accès à la protection sociale, etc.). Les résultats sont déclinés sous deux formes, incluant ou non l'agriculture. Au total, l'OIT évalue à plus de 60 % la proportion d'emplois informels, avec des variations importantes selon les pays, la localisation de l'emploi (rural/urbain), le genre, l'âge, le niveau d'éducation, etc. Ainsi, 93 % de l’emploi informel dans le monde se trouvent dans les pays émergents et en développement, et l’agriculture est le secteur affichant le plus haut niveau, estimé à plus de 90 %.

L'OIT alerte sur l'urgence à réduire l'informalité du travail, qui s'accompagne de difficultés d'accès à la protection sociale et juridique, de conditions de travail dégradées, d'une faible productivité et d'un accès restreint au crédit pour les employeurs.

Principaux critères permettant d'identifier l'emploi informel, au sens de l'OIT

emploi-informel.jpg

Source : OIT

Source : Organisation internationale du travail

04/06/2018

Mise en place, gestion et contrôle de la force de travail par une entreprise argentine agro-exportatrice

La revue Mundo Agrario publie, dans son numéro d'avril 2018, un article sur la gestion de la force de travail dans l'agroalimentaire, intitulé « Ricos buenos, pobres dignos. Moral y poder en una empresa agroexportadora del sur santafecino ». Combinant perspective historique, étude bibliographique et observation participante, l'auteur analyse le processus de formation d'un marché de travail localisé, par une entreprise agro-exportatrice installée depuis 150 ans dans le sud de la province de Santa Fe, en Argentine. Il caractérise la mise en place, par les différentes générations de propriétaires, d'un système de relations interpersonnelles (création d'une école en 1918, aides économiques, financement d'études) vis-à-vis des salariés, contribuant à la formation d'un sentiment d'appartenance et de réciprocité, et favorisant également une certaine soumission de ces derniers.

Source : Mundo Agrario

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14/05/2018

Implications du Brexit pour l'agriculture et l'alimentation dans les pays en développement

Dans un récent document de travail du Trinity College, relayé sur son blog, A. Matthews recense et analyse les différents mécanismes, directs et indirects, par lesquels le Brexit pourrait impacter les pays en développement : réduction et détournement du commerce via l'augmentation du coût des échanges entre le Royaume-Uni et l'UE-27 ; évolutions des politiques commerciales ; changements des politiques agricoles du Royaume-Uni et de l'UE-27, et leurs impacts sur la production agricole ; et enfin impacts macroéconomiques indirects.

En augmentant le coût du commerce entre le Royaume-Uni et l'UE-27, le Brexit, notamment sa version « dure », pourrait améliorer la compétitivité de certains pays en développement sur les deux marchés. Cependant, selon l'auteur, cet effet de détournement de commerce pourrait s'avérer très variable entre les pays, en fonction des caractéristiques actuelles de leurs exportations et de leurs accords commerciaux avec l'UE. De plus, il s'agirait d'un effet « toutes choses égales par ailleurs », qui pourrait être significativement impacté par la forme que prendra la politique commerciale britannique future (droits de douane, barrières non-tarifaires) par rapport à des pays tiers après le Brexit, dont l'auteur évoque certaines configurations possibles.

Au-delà des effets commerciaux, A. Matthews souligne la nécessité de prendre également en compte les effets plus indirects du Brexit. Ainsi, une future politique agricole britannique, centrée sur les biens publics environnementaux, réduirait l'autosuffisance alimentaire du Royaume-Uni et stimulerait par là même les importations en provenance de pays tiers. Une baisse du nombre de travailleurs agricoles, en limitant la capacité de production agricole britannique, renforcerait cette tendance. Sur le plan macroéconomique, l'effet potentiellement dépressif du Brexit sur le PIB britannique et sur le taux de change de la livre sterling pourrait, au moins à court terme, réduire les importations hors Union européenne. Face à ces impacts complexes et enchevêtrés, l'auteur souligne la grande difficulté de conduire une évaluation ex ante des effets du Brexit sur les pays en développement, qui plus est en l'absence de connaissances sur le contenu de la relation future entre le Royaume-Uni et l'UE-27.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Trinity College Dublin

11/05/2018

Impacts du biodiesel sur les pays en développement exportateurs de produits agricoles : quel lien avec le prix du pétrole ?

Dans son numéro de mai 2018, le journal Energy Policy a publié un article analysant, sur la période 2000-2014, l'impact de la demande croissante de biodiesel de « première génération » sur la balance des paiements (balance commerciale, investissements directs étrangers, compte de capital) de seize pays dits « en développement » ou « en transition » (Congo, Nigeria, Pakistan, Soudan, Algérie, Bangladesh, Égypte, Éthiopie, Iran, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Thaïlande). Cet article revêt un intérêt particulier au regard du débat sur l'arbitrage « produits alimentaires versus carburants », qui peut se poser pour certains pays exportateurs de produits agricoles (matières premières et huiles) utilisés pour la production de biodiesel.

Les auteurs décrivent d'abord la relation entre le prix du pétrole et celui des 10 produits agricoles étudiés. L'augmentation du prix du pétrole impacte négativement le pouvoir d'achat des ménages, réduisant la demande et donc le prix des produits agricoles. Cependant, le développement du biodiesel, durant les années 2000, a créé une corrélation positive entre les prix des produits agricoles et du pétrole (voir figure) : une hausse du prix du pétrole entraîne une augmentation de la demande en biocarburants et donc du prix des produits agricoles. Par ailleurs, ces derniers impactent positivement la valeur des exportations et donc la balance des paiements des pays exportateurs de produits agricoles.

À partir d'une estimation économétrique, l'étude montre alors que le prix du biodiesel (et donc celui des produits agricoles) joue positivement sur la balance des paiements des pays exportateurs de produits agricoles, mais que cet effet s'annule lorsque le prix du pétrole est trop élevé. En effet, pour un pays exportateur de produits agricoles et importateur de pétrole, un prix élevé de ce dernier renforce l'impact positif des prix du biodiesel sur la balance des paiements, via la corrélation positive décrite précédemment entre prix du pétrole et prix agricoles. Cependant, le prix élevé du pétrole exerce également un effet négatif sur la balance des paiements, du fait de l'augmentation des dépenses d'importation en pétrole du pays. L'analyse montre que lorsque le prix du pétrole atteint 60 $/baril, l'effet négatif annule l'effet positif.

Ces résultats soulignent donc l'importance d'intégrer l'évolution du prix du pétrole dans la conception des politiques nationales visant à promouvoir la production de produits agricoles exportés pour la production de biocarburants.

Corrélation entre les prix du pétrole et de trois produits agricoles utilisés dans la production de biodiesel (huile de soja, huile de palme, maïs)

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Source : Energy Policy

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : Energy Policy

09/05/2018

Le développement territorial dans un contexte de systèmes alimentaires globalisés

La revue espagnole Ager, dans son premier numéro de 2018, publie un dossier intitulé « Chaînes globales alimentaires : débats théoriques et recherches empiriques ». Le premier article, conceptuel, traite de la construction « du politique » dans les processus de restructuration territoriale et de son insertion dans les réseaux économiques globaux, dimension insuffisamment approfondie dans la littérature. Passant en revue les définitions de différentes notions (« chaînes globales de valeur » par exemple), l'auteur s'interroge sur la nature de la frontière entre « politique » et « économique » et propose d'élargir la conception du premier.

Les trois autres articles appliquent cette grille de lecture à la filière vitivinicole, dans différents territoires à vocation exportatrice. Ils s'intéressent aux effets, sur la production locale, de l'insertion dans des marchés mondialisés. Les travaux empiriques présentés concernent des zones de production de raisin de table (Murcia et Alicante en Espagne, Sonora au Mexique), et des terroirs ayant connu des processus de restructuration vitivinicole (Valencia en Espagne et Mendoza en Argentine). Les auteurs abordent les nouvelles géographies résultant de l'insertion dans des filières d'exportation, ainsi que les externalités contraignant certains acteurs à adapter leurs stratégies de production et de reproduction dans le temps, avec pour certains des processus de précarisation. Dans ces trois analyses, la qualité du produit est discriminante, pour pouvoir répondre à des marchés de consommation de plus en plus exigeants en la matière. Ainsi, des investissements et l'accès à une main-d’œuvre qualifiée, disponible et bon marché, sont nécessaires à une amélioration de la qualité de la production et de la compétitivité à l'exportation. Enfin, l'orientation de l'intervention des pouvoirs publics, dans l'accompagnement de ces évolutions, diffère selon les contextes : à Murcia, création de l'Instituto Tecnológico de Uva de Mesa ; à Sonora, territoire accueillant un grand nombre de travailleurs migrants, inspections par la Secretaría de Trabajo y Previsión Social ; à Mendoza, création dans les années 1980 de coopératives et d'institutions mixtes (ex : Fondo Vitivinícola), et plus récemment mise en place du Plan Estratégico Vitivinícola 2020 ; à Valencia, mobilisation des aides de la PAC destinées à la filière vitivinicole, dont celle pour la restructuration du vignoble européen.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Ager

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L'agro-écologie : paradigme stratégique de la FAO ?

La FAO a publié récemment un état des lieux de ses initiatives en faveur de l'agro-écologie sous le titre FAO's work on agroecology. A pathway to achieve the SDGs. Ce document témoigne de la montée en puissance de ce sujet, comme ligne stratégique forte pour l'organisation depuis la crise alimentaire des années 2008-2009. Ce concept intégrateur permettrait ainsi de traiter de multiples enjeux simultanément : maintien de la biodiversité et des écosystèmes, sécurité alimentaire, adaptation au changement climatique et développement rural. L’agro-écologie est aussi considérée comme une réponse possible à l'Agenda 2030 du développement durable.

FAO-agroecologie.jpg

Le rapport présente les « dix éléments clefs de l'agro-écologie » de la FAO, qui s'inspirent des travaux fondateurs d'Altieri (1995) et de Gliessman (2015), d'une série de dialogues régionaux et multi-acteurs tenus précédemment et de travaux d'experts. Quelques études de cas illustrent les actions emblématiques de la FAO dans le domaine. Le rapport décline ensuite une série d'indicateurs sur l'agro-écologie en lien avec les 16 Objectifs du développement durable (ODD).

La suite du document est consacrée à l'action publique. Il est question d'identifier les cadres législatifs et réglementaires susceptibles d'appuyer une stratégie agro-écologique dans la gouvernance des systèmes alimentaires aux échelles locale, nationale et internationale. Le dernier chapitre présente ainsi les 4 axes programmatiques de l'initiative de la FAO pour accompagner la transition : i) fléchage des fonds et ressources mobilisés par l'organisation sur l'agro-écologie, ii) soutien aux structures de gouvernance innovantes, iii) animation d'un espace neutre d'échanges de connaissances et d'expériences sur l'agro-écologie, iv) lancement d'une initiative internationale pour accompagner la montée en puissance de l'agro-écologie.

Intitulée Scaling Up Agroecology Initiative - Transforming Food and Agriculture in Support of the SGD, l’initiative a été présentée lors du deuxième Symposium international sur l'agroécologie, tenu à Rome les 3 et 4 avril derniers (162 pays représentés, 1 350 participants). L'ambition affichée est de passer des dialogues régionaux à l'action en faisant converger les programmes stratégiques et les initiatives régionales de la FAO, et en associant les principaux partenaires (dont le FIDA), pour déployer l'agro-écologie « à grande échelle ».

Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

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07/05/2018

Colloque « Les aliments voyageurs » de la Chaire Unesco Alimentations du monde

Ce 7e colloque international de la Chaire Unesco Alimentations du monde, tenu en février 2018 à Montpellier, et dont la synthèse et les vidéos ont été diffusées récemment, proposait de traiter de la thématique des « aliments voyageurs ». Autour de plusieurs sessions de présentations et de discussions, le fil rouge de la journée était la façon dont les aliments et les pratiques alimentaires se sont associés aux voyages des hommes. Sur cette question, plusieurs intervenants de divers horizons, académiques ou professionnels, ont pu interagir.

Vidéo de présentation du colloque

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Source : Chaire Unesco Alimentations du monde

Les propos introductifs ont rappelé que près des deux tiers des aliments que nous consommons sont originaires d'une autre zone géographique. M. Chandeigne (éditeur, traducteur) a ainsi souligné que les voyages de navires espagnols et portugais, au cours du XVIe siècle, ont été les vecteurs d'un bouleversement alimentaire mondial. Plantes et graines ont été déplacées d'un continent à l'autre, comme le cocotier asiatique, le piment américain ou le caféier africain (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). C. Grataloup (géohistorien) s'est quant à lui intéressé à l'histoire du petit-déjeuner et aux origines de ses produits phares, thé, café et cacao, issus de trois continents différents (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Le repas matinal, organisé autour de l'une de ces boissons chaudes, a émergé en Europe au début du XVIIIe siècle, d'abord dans les couches sociales aisées, puis s'est popularisé au cours du siècle suivant. Le développement de ces pratiques en Occident, inscrit dans de plus larges processus politico-économiques, n'a pas été sans conséquences négatives : colonialisme, traites esclavagistes et déportations d'hommes.

Pour K. Mouzawak (activiste culinaire libanais), les aliments ne voyagent pas seuls, ce sont les hommes (conquérants, colonisateurs, marchands, immigrés, etc.) qui voyagent et les transportent avec eux. Étudiant les effets de la migration, M. Lefebvre (nutritionniste) montre que si les arrivants enrichissent culturellement et culinairement la nouvelle région d'accueil, celle-ci, par son offre de denrées plus abondante et différente, peut altérer la santé des nouveaux venus. Au-delà des aliments, ce sont les savoirs culinaires, recettes et concepts de plats qui voyagent. S. Sanchez (anthropologue) présente le cas de la pizza, partie à la conquête des tables du monde entier. Enfin, plusieurs projets autour de la transmission culinaire ont également été présentés : Tawlet de K. Mouzawak, Grandmas Projet de J. Parienté et le Refugee Food Festival de M. Mandrila. Il en ressort que la cuisine peut très vite devenir un geste politique et militant.

Arnaud Lamy, Centre d'études et de prospective

Source : Chaire Unesco Alimentations du monde

La chair, les hommes et les dieux. La viande en Inde, Mickaël Bruckert

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Dans cet ouvrage, M. Bruckert propose d'interroger les pratiques et les représentations associées à la production et à la consommation de produits carnés en Inde : bovins, petits ruminants, porcs, etc. Ce faisant, il confronte les nombreuses questions liées à la viande aux réalités du terrain, apportant un panorama bien plus complexe que l'image simplifiée que nous pouvons souvent en avoir. Des régulations anciennes, renvoyant à des dimensions cosmique, sociale et biologique, sont à l’œuvre et font face à des tendances contemporaines fortes (urbanisation, mondialisation, développement d'une vaste classe moyenne, etc.). Le devenir de la viande et les choix faits par la société indienne, « entre le végétarisme rituel hindou et la carnivorie à l'occidentale », sont au cœur de cet ouvrage.

Appréhendant l'alimentation comme un « fait spatial », s'attachant aux réalités tant « matérielles » qu'« idéelles », l'auteur croise des approches géographiques et ethnologiques et s'appuie sur des enquêtes dans l’État du Tamil Nadu (extrême Sud-Est de l'Inde). Il envisage comment sont définis et négociés la place et les statuts de la viande i) par les mangeurs, ii) par les acteurs de la production et des réseaux d'approvisionnement (bouchers, industriels, abatteurs, éleveurs et marchands de bestiaux, agriculteurs), et iii) dans trois espaces, public, politique, social, cette dernière approche intégrant à la fois des dynamiques transversales et des dynamiques propres à certains groupes d'acteurs. De cette enquête riche et argumentée, on peut notamment retenir que les mangeurs définissent et négocient de façons complexes et variables (caste, génération, genre, lieu) la place et les statuts de la viande. Sa consommation, loin d'être débridée, est marquée par une massification, une démocratisation et de nouveaux usages et significations. Le rapport à la viande s'individualise, avec une carnivorie vectrice de liberté, de distinction sociale et de plaisir, alors que de nouveaux végétarismes plus individuels se développent.

Fortement inscrit dans le territoire, à des échelles variables, le rapport des Indiens à la viande mobilise un imaginaire géographique portant sur les places respectives attribuées aux humains et aux animaux. M. Bruckert met en évidence un double mouvement, d'invisibilisation de l'élevage et de l'abattage d'une part, de plus grande visibilité de la viande dans l'espace public, support de valeurs nouvelles, d'autre part. Ainsi, « c'est alors même qu'elle est plus acceptée que la viande devient plus conflictuelle », ses significations complexes ne disparaissant pas avec la modernité. En fin d'ouvrage, l'auteur élargit son propos aux sociétés occidentales.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Lien : CNRS Éditions

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02/05/2018

Libre-échange et régimes alimentaires : quelles relations ?

Si la mondialisation et les accords de libre-échange sont parfois accusés d’entraîner la généralisation de régimes alimentaires très caloriques, le lien causal n'avait jusqu'ici jamais été démontré. Pour l'explorer, une équipe de chercheurs britanniques a mobilisé les approches d'expérimentations naturelles pour l'étude du cas particulier de l'accord de libre-échange États-Unis - Canada, entré en vigueur en 1989. Les auteurs ont comparé l'évolution de la disponibilité calorique au Canada entre 1978 et 2006 avec celle observée, sur la même période, dans les pays de l'OCDE n'ayant pas conclu d'accord de libre-échange avec les États-Unis.

Évolution de la disponibilité calorique au Canada et dans d'autres pays de l'OCDE n'ayant pas conclu d'accord de libre-échange avec les États-Unis

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Source : American Journal of Preventive Medicine

La régression multiple réalisée à partir de ces données suggère que l'entrée en vigueur de l'accord a eu pour conséquence un accroissement de la disponibilité calorique au Canada de 170 kcal/personne/jour. Par modélisation, les auteurs estiment que cela représente un gain de poids moyen compris entre 1,8 kg et 12,2 kg/personne, suivant le sexe et le niveau d'activité physique. Si ces résultats ne se prêtent pas facilement à généralisation, ils montrent que le développement des échanges commerciaux peut s'accompagner d'évolutions importantes des régimes alimentaires.

Source : American Journal of Preventive Medicine

Futurs Africains, publication annuelle de la Banque africaine de développement

Dans son premier numéro publié récemment par la Banque africaine de développement (BAD), Futurs Africains se présente comme un lieu d'échange et de partage de savoirs entre divers acteurs (académiques, du développement, des affaires, de la finance, de la société civile, des arts, etc.), sur cinq défis du développement de l'Afrique contemporaine : électrification, sécurité alimentaire, industrialisation, intégration et amélioration de la qualité de vie des populations. Cette publication annuelle s'inscrit dans un renouvellement des modes d'interaction de la BAD avec les parties prenantes.

Sur la thématique agricole, des articles abordent le rôle des jeunes agriculteurs et de l'agriculture familiale dans les stratégies de sécurité alimentaire, ou encore la place qui doit revenir aux femmes, main-d’œuvre principale des activités agricoles, notamment dans la direction des entreprises. Pour la BAD, l'intégration régionale est le chemin à suivre pour l'attente desdits objectifs.

Source : Banque africaine de développement

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10/04/2018

Relations entre performance économique des filières et indications géographiques : évidences à partir de neuf études de cas

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ont publié, en mars 2018, une analyse de l'impact des indications géographiques (IG) sur la durabilité des filières agricoles, à partir de neuf études de cas : le café colombien, le thé Darjeeling en Inde, le chou Futog en Serbie, le café Kona aux États-Unis, le fromage Manchego en Espagne, le poivre Penja au Cameroun, le safran Taliouine au Maroc, la Tête de Moine en Suisse (voir graphique), et le vin Vale dos Vinhedos au Brésil. Cette étude revêt un intérêt particulier car peu de résultats empiriques permettent aujourd'hui de conclure sur l'efficacité économique des IG.

Ce travail met en évidence un certain nombre de relations entre les performances économiques d'une filière et le choix d'adopter une indication géographique. En premier lieu, le prix de vente final au consommateur est de 20 % à 40 % supérieur pour les produits disposant d'une IG, du fait de la meilleure information dont disposent les consommateurs sur l'origine du produit et du renforcement de la structuration des filières. À long terme, les quantités produites et exportées sont également plus importantes au sein des filières sous IG, malgré de possibles réductions de la production à court terme, du fait de la délimitation des zones de culture et d'exigences plus restrictives. Enfin, des effets indirects sur le reste de l'économie ont pu être observés : augmentation des prix des biens substituables aux produits sous IG, transfert d'innovations auprès de producteurs sans IG, développement d'autres IG, etc.

Les auteurs soulignent que le succès des indications géographiques dépend de certaines conditions de mise en œuvre : le rattachement du terroir à un processus de production et une qualité spécifique du produit final ; une stratégie marketing clairement définie ; la coordination des acteurs au sein des filières ; un cadre légal et institutionnel permettant d'assurer la certification et la promotion des IG. D'autres mesures permettent d'atténuer certains effets indésirables des IG : le risque d'exclusion des petits producteurs peut être réduit par l'intégration de pratiques traditionnelles dans la certification du produit ; la dépendance de la filière vis-à-vis de la puissance publique pourrait être atténuée par une réduction progressive des appuis accordés par les États ; l'insuffisante prise en compte des enjeux environnementaux nécessiterait, quant à elle, l'intégration de critères dépassant les seuls enjeux économiques dans le choix de développer des IG.

Histoire du développement de l'Indication Géographique du fromage suisse « Tête de Moine »

IG.jpg

Source : FAO

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

06/04/2018

Publication du 7e rapport de l'IFPRI sur les politiques alimentaires

L'International Food Policy Research Institute (IFPRI) a récemment publié son septième rapport annuel sur les politiques alimentaires. Associant des chercheurs, décideurs politiques et praticiens de premier plan, cette analyse revient sur les principaux développements survenus au cours de l'année 2017. Elle traite plus particulièrement de la mondialisation et de l'amplification des mouvements anti-mondialisation, illustrés notamment, pour le directeur général de l'Institut, par le protectionnisme croissant des États-Unis et la poursuite du processus du Brexit. Succédant à un état des lieux des politiques alimentaires (chapitre 1), les chapitres 2 à 7 sont pris en charge par divers auteurs pour aborder les thématiques de la sécurité alimentaire, du commerce, des investissements, des migrations, des connaissances et données, des politiques des pays en développement et des institutions mondiales.

À titre d'illustration, le sixième chapitre met en exergue le rôle important de l'open data pour améliorer les performances des systèmes alimentaires et contribuer à la sécurité alimentaire mondiale. Si l'open data représente un atout pour l'ensemble des acteurs (des agriculteurs aux distributeurs, en passant par les décideurs publics et les chercheurs), la qualité, la facilité d'utilisation, la complexité des bases, les inégalités d'accès aux données sont autant de défis. Les auteurs du chapitre recommandent ainsi de travailler sur les outils à destination des agriculteurs (ex : applications pour smartphones), d'améliorer l'efficience des transferts de connaissances pour éviter les pertes d'informations ou encore de mettre en place des initiatives autour de l'open data, traitant notamment des questions de qualité, d'usage, de stockage et de dissémination.

Le rapport comporte également six sections régionales : Afrique ; Afrique du Nord et Moyen-Orient ; Asie centrale ; Asie du Sud ; Asie de l'Est et du Sud-Est ; Amérique latine et Caraïbes. Il se conclut par la présentation d'indicateurs clés, sur les sciences et technologies agricoles (ASTI), l'index de la faim mondiale (global hunger index - GHI), la productivité totale des facteurs agricoles, ou encore des projections de la production alimentaire, de la consommation et de la faim. Parmi diverses ressources disponibles en ligne, une carte interactive permet de visualiser ces indicateurs.

Amplitude des scores mondiaux et régionaux du GHI

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Source : IFPRI

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : IFPRI

Agriculture à petite échelle et organisation autonome urbaine à Mexico

Un récent article de la Revista Española de Estudios Agrosociales y Pesqueros aborde la question de la place de l'agriculture urbaine dans la sécurité alimentaire à Mexico, à partir d'un exemple impliquant des populations urbaines depuis peu de temps et porteuses d'une tradition agricole de subsistance. D'après les auteurs, cette problématique n'est pas abordée de la même façon par les instances internationales et par les organisations de la société civile. Les premières parlent de « sécurité alimentaire » sans questionner les modes de production intensifs, les secondes de « souveraineté alimentaire » en tant que droit des populations à décider des formes de production, de distribution et de consommation alimentaires.

L'article détaille une étude de cas réalisée à partir d'une observation participante (2014) et d'entretiens (2015-2016) dans la ville de Mexico, où des organisations sociales revendiquant le droit au logement ont vu le jour dans les années 1980. En 2008, une initiative gouvernementale de promotion de l'agriculture urbaine a permis aux habitants du complexe d'habitations CANANEA (1 020 logements) de mettre en place, sur un terrain abandonné, un projet ASPE (Agricultura sustentable a pequeña escala). Il s'appuie sur les connaissances en agriculture traditionnelle des participants, lesquels ont en outre reçu une formation de six mois en agro-écologie.

Dans ce cadre, le travail s'organise de façon communautaire, sur la base d'un organigramme fonctionnel. 25 personnes y participent dont 18 femmes et, dans un but pédagogique, les enfants sont également associés à l'expérience autour de la production de légumes. En termes de débouchés, 75 % de la production sont auto-consommés et en partie échangés afin de contribuer à un régime alimentaire varié, 25 % sont commercialisés, permettant ainsi de concourir à l'achat d'intrants et au financement de la formation. L'épargne est encouragée pour faire face aux imprévus et alimenter un fonds pour financer des microcrédits destinés aux membres de la communauté, pour des populations souvent exclues du système bancaire traditionnel. Pour les auteurs, qui défendent l'idée qu'une souveraineté alimentaire à petite échelle peut être atteinte, la volonté de promotion de l'agriculture urbaine ainsi que les expériences comme celles de l'ASPE ont influencé en retour les politiques publiques : ainsi, en 2017, la ville de Mexico s'est dotée d'une loi sur les jardins potagers urbains.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Revista Española de Estudios Agrosociales y Pesqueros

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Le partage de l'eau. Une réflexion géopolitique, Frédéric Lasserre, Alexandre Brun

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L'eau est une ressource non rare que de mauvais choix politiques et économiques tendent à raréfier. Sa répartition et ses usages dépendent souvent moins des dotations naturelles que de rivalités étatiques et stratégiques. Telle est la thèse défendue par les géographes F. Lasserre (université Laval, Québec) et A. Brun (université de Montpellier), dans ce livre alerte, fourmillant d'exemples concrets, très informé mais néanmoins accessible. Les questions agricoles y occupent une place de choix, qu'il s'agisse de diagnostics présents ou de réflexions prospectives.

Les grands enjeux liés à l'eau sont rappelés dès le départ : surexploitation, pollution, gaspillage, alimentation humaine, biodiversité, inondations ou stress hydrique, fragilisation des productions agricoles alors même qu'elles représentent 70 % des prélèvements d'eau douce. Pour résoudre ces problèmes, la gestion par « bassin versant », apparue en France dès le XVIIe siècle, est aujourd'hui généralisée, mais les parties prenantes ont souvent du mal à s'entendre sur les objectifs et les moyens, comme le montrent les exemples de la Dordogne et du Mékong. Quant au droit international de l'eau, il reste faible, assez flou, peu utilisé, empreint de tensions entre logique de souveraineté territoriale et logique d'intégrité de la ressource. Pour autant, l'eau n'a pas été jusqu'à maintenant une cause directe de guerres ; elle n'est qu'un facteur de tensions supplémentaires, dans le cadre de relations internationales ou inter-régionales déjà dégradées. C'est ce que montre le chapitre consacré aux vives disputes entre les dix pays riverains du Nil, tous ayant le plus grand mal à réorienter leurs politiques d'agriculture intensive irriguée. Le chapitre sur le désastre de la mer d'Aral pointe la même responsabilité, primordiale, des choix de développement agricole : d'abord encouragée par la doctrine des grands travaux chère au pouvoir soviétique, l'irrigation massive, aujourd'hui devenue irréversible, illustre les conséquences de l'imposition d'un modèle économique inadapté aux ressources disponibles. En contexte capitaliste, les mêmes erreurs produisent les mêmes catastrophes, puisque l'épuisement du Colorado est surtout imputable aux prélèvements agricoles (80 % de la consommation totale dans l'Ouest américain), loin devant les fontaines de Las Vegas ou les golfs de l'Arizona stigmatisés par les médias ! Au-delà de ce sombre tableau, des raisons d'espérer viennent des efforts réalisés, partout dans le monde, pour mieux utiliser et partager l'eau. Elles viennent aussi des villes moyennes et métropoles où les fleuves ne sont plus seulement des axes de transport ou des exutoires d'égouts, mais des espaces publics réinvestis, renaturés, apaisés et touristiques, en train d'inventer les nouvelles sensibilités et représentations, plus respectueuses de l'eau, qui s'imposeront demain.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Odile Jacob