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13/12/2021

Implication des agriculteurs dans des démarches « sans pesticides »

Lancé en 2018 par l'Association suisse de production intégrée (IP-Suisse), le programme « blé sans pesticides » permet aux agriculteurs adhérents de bénéficier de majorations de prix et de soutiens publics supplémentaires. Dans un article publié dans Food Policy, des chercheurs ont identifié les déterminants de l'engagement des céréaliculteurs dans ce programme. L'analyse repose sur un sondage auprès des 4 749 membres de l'association. Elle montre que les agriculteurs sont d'autant plus enclins à s'inscrire dans le programme qu'ils sont convaincus de son intérêt environnemental, et que la diminution de rendement qu'ils anticipent est limitée. En revanche, la structure de l'exploitation et le contexte pédo-climatique ne sont pas déterminants, ce qui laisse envisager une adoption large du programme. Pour cela, les auteurs recommandent notamment de communiquer sur les impacts environnementaux positifs d'une production agricole sans pesticides.

Source : Food Policy

19/10/2021

Ergonomie des matériels de pulvérisation et exposition aux pesticides en viticulture

Un article publié en septembre 2021, dans la revue Le travail humain, s'intéresse à l'ergonomie des matériels de pulvérisation utilisés en viticulture. Au-delà des précautions prises dans la phase de mise sur le marché des produits phytosanitaires, et des bonnes pratiques à respecter lors de la manipulation, de nombreux acteurs déplorent une prise en compte insuffisante des logiques qui, sur le terrain, concourent à exposer les travailleurs agricoles aux pesticides (voir à ce sujet un précédent billet). Selon les auteurs, le modèle de « prévention-écran » place entre les produits chimiques et leurs utilisateurs différentes « barrières » (normes, matériels, etc.), mais cet encadrement devrait être complété par une approche instrumentale, attentive aux « besoins réels » des agriculteurs susceptibles d’entraîner des situations d'exposition.

Centrée sur l'utilisation du pulvérisateur dans deux exploitations viticoles, l'analyse repose sur des entretiens de cadrage, des observations filmées des différentes phases de traitement (préparation, épandage, nettoyage, maintenance du matériel), des « entretiens d'autoconfrontation » consistant à faire commenter les enregistrements par l’opérateur, et des mesures (prélèvements de résidus de produits sur le volant et dans la cabine du conducteur). Les résultats mettent en évidence la complexité du travail et « la recherche quotidienne de compromis » par les viticulteurs. Par exemple, lors de l’achat du pulvérisateur, les critères de choix sont « environnementaux, économiques et sociaux » (prise en compte des voisins), mais les enquêtés ne mentionnent pas les enjeux de santé et de sécurité.

Incorporation des produits dans la cuve par le chef de l’exploitation

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Source : Le travail humain

Les auteurs relèvent des défauts de conception et des difficultés d’utilisation, comme par exemple une hauteur de cuve mal adaptée à la tâche de remplissage, ce qui amène à prendre appui sur le bord (illustration ci-dessus). Des aléas et des incidents peuvent aussi entraîner une exposition. C'est le cas d'une buse qui se bouche au cours du traitement, nécessitant le passage de la personne entre les panneaux récupérateurs de produit pour aller la nettoyer. Enfin, des ajustements entre l'opérateur et le matériel, des détournements d'usage, voire des modifications par le distributeur à la demande de l’agriculteur, peuvent aussi être des facteurs de risque.

En définitive, cette étude de cas amène les auteurs à formuler des conclusions plus générales. La conception des équipements paraît « éclatée entre divers acteurs (fabricants, distributeurs, agriculteurs) », cette configuration appelant, selon eux, « une réflexion systémique » sur la conception des outils et sur les réglementations.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Le travail humain

20/09/2021

Les stratégies européennes « biodiversité » et « de la ferme à la fourchette » : quels impacts économiques et environnementaux ?

Deux stratégies européennes fixent des cibles à atteindre dans les domaines de l'agriculture et de l'environnement d'ici à 2030 : les stratégies biodiversité (Biodiversity Strategy, BDS) et « de la ferme à la fourchette » (Farm to Fork, F2F). Le Centre commun de recherche de l'Union européenne a publié en juillet un rapport sur les effets environnementaux et économiques potentiels de l'atteinte de certaines de ces cibles. Les auteurs se concentrent sur celles relatives à la réduction de l'usage de pesticides et des pertes de nutriments dues à l’utilisation de fertilisants (- 50 % d'ici 2030). Ils s'intéressent aussi à la part de terres cultivées en agriculture biologique (+ 25 % d'ici 2030) et à la part de « particularités topographiques à haute diversité » (ex. : haies) dans l'assolement (+ 10 % d'ici à 2030).

Le travail est conduit avec CAPRI (Common Agricultural Policy Regionalised Impact Analysis), un modèle macro-économique de statistiques comparatives en équilibre partiel des secteurs agricoles et du premier niveau de transformation. Trois scénarios permettant d'atteindre les cibles choisies sont étudiés et comparés à un scénario de référence sans cible. Dans le premier, la Politique agricole commune (PAC) reste similaire à celle de 2014-2020. Dans le deuxième, elle évolue selon les propositions législatives de la Commission (juin 2018). Dans le troisième, un plan de relance européen est de plus mis en œuvre, avec des aides supplémentaires à l'investissement.

Les résultats montrent une baisse de la production européenne : dans le scénario 1, elle est de - 15 % pour les céréales et oléagineux, - 12 % pour les légumes et les cultures permanentes, - 14 % pour la viande et - 10 % pour le lait. Cela impacterait les importations et les exportations, et générerait des variations de prix et donc de revenu pour les producteurs.

Effets environnementaux de l'atteinte des cibles dans le scénario 1 ( % par rapport au scénario de référence sans cibles, en 2030)

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Source : Centre commun de recherche de l'Union européenne

Lecture : la colonne « F2F and BDS targets & CAP 2014-2020 scenario » présente les résultats du premier scénario. Sont estimées les émissions d'azote (nitrogen), d'ammoniac (ammonia), de méthane (CH4), de protoxyde d'azote (N2O), ainsi que la part des réductions d'émissions de GES non-CO2 qui fuit (ligne Leakage). Les émissions nettes sont précisées dans la dernière ligne.

En parallèle, l'atteinte des quatre cibles sélectionnées aurait des impacts environnementaux positifs sur le surplus azoté et les pertes d'azote, les émissions d'ammoniac, de méthane, de protoxyde d'azote et de CO2. La baisse des émissions autres que de CO2 serait de 14,8 %, mais les deux tiers de cette baisse « fuiteraient » hors de l'UE, par l'augmentation des importations de certains produits. Ce taux de fuite ne serait plus que de 51 % si le projet de nouvelle PAC était mis en œuvre (figure ci-dessus pour le scénario 1, ci-dessous pour les scénarios 2 et 3). Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole européen diminueraient alors de 28,4 % d'ici à 2030.

Effets environnementaux de l'atteinte des cibles dans les scénarios 2 et 3 ( % par rapport au scénario de référence sans cible, en 2030)

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Source : Centre commun de recherche de l'Union européenne

Lecture : la colonne « F2F and BDS targets & CAP LP » présente les résultats pour le deuxième scénario. La colonne « F2F and BDS targets & CAP LP + NGEU » présente les résultats pour le troisième scénario.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Centre commun de recherche de l'Union européenne

13:11 Publié dans 4. Politiques publiques, Agronomie, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : ue, strategie biodiversite, f2f, pesticides |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/09/2021

Pesticides à ARN interférent : une perspective d'avenir pour la protection des cultures ?

En 2019 a eu lieu à l'OCDE (Paris) une conférence sur les pesticides à ARN interférent, dans le cadre du Programme de recherche en collaboration : systèmes agricoles et alimentaires durables. Elle a donné lieu à 14 articles (revues de littérature, textes originaux) publiés en 2019 et 2020 dans Frontiers in Plant Science, se concluant par la parution d'un éditorial en juillet 2021. Ce recueil est l'occasion de se pencher sur les opportunités et risques de ces innovations, alors que les technologies à ARN ont été mises en évidence à l'occasion de leur utilisation dans les vaccins contre la Covid-19. Les sujets traités sont divers : mécanismes biologiques de l'interférence à ARN, exemples d'applications pour certaines cultures (ex. : Fusarium de l'orge), évaluation des risques environnementaux et sanitaires (persistance dans l'environnement, action sur des ARN d'autres organismes non ciblés initialement, etc.).

Source : Frontiers in Plant Science

08/07/2021

Jessica Oublié, Nicola Gobbi, Kathrine Avraam, Vinciane Lebrun, Tropiques toxiques, Paris, Les escales Steinkis, 2021, 239 p.

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Écrit par J. Oublié, Tropiques toxiques porte sur la pollution par le chlordécone des territoires antillais et ses conséquences, retraçant pour cela 70 ans d’usage de la molécule en agriculture, de l’invention du Kepone aux États-Unis en 1952 jusqu’aux recherches françaises actuelles sur la décontamination des écosystèmes. Cette bande dessinée augmentée d'archives accessibles via l'application SnapPress, au service de la documentation scientifique, témoigne des nouvelles formes éditoriales qui rendent compte des controverses contemporaines sur la production alimentaire. Reposant sur une enquête qui inclut 137 entretiens (producteurs, chercheurs, responsables administratifs), l’album est assorti de références bibliographiques et d’une chronologie.

En 1971, la Commission des toxiques déclasse le chlordécone, alors considéré comme un poison, en « simple » substance dangereuse, décision qui inaugure son usage massif dans les bananeraies antillaises. Eu égard à la santé humaine, l’introduction de cette molécule dans les organismes se traduit par des naissances prématurées et une multiplication par deux du risque de cancer de la prostate. Les mécanismes de transfert de la molécule des sols et eaux vers les productions alimentaires sont également documentés. En matière de pêche, la découverte de niveaux de contamination différenciés selon la position des poissons dans la chaîne trophique (plus celle-ci est élevée, plus l’accumulation de la molécule est probable) a participé de la délimitation de zones d’interdiction des captures. Pareillement, différentes cultures sur une même parcelle manifestent des degrés de contamination hétérogènes : trois catégories de produits ont été distinguées, les patates douces, ignames et carottes se caractérisant par une sensibilité élevée.

L’album revient aussi sur les dispositifs d’adaptation à cet environnement dégradé (productions hors sol, recours à des canards et oies « tondeurs de gazon »), ainsi que sur l’effort de recherche, qui porte notamment sur l'analyse de la demi-vie de la molécule dans les organismes animaux, donnée introduite dans la modélisation de scénarios de décontamination. Enfin, l’ouvrage documente les décisions et non-décisions publiques qui ont permis au chlordécone de prospérer en dépit des alertes multiples dont il a fait l’objet.

Les travaux de l’équipe du professeur Sarra Gaspard sur la dépollution des sols

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Source : Tropiques toxiques

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Les escales Steinkis

14/05/2021

Risque de pollution aux pesticides, biodiversité et ressources en eau au niveau mondial

Si les produits phytosanitaires contribuent à la sécurité alimentaire, leur utilisation engendre des pollutions impactant l'eau, la biodiversité et la santé humaine. À ce jour, pourtant, aucune quantification géographique globale de l'utilisation de substances actives et du risque de pollution associé n'avait été réalisée.

Dans un article publié en mars dans la revue Nature Geoscience, des chercheurs de l'université de Sydney présentent des cartes détaillées de ce risque. Ils identifient les zones les plus vulnérables en matière de qualité de l'eau et de protection de la biodiversité. Pour quantifier le risque de pollution, les auteurs utilisent un modèle nourri par des données environnementales géoréférencées et d’autres sur les applications de substances actives et sur leurs propriétés physico-chimiques. Ils estiment alors un score de risque et classent chaque cellule de la carte selon trois catégories : risque négligeable, moyen et élevé. Les cartes obtenues ont une résolution spatiale de 5 arcmin, ce qui correspond à des cellules d'environ 10 km x 10 km au niveau de l'équateur.

Selon les auteurs, 75 % des terres agricoles mondiales (29 millions de km²) sont exposés à un risque de pollution aux pesticides (carte ci-dessous). 31 % (12 millions de km²) se situent dans la catégorie de risque élevé ; parmi celles-ci figurent 62 % des terres agricoles européennes et 70 % des terres agricoles françaises (voir le matériau supplémentaire disponible en ligne). Au niveau mondial, 64 % des surfaces agricoles seraient exposés à un risque de pollution par plusieurs substances actives (c’est le cas de 94 % des surfaces en Europe).

Risque de pollution aux pesticides

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Source : Nature Geoscience

Lecture : RS : score de risque. Les diagrammes en secteurs représentent la part des terres agricoles classée dans chaque niveau de risque dans la région. Les valeurs entre parenthèses donnent la surface agricole totale de chacune de ces régions.

Pour prendre en compte la diversité des impacts de l'utilisation des pesticides, les auteurs ont identifié les zones connaissant à la fois pollution aux produits phytosanitaires, rareté de l'eau et forte biodiversité (carte ci-dessous). Ils estiment que 34 % des terres agricoles menacées par un risque élevé de pollution aux pesticides se situent dans des régions à forte biodiversité, et 5 % dans des régions où l'eau peut être rare. Cinq bassins versants en Afrique du Sud, Chine, Inde, Australie et Argentine sont particulièrement concernés et devraient faire l'objet d'une attention particulière, selon les auteurs.

Régions connaissant à la fois un risque de pollution aux pesticides, une rareté de l'eau et une forte biodiversité

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Source : Nature Geoscience

Lecture : les régions pour lesquelles le niveau de préoccupation est égal à 1 présentent un risque de pollution aux pesticides élevé ; l'eau y est rare et elles abritent une forte biodiversité. Elles sont représentées par les cercles rouges, le pays, le bassin et la surface impactés étant par ailleurs mentionnés.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Geoscience

11/03/2021

L'acceptabilité des pesticides et des OGM par les consommateurs suisses en question

Dans un article de la revue Food Quality and Preference, des chercheurs de l'université de Zurich se sont intéressés à la perception, par les consommateurs, de différents modes de protection des cultures et ont comparé leur niveau d'acceptation. La diminution de l'usage des pesticides est une orientation forte des politiques agricoles, en écho aux inquiétudes de la société quant à leurs effets néfastes sur l'environnement et la santé. Cette réduction peut passer par des techniques issues de la biotechnologie, telles que le génie génétique, qui améliorent la résistance des plantes. Mais une alimentation provenant d'organismes génétiquement modifiés (OGM) est également mal perçue par les consommateurs, car considérée comme non naturelle.

Dans cette étude, 643 participants (Suisses allemands) ont été répartis en 4 groupes, distincts par le mode de protection présenté : pesticides de synthèse, pesticides naturels, transfert de gènes entre plantes d'une même espèce (cisgenèse), modification de gènes. Chaque personne, selon son groupe, a reçu des textes expliquant le traitement appliqué à un plant de pomme de terre pour lutter contre une maladie fongique. Des questions, posées avant et après la présentation des modes de traitement, visaient à mesurer leur niveau d'acceptation et la perception par les participants de la naturalité de la pomme de terre ainsi traitée.

À l’issue de l'analyse statistique des réponses (figure ci-dessous), les auteurs remarquent chez les participants, quel que soit leur groupe, une baisse significative de la perception de la naturalité de la pomme de terre après que celle-ci ait été traitée. D'autre part, cette perception détermine le niveau d'acceptation d'un mode de traitement. Ainsi, la cisgenèse a été perçue comme le mode le plus acceptable, les participants considérant qu'elle consistait à reproduire un processus « naturel », pouvant aussi résulter de la sélection variétale.

Cette étude permet de mieux comprendre les facteurs influençant la perception par le consommateur de modes de protection des cultures, mais les résultats sur leur acceptation doivent être nuancés car ils dépendent fortement de la comparabilité des informations présentées aux différents groupes (clarté, exhaustivité, objectivité).

Significativité des différences entre les réponses obtenues selon le mode de traitement de protection de culture présenté (analyse de la variance)

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Source : Food Quality and Preference

Lecture : les participants du groupe « Transfert de gènes » (gene transfer) ont attribué une note moyenne de 68,9 sur 100 pour l'acceptation de ce mode de traitement. Cette note est significativement plus élevée que celles des groupes « Pesticides naturels » (natural pesticides), « Modification de gènes » (gene editing) et « Pesticides de synthèse » (synthetic pesticides), qui ne présentaient pas de différence significative entre eux sur la note moyenne d'acceptation obtenue.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Food Quality and Preference

09/03/2021

Seul 1 % du soutien financier à l'agriculture et à l'alimentation contribuerait à réduire les usages de pesticides

Dans un rapport s'appuyant sur une étude préalable du BASIC, le think tank de la Fondation Nicolas Hulot propose une quantification de la part des financements publics et privés participant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, reçus par les acteurs agricoles et alimentaires. Selon les auteurs, si 11 % de ces financements (2,7 milliards d'€) visent à réduire les usages de pesticides, seul 1 % (220 millions) y contribuerait réellement. Par ailleurs, les dispositifs d'allégements fiscaux et les financements privés bénéficieraient surtout aux exploitations agricoles les plus utilisatrices de pesticides. Soulignons toutefois que ces estimations mériteraient d'être affinées et complétées par de nouveaux travaux évaluatifs.

Le think tank propose donc plusieurs pistes d'action : i) quintupler les financements pour l'agriculture biologique ; ii) dédier 40 % du premier pilier de la Politique agricole commune à la rémunération des services environnementaux ; iii) privilégier les mesures agro-environnementales les plus pertinentes, renforcer leur ambition et leur financement ; iv) soutenir les démarches collectives ; v) financer la mise en place de projets alimentaires territoriaux à hauteur de 63 millions d'euros.

Source : Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme

14/12/2020

Une accumulation de résidus de pesticides dans les sols et les vers de terre au-delà des concentrations prévisionnelles

Des chercheurs d’INRAE et du CNRS ont mesuré l'accumulation de résidus de pesticides dans les sols et vers de terre, au sein d'habitats traités et non traités (au moins depuis 3 ans) d'un paysage d'agriculture intensive. Leurs résultats ont été publiés récemment dans Agriculture, Ecosystems & Environment. 180 échantillons de sols et 155 vers de terre ont été analysés, après avoir été prélevés au printemps 2016 dans des champs cultivés, des prairies, et des haies ou bosquets de 60 sites d'1 km² situés dans la « Zone Atelier » Plaine & Val de Sèvre (département des Deux-Sèvres). 9 insecticides, 10 fongicides et 12 herbicides ont été recherchés.

Sur ces 31 pesticides (représentant seulement la moitié de ceux utilisés dans l'aire sélectionnée), 27 ont été détectés dans les sols. La totalité des sols, traités ou non traités, contenaient au moins un pesticide, et 83 % en comprenaient cinq ou plus (figure), alors même que la plupart d’entre eux sont considérés comme modérément ou peu persistants dans l'environnement. Bien que la concentration et le nombre de pesticides soient plus importants dans les sols des habitats traités, les habitats non traités n'en étaient donc pas exempts. Ainsi, une moyenne de 6 pesticides a été retrouvée dans les sols des champs cultivés en agriculture biologique depuis au moins 3 ans. Ces résultats interrogent sur la possibilité, pour la faune bénéfique au secteur agricole, de trouver refuge au sein d'habitats non traités, et sur la résilience des agrosystèmes.

Pourcentage d'échantillons de sols ou de vers contenant 1 à 19 pesticides

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Source : Agriculture, Ecosystems and Environment

Chez les vers de terre, 18 pesticides ont été retrouvés. 92 % des individus en contenaient au moins un et 34 % cinq ou plus (figure ci-dessus), alors que la bioaccumulation dans ces organismes est peu observée en conditions de laboratoire. Certaines concentrations mesurées dépassent les seuils de toxicité, ce qui soulève aussi le problème d'une possible transmission du risque aux organismes prédateurs (sans même considérer les potentiels « effets cocktail » ou de l'exposition à long terme).

Les « concentrations environnementales prévisionnelles », méthode répandue pour prédire les risques encourus par la faune du sol après application de pesticides, posent ainsi question pour les scientifiques, car elles sont inférieures aux concentrations mesurées pour plusieurs herbicides, fongicides et insecticides, y compris dans les habitats non traités. Les auteurs appellent à mener de plus amples recherches sur l'accumulation en conditions réelles et sur les risques associés.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Agriculture, Ecosystems and Environment

09:32 Publié dans Agronomie, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : pesticides, paysages, vers de terre |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/11/2020

Le commerce équitable a-t-il un impact sur l'usage de produits agrochimiques ?

Les certifications officielles et privées peuvent intégrer des critères de durabilité et encourager ainsi les pratiques agricoles vertueuses pour l'environnement. Cependant, constatant que leurs effets sont généralement peu étudiés, des chercheurs d'universités allemande, danoise et étatsunienne ont analysé l'impact du label Fairtrade (commerce équitable) sur l'usage de produits agrochimiques dans les exploitations de cacao ivoiriennes, et les effets de ces changements d'usage sur la santé des travailleurs agricoles et l'environnement. Leurs résultats sont présentés dans un article publié en octobre dans la revue Ecological Economics.

Pour cette étude, les chercheurs ont réalisé, en 2018, une enquête auprès de 1 000 agriculteurs et travailleurs agricoles d'exploitations de cacao du sud-est de la Côte d'Ivoire. Afin de mesurer le rôle des coopératives, ils en ont sélectionné 50, dont 25 certifiées Fairtrade, et ont interrogé 10 agriculteurs et 10 travailleurs agricoles par structure. Les agriculteurs étaient d'abord questionnés sur leur usage de produits agrochimiques. Ensuite, les chercheurs ont demandé à l'ensemble des travailleurs s'ils avaient été exposés à des pesticides dans les 12 derniers mois ou s'ils avaient travaillé dans des champs de cacao moins de trois jours après une pulvérisation, et également s'ils avaient eu des symptômes de maladies liées à des pesticides dans les 24 heures suivant l'exposition. Ces informations ont permis de calculer des indicateurs d'écotoxicité.

Les résultats des analyses économétriques montrent que le label Fairtrade entraîne une augmentation de 18 % des quantités de pesticides utilisées. Ce recours accru aux produits agrochimiques a un impact positif mais non chiffré sur les rendements. L'étude montre aussi que les agriculteurs certifiés utilisent davantage certaines molécules identifiées comme hautement toxiques pour les mammifères. Pour autant, la certification réduit le nombre de symptômes de maladies liées aux pesticides, car les coopératives concernées proposent des formations sur l'application des produits et l'usage de vêtements de protection. Au final, la plupart des effets observés s'expliquent par des mécanismes à l’œuvre au niveau des coopératives (ex. vente de pesticides et de fertilisants à prix subventionnés à leurs adhérents, offre de service de pulvérisation).

Selon leur statut de certification, proportion des coopératives offrant un accès facilité aux intrants, aux vêtements de protection, aux services de traitement et à la formation

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Source : Ecological Economics

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Ecological Economics

15/10/2020

Google Trends, outil de détection des préoccupations sanitaires et environnementales

À partir des requêtes tapées dans le moteur de recherche Google accessibles via Google Trends, des chercheurs ont tenté de caractériser le rapport des internautes suisses aux produits phytosanitaires. Le volume de recherches associées aux termes « pesticides » et « produits phytosanitaires » a doublé sur la période 2011-2019. Cette variation provient de l'augmentation des requêtes sur le mot-clé « pesticides » depuis 2017, alors que celles relatives à « produits phytosanitaires » demeurent relativement stables sur l'ensemble de la période étudiée. La connotation négative du terme « pesticide », aux yeux du grand public, par rapport à « produit phytosanitaire », conduit les auteurs à expliquer cet intérêt accru des internautes par leur préoccupation croissante quant aux effets de ces produits sur la santé et sur l'environnement.

Évolution des recherches des internautes suisses dans le moteur Google

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Source : Environmental Research Letters

Lecture : évolution entre 2011 et 2019 du volume de recherche relatif allant de 0 à 100, 100 étant le volume mensuel maximal observé sur la période. Le premier graphique compare l'évolution de ces volumes pour le groupe constitué des termes « pesticides » et « produits phytosanitaires » avec le terme « initiatives » (en référence aux initiatives populaires citoyennes). En abscisse, les dates de publication de 2 rapports des Nations unies sur le glyphosate (IR1, IR2), de rapports nationaux d'évaluation sur l'impact environnemental des pesticides (NR1, NR2, NR3), ainsi que les dates clés des 2 initiatives populaires (PI1, PI2) et de leurs différentes étapes. Le deuxième graphique compare les volumes relatifs des recherches incluant le terme « pesticides » à ceux des requêtes incluant « produits phytosanitaires ».

L'évolution de ces tendances sur la période 2011-2019 et leurs discontinuités sont ensuite mises en regard des dates de parution de rapports internationaux particulièrement médiatisés, ou de lancement d'actions politiques d'initiative populaire, relatifs aux produits phytosanitaires. Un premier point de rupture, en 2014, inaugure pour trois ans une hausse des requêtes, particulièrement visible aux dates de parution de deux rapports des Nations unies sur le glyphosate (2015 et 2016). Le deuxième point de rupture, en 2017, montre un intérêt renouvelé des internautes. Il intervient à la suite du lancement d'une première initiative populaire citoyenne demandant une réduction de l'utilisation des pesticides au moyen d'une révision constitutionnelle. Les pics de recherches de cette période coïncident avec les phases de mise en œuvre des deux initiatives populaires : collecte des signatures, dépôt de l'initiative, publication du rapport par le Conseil fédéral suisse. Les chercheurs voient ainsi en Google Trends un outil d'analyse et de détection des préoccupations des citoyens, pouvant conduire à des actions collectives, particulièrement sur les sujets agricoles porteurs d'enjeux importants.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

15:03 Publié dans Environnement, Protection des végétaux et des animaux, Société | Lien permanent | Tags : pesticides, santé, google |  Imprimer | | | | |  Facebook

Améliorer l'efficacité des politiques publiques de réduction des risques liés aux pesticides

Dans un article paru dans Nature Food, neuf auteurs partent du constat, en Europe, que les politiques publiques visant à limiter les risques liés à l'usage des pesticides n'atteignent pas leur objectif. Ils recommandent dix leviers par lesquels améliorer l'efficacité de ces politiques, regroupés selon trois problématiques principales : définir des objectifs et des indicateurs simples, judicieux et mesurables ; prendre en compte les comportements des agriculteurs et des consommateurs ; assurer l'accès à des systèmes efficaces de protection des plantes, sur les plans technique et politique.

Par exemple, les auteurs jugent nécessaire de dépasser les difficultés actuelles à légiférer pour aboutir à une réglementation des technologies de génie variétal s'appuyant sur des considérations scientifiques et pragmatiques. Ils recommandent d'améliorer le processus d'homologation des nouveaux pesticides, pour ne pas le fonder sur des tests de l'industrie mais sur des travaux de laboratoires indépendants accrédités, et pour favoriser une approche globale du risque et non uniquement par pesticide et par culture. Ils font valoir la nécessité de garantir la bonne cohérence des objectifs des politiques publiques sur l'agriculture, pour éviter des messages et actions contradictoires (réduction des pesticides, évitement de l'apparition de résistances, maintien de la productivité, etc.). Les auteurs appellent aussi à favoriser des politiques combinant des mesures de tous niveaux, en entrée de système (ex : taxation des produits) et en sortie (ex : traitement des eaux). Dans ce cadre, ils soulignent la nécessité d'avoir des marges de manœuvre pour faire évoluer ou remplacer les instruments contradictoires ou inefficaces.

Ils recommandent enfin d'adopter une démarche intégrée pour construire des actions publiques de réduction des pesticides efficaces, régulièrement adaptables, incluant tous les acteurs de la chaîne de valeur, et composantes dans une politique générale de l'alimentation. Ils concluent en signalant que la stratégie Farm to fork et les réformes en cours de la PAC sont de réelles opportunités pour faire un pas en avant dans la construction de politiques publiques de réduction des risques liés aux pesticides.

Une approche holistique des politiques sur les pesticides

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Source : Nature Food

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Food

10/02/2020

Pesticides. Comment ignorer ce que l'on sait, Jean-Noël Jouzel

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J.-N. Jouzel (sociologue, CNRS) examine, dans cet ouvrage, les controverses autour de la « science réglementaire » qui fonde les autorisations de mise sur le marché des pesticides. Il compare deux séquences d'élaboration, de mise en cause et de réajustement des expertises sur les risques associés aux produits phytosanitaires : aux États-Unis dans les années 1950 à 1980 ; en France, des années 1990 à aujourd'hui.

La première partie évoque la naissance, dans l'Amérique du milieu du XXe siècle, d'une « hygiène agricole » issue de la collaboration de toxicologues et d'entomologistes soucieux de concilier modernisation et sécurité sanitaire. Des protocoles expérimentaux, quantifiant les niveaux de contamination, mettent en évidence l'importance de la peau comme voie d'absorption. Le respect de « bonnes pratiques », notamment le port de vêtements « adaptés », est alors censé garantir la sécurité des travailleurs. Cette approche est contestée dans les années 1960 par des chercheurs issus de l'hygiène industrielle, en lien avec des problèmes de rentrée dans les parcelles après traitement pour les saisonniers chargés de la récolte. En réponse, les agences d'évaluation, nouvellement créées, stabilisent durant la décennie suivante des « lignes directrices ». Celles-ci reconduisent les postulats individualistes des politiques de prévention et, privilégiant la modélisation, donnent corps à la « science réglementaire ».

En France, au contraire, malgré une modernisation rapide de l'agriculture, les risques liés aux pesticides restent peu questionnés avant les années 1990. La deuxième partie du livre rappelle le rôle moteur de la construction européenne et de la libéralisation du commerce, dans l'importation des outils d'évaluation américains. Elle chronique les relations houleuses entre toxicologues chargés de l'évaluation des risques et épidémiologistes universitaires. Selon l'auteur, la production de connaissances, dans le cadre de la « science réglementaire », a eu pour contrepartie une tendance à minorer, voire écarter, les « données dérangeantes », indiquant une sur-incidence des maladies chroniques chez les travailleurs agricoles. Une nouvelle phase de normalisation des équipements de protection individuels (EPI), aiguillonnée par des données épidémiologiques qui soulevaient un problème de perméation des produits en mélange, l'amène à questionner « la croyance des institutions dans le possible usage contrôlé des pesticides », tout en montrant les « bonnes raisons » de sa permanence dans le temps.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Presses de Sciences Po

06/02/2020

Les combinaisons de phages comme alternative aux pesticides

Une équipe internationale de chercheurs a démontré l'intérêt d'utiliser des combinaisons de phages pour lutter contre des bactéries attaquant des productions végétales. Les résultats de ces travaux, menés sur Ralstonia solanacearum, à l'origine du flétrissement bactérien des plans de tomates notamment, ont été publiés en décembre dans Nature Biotechnology. Si les propriétés des phages sont connues depuis le début du XXe siècle, ils ne font que récemment l'objet de travaux de recherche en santé humaine (alternative aux traitements antibiotiques), plus rarement en santé des végétaux (alternative aux pesticides). Dans les deux cas, le défi est d'éviter le développement de résistances.

Afin de réduire ce risque, les auteurs ont utilisé des combinaisons de souches de phages très proches génétiquement, qui ont ralenti et limité le développement des résistances des bactéries à ces virus. Les résultats, obtenus lors d'essais en plein champ et sous serre, ont également mis en évidence le bénéfice d'un traitement par phage au microbiome de la rhizosphère. En effet, en diminuant la charge bactérienne pathogène ciblée, les mécanismes d'auto-défense des plantes ont été renforcés : amélioration des conditions pour les bactéries favorables à la plante et renforcement de leur capacité à concurrencer les autres pathogènes. Ces travaux pourraient à terme déboucher sur des solutions commerciales.

Source : Nature Biotechnology

13/11/2019

Pollinisation par les abeilles, pesticides et culture du colza

Dans un récent article publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B, des chercheurs français ont analysé les interactions entre la pollinisation, les pratiques agricoles et les rendement et marge brute de la culture du colza. À cet effet, entre 2011 et 2016, diverses données ont été recueillies auprès de 142 agriculteurs de la zone « Plaine & Val de Sèvre », cultivant 294 parcelles de colza : abondance des abeilles, nombre de cultures et équipements des exploitations, pratiques agricoles (pesticides, engrais, nature et travail du sol, lutte mécanique contre les mauvaises herbes), rendements. Sur cette base, les meilleurs compromis entre pollinisateurs, pesticides et pressions parasitaires, pour optimiser les marges brutes, ont été explorés en testant plusieurs modèles linéaires.

Il ressort de ces travaux qu'une faible utilisation d'herbicides et insecticides permet une pollinisation accrue. Celle-ci augmenterait le rendement des cultures de colza et compenserait les pertes de rendement potentielles dues à des ravageurs plus abondants. Les résultats suggèrent en outre que ni les herbicides ni les insecticides n'ont d’effets significatifs directs sur le rendement : les insectes ravageurs sont certes moins abondants dans les champs où les apports d'insecticides sont élevés (par rapport aux parcelles ayant des apports faibles), mais l'abondance plus importante des insectes ravageurs ne semblerait pas se traduire par une baisse significative des rendements.

Relation entre insecticides (graphiques de gauche), herbicides (graphiques de droite), rendement (a, b) et marge brute (c, d)

Colza.jpg

Source : Proceedings of the Royal Society B

Lecture : les lignes pleines montrent des régressions significatives, les lignes en pointillé des régressions non significatives.

De manière générale, à l'exception du phosphore et des fongicides, tous les intrants conservés dans le modèle ont, en définitive, en pesant sur les coûts, une incidence négative sur les marges brutes, y compris l'azote et les herbicides. Les rendements et les marges brutes sont en revanche plus élevés dans les champs où les pollinisateurs sont plus abondants : il apparaît donc que les pesticides n’ont pas un effet positif sur les rendements physiques alors que leurs coûts diminuent les marges brutes. Pour les auteurs, ces résultats contredisent les arguments régulièrement avancés sur les compromis à faire entre rentabilité de la production agricole et conservation de la biodiversité : ils montreraient plutôt que des solutions préservant et utilisant les services écosystémiques peuvent être une stratégie gagnant-gagnant.

Effet combiné, sur le rendement (a) et les marges brutes (b), de l'interaction entre abondance des abeilles et fréquence de traitement pour les herbicides et insecticides

Colza2.jpg

Source : Proceedings of the Royal Society B

Lecture : le gradient de couleur représente les variations du rendement (a) et de la marge brute (b), allant du plus bas (bleu) ou plus élevé (vert). Les points noirs représentent les valeurs prédites par le modèle. L'abondance des abeilles comprend celle de l'abeille domestique et du genre Lasioglossum. L’indicateur « pesticide IFT » est calculé à partir de la somme des taux de fréquence d’utilisation des insecticides et des herbicides.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Proceedings of the Royal Society B

10:05 Publié dans Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : colza, abeilles, pollinisation, pesticides, herbicides, insecticides, intrants |  Imprimer | | | | |  Facebook