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14/04/2022

Patrimoine alimentaire et relance des produits

La revue Anthropology of food consacre un numéro aux produits de terroir et aux dynamiques de patrimonialisation dans le domaine agroalimentaire. On y trouvera notamment informations et analyses sur les appellations corses (farine de châtaigne, fromages, charcuterie), et sur le travail des syndicats et associations de défense et de promotion pour « relancer » des produits typiques en déclin.

Parmi les études de cas, signalons l'article de A. Broccolini sur la lentille de Rascino, en Italie, aliment de pauvres « cultivé seulement pour la consommation quotidienne des familles paysannes », et devenu « produit-icône d’un territoire », porté par des producteurs professionnels et un circuit de commercialisation. Parmi les articles plus généraux, P. Pesteil livre une réflexion sur la fraude et ses contre-feux. Après avoir rappelé l'étendue des pratiques de contrefaçon dans le domaine alimentaire, il s'appuie sur différents terrains (Corse, Yakutie en Russie, Italie) pour discuter les intérêts et limites des systèmes de certification d'une part, et des alternatives de « reconquête alimentaire » dite « par le bas » (mouvement Slow Food, certification participative).

Enfin, l'historien P. Meyzie consacre un article aux « produits d'origine » dans la France des XVIIe et XVIIIe siècles. À partir d'archives diverses (livres de cuisine, documents marchands), il retrace l'association entre produits, origine et qualité, avant la mise en place des systèmes de certification officielle (protection intellectuelle en 1824, puis développement des appellations à partir de 1905). On voit ainsi émerger des noms de produits et des conventions de qualité, qui sont aussi des dispositifs de jugement : fromage « de Roquefort », moutarde « de Dijon », etc. Le plus souvent liés à de grandes villes, ils encadrent le commerce et les attentes des contractants, et concernent en premier lieu des produits très circulants, plutôt qu'en danger de disparition. Ces proto-appellations reflètent les perceptions d'une élite de consommateurs parisiens, soucieux d'un certain exotisme culinaire. La carte ainsi établie (figure ci-dessous) est largement familière, mais elle fait aussi apparaître quelques produits oubliés, ou très confidentiels. Selon l'auteur, ces « gisements de patrimonialisation » pourraient servir de base à des initiatives de redynamisation territoriale.

Localisation des produits d'origine (1680-1830)

AOF.jpg 
Source : Anthropology of food

Lecture : la taille des points associés à chaque produit est proportionnelle au nombre de mentions identifiées dans le corpus.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Anthropology of food

15/02/2022

Certification de l’indication géographique et revenu de ménages ruraux au Vietnam

Un article paru en 2021 dans les Cahiers Agricultures s’intéresse à l’effet de la certification de l’indication géographique, mise en place par des organisations de producteurs (OP), sur le revenu des petits riziculteurs au Vietnam.

L’indication de l’origine des produits agricoles est souvent considérée, par la littérature scientifique, comme un levier significatif pour améliorer l’accès au marché des exploitants des « pays en voie de développement » et, par conséquent, leurs conditions d’existence. Pour autant, cette démarche n’a pas fait l'objet d'une véritable évaluation d'impact. Les auteurs de cette étude ont donc ciblé une culture vivrière bénéficiant d’une bonne image auprès des consommateurs vietnamiens, le riz gluant Hoa Vàng, dont l'appellation est parfois utilisée abusivement par certains commerçants, qui proposent un riz moins onéreux et de moins bonne qualité. Ce produit bénéficie d'une certification créée par l'association de production et de commercialisation de la province de Hải Dương, fondée en 2006, regroupant 367 membres en 2015. Leur plan d’action visait entre autres un recours limité aux produits phytosanitaires et une stratégie de vente valorisant l’origine et la qualité de la production. Les auteurs ont conduit des entretiens auprès d’un échantillon de 314 riziculteurs membres et non membres de cette OP, ainsi qu'avec des collecteurs, grossistes et détaillants à Hải Dương, Hà Nội et Hồ Chí Minh ville

Caractéristiques des ménages et des exploitations agricoles en 2013 et 2015

Indications geographiques.jpg

Source : Cahiers Agricultures

En utilisant la méthode du score de propension, les auteurs mettent en évidence le faible effet de la certification de l’IG et, par voie de conséquence, de l’appartenance à une OP, sur l’amélioration du revenu des ménages. Les prix de vente et les revenus ne sont pas nécessairement plus élevés pour la commercialisation du riz gluant. Cela s'explique notamment par une disponibilité plus faible en terres et en intrants des membres de l'OP. Toutefois, en dépit de ces moindres ressources, l'étude met en valeur des capacités similaires d'accès au marché, ce qui tend à prouver l'effet positif de l'appartenance à une OP pour la petite paysannerie. Pour en mesurer l’effet sur le revenu, néanmoins, ces résultats devraient être replacés dans une perspective diachronique. Les auteurs appellent également à un renforcement du dialogue entre les OP et leurs clients, ainsi qu’au développement des contrôles de l’étiquetage par les pouvoirs publics. Enfin, selon eux, l'étude du fonctionnement actuel de ces OP permettrait de dégager des pistes d'amélioration pour leur permettre d'atteindre plus efficacement leurs objectifs.

Johann Grémont, Centre d’études et de prospective

Source : Cahiers Agricultures

08/02/2022

La gastronomie : le futur de la FoodTech ?

Pour la deuxième édition d'ESAFoodTech, l'École supérieure d'agriculture d'Angers (ESA) a diffusé sur sa chaîne Youtube une série de conférences consacrées au thème « Gastronomie et technologies : qu’est-ce qui change ? ». Elles ont traité, par exemple, des effets potentiels des robots et des apports possibles de la FoodTech à la valorisation de l'origine des produits et du terroir. En conclusion de cette édition, M. Vincent (cabinet de conseil DigitalFoodLab) envisage les tendances à long terme de la FoodTech. Actuellement, ces start-ups se concentrent sur une nouvelle offre de produits alimentaires (viande et lait végétaux, viande artificielle), ressemblant à ceux déjà consommés : aspect, goût, propriétés nutritives. L'objectif est de ne rien changer à l'expérience utilisateur, tout en répondant à des enjeux de santé, d'environnement et de bien-être animal. À moyen terme, lorsque ces substitutions seront acceptées et intégrées dans les comportements, un deuxième temps s'ouvrira pour le secteur, avec des innovations alimentaires disruptives et créatives. Portée par la gastronomie, la FoodTech recherchera alors des propositions de nouveaux goûts, aspects et textures pour séduire le consommateur.

Source : ESAFoodTech

16/09/2021

Mieux encadrer l'utilisation des indications géographiques dans des produits transformés

L'Association des régions européennes des produits d'origine (AREPO) a mené une étude sur l'utilisation d'indications géographiques (IG) de l'Union comme ingrédients dans des produits transformés. Pour cela, elle a d'abord analysé les législations et principes directeurs aux niveaux européen et nationaux (figure ci-dessous). Elle observe que l'UE n'a pas adopté de législation contraignante en matière d'étiquetage des ingrédients issus de produits sous IG, mais a fourni des lignes directrices volontaires, induisant des pratiques diverses. Le rapport détaille le cas de l'Italie, seul État membre à avoir mis en place, dès 2004, une réglementation nationale sur l'étiquetage des produits transformés contenant une IG.

Lignes directrices de l'UE sur l'étiquetage des denrées alimentaires utilisant des Appellations d’origine protégée (AOP) ou des Indications d'origine protégée (IGP) comme ingrédients

lignesdirectrices.jpg

Source : AREPO, Commission européenne

L'AREPO a ensuite analysé les retours d'enquête de cent groupements de producteurs d'IG, dont 44 de France et 34 d'Italie. Ce travail a permis d'identifier les bonnes pratiques, les problèmes, les avantages et inconvénients liés à l'utilisation d'un ingrédient issu d'une IG dans un produit transformé. L'enquête a mis en évidence, chez les groupements de producteurs, l'existence i) de lignes directrices qui prévoient l’utilisation de l’IG (31 % des cas), ii) de procédures d'autorisation (35 %) et iii) de contrôles (33 %). 22 % des répondants ont déclaré avoir déjà rencontré un problème avec une utilisation illicite de leur IG dans un produit transformé (ex. : utilisation et mention incorrectes du nom de l'indication). Enfin, pour 69 %, l'utilisation de leur IG dans un produit transformé présente des avantages (promotion des IG, diversification des débouchés, valorisation des produits transformés par la différenciation et par une meilleure traçabilité), tandis que seuls 3 % considèrent qu'il n'y a pas d'avantage voire qu'il y aurait un risque (ex. dommages à la réputation si le produit final n'est pas de bonne qualité, confusion entre le produit transformé et le produit sous IG). À l'occasion de cette enquête, les groupements de producteurs français ont signalé le manque de réglementation, qui empêche de mettre en place des contrôles et une surveillance efficaces.

Sur ces bases, les auteurs recommandent d'adopter une réglementation contraignante au niveau européen (exigence de haute qualité du produit final, mise en place d'un système de contrôle), et d'habiliter les groupements de producteurs d'IG à encadrer les conditions dans lesquelles leur indication peut être utilisée et mentionnée sur l'étiquette du produit transformé final.

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Association des régions européennes des produits d'origine

06/07/2021

Les Rencontres de l’Alimentation - Nouvelle-Aquitaine : qualité et origine

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Le 20 mai dernier se sont déroulées Les Rencontres de l’Alimentation - Nouvelle-Aquitaine sur le thème de la qualité et de l’origine. En présence de la directrice de l’Institut national de l'origine et de la qualité, Marie Guittard, cette conférence d’une heure visait à présenter les Signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) tels que l’Appellation d'origine protégée (AOP), l’Indication géographique protégée, le Label rouge et l’Agriculture biologique. La forte augmentation de l’offre et de la demande pour cette dernière a notamment été évoquée. Karine Latouche, directrice de recherche à INRAE, a présenté la recherche COMPANI (2019), qui analyse l’AOP en tant que facteur de compétitivité à l’export des entreprises dans l’industrie du fromage et du beurre français. Un résultat de cette recherche est que les fromages et les beurres AOP sont vendus, à l'exportation, 11,5 % plus cher que des produits sans certification. La création d’un observatoire économique des produits sous SIQO, qui sera un outil d’aide à la décision et de pilotage pour les décideurs, a également été évoquée.

Source : Les Rencontres de l’Alimentation - Nouvelle-Aquitaine

07/06/2021

Protection juridique des indications géographiques de l’Union européenne dans les accords commerciaux

Un article publié en mai par l’American Journal of Agricultural Economics montre que la protection accrue d’une liste sélectionnée de fromages sous indication géographique (IG), dans les accords de libre-échange (ALE), n’entraîne pas une augmentation significative des exportations de ces produits par rapport aux effets déjà dus à la certification IG et à l’ALE en tant que telle. Cependant, la protection juridique semble fonctionner pour les produits dont la qualité est déjà perçue comme plus élevée dans les pays d’importation, avant l’ALE.

Énumération des indications géographiques dans les accords de libre-échange

SIQO.jpg

Source : American Journal of Agricultural Economics

Lecture : pour chaque ALE, le tableau indique le type, l'année d'achèvement des négociations, celle de l’entrée en vigueur provisoire de l'ALE et le nombre d'IG alimentaires de l'UE protégées par l’ALE. FTA : Free trade agreement ; AA : Association agreement ; DCFTA : Deep and comprehensive free trade agreement ; EPA : Economic partnership agreement ; CETA : Comprehensive and economic trade agreement.

Les résultats de cet article semblent aller à l’encontre des attentes de l’Union européenne quant à l’effet supplémentaire de la protection juridique des ALE sur la promotion des exportations de produits sous IG. Les auteurs proposent que l’Union limite les produits pour lesquels elle cherche à obtenir cette protection, pour se recentrer sur la promotion des IG sur les marchés où elles sont encore méconnues et moins imitées.

Source : American Journal of Agricultural Economics