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14/02/2022

Covid-19 et pratiques alimentaires : des enseignements pour la conception des politiques publiques

En janvier 2022, ont été publiés dans la revue Sustainability: Science, Practice and Policy les résultats d'un travail mené sur les effets des restrictions associées au Covid-19 sur les pratiques alimentaires. Pour les auteurs, les perturbations soudaines des routines quotidiennes (ex. télétravail) et des systèmes d'approvisionnement (ex. fermeture des restaurants) constituent une opportunité pour étudier ces pratiques et leurs dynamiques : obtention, stockage, préparation et consommation d'aliments, gestion des déchets, etc. De mai à juillet 2020, ils ont réalisé 119 entretiens semi-directifs auprès de ménages aux profils diversifiés dans sept pays : Allemagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Vietnam.

Des résultats communs aux différents terrains d'enquête sont identifiés. Tout d'abord, les mesures de gestion de la crise sanitaire ont perturbé des pratiques alimentaires habituellement déterminées par d'autres activités (travail, école, etc.), modifiant les temporalités, localisations et fréquences des achats. Les mesures d'hygiène et de nouvelles conceptions des risques y ont également contribué, et ont joué sur les modalités de choix et de stockage des produits. La planification des repas et la gestion des denrées ont aussi été impactées. Par ailleurs, les ménages interrogés ont expérimenté de nouvelles pratiques alimentaires, déterminées par divers facteurs : préoccupations accrues pour la santé et prise en considération du rôle de l'alimentation ; recherche de diversité, de sociabilité et de divertissement, habituellement apportés par les repas au restaurant ; nouvelles pratiques culinaires (menus, équipements, services, outils numériques, etc.). Enfin, les expériences individuelles sont diverses, plaisantes ou difficilement vécues, notamment selon la composition du foyer et les activités professionnelles.

Pour les auteurs, des enseignements peuvent en être tirés quant à l'accompagnement du changement des pratiques alimentaires, notamment en ce qui concerne l'adoption d'alternatives face aux défis contemporains de la durabilité. Il s'agit de considérer la diversité des habitudes et routines, de mieux cibler les facteurs les conditionnant, d'en intégrer les dimensions sociales et culturelles, ou encore de tenir compte des capacités variables des individus à mettre en œuvre les changements. Les politiques publiques auraient alors à la fois un périmètre plus large et des ambitions plus modestes.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Sustainability: Science, Practice and Policy

11/02/2022

Les mouvements pour la revalorisation de la sauce soja au Japon

Alice Doublier (CNRS) a mené une enquête, au Japon, sur les mouvements de revalorisation de la sauce soja. Un article paru fin 2021 dans Anthropology of food en livre les premiers résultats. Le condiment, obtenu par macération d’un mélange de blé et de graines de soja, constitue un pilier de la gastronomie japonaise, « assaisonnement passe-partout » recherché pour sa régularité et l’apport en umami, « cette cinquième saveur qui enrobe le palais ». Produite traditionnellement en fûts de cèdre (image ci-dessous), la sauce fait l'objet, dès les années 1950, d’une production industrielle et d’une consommation globalisée, soutenue par l’implantation des brasseries Kikkoman aux États-Unis et en Europe. La consommation japonaise actuelle est 3,5 fois moins importante que celle des années 1970, les volumes produits dans l'archipel diminuent depuis les années 1990 et les productions traditionnelles sont en crise, ne représentant plus que 1 % du marché national.

Chai de sauce soja de la brasserie Shôkin

chai de soja.jpg

Source : © Alice Doublier (Shôdoshima, juin 2019)

Réticents à mettre en place des labels ou des indications géographiques, les petits producteurs s’organisent cependant, depuis une dizaine d’années, sous forme de collectifs et de réseaux protéiformes, pour « défendre une production locale et à taille humaine ». L’article décrit aussi les activités d’un nouveau corps de spécialistes, qui se présentent comme « sommeliers ». Derrière leurs trajectoires singulières (artiste-designer, salaryman reconverti, fils d’un brasseur, etc.), on peut voir un effet de génération, ainsi que « l’impérieuse nécessité ressentie » par de nombreux Japonais de faire vivre leurs industries traditionnelles et leur tissu de petites et moyennes entreprises (céramique, saké, etc.).

L’article souligne les efforts pour faire apprécier, à l’aide de différents dispositifs (livres, dégustations publiques, visites de chai, collaboration avec des chefs étrangers), les nuances entre différentes sauces, « réelles mais fort subtiles ». Comme souvent dans les démarches de patrimonialisation gastronomique, la défense d'une production artisanale est accompagnée « d’une mise en récit de la diversité des modes de fabrication et des saveurs », sous des formes qui évoquent la promotion du vin ou le dynamisme des bières artisanales. L’auteure souligne également la difficulté à justifier un prix bien plus élevé que celui du produit standard vendu en supermarché.

Dans le même numéro et toujours sur le Japon, signalons un article consacré aux scènes de cuisine et de dégustation dans les films d’animation, et un autre sur la fin du tabou de la viande au XIXe siècle.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Anthropology of food

08/02/2022

La gastronomie : le futur de la FoodTech ?

Pour la deuxième édition d'ESAFoodTech, l'École supérieure d'agriculture d'Angers (ESA) a diffusé sur sa chaîne Youtube une série de conférences consacrées au thème « Gastronomie et technologies : qu’est-ce qui change ? ». Elles ont traité, par exemple, des effets potentiels des robots et des apports possibles de la FoodTech à la valorisation de l'origine des produits et du terroir. En conclusion de cette édition, M. Vincent (cabinet de conseil DigitalFoodLab) envisage les tendances à long terme de la FoodTech. Actuellement, ces start-ups se concentrent sur une nouvelle offre de produits alimentaires (viande et lait végétaux, viande artificielle), ressemblant à ceux déjà consommés : aspect, goût, propriétés nutritives. L'objectif est de ne rien changer à l'expérience utilisateur, tout en répondant à des enjeux de santé, d'environnement et de bien-être animal. À moyen terme, lorsque ces substitutions seront acceptées et intégrées dans les comportements, un deuxième temps s'ouvrira pour le secteur, avec des innovations alimentaires disruptives et créatives. Portée par la gastronomie, la FoodTech recherchera alors des propositions de nouveaux goûts, aspects et textures pour séduire le consommateur.

Source : ESAFoodTech

La transformation de viandes : un secteur dynamique au Québec

Dans son premier numéro Bioclips de l’année 2022, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) présente une brève analyse économique de la fabrication des produits de viande. Première du secteur agroalimentaire pour la valeur des ventes, les exportations ou le nombre d’emplois, cette activité est dominée par deux grands transformateurs. En 2020, les ventes ont généré 7,3 milliards de dollars (figure ci-dessous). D'après une estimation, 36 % de la valeur de la production ont permis l'achat d’intrants importés, tandis que les 64 % restant constituent la valeur ajoutée. 54 % de celle-ci servent à la rémunération des travailleurs. Par ailleurs, le nombre d’emplois a progressé de 9 % entre 2012 et 2020, alors que la valeur des ventes augmentait de 56 %, sous l’effet d’une forte hausse des prix (+ 37 %) et des exportations (+ 46 %). Celles-ci sont destinées principalement à la Chine (37 %) et aux États-Unis (36 %).

Ventes manufacturières du secteur de la transformation de la viande au Québec de 2012 à 2020, en milliards de dollars

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Source : MAPAQ, à partir des données de Statistique Canada

Source : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec

11:52 Publié dans IAA, Production et marchés, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : viande, transformation, emploi, marché |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/02/2022

Durabilité et résilience du système alimentaire des Hauts-de-France

Le Basic et Bio Hauts-de-France ont réalisé un diagnostic de la durabilité et de la résilience du système alimentaire régional, insistant sur les enjeux de reterritorialisation. Les auteurs se sont appuyés sur des données publiques, la littérature existante et des ateliers d'échange avec une soixantaine d'acteurs. L'étude établit un « potentiel nourricier » de 130 % : la région est excédentaire en terres agricoles par rapport aux besoins alimentaires de ses habitants. Mais, elle présente un « potentiel agro-industriel » de seulement 70 % : les capacités de transformation agroalimentaire régionale et les emplois associés sont insuffisants pour répondre à la demande des habitants en produits transformés. Le diagnostic pointe également des fragilités du système alimentaire : dépendance aux intrants importés, faible capacité de résistance face aux chocs climatiques extrêmes, etc. Enfin, il présente deux scénarios à l'horizon 2050 (tendanciel et « de résilience et de préservation ») et leurs impacts sur l'emploi, les potentiels nourricier et agro-industriel.

Le « potentiel nourricier » des Hauts-de-France en 2019

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Source : Le Basic-Bio Hauts-de-France

Source : Le Basic

18/01/2022

Impacts économiques de la peste porcine africaine

La 7e journée d'échanges organisée par l'Institut du porc (Ifip), en décembre 2021, portait sur « la maîtrise sanitaire, facteur clé d'une filière porcine française compétitive ». Les communications ont traité en particulier des risques de restriction des marchés à l’exportation, associés à une crise sanitaire et à la nécessité de préserver la santé animale (biosécurité, bonnes pratiques, réseau d'épidémiosurveillance).

Les premiers résultats d'un exercice de simulation des conséquences d'un foyer de peste porcine africaine (PPA), dans un territoire où l'élevage est très développé (Finistère), ont été présentés. Ces travaux associant chercheurs, fonctionnaires et professionnels traitent 6 thématiques : nettoyage et désinfection du foyer, mouvements des porcs dans la zone réglementée, implications pour les entreprises locales concernées, surveillance vétérinaire et biosécurité, communication et information, conséquences économiques.

Retenons par exemple cette dernière thématique, envisagée sous trois volets. Le premier estime le préjudice pour l'élevage touché (naisseur-engraisseur de 466 truies) : perte de marge lors du vide sanitaire et de la période de reconstitution des stocks (550 à 630 k€) ; surcoût lié au repeuplement estimé à 415 k€ ; opération de nettoyage-désinfection (58 à 294 k€ selon l'intensité de l'opération) ; moindre valorisation bouchère des animaux abattus ; coût des abattages. Le total estimé est proche de 1 million d'euros (figure ci-dessous).

Identification des postes contribuant au préjudice subi par l'élevage touché

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Source : Ifip

Dans le deuxième volet, les pertes pour les élevages soumis à restriction de mouvement d'animaux ont été estimées. Elles sont dues en particulier à la dégradation de la marge liée à l'alourdissement des animaux et à l'euthanasie d'une bande de porcs (ensemble d'animaux du même âge gérés en lot, pour l'engraissement et l'abattage par exemple). Le cas considéré est une zone de forte densité, ayant des élevages (146) de types variés (naisseur-engraisseur, post-sevreur-engraisseur, engraisseur, etc.). À cette échelle, le préjudice total sur l'ensemble des élevages concernés est estimé à 2,77 millions d'euros.

Enfin, le troisième volet envisage les conséquences, en France, de l’apparition d’un cas de PPA pour l'ensemble de la filière, en matière d'exportations. Cela entraîne une chute des exportations vers les pays les plus importants comme la Chine et donc une ré-orientation vers des pays où le porc est vendu moins cher. En découle aussi une baisse du prix du porc et des pièces de découpe sur le marché intérieur. Pour une telle estimation, l'Allemagne peut servir de modèle car les réactions des marchés y sont comparables. Toutefois, en tenant compte des particularités de la filière, les pertes estimées sont moins élevées pour la France (figure ci-dessous).

Estimation des préjudices à l'export subis par les filières porcines allemande (à gauche) et française (à droite) suite à un foyer de PPA

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Source : Ifip

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Ifip

17/01/2022

Autonomie alimentaire de la France : situations contrastées et recommandations pour la Présidence française du Conseil de l'Union européenne

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a publié, début décembre 2021, un rapport d'information sur l'autonomie alimentaire de la France. Au-delà des constats déjà connus (comme le fait que le pays importe 20 % de sa consommation), les rapporteurs explorent plusieurs points intéressants.

Dans un premier temps, ils détaillent une situation contrastée entre filières. Alors que certaines sont excédentaires (vins et spiritueux, céréales, produits laitiers, semences, sucre), d'autres sont déficitaires : fruits et légumes, protéines végétales, viande et produits d’élevage, pêche et aquaculture (figure ci-dessous), produits de l'agriculture biologique. Les raisons sous-jacentes aux déficits sont variées. Par exemple, des demandes de produits spécifiques ne correspondent pas à la production française (mangues et avocats, poissons comme le cabillaud ou le saumon). Les modalités d'approvisionnement des industries agroalimentaires ou de la restauration hors-domicile (RHD) ont aussi un impact important : 45 % des produits laitiers achetés par les premières sont à base de lait français (contre 91 % de ceux achetés par les ménages), et moins de la moitié de la viande bovine vendue par la RHD est d'origine française (contre 93 % de celle vendue en grande distribution). Le déficit de productivité industrielle (poulet) est également pointé. Par ailleurs, les filières excédentaires ne sont pas exemptes de difficultés, et importent des volumes parfois importants de certains produits (ex. vins espagnols). Des dépendances aux facteurs de production existent aussi (engrais, énergie, main-d’œuvre), pouvant fragiliser l'ensemble des filières.

Bilan d'approvisionnement par catégorie de produit

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Source : Assemblée nationale

Parmi les recommandations proposées, certaines portent sur le soutien des filières « les plus fragilisées et les plus stratégiques », à l'image du plan « protéines végétales ». Les auteurs préconisent aussi de profiter de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) pour avancer sur les priorités suivantes : harmonisation par le haut du cadre normatif européen, renforcement des politiques de contrôle des produits importés, amélioration de l'équité du jeu concurrentiel (clauses miroirs, réforme de l'Organisation mondiale du commerce, taxe carbone), réforme des règles en matière de limites maximales de résidus de pesticides. Ils invitent également à réviser le règlement sur l'information des consommateurs (INCO) afin de rendre obligatoires les éléments relatifs à l’origine géographique des produits, ou encore à modifier le droit européen de la commande publique pour favoriser l'achat de produits locaux.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Assemblée nationale

12/01/2022

Quel effet des politiques d'approvisionnement local sur la rémunération des agriculteurs ?

De plus en plus de collectivités territoriales mettent en œuvre des politiques d'approvisionnement local pour les cantines scolaires dont elles ont la charge. Publié dans la revue Pôle Sud fin décembre 2021, un article interroge la capacité de telles politiques à permettre un retour de valeur ajoutée aux agriculteurs locaux. Le travail s'appuie sur le cas de la Bretagne où, à la suite de la crise du porc de 2015, le Conseil régional a instauré le programme « Breizh'Alim », incitant à l'utilisation de produits bretons par les cantines des lycées. Grâce à l'analyse des dispositifs mis en œuvre, ainsi qu'une trentaine d'entretiens, l'auteure juge qu'il est peu probable que ce programme ait permis un retour substantiel de valeur ajoutée aux éleveurs. Pour étayer cette conclusion, elle pointe notamment le choix fait par le Conseil régional de privilégier les filières longues (achats massifiés impliquant un grand nombre d'intermédiaires), ainsi que l'absence de critères dans les appels d'offre concernant la rémunération des producteurs.

Source : Pôle Sud

11/01/2022

Cuisson de précision au laser sur des aliments imprimés

Des chercheurs de l'université Columbia ont combiné les technologies d'impression alimentaire en 3 dimensions et de cuisson de précision par laser. Publiés dans la série Science of Food de la revue Nature, ces travaux utilisent de la viande de poulet mixée puis utilisée pour l'impression 3D. Différentes méthodes ont été expérimentées selon la forme donnée à la viande imprimée, le type de laser employé (lumière bleue, infrarouge), la longueur d'onde et le motif dessiné par le faisceau pour la cuisson. Les résultats obtenus sont ensuite évalués selon plusieurs paramètres : profondeur de cuisson, vitesse de refroidissement, diminution du volume, rétention d'humidité, brunissement de la surface, caractéristiques organoleptiques, etc. Ils sont comparés avec une cuisson traditionnelle au four. Il en ressort que la cuisson au laser étend les perspectives de personnalisation des repas imprimés jusqu'au mode de cuisson, pouvant être modulé finement en fonction des attentes des mangeurs. De plus, dans une optique de commercialisation d'aliments précuits, elle peut s'effectuer également sur des viandes imprimées hermétiquement emballées, augmentant ainsi la durée de conservation du produit tout en réduisant le risque de contamination microbienne.

Source : Science of Food

08:40 Publié dans Alimentation et consommation, IAA | Lien permanent | Tags : impression alimentaire, viande, personnalisation, technologies |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/12/2021

Dans la région Grand Est, l’alimentation animale comme valorisation principale des coproduits

Le Réseau pour la sécurité et la qualité des denrées animales (Réséda), le Centre régional d’innovation et de transfert de technologie (Agria Grand Est) et l’Institut de l’élevage ont réalisé une étude pour mieux connaître les sources et usages des coproduits de l'industrie agroalimentaire dans la région Grand Est. Le rapport, publié en novembre 2021, vient compléter les connaissances acquises lors de précédents travaux, menés à l’échelle nationale en 2017 et en Normandie en 2020. Cet état des lieux constitue la première étape du projet Coprame (COPRoduits pour Améliorer la Multiperformance des Élevages bovin lait et viande de la région Grand Est).

Différentes politiques publiques nationales (bioéconomie, économie circulaire, mobilisation de la biomasse, tri à la source de biodéchets), appliquées localement, ont un impact sur les volumes de coproduits disponibles et sur leurs utilisations (figure ci-dessous). Travailler simultanément sur ces deux pans permet de favoriser l’économie circulaire territoriale, en liant producteurs et utilisateurs et en éclairant les concurrences d’usage.

Voies de valorisation des coproduits de l'industrie agroalimentaire

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Source : Réséda

L’enquête, menée auprès de 44 entreprises agroalimentaires et de 256 exploitations agricoles, a confirmé que l’alimentation animale est le principal débouché des coproduits (98,5 %) dans la région (figure ci-dessous), tout comme au niveau national (76 %). La différence de valorisation s’explique par la nature des coproduits régionaux : drêches de brasserie, pulpes de betteraves, etc. Bien que ce débouché soit majoritaire, les coproduits ont généralement d’autres voies de valorisation, dont certaines à plus forte valeur ajoutée (lactosérum pour l’alimentation infantile, huile de noyaux de fruits en cosmétique).

Valorisation des coproduits (% du volume) en région Grand Est, Normandie et France

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Source : Réséda

Des fiches sectorielles sur l’amidonnerie, la transformation des graisses, l’industrie laitière, par exemple, donnent des informations sur la filière (surfaces cultivées, acteurs, etc.), la nature et les caractéristiques des coproduits (sons, radicelles, produits finis non conformes, etc.), les gisements disponibles et leurs voies de valorisation. Elles sont complétées par un éclairage spécifique sur leurs utilisations en élevage. Une analyse qualitative et quantitative des utilisations informe sur les coûts ou les gains associés, la présence de contrat liant les acteurs, les distances parcourues par les produits, les concurrences d'usage. Celles-ci pourraient d'ailleurs se renforcer avec la méthanisation, en fort développement.

En conclusion, les auteurs mettent en avant la complémentarité possible de différentes valorisations de coproduits (alimentation animale, énergie, alimentation infantile, cosmétique). Optimiser leur production et leurs usages dépendra de la stratégie des entreprises, du dialogue entre producteurs et utilisateurs ainsi que des politiques publiques régionales.

Amandine Hourt, Centre d'études et de prospective

Source : Idele

15/12/2021

Rick Fantasia, Gastronomie française à la sauce américaine. Enquête sur l’industrialisation de pratiques artisanales, Seuil, septembre 2021, 336 pages

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Rick Fantasia, professeur de sociologie au Smith College, propose dans cet ouvrage une analyse décapante des évolutions de la gastronomie française. Dans un premier temps, il récapitule les processus par lesquels celle-ci s’est structurée à la fin du XIXe siècle, comme un champ à part entière, doté de ses propres enjeux, règles et normes d’évaluation. Se distinguant des pratiques domestiques, comme de l’alimentation industrielle qui apparaît au même moment, la haute cuisine des « chefs » et des grands restaurants est alors consacrée par un nouveau type d’experts, les critiques gastronomiques. Tel Curnonsky, ceux-ci « inventent » la cuisine française traditionnelle et codifient les plats régionaux. Des établissements prestigieux deviennent des institutions, comme le Ritz. Les revues ennoblissent des cuisiniers, à l'image d'Escoffier. « Capital symbolique » fabriqué par la presse, les guides et le concours du Meilleur ouvrier de France, la célébrité des chefs se transmet à leurs apprentis dans le cadre de véritables lignées.

En contrepoint, l’ouvrage met ensuite en lumière le développement des filières agroalimentaires et de la restauration collective. Repoussoir pour les acteurs de la « grande cuisine », ce secteur industriel est à l’origine « symboliquement dominé », à tel point que ses acteurs ne considèrent pas faire le même métier, mais il se développe rapidement dans la deuxième moitié du XXe siècle (voir à ce sujet un précédent billet). Les innovations mises au point sur le marché américain sont diffusées via les voyages d’études (« missions de productivité »), centrés sur la distribution organisés à partir de la fin des années 1940, et grâce à l’internationalisation des entreprises. L’auteur revient notamment sur l’implantation en France de McDonald’s dès 1972, et sur le succès « improbable » des fast-foods auprès d’une jeunesse fascinée par « la magie de l’américanisme ». De façon symétrique à l'analyse de la haute gastronomie, il examine les publications, experts et valeurs qui soutiennent ce déploiement.

Le dernier chapitre montre comment les frontières entre ces deux pôles (haute cuisine et alimentation industrielle) s’affaissent à partir des années 1970, quand de grands chefs comme Guérard, Ducasse ou Robuchon entreprennent de « convertir » leur capital symbolique accumulé en capital économique, en associant leur image à des produits de consommation de masse. Si l'aura des chefs en a pâti, la magie sociale est loin d’être complètement dissipée. L’auteur soutient ainsi, à propos des spécialités régionales, que « le mythe construit autour du '‘local’' et du terroir a fini par camoufler l’infrastructure industrielle » qui les soutient.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions du Seuil

13/12/2021

L'ONU analyse les chaînes de valeur de la viande destinée à l'export en Mongolie

Dans un rapport publié en novembre 2021 dans le cadre du programme Integrating landlocked commodity dependent developing countries into regional and global value chains, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement étudie, en Mongolie, les chaînes de valeur de viande destinée à l'export. L'élevage dans le pays représentait 70 millions de têtes en 2019 et la consommation de la viande repose de plus en plus sur des achats de morceaux de haute qualité plutôt que de carcasses et d'animaux vivants. Les auteurs constatent que les chaînes de valeur se composent de trois maillons : les éleveurs, les rassembleurs-transporteurs et les transformateurs-exportateurs. Dans un but d'amélioration du fonctionnement de ces chaînes, ils pointent ensuite l'absence de structuration des filières, la faible qualité sanitaire mise en œuvre par les éleveurs, le surpâturage, les technologies obsolètes utilisées, l'absence d'impôt pour les éleveurs et les rassembleurs-transporteurs, et un marché tourné vers des prix bas.

Détail de la chaîne de valeur du secteur ovin (en millions de tonnes)

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Source : CNUCED

Lecture : dans chaque case sont représentés les coûts (costs), le chiffre d'affaires à la vente (sale value) et le taux de marge (margin) ; ces informations sont décrites pour les éleveurs (herders), les rassembleurs-transporteurs (middlemen), les transformateurs (processors), les abatteurs (slaughterhouses) et pour les différents marchés (domestique, détail, grande distribution).

Source : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED)

16/11/2021

L'impact des vagues de chaleur sur la productivité sectorielle du travail en Europe

Des chercheurs ont modélisé les impacts passés et futurs des vagues de chaleur sur la productivité du travail en Europe, en utilisant des fonctions d'exposition à la température. Leurs résultats ont été publiés en octobre 2021 dans Nature Communications.

Pour des épisodes de chaleur significatifs (température excédant le 90e percentile pendant au moins trois jours consécutifs), en 2003, 2010, 2015 et 2018, les estimations montrent des pertes de PIB comprises entre 0,3 et 0,5 %. Les impacts sont supérieurs à 1 %, voire dépassent 2 % dans les régions les plus vulnérables, situées au sud, avec des températures plus élevées et une proportion d'activités économiques en plein air plus importante. Les pertes de PIB dans le secteur agricole avoisinent par exemple 0,5 %, de manière répétée, dans les régions d'Alentejo (Portugal), d'Estrémadure (Espagne) et de Voreia (Grèce).

Les chercheurs montrent que si les secteurs les plus affectés sont ceux dont les activités se déroulent en plein air, comme l'agriculture, les effets se propagent au reste de l'économie via les biens intermédiaires. Ainsi, les secteurs ayant recours aux productions agricoles, comme l'industrie de la transformation alimentaire ou le tourisme, ont été largement impactés par les effets indirects de ces vagues de chaleur (figure ci-dessous). Si le commerce permet d'atténuer les pertes économiques par la substitution des produits, il ne semble pas suffisant pour contrebalancer l'effet de propagation par les biens intermédiaires.

Impacts économiques des vagues de chaleur de 2003, 2010, 2015 et 2018 sur les différents secteurs, au sein des régions européennes les plus affectées

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Source : Nature Communications

Les projections futures, réalisées grâce à des modélisations se basant sur les estimations du scénario RCP 8.5 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), montrent que les impacts en 2060 pourraient être multipliés par près de 5 à l'échelle de l'Europe, si aucune action d'atténuation ou d'adaptation n'est conduite. Les effets pourraient être encore plus importants dans certains pays particulièrement touchés comme Chypre, le Portugal, l'Espagne et la Croatie. Les auteurs conviennent cependant de la difficulté à mettre en place des actions d'adaptation dans les secteurs dont les activités se déroulent en plein air, comme l'agriculture. Dans ce cas, les effets sur la productivité du travail, étudiés ici, s'ajouteront à ceux de l'évolution des conditions climatiques sur la productivité agricole.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Communications

 

 

07:23 Publié dans Climat, IAA, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : changement climatique, chaleur, productivité, travail |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/10/2021

Filière porcine : conséquences des nouvelles réglementations pour la castration

Lors de l'édition 2021 du Salon international des productions animales (Space), consacrée au bien-être animal, l'Institut du porc (Ifip) a traité, au cours de quatre « matinales de l'élevage », des conséquences de la prochaine réglementation sur la castration. Cette opération sur les porcelets sans prise en charge de la douleur sera interdite à compter du 1er janvier 2022. Disponible en replay, chaque conférence s'intéressait à un maillon de la filière, en proposant une mise au point scientifique suivie de témoignages.

L'éleveur peut répondre à cette obligation de trois façons : en pratiquant la castration avec analgésie et anesthésie locale ou générale ; en recourant à une immunocastration sous forme d'injections d'un « vaccin » ; en conservant ses mâles entiers. Les conséquences économiques sont très variables : valorisations inégales des viandes, pénalités à l'abattoir pour les carcasses odorantes issues d'animaux non castrés, etc. Développé par l'Ifip, l'outil SIM'Alter permet alors au producteur d'effectuer une simulation pour affiner sa stratégie.

À l'abattoir, la détection des carcasses malodorantes, dues au scatol et à l'androsténone, peut se faire par une analyse chimique ou, de préférence, par des « nez » humains. Ceci nécessite de sélectionner les agents volontaires, de les former, puis de mettre en place une bonne gestion par roulement au sein de l'équipe. En effet, au bout de 150 carcasses, l'agent doit faire une pause d'au minimum 15 minutes, et il peut alors être préposé à l'enregistrement des données. Ces questions d'organisation du travail font l'objet du projet d'étude SANMALO d'Uniporc.

Au niveau du maillon « transformation », la non-castration induit une baisse des dépôts de gras et une hausse des teneurs en muscle et en os, avec une réduction de la qualité technologique (rétention d'eau) de la viande. Ceci est nettement défavorable pour les process industriels de fabrication des jambons secs de types Bayonne et Parme, et des saucissons. Des risques de déstructuration pour les jambons cuits sont également documentés. Un engraissement des femelles et l’utilisation de castrations sans douleur pourraient être une solution.

Enfin, en Europe, l'élevage de porcs mâles entiers augmente régulièrement, passant de 18 % du total du cheptel de mâles en 2010 à 35 % en 2020 (figure ci-dessous). Cependant, la situation est très variée selon les pays, sous l'effet de nombreux facteurs : habitudes alimentaires (morceaux, produits consommés), pression des associations de protection animale, importance des exportations vers certains pays peu préoccupés par le sujet, etc. Autant d'aspects à prendre en compte pour le devenir de ces produits.

Répartition de la production des porcs mâles en Europe

filiere porcine.jpg 
Source : Ifip (enquête 2021)

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : IFIP

14/10/2021

Les organisations professionnelles face au droit de la concurrence

Représentant les entreprises d’une même profession ou d’un même secteur, les organisations professionnelles sont confrontées au « risque concurrentiel » par leurs pratiques et celles de leurs adhérents (échange d’informations tarifaires ou stratégiques, actions de lobbying, interprétation erronée de la réglementation, etc.). Elles peuvent s’en prémunir, notamment en menant des actions de prévention (sensibilisation, formation).

Afin de les appuyer dans cette démarche, et dans le cadre d’un renforcement des sanctions applicables aux organisations professionnelles et à leurs membres, l’Autorité de la concurrence a publié un guide à leur intention. Les enjeux qui y sont exposés, ainsi que le nouveau cadre réglementaire, ont par ailleurs été évoqués lors d’un webinaire, le 7 septembre 2021. Les organisations professionnelles du secteur agroalimentaire sont notamment concernées par des recommandations, en complément de l’avis n°18-A-04 relatif au secteur agricole émis le 3 mai 2018.

Source : Autorité de la concurrence