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14/05/2021

La séquestration de carbone par les exploitations agricoles en France : des opportunités économiques spatialement différenciées

Des chercheurs d'Inrae ont publié dans Agricultural Economics les résultats d'une analyse, spatialement différenciée, des potentiels de séquestration et des coûts de mise en œuvre, par les exploitations agricoles françaises, de trois mesures dédiées : le non-labour, l'allongement de la durée de vie des prairies temporaires et la plantation de haies. Ils s'appuient pour cela sur un modèle d'optimisation de la marge brute des exploitations couvrant 22 régions françaises (selon les périmètres d'avant la fusion de 2015) et 157 groupes représentatifs de structures agricoles.

La comparaison de ces potentiels et de ces coûts permet de dégager plusieurs conclusions. Tout d'abord, bien que la mesure relative à l'extension des prairies temporaires se fasse à coût négatif, elle posséderait un faible potentiel de séquestration à l'échelle nationale (1,2 MtCO2eq). Les haies, qui sont les plus onéreuses à déployer (75 euros par tonne de CO2eq séquestrée), représenteraient le potentiel de séquestration le plus important (14,5 MtCO2eq), devant le non-labour (56 €/t, pour un potentiel de 6,8 MtCO2eq). Les auteurs soulignent cependant l'hétérogénéité spatiale de ces conclusions : les haies seraient par exemple moins chères à mettre en œuvre que le non-labour dans certaines régions (Limousin, Corse, Basse-Normandie, Franche-Comté, Auvergne, Rhône-Alpes). Selon eux, cette hétérogénéité devrait encourager les politiques publiques à privilégier des incitations économiques plutôt que des réglementations contraignantes.

L'analyse détaillée de différents types d'incitations (subventions de 50 €/tCO2eq et de 100 €/tCO2eq), mais aussi de réglementations imposant ces trois mesures de séquestration, montre que ces dernières auraient des effets plus étendus. Les réglementations entraîneraient, par exemple, la réallocation des activités de l’exploitation vers la production animale, et elles feraient augmenter les émissions de GES qui en résultent (figure).

Ce type de recherche pourrait nourrir le débat concomitant à la publication (27 avril) du rapport de la Commission européenne sur l'agriculture carbonée, possible contribution à l'atténuation du changement climatique et à la rémunération des agriculteurs.

Évolution des émissions de GES d'origines végétale et animale par rapport au scénario de référence

GES.jpg

Source : Agricultural Economics

Lecture : en haut, émissions d'origine végétale ; en bas, émissions d'origine animale ; de gauche à droite, non-labour, extension des prairies temporaires, haies. La diminution des émissions de GES est représentée selon le gradient coloré du bleu foncé au bleu clair (en tCO2eq) : -2 864 686 à -2 578 217, -2 578 217 à -2 291 749, -2 291 749 à -2 005 280, -2 005 280 à -1 718 812, -1 718 812 à -1 432 343, -1 432 343 à -1 145 874, -1 145 874 à -859 406, -859 406 à -572 937, -572 937 à -286 469, -286 469 à 0. Le gradient du rouge clair au rouge foncé représente une augmentation des émissions : 0 à 50 000, 50 000 à 100 000.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Economics

15/01/2020

Prendre en compte la séquestration temporaire du carbone dans les matériaux bois des bâtiments

Alors que la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) prévoit une hausse de l'incorporation de bois dans la construction, l'effet lié au stockage prolongé de carbone dans les bâtiments a rarement été calculé. C'est l'objet d'une récente publication de la chaire Économie du climat (université Paris-Dauphine).

Le carbone des matériaux bois reste piégé dans le bâtiment durant toute sa durée de vie, retardant d'autant le rejet dans l'atmosphère et permettant une neutralité en matière de flux. L'effet de l'accumulation de carbone étant exponentiel, tout décalage dans le temps des émissions a un impact important en matière de réchauffement climatique. En intégrant ce phénomène dans les analyses de cycle de vie, sur une période de 100 ans, les auteurs montrent que les constructions en bois deviennent des puits de carbone nets. Ce résultat est toutefois sensible au devenir des matériaux en fin de vie, l'utilisation en cascade du bois (matériau puis bois-énergie) étant l'hypothèse la plus favorable. Par une autre approche, statique cette fois, le potentiel total de stockage du parc français de logements en 2050 est évalué à 11 % de l'impact total du secteur, pour une incorporation portée à 18 % de matériaux bois contre 6 % actuellement. Les auteurs concluent sur l'intérêt de chiffrer les gains apportés par le stockage intermédiaire du carbone dans les produits bois. Ils préconisent aussi d'intégrer leurs recyclage et utilisation en bois-énergie dans les calculs d'émissions de carbone des matériaux.

Source : chaire Économie du climat

14:52 Publié dans Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : matériaux, construction, bois, séquestration, carbone |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/12/2017

Les instruments de marché peuvent-ils promouvoir la séquestration de carbone dans les sols agricoles ?

L'agriculture représentait 9,9 % des émissions de gaz à effet de serre européennes en 2014. Or, les sols agricoles ont une capacité de séquestration du carbone importante. La diffusion de pratiques agricoles favorables à cette séquestration pourrait donc aider l'Union européenne à atteindre ses objectifs de réduction des émissions : c'est l'idée de l'initiative « 4 pour 1000 » lancée à la COP 21 en 2015. Dans cette optique, des chercheurs allemands ont réalisé une expérience avec des agriculteurs pour évaluer l'impact potentiel de différents instruments économiques visant à promouvoir de telles pratiques agricoles. Les résultats de cette évaluation ex ante ont été publiés en octobre dans la revue Ecological Economics.

152 agriculteurs allemands ont pris part à cette expérience en participant à un jeu simulant la réalité d'une exploitation agricole, et ont été rémunérés sur la base de leurs décisions. Dans ce jeu, ils disposaient chacun d'une ferme de 100 hectares sur laquelle ils devaient répartir trois cultures (blé d'hiver, colza d'hiver, maïs ensilage), chacune ayant des coûts, des prix et des rendements différents, pour 5 saisons culturales. De plus, pour chaque assolement, ils pouvaient choisir de mettre en place des pratiques favorables au stockage de carbone dans les sols, ce qui augmentait également la probabilité qu'ils aient des rendements élevés. Ensuite, plusieurs instruments économiques pour promouvoir ces pratiques étaient introduits, parmi lesquels une subvention (de type mesure agro-environnementale et climatique), de 30 €/ha, et un certificat (type crédit carbone), dont le prix variait de manière aléatoire entre 25 et 35 €/ha. Chaque agriculteur rejouait alors 5 autres saisons en présence d'un des instruments. Les résultats de l'analyse statistique montrent que les instruments proposés permettent d'augmenter l'adoption de ces pratiques. Les auteurs trouvent également, contrairement à ce qui était attendu, que les certificats, qui ne garantissent pas un prix fixe et connu à l'avance à l'agriculteur, sont plus efficaces que les subventions.

Cet article illustre bien le potentiel des expériences économiques pour l'évaluation ex ante des politiques agricoles. Toutefois, les résultats sont à prendre avec précaution, leur transférabilité au monde réel dépendant fortement de la conception de l'expérience et des paramètres choisis. Ici, par exemple, l'adoption de pratiques favorables à la séquestration de carbone dans les sols n'est pas coûteuse pour les agriculteurs.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Ecological Economics