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14/05/2021

La séquestration de carbone par les exploitations agricoles en France : des opportunités économiques spatialement différenciées

Des chercheurs d'Inrae ont publié dans Agricultural Economics les résultats d'une analyse, spatialement différenciée, des potentiels de séquestration et des coûts de mise en œuvre, par les exploitations agricoles françaises, de trois mesures dédiées : le non-labour, l'allongement de la durée de vie des prairies temporaires et la plantation de haies. Ils s'appuient pour cela sur un modèle d'optimisation de la marge brute des exploitations couvrant 22 régions françaises (selon les périmètres d'avant la fusion de 2015) et 157 groupes représentatifs de structures agricoles.

La comparaison de ces potentiels et de ces coûts permet de dégager plusieurs conclusions. Tout d'abord, bien que la mesure relative à l'extension des prairies temporaires se fasse à coût négatif, elle posséderait un faible potentiel de séquestration à l'échelle nationale (1,2 MtCO2eq). Les haies, qui sont les plus onéreuses à déployer (75 euros par tonne de CO2eq séquestrée), représenteraient le potentiel de séquestration le plus important (14,5 MtCO2eq), devant le non-labour (56 €/t, pour un potentiel de 6,8 MtCO2eq). Les auteurs soulignent cependant l'hétérogénéité spatiale de ces conclusions : les haies seraient par exemple moins chères à mettre en œuvre que le non-labour dans certaines régions (Limousin, Corse, Basse-Normandie, Franche-Comté, Auvergne, Rhône-Alpes). Selon eux, cette hétérogénéité devrait encourager les politiques publiques à privilégier des incitations économiques plutôt que des réglementations contraignantes.

L'analyse détaillée de différents types d'incitations (subventions de 50 €/tCO2eq et de 100 €/tCO2eq), mais aussi de réglementations imposant ces trois mesures de séquestration, montre que ces dernières auraient des effets plus étendus. Les réglementations entraîneraient, par exemple, la réallocation des activités de l’exploitation vers la production animale, et elles feraient augmenter les émissions de GES qui en résultent (figure).

Ce type de recherche pourrait nourrir le débat concomitant à la publication (27 avril) du rapport de la Commission européenne sur l'agriculture carbonée, possible contribution à l'atténuation du changement climatique et à la rémunération des agriculteurs.

Évolution des émissions de GES d'origines végétale et animale par rapport au scénario de référence

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Source : Agricultural Economics

Lecture : en haut, émissions d'origine végétale ; en bas, émissions d'origine animale ; de gauche à droite, non-labour, extension des prairies temporaires, haies. La diminution des émissions de GES est représentée selon le gradient coloré du bleu foncé au bleu clair (en tCO2eq) : -2 864 686 à -2 578 217, -2 578 217 à -2 291 749, -2 291 749 à -2 005 280, -2 005 280 à -1 718 812, -1 718 812 à -1 432 343, -1 432 343 à -1 145 874, -1 145 874 à -859 406, -859 406 à -572 937, -572 937 à -286 469, -286 469 à 0. Le gradient du rouge clair au rouge foncé représente une augmentation des émissions : 0 à 50 000, 50 000 à 100 000.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Economics

Risque de pollution aux pesticides, biodiversité et ressources en eau au niveau mondial

Si les produits phytosanitaires contribuent à la sécurité alimentaire, leur utilisation engendre des pollutions impactant l'eau, la biodiversité et la santé humaine. À ce jour, pourtant, aucune quantification géographique globale de l'utilisation de substances actives et du risque de pollution associé n'avait été réalisée.

Dans un article publié en mars dans la revue Nature Geoscience, des chercheurs de l'université de Sydney présentent des cartes détaillées de ce risque. Ils identifient les zones les plus vulnérables en matière de qualité de l'eau et de protection de la biodiversité. Pour quantifier le risque de pollution, les auteurs utilisent un modèle nourri par des données environnementales géoréférencées et d’autres sur les applications de substances actives et sur leurs propriétés physico-chimiques. Ils estiment alors un score de risque et classent chaque cellule de la carte selon trois catégories : risque négligeable, moyen et élevé. Les cartes obtenues ont une résolution spatiale de 5 arcmin, ce qui correspond à des cellules d'environ 10 km x 10 km au niveau de l'équateur.

Selon les auteurs, 75 % des terres agricoles mondiales (29 millions de km²) sont exposés à un risque de pollution aux pesticides (carte ci-dessous). 31 % (12 millions de km²) se situent dans la catégorie de risque élevé ; parmi celles-ci figurent 62 % des terres agricoles européennes et 70 % des terres agricoles françaises (voir le matériau supplémentaire disponible en ligne). Au niveau mondial, 64 % des surfaces agricoles seraient exposés à un risque de pollution par plusieurs substances actives (c’est le cas de 94 % des surfaces en Europe).

Risque de pollution aux pesticides

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Source : Nature Geoscience

Lecture : RS : score de risque. Les diagrammes en secteurs représentent la part des terres agricoles classée dans chaque niveau de risque dans la région. Les valeurs entre parenthèses donnent la surface agricole totale de chacune de ces régions.

Pour prendre en compte la diversité des impacts de l'utilisation des pesticides, les auteurs ont identifié les zones connaissant à la fois pollution aux produits phytosanitaires, rareté de l'eau et forte biodiversité (carte ci-dessous). Ils estiment que 34 % des terres agricoles menacées par un risque élevé de pollution aux pesticides se situent dans des régions à forte biodiversité, et 5 % dans des régions où l'eau peut être rare. Cinq bassins versants en Afrique du Sud, Chine, Inde, Australie et Argentine sont particulièrement concernés et devraient faire l'objet d'une attention particulière, selon les auteurs.

Régions connaissant à la fois un risque de pollution aux pesticides, une rareté de l'eau et une forte biodiversité

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Source : Nature Geoscience

Lecture : les régions pour lesquelles le niveau de préoccupation est égal à 1 présentent un risque de pollution aux pesticides élevé ; l'eau y est rare et elles abritent une forte biodiversité. Elles sont représentées par les cercles rouges, le pays, le bassin et la surface impactés étant par ailleurs mentionnés.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Geoscience

Émissions de CO2 de l'Union européenne et importations de produits engendrant de la déforestation

Dans le prolongement de son rapport de 2018 (voir à ce sujet un précédent billet), le WWF propose une nouvelle publication sur la déforestation engendrée par la consommation de certains produits agricoles (ex. soja). L'analyse a été menée par le Stockholm Environment Institute, à partir des données commerciales de la plate-forme TRASE et des travaux sur la déforestation de Pendrill et al. De ce fait, la méthode est différente de celle de 2018 : elle ne se base plus sur le calcul d'un indicateur composite i) de risque de déforestation, ii) de respect des droits humains et iii) de corruption, mais sur l'attribution d'hectares déforestés aux différentes productions agricoles selon l'évolution de leur surface. La « déforestation » est entendue ici comme la perte de « couvert arboré », et non pas seulement de « forêts » au sens de la Food and Agriculture Organization (FAO). Par ailleurs, les auteurs considèrent que les causes non agricoles (ex. urbanisation) sont négligeables.

L'UE apparaît comme le premier acteur responsable de la déforestation associée aux denrées agricoles entrant dans le commerce international entre 2005 et 2013, avant de passer en deuxième position derrière la Chine. En 2017, 16 % lui sont attribués, contre 24 % pour la Chine, 9 % pour l'Inde et 7 % pour les États-Unis. 42 % de la déforestation importée en UE sont dus à l'huile de palme, 17 % au soja, 9 % aux produits dérivés du bois, 8 % au cacao et 5 % à la viande de bœuf. Les pays qui réalisent la majeure partie de cette déforestation sont l'Indonésie (39 %) et le Brésil (25 %). Pour ce dernier, la région du Cerrado est plus particulièrement concernée par le soja et la viande bovine.

Les auteurs étudient les certifications environnementales volontaires, considérées comme un levier de lutte contre la déforestation. Ils montrent qu'elles représentent une part limitée du marché et qu'elles ne garantissent pas toujours l'absence de déforestation, tout au long de la chaîne d'approvisionnement.

Enfin, le WWF propose 8 axes de recommandations. À titre d'exemple, les produits entrant sur le marché de l'UE devraient respecter les critères environnementaux de production au sein de l'Union, et des obligations de traçabilité et de transparence devraient être introduites dans la législation européenne.

Comparaison de la déforestation causée par l'importation en UE de soja du Cerrado (ha/1000 t), en 2016, par des entreprises ayant un engagement zéro déforestation (vert) ou non (marron)

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Source : WWF

Lecture : l'impact de la certification sur la déforestation relative (ha/1 000 tonnes) est faible en moyenne.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : WWF

13/05/2021

Système alimentaire mondial à l'horizon 2045 : prospective de l'IPES-Food

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Après une série de travaux comprenant analyses thématiques, études de cas et recommandations politiques, le think tank IPES-Food publie avec ETC Group sa première prospective du système alimentaire mondial à l'horizon 2045. Ses auteurs se sont appuyés sur un groupe consultatif de 21 membres (société civile, institutions multilatérales, scientifiques, etc.). On y découvre deux scénarios contrastés, ou plutôt deux visions du monde irréconciliables, qui placent le lecteur à la croisée des chemins pour l'inciter à agir. Le scénario tendanciel y joue le rôle d'une « dystopie-repoussoir », à la façon d'un « scénario de l'inacceptable » en version agroalimentaire : face à l'aggravation des crises économiques, climatiques et environnementales, et à l'instabilité sociale chronique, les entreprises de la Big Tech prennent le pouvoir sur les chaînes de valeur agroalimentaires et en deviennent les acteurs ultra-dominants. Cette « Agro Big Tech » d'un nouveau genre propose aux décideurs politiques aux abois des solutions clefs en main fondées sur le « solutionnisme technologique » : géo-ingénierie climatique, agriculture automatique pilotée par l'intelligence artificielle, etc. Les agriculteurs deviennent de « simples cultivateurs » exécutants, tandis que les consommateurs, noyés sous une « infobésité » généralisée, voient leurs comportements dictés par les algorithmes.

Face à ce péril dystopique, la société civile constitue, pour les auteurs, la seule force capable de bâtir un autre avenir. Elle lutte sur tous les fronts contre le pouvoir dominant de l'Agro Big Tech, selon des voies et des opportunités promues et explicitées dans le rapport à la façon d'un programme d'action. Dans ce deuxième scénario, l'agro-écologie démontre petit à petit sa supériorité technique sur les solutions hyper-technologiques, grâce à sa plus grande résilience et son adaptabilité aux conditions locales. La société civile s'organise plus efficacement, en multipliant les organes de délibération, en faisant pression sur les organisations internationales, en utilisant les technologies numériques de façon ouverte, transparente, en s'engageant dans la réflexion prospective, etc.

Se situant entre prospective et programme d'action collective, le rapport de l'IPES-Food place résolument la question des rapports de force au premier plan de l'analyse. Par le fort contraste des scénarios, il met aussi l'accent sur les risques en germes dans certaines tendances actuelles, si celles-ci étaient poussées à l'extrême.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : IPES-Food

Podcasts d'anticipation dédiés au rapport Humain-Animal

L'Anses, en collaboration avec The Conversation, diffuse « Zootopiques », une série de cinq podcasts d'une trentaine de minutes sur les relations entre les humains et les animaux. Chaque épisode, qui nous transporte en 2031, débute par des brèves radiophoniques relatives à l'actualité de cette année-là, puis se poursuit avec des interviews de scientifiques bien actuels réagissant à ces informations. Il s'agit donc d'une manière originale de valoriser des travaux de recherche.

Deux épisodes sont consacrés à la santé. Dans « Les hommes malades des animaux », un nouveau virus SARS-COV 5 provoque, en 2031, une zoonose au Brésil ; un réservoir est le singe-écureuil, dont l'éradication est décidée par les autorités pour arrêter l'épidémie. Toujours au Brésil et en 2031, les humains sont de plus en plus victimes d'attaque de jaguars dans une nouvelle ville construite en Amazonie. Ces deux futurs imaginés soulignent que la grande majorité des épidémies émergentes est d'origine animale. Le triptyque homme-animal domestique-animal sauvage est l'espace au sein duquel se transmettent les agents pathogènes : il est donc important de détecter tout épisode émergent dans les populations humaines et d'animaux domestiques, mais aussi dans la faune sauvage en traquant des mortalités anormales, comme le fait en France le réseau SAGIR. La transmission à partir de la faune sauvage est facilitée par les atteintes à l'environnement, comme les déboisements pour la construction de villes nouvelles, mentionnés dans l'épisode. Les chercheurs rappellent ici l'importance d'une bonne santé globale (One Health) incluant santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes.

L’autre épisode (« Alerte sur les tiques et tout ce qui pique ! ») traite des vecteurs insectes et arthropodes. En écho au récit fictif d'une invasion de mouches tsé-tsé transmettant la maladie du sommeil en Espagne, en 2031, les chercheurs rappellent que les vecteurs s'adaptent en Europe à la suite du changement climatique et que la mondialisation des transports permet leur dissémination planétaire.

Les trois autres épisodes s'intéressent à la perte de biodiversité due à la disparition des abeilles, au développement des régimes non carnivores et au regard que l'humain porte sur l'animal.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Anses

Les futurs londoniens proposés par Chatham House

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À l'occasion de son 100e anniversaire, le think tank britannique Chatham House propose d'explorer les futurs lointains des centre-villes et, ainsi, de stimuler les débats sur ce sujet. Développé par l'agence Platform Group et la School of International Futures, le modèle digital en 3-D Futurescape London permet de parcourir le siècle à venir, avec quatre arrêts à Piccadilly Circus en 2035, 2060, 2090 et 2121. L'agriculture urbaine, l'alimentation et la nature occupent une place importante dans ces projections, dont nous retiendrons quelques traits.

En 2035, Piccadilly Circus est l'épicentre de l'innovation alimentaire : l'offre diversifiée et renouvelée de nombreux stands répond aux limites du système des livraisons, « expérience stérile et impersonnelle ». La place accrue de la nature et des espaces ouverts contribue à une amélioration du bien-être et de la santé physique. Des colonnes de biodiversité (70 m de haut), des jardins sur les toits et des façades végétalisées constituent des réseaux de micro-corridors verts, favorisant la biodiversité (végétaux, insectes) et absorbant le CO2. La semaine de travail normale est de quatre jours, et une crypto-monnaie dédiée au care (crypto-care pound) a été créée.

En 2060, un nouveau réseau de canaux, axes privilégiés de transport et de communication, répond à la montée des eaux et aux inondations plus fréquentes. L'alimentation est produite localement, les « nouvelles » formes de protéines sont devenues courantes. Piccadilly est un lieu d'expérimentation alimentaire et l'Insect Food Hall la dernière attraction touristique à la mode.

En 2090, de nombreux systèmes d'aquaponie et d'aéroponie fournissent des produits frais, abordables et sains, ce qui a permis d'éradiquer la pauvreté alimentaire de la ville. Un dispositif de réfraction de la lumière du soleil, vers des milliers de panneaux solaires, approvisionne en continu des micro-fermes et des colonnes de biodiversité, ce qui prolonge la période de production végétale et climatise la ville. L'Earthism, nouvelle religion, se développant depuis l'apogée de la crise climatique, en 2040, prône la connexion avec toutes les formes de nature ; Piccadilly devient un site de pèlerinage.

Enfin, en 2121, la Lune est devenue une destination touristique populaire, ainsi qu'un centre industriel important (développement de l'extraction minière depuis 2030). L'intelligence artificielle est au cœur de la vie sociale : vêtements (London AI Jacket), spectacles, culture (Piccadily Poligon), etc.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Chatham House

12/05/2021

Marine de Francqueville, Celle qui nous colle aux bottes, 2021, Éditions Rue de l’échiquier, 200 pages

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Dans cette bande-dessinée, Marine de Francqueville, étudiante à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, rejoint la ferme familiale qu’elle a choisi comme support de son projet de fin d’étude. En montant dans la voiture de Monsieur de Francqueville, le père de l'auteure, le lecteur suit la conversation qu'il entame avec sa fille au sujet de l’exode rural, de l’étalement urbain, de la baisse de la population active agricole et de l’agrandissement des exploitations. En écho aux travaux d’A. Blondel et de L. Sully-Jaulmes, le passager observe la recomposition des paysages de banlieue. Arrivé à la ferme, il découvre le parcours personnel de Monsieur de Francqueville et la trajectoire de son exploitation, avant un « tour de plaine » qui lui enseignera ou lui rappellera le rôle agronomique des rotations, de la fumure, de l’entretien des sols. Puis il apprendra la fonction et l'impact des remembrements, tandis qu'un problème mécanique sera l’occasion d’aborder certaines des difficultés auxquelles l’agriculture est confrontée : conditions climatiques, volatilité des prix.

Au cours de cette aventure qui va la mener jusqu’en Angleterre, Marine de Francqueville, en jeune urbaine sensibilisée à l’écologie, s’interroge sur ce qui empêche son père, et d’autres agriculteurs, d’adopter des modèles plus vertueux à ses yeux. Elle questionne sa dépendance aux fournisseurs d’intrants, évoque l’incompréhension qu’elle observe parfois entre agriculteurs conventionnels et citoyens. À son retour de voyage, la tournée des fermes voisines réalisée avec son père la conduit à interroger les pratiques de ce dernier, et celles des professionnels rencontrés : agriculture biologique, agriculture de conservation, agroforesterie. L’accès à l’alimentation et la transmission des exploitations sont également évoqués, dans cette confrontation entre père et fille, qui lie les grandes controverses actuelles à l’histoire familiale et aux convictions personnelles. L’ouvrage, très documenté, s’appuie sur des données statistiques et de nombreuses publications.

Amandine Hourt, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Rue de l’échiquier

L'assurance revenu : un filet de sécurité coût-efficace pour l'agriculture européenne ?

Comment offrir un filet de sécurité coût-efficace pour le revenu des agriculteurs européens, dans un contexte d'augmentation de la fréquence et de l'intensité des risques climatiques ? Un document de travail du Geary Institute for Public Policy du University College Dublin analyse trois solutions inspirées de la politique de gestion des risques des États-Unis : assurance revenu, assurance chiffre d'affaires et assurance prix minimum. Les auteurs simulent la mise en œuvre de ces instruments dans les pays de l'Union européenne, sur 50 années climatiques (1961-2011), à l'aide d'une version adaptée du modèle GTAP. Il en ressort une hiérarchie assez claire : l'assurance revenu couvre les chocs climatiques plus efficacement et à moindre coût que les deux autres dispositifs (tableau ci-dessous). Néanmoins, elle souffrirait de coûts de mise en œuvre plus élevés, qui restent à intégrer dans l'analyse. Cet article pose en tout cas des bases quantitatives intéressantes sur l'efficacité comparée d'instruments de mutualisation des risques agricoles fondés sur une logique de solidarité européenne.

Pourcentage simulé du budget de la PAC dépensé pour le filet de sécurité et trois mesures de risque, en moyenne, sur l'ensemble des années

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Source : UCD Geary Institute for Public Policy

Lecture : CAP : Politique agricole commune ; BPS : Basic Payment Scheme ; IST : Income Stabilisation Tool ; ARC : Agricultural Risk Coverage programme ; PLC : Price Loss Coverage programme.

Source : UCD Geary Institute for Public Policy

16:13 Publié dans Agriculteurs, Environnement, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : agriculteurs, gestion des risques, revenu, europe |  Imprimer | | | | |  Facebook

Les espèces de poissons les plus étudiées ne sont pas celles les plus en danger

Un article de Scientific Reports analyse la littérature scientifique, entre 1964 et 2018, sur 460 espèces de poissons en danger critique d'extinction (liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature), 297 espèces pêchées (International Game Fish Association) et 35 espèces communes aux deux listes. Grâce aux InCites Journal Citation Reports (outil proposé par Clarivate Analytics), les auteurs ont identifié 31 980 publications dont les titres font référence à l'une de ces espèces. 87 % des articles concernent les espèces visées par la pêche, 3 % celles en danger critique et 10 % celles qui sont à la fois pêchées et en danger. Pour les auteurs, ce résultat montre une inadéquation entre les besoins de connaissances, nécessaires à la préservation des espèces, et l'effort de recherche réel. Ils proposent que le World Council of Fisheries Societies joue un rôle de coordinateur entre scientifiques et organisations de protection de la nature, pour inciter au financement des études sur les espèces menacées. Créer une revue scientifique spécifique pourrait également favoriser la documentation de ces espèces.

Nombre d'articles publiés en fonction des années et selon la catégorie étudiée (bleu : pêchée ; rouge : en danger critique ; vert : en danger et visée par la pêche)

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Source : Scientific Reports

Source : Scientific Reports

11/05/2021

Les conséquences à long terme des programmes d'afforestation à grande échelle

Dans un article se penchant sur les conséquences à long terme de deux projets d'afforestation d'envergure, menés dans le nord-est de la Chine, des chercheurs chinois, australiens et nord-américains révèlent la complexité de la gestion durable des terres dans les programmes de restauration écologique de grande échelle. Mis en œuvre dans le but de lutter contre les tempêtes de sable et l'érosion des sols, ces projets ont entraîné une réduction des eaux de surface et une moindre teneur en eau des sols en aval (voir figure). Cette dernière est visible seulement deux décennies après leur lancement, lorsque les forêts artificielles arrivent à un stade de maturité suffisamment avancé. Les auteurs recommandent la sélection d'espèces et la planification des programmes d'afforestation prenant en considération les conditions hydrographiques et climatiques locales.

Évolution des aires forestières et des ressources en eau des sols

Afforestation-bis.jpg

Source : Science Advances

Source : Science Advances

10/05/2021

Les paiements des mesures agro-environnementales : stables, croissants ou décroissants dans le temps ?

Les mesures agro-environnementales (MAE) offrent aux agriculteurs des paiements annuels, dont les montants sont stables sur une période déterminée (ex. 100 €/an/ha pendant 5 ans). Dans le même temps, elles sont un fort levier de transition agro-écologique des exploitations. Dans ce cadre, des séquences de paiements croissants ou décroissants pourraient s'avérer plus efficaces, pour accompagner le changement de pratiques, et être préférées par les exploitants.

Des chercheurs et chercheuses d'Inrae ont donc conduit une expérience (voir figure) pour tester différentes séquences de paiements. 123 agriculteurs de Charente-Maritime y ont participé, chacun devant choisir entre plusieurs MAE ciblant la couverture des sols, les diverses options étant présentées sur des cartes de choix. Les résultats, publiés dans le numéro de mai de la revue Ecological Economics, montrent que les agriculteurs sont satisfaits des paiements stables dans le temps, et que certains exploitants (les plus patients et les moins averses au risque) semblent défavorables aux paiements décroissants. Ces résultats suggèrent qu'il n'y aurait donc pas lieu d'introduire une progressivité ou une dégressivité des aides des MAE pendant la durée d'engagement de l'agriculteur.

Exemple de carte de choix

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Source : Ecological Economics

Lecture : l'agriculteur doit choisir entre le contrat A, le contrat B et le statu quo. Par exemple, dans le cas du contrat A, la technique de semis du couvert est imposée, le couvert doit être mis en place pour 3 mois, le paiement annuel moyen est de 160 €/ha et le paiement est décroissant de la première à la cinquième année.

Source : Ecological Economics

Développement de partenariats public-privé pour la préservation des écosystèmes

Au 1er trimestre 2021, la revue Secteur privé & développement (publiée par Proparco) a réuni une quinzaine d’articles sous le titre « Préserver la biodiversité, le secteur privé en action ». A. Thiongo, de l’organisation Conservation International, décrit dans l’un d’eux une initiative menée en Afrique du Sud qui vise à améliorer la qualité des pâturages à usage collectif. Une organisation à but non lucratif y organise des ventes aux enchères permettant un contact direct entre acheteurs et éleveurs, afin que ceux-ci puissent bénéficier d’un meilleur prix pour leurs produits. Concomitamment, ils s’engagent, dans le cadre d'un accord de préservation de l'environnement, à déployer des mesures de protection des pâturages, favorisant ainsi la productivité de leur troupeau et la qualité des produits. Un autre projet visant à développer, au Ghana, des chaînes de valeur plus favorables à la biodiversité, et basé sur les principes du commerce équitable, est également présenté dans l’article. Enfin, les cadres des partenariats public-privé développés par Conservation International y sont exposés.

Source : Secteur privé & développement

20/04/2021

Un rapport sur le commerce en ligne et le développement durable

Le Conseil général de l'environnement et du développement durable, France Stratégie et l'Inspection générale des finances ont publié en février un rapport visant à orienter le commerce en ligne vers une durabilité accrue. En effet, la logistique du e-commerce a des conséquences environnementales et sociales que les auteurs analysent et recommandent d'atténuer grâce à une série de propositions.

La première partie fait un bilan du développement du e-commerce et de ses conséquences pour le commerce en général. Ce canal de commercialisation est en très forte hausse, passant de 31 à 112 milliards d'euros de chiffre d'affaires entre 2010 et 2020, soit une croissance moyenne annuelle de 14 % contre seulement 1,4 % pour le commerce en magasin sur la même période. Les acheteurs s'en disent satisfaits à 94 %. Par ailleurs, le commerce alimentaire est beaucoup moins concerné que celui d'autres secteurs : la vente en ligne représente 4,4 % des transactions en 2019, avec cependant un doublement en 5 ans.

Évolution de la part de marché des produits alimentaires (en %) par forme de vente sur la période 2014-2019

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Source : Insee

La deuxième partie du rapport détaille les conséquences environnementales et sociales du e-commerce. La logistique reste très pénalisante, avec des transports encore peu décarbonés et des entrepôts pouvant, dans une moindre mesure, participer à l'artificialisation des terres. Ces entrepôts représentent en moyenne moins de 1 % des 23 000 ha de surfaces artificialisés annuellement sur la période 2006-2016. Par ailleurs, les emplois créés par le e-commerce s'exercent souvent dans des conditions difficiles, en entrepôt ou dans le transport du dernier kilomètre,avec des risques sur leur pérennité du fait de l'automatisation et de la robotisation. Cependant, dans le secteur alimentaire (figure ci-dessous), les magasins spécialisés et petites surfaces ont connu des hausses d'emploi sur la période 2010-2018 (respectivement + 18 et + 47 %), contrairement aux grandes surfaces (emploi stable) et aux magasins non alimentaires non spécialisés (- 2 à -13 % selon le secteur). Dans le cas des grandes surfaces, précisons que, après une hausse de 2010 à 2012, l'emploi a ensuite diminué de 5 % entre 2012 et 2018.

Évolution du nombre d’entreprises et de salariés entre 2010 et 2018

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Source : CGEDD - France Stratégie - IGF (données FARE – extraits CEP)

Lecture : le commerce « hors magasin » inclut les activités alimentaires et non alimentaires.

La dernière partie présente une stratégie globale, à destination des pouvoirs publics, avec 15 propositions à mettre en œuvre aux niveaux européen, national et local. L'intégration de la logistique dans les Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), ainsi que la création de « conférences annuelles régionales de la logistique », sont ainsi préconisées.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : CGEDD

Premier rapport mondial sur le gaspillage alimentaire par le programme des Nations unies pour l'environnement

En tant qu'agence des Nations unies, visant la réduction par deux du gaspillage alimentaire aux niveaux de la distribution, des services alimentaires et des ménages (Objectif de développement durable 12, cible 3), le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) publie son premier rapport mondial sur le sujet.

Ce document s'appuie sur de nombreuses données provenant d'une variété de sources, en majorité des études scientifiques ad hoc, 7 pays seulement collectant des statistiques nationales compatibles avec l'indice du gaspillage alimentaire. Ces données sont intégrées dans une modélisation qui permet d'estimer le gaspillage au niveau mondial, par pays, par région et par secteur. Les estimations portant sur les ménages sont les plus robustes, avec des données issues de près de 100 études, réparties dans une variété de pays représentant 75 % de la population mondiale. Les données sur le gaspillage dans les services et la distribution sont au contraire relativement difficiles à trouver hors des pays à hauts revenus.

Selon les auteurs, 17,5 % de la production alimentaire mondiale sont gaspillés – 931 millions de tonnes, soit deux fois plus que les estimations précédentes de la FAO (2011). 10,7 % le sont par les ménages, 4,6 % au niveau des services alimentaires et 2,2 % à celui de la distribution. Le gaspillage des ménages français (85 kg par personne et par an) se situerait à un niveau intermédiaire pour l'Europe (34 kg en Slovénie, 142 en Grèce), mais plus élevé que la moyenne mondiale (74 kg).

Estimations du gaspillage alimentaire des ménages en Europe, sources utilisées et niveaux de confiance

gaspillage,consommation,politiques publiques

Source : PNUE

L'autre résultat clé du rapport est que le gaspillage alimentaire, contrairement à une idée reçue, est similaire d'un groupe de revenus à un autre. Est donc remise en cause l'idée selon laquelle il serait l'apanage des « pays développés », tandis que les « pays en développement » souffriraient essentiellement de pertes aux stades de la production, du stockage et du transport.

Enfin, le rapport propose une méthodologie pour les pays désireux d'effectuer un suivi du gaspillage. En avril, le PNUE devrait lancer des groupes de travail sur le sujet, en Afrique, en Asie-Pacifique, en Amérique latine et en Asie de l'Ouest, afin de faciliter l'établissement de données et la mise en œuvre de stratégies de réduction.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Programme des Nations unies pour l'environnement

19/04/2021

Chaînes de valeur des oléoprotéagineux en agriculture biologique en France et en Europe

Deux articles parus dans la revue Oilseeds and fats, Crops and Lipids (OCL) s'intéressent aux chaînes de valeur des oléoprotéagineux en agriculture biologique (AB), en France et en Europe. Le premier (Canale et al.) présente les résultats d'un diagnostic des principales filières, conduit en 2016-2017 par Terres Univia, fondé sur des données statistiques et sur une enquête auprès de 37 opérateurs (collecteurs, triturateurs, fabricants d'aliments du bétail), dans plusieurs régions françaises. Le second (Smadja, Muel) expose les résultats d'une analyse multicritères dressant une typologie des chaînes de valeur oléoprotéagineuses en Europe, dans le cadre du projet de recherche H2020 LegValue.

La consommation de produits issus de l'AB connaît une croissance importante depuis plusieurs années en France et en Europe, tirant à la hausse les volumes produits. Entre 2013 et 2018, les surfaces françaises cultivées en AB ont été multipliées par trois pour les oléagineux (soja et tournesol surtout, mais aussi colza et lin), par deux pour les protéagineux (pois, féverole, lupin) et par quatre pour les légumes secs (lentilles, pois chiches).

Évolution des surfaces en oléoprotéagineux en agriculture biologique en France, 2002-2018 : soja, tournesol, colza et lin en haut ; féverole, pois, lupin, lentille et pois chiche en bas

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Source : Oilseeds and fats, Crops and Lipids

Outre la consommation humaine d'huiles et de légumes secs, cette croissance répond à la demande de tourteaux pour les filières animales en AB, en particulier la volaille. Les prix payés aux producteurs sont plus élevés que pour l'agriculture conventionnelle (ex : 370 €/t en AB contre 180 €/t pour le pois). Cependant, la production française ne suffit pas à satisfaire la demande des transformateurs, qui importent des pays européens « un tiers de graines de tournesol et les trois quarts des graines de colza » pour la trituration. Des défis logistiques se posent : dispersion géographique des producteurs augmentant le coût de transport, utilisation de mélanges d'espèces nécessitant des équipements adaptés pour la collecte, variabilité nutritionnelle des tourteaux issus de pression à froid, etc. Ces défis nécessitent selon Canale des efforts de structuration des filières, pour lesquels l'article de Smadja et Muel fournit des clefs, en identifiant des grandes familles de chaînes de valeur à travers leurs caractéristiques (récentes ou non, initiées par l'amont ou par l'aval, pratiques contractuelles, cf. figure ci-dessous) et en conduisant une réflexion sur les conditions de leur succès.

Caractéristiques des chaînes de valeur oléoprotéagineuses en agriculture biologique en Europe selon les axes issus de l'analyse en correspondance multiple

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Source : Oilseeds and fats, Crops and Lipids

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Oilseeds and fats Crops and Lipids, Oilseeds and fats Crops and Lipids