09/06/2021
Quels risques à l'avenir pour la santé et la sécurité au travail dans les secteurs agricole et forestier ?
À la demande de l'Agence européenne de santé et sécurité au travail, des chercheurs ont réalisé une étude prospective sur les risques pour les travailleurs liés aux activités agricoles et forestières. À partir d'un état des lieux statistique, ils ont mené une large revue de littérature, complétée par la consultation d'experts dans de multiples domaines. Les principales conclusions de leur rapport ont été récemment publiées dans un Policy Brief.
Avec 24,5 morts par an pour 100 000 travailleurs en 2018, d'après Eurostat, le secteur forestier a le taux de mortalité le plus élevé des activités économiques et occupe le deuxième rang en matière de sinistralité (2 813 accidents non mortels pour 100 000 travailleurs). L'agriculture arrive en quatrième position (2 019 cas). Ces situations sont d'autant plus préoccupantes que plusieurs travaux font état d'une minoration des déclarations, liée à l'hétérogénéité des systèmes d'assurance et des concepts statistiques utilisés selon les pays, mais aussi à la diversité des types de travailleurs concernés. En effet, les accidents impliquant des retraités, des travailleurs occasionnels (membres de la famille) ou encore non déclarés, sont rarement imputés à l'activité. Au-delà, les auteurs identifient les différents risques pour la santé des agriculteurs et forestiers : usages de pesticides et produits chimiques, troubles musculo-squelettiques, nuisances sonores, etc.
Ils ont identifié les tendances ayant des impacts (positifs ou négatifs) sur le travail agricole ou forestier, dans divers domaines : technologie, environnement, sécurité alimentaire, économie, marché du travail. Ils ont ensuite examiné leurs possibles répercussions sur la santé et la sécurité des actifs. Une large part est faite aux apports potentiels de la technologie pour réduire les risques d'accidents graves et la pénibilité, comme par exemple par la cobotique, soulageant les travailleurs agricoles âgés. Il en est de même pour les défis posés par nombre d'innovations, qui peuvent augmenter les risques psychosociaux (isolement accru des actifs suite à la réduction des emplois liés à la robotisation, etc.). L'accroissement des sources de stress (voir figure) est d'ailleurs une préoccupation grandissante pour la prévention.
En conclusion, les auteurs formulent de nombreuses propositions pour les politiques agricoles et forestières, de santé et de sécurité au travail, de santé générale, ou de recherche et développement agricoles. Il s'agit, par exemple, d'intégrer la préoccupation de la santé et de la sécurité dans la réflexion sur l'amélioration du conseil agricole, ou de conditionner les aides de la PAC au respect des normes en matière de travail.
Les différentes sources de stress des agriculteurs
Source : Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail
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13/05/2021
Podcasts d'anticipation dédiés au rapport Humain-Animal
L'Anses, en collaboration avec The Conversation, diffuse « Zootopiques », une série de cinq podcasts d'une trentaine de minutes sur les relations entre les humains et les animaux. Chaque épisode, qui nous transporte en 2031, débute par des brèves radiophoniques relatives à l'actualité de cette année-là, puis se poursuit avec des interviews de scientifiques bien actuels réagissant à ces informations. Il s'agit donc d'une manière originale de valoriser des travaux de recherche.
Deux épisodes sont consacrés à la santé. Dans « Les hommes malades des animaux », un nouveau virus SARS-COV 5 provoque, en 2031, une zoonose au Brésil ; un réservoir est le singe-écureuil, dont l'éradication est décidée par les autorités pour arrêter l'épidémie. Toujours au Brésil et en 2031, les humains sont de plus en plus victimes d'attaque de jaguars dans une nouvelle ville construite en Amazonie. Ces deux futurs imaginés soulignent que la grande majorité des épidémies émergentes est d'origine animale. Le triptyque homme-animal domestique-animal sauvage est l'espace au sein duquel se transmettent les agents pathogènes : il est donc important de détecter tout épisode émergent dans les populations humaines et d'animaux domestiques, mais aussi dans la faune sauvage en traquant des mortalités anormales, comme le fait en France le réseau SAGIR. La transmission à partir de la faune sauvage est facilitée par les atteintes à l'environnement, comme les déboisements pour la construction de villes nouvelles, mentionnés dans l'épisode. Les chercheurs rappellent ici l'importance d'une bonne santé globale (One Health) incluant santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes.
L’autre épisode (« Alerte sur les tiques et tout ce qui pique ! ») traite des vecteurs insectes et arthropodes. En écho au récit fictif d'une invasion de mouches tsé-tsé transmettant la maladie du sommeil en Espagne, en 2031, les chercheurs rappellent que les vecteurs s'adaptent en Europe à la suite du changement climatique et que la mondialisation des transports permet leur dissémination planétaire.
Les trois autres épisodes s'intéressent à la perte de biodiversité due à la disparition des abeilles, au développement des régimes non carnivores et au regard que l'humain porte sur l'animal.
Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective
Source : Anses
16:26 Publié dans Environnement, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : rapport homme-animal, zoonose, risques, santé, anticipation, insectes | Imprimer | |
19/01/2021
Alertes et lanceurs d'alerte, Francis Chateauraynaud
Au milieu des années 1990, F. Chateauraynaud (EHESS) a renouvelé la sociologie des risques et de l’expertise en créant le terme et mettant en évidence le rôle des « lanceurs d’alerte », à savoir ces personnes ou ces groupes qui, « rompant le silence, passent à l’action pour signaler l’imminence, ou la simple possibilité d’un enchaînement catastrophique ». La notion connut rapidement un certain succès. L’ouvrage retrace ses appropriations par les acteurs du risque environnemental, puis par ceux de la lutte contre la corruption et la délinquance économique. Mise à l'agenda politique dès le Grenelle de l'environnement (2007), elle est introduite dans l’ordre juridique en 2013 et 2016, avec le vote de deux lois sur la protection des lanceurs d'alerte contre les pressions et sur la procédure de signalement.
L'auteur critique cette institutionnalisation en se référant à l'idéal-type d'une « alerte authentique », basée sur l’attention aux changements à peine sensibles des milieux de vie. Dans ce modèle, une fois lancée, la mobilisation connaît des trajectoires variées, en partie imprévisibles. Elle est reprise dans de multiples arènes, connaît des rebondissements comparables à une enquête collective, jusqu’à provoquer les ajustements nécessaires pour prévenir le risque, ou limiter les dégâts, et retrouver prise sur le futur. Selon Chateauraynaud, le dispositif français, conçu en partie au moment de l'affaire Cahuzac, entretient la confusion avec une autre catégorie, moins pertinente pour l'analyse des risques : la « dénonciation de scandales » et le whistleblower.
Ce « jeu de lois » repose aussi sur le respect d'étapes, de formes et de hiérarchies. Or, toute alerte « véritable », mise en branle par des signaux faibles, « hors du code », ne tend-elle pas « à contourner les procédures normales » ? De nombreux dossiers, dans le domaine agricole et agroalimentaire (maladies liées aux pesticides, « vache folle », OGM, etc.), mais aussi des technologies de surveillance (affaire Snowden), le suggèrent. « La prolifération des objets d’alerte et de controverse », loin de démontrer l’ingouvernabilité de sociétés tétanisées par le principe de précaution, est avant tout « le signe d’un travail collectif permanent assurant les conditions de la vie sociale ». La question des institutions appropriées reste cependant ouverte, l'auteur évoquant des pistes plus ou moins convaincantes (plateformes citoyennes, autorités administratives indépendantes, etc.).
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Lien : PUF
12:34 Publié dans 4. Politiques publiques, IAA, OGM, Santé et risques sanitaires, Société | Lien permanent | Tags : risques, institutions, politiques publiques, sociétés | Imprimer | |
07/12/2020
Criminalité agricole : un impact qui dépasse les aspects économiques
Connue surtout par les éléments rapportés dans les médias, la criminalité qui s'exerce à l'encontre des entreprises agricoles (vols de bétail et de matériel, dégradations, etc.) a des impacts lourds sur la santé psychique des agriculteurs victimes. C'est la principale conclusion d'une étude récemment publiée dans le Journal of Rural Studies, à partir d'une enquête exploratoire menée au Royaume-Uni, qui invite à approfondir les recherches sur ce sujet méconnu.
Source : Journal of Rural Studies
08:55 Publié dans Agriculteurs, Exploitations agricoles, Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : risques, agriculteurs, dégradation | Imprimer | |
16/11/2020
Réformes de la Politique agricole commune et aversion au risque des agriculteurs : enseignements d'une étude empirique en Italie
Un article publié en septembre 2020 dans la European Review of Agricultural Economics propose une estimation empirique de l'évolution temporelle de l'aversion au risque des agriculteurs italiens. Il analyse l'influence sur celle-ci des réformes successives de la Politique agricole commune (PAC) et des chocs climatiques. Comme le soulignent les auteurs, jusqu'ici peu d'études se sont intéressées aux facteurs pouvant modifier l'aversion au risque, en dépit du rôle important de ce paramètre dans les choix de production et d'investissement.
L'étude porte sur 36 600 exploitations agricoles italiennes spécialisées en grandes cultures, sur la période 1989-2009. Elle mobilise les données issues du réseau d'information comptable agricole national. Les auteurs utilisent la méthode d'estimation économétrique de Antle, qui consiste à inférer l'aversion au risque des agriculteurs à partir des choix de production qu'ils effectuent, via leur influence sur la distribution de probabilités de leurs profits. L'hypothèse de stabilité de l'aversion au risque sur différentes sous-périodes est aussi envisagée grâce à des tests de Wald.
L'analyse montre d'abord que cette aversion des agriculteurs italiens, en grandes cultures, a été positive sur l'ensemble de la période 1989-2009, confirmant les travaux antérieurs. Mais elle n'a pas été constante dans le temps : elle a augmenté entre 1993 et 1995, lors de la phase de transition liée à la réforme Mac Sharry de la PAC (baisse des prix garantis, aides découplées). Elle a légèrement baissé ensuite, lors de la mise en œuvre de ladite réforme (1996-1999), tout en restant supérieure à son niveau d'avant 1992. Selon les auteurs, c'est l'incertitude quant au devenir des dispositifs de soutien public qui expliquerait cette hausse, en dépit d'un effet stabilisateur des aides directes sur le revenu. Autre résultat intéressant, les sécheresses de 2003 et 2007 ont eu peu d'effet sur l'aversion au risque et ont même paradoxalement coïncidé avec une légère baisse, pouvant être due à d'autres facteurs.
En définitive, cette étude montre qu'il est judicieux de s'intéresser aux effets des changements de politique agricole sur l’aversion au risque des agriculteurs, afin de mieux anticiper leurs impacts, possiblement indésirables dans les périodes de réforme.
Coefficients d'aversion au risque estimés et test de Wald d'égalité des coefficients
Source : European Review of Agricultural Economics
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
18:24 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs, PAC | Lien permanent | Tags : risques, agriculteurs, politiques agricoles | Imprimer | |
15/10/2020
Améliorer l'efficacité des politiques publiques de réduction des risques liés aux pesticides
Dans un article paru dans Nature Food, neuf auteurs partent du constat, en Europe, que les politiques publiques visant à limiter les risques liés à l'usage des pesticides n'atteignent pas leur objectif. Ils recommandent dix leviers par lesquels améliorer l'efficacité de ces politiques, regroupés selon trois problématiques principales : définir des objectifs et des indicateurs simples, judicieux et mesurables ; prendre en compte les comportements des agriculteurs et des consommateurs ; assurer l'accès à des systèmes efficaces de protection des plantes, sur les plans technique et politique.
Par exemple, les auteurs jugent nécessaire de dépasser les difficultés actuelles à légiférer pour aboutir à une réglementation des technologies de génie variétal s'appuyant sur des considérations scientifiques et pragmatiques. Ils recommandent d'améliorer le processus d'homologation des nouveaux pesticides, pour ne pas le fonder sur des tests de l'industrie mais sur des travaux de laboratoires indépendants accrédités, et pour favoriser une approche globale du risque et non uniquement par pesticide et par culture. Ils font valoir la nécessité de garantir la bonne cohérence des objectifs des politiques publiques sur l'agriculture, pour éviter des messages et actions contradictoires (réduction des pesticides, évitement de l'apparition de résistances, maintien de la productivité, etc.). Les auteurs appellent aussi à favoriser des politiques combinant des mesures de tous niveaux, en entrée de système (ex : taxation des produits) et en sortie (ex : traitement des eaux). Dans ce cadre, ils soulignent la nécessité d'avoir des marges de manœuvre pour faire évoluer ou remplacer les instruments contradictoires ou inefficaces.
Ils recommandent enfin d'adopter une démarche intégrée pour construire des actions publiques de réduction des pesticides efficaces, régulièrement adaptables, incluant tous les acteurs de la chaîne de valeur, et composantes dans une politique générale de l'alimentation. Ils concluent en signalant que la stratégie Farm to fork et les réformes en cours de la PAC sont de réelles opportunités pour faire un pas en avant dans la construction de politiques publiques de réduction des risques liés aux pesticides.
Une approche holistique des politiques sur les pesticides
Source : Nature Food
Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective
Source : Nature Food
13:00 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs, Production et marchés, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : pesticides, risques, agriculteurs | Imprimer | |
14/10/2020
Le rôle des pollutions aux algues vertes dans la formation des prix immobiliers
Une équipe de chercheurs d'Inrae a publié une synthèse de ses travaux sur le consentement des particuliers à payer pour des externalités environnementales. Plus précisément, ils se sont intéressés, pour la région Bretagne, à l'influence de la présence des algues vertes (pollution en grande partie d'origine agricole) sur la formation des prix de l'immobilier résidentiel.
Ces travaux reposent sur l'analyse économétrique des prix hédoniques, où la qualité des biens se traduit dans les prix de transaction, cette approche étant raffinée ici par une analyse spatiale selon la localisation des logements. Les prix de vente de plus de 8 000 habitations ont été ainsi étudiés, et l'analyse concerne les zones rurales du Finistère, du Morbihan et des Côtes d'Armor. Le modèle économétrique visant à isoler et quantifier les différents déterminants de la formation des prix intègre i) des caractéristiques intrinsèques du logement, ii) des variables socio-économiques, agricoles et environnementales pour les communes concernées, iii) la distance par rapport aux sites pollués par des algues vertes. Si, toutes choses égales par ailleurs (caractéristiques du logement, niveau socio-économique de la commune, etc.), une des variables étudiées est corrélée positivement avec le prix des logements, c'est le signe que les résidents sont prêts à payer plus cher pour ce facteur (consciemment ou inconsciemment, directement ou indirectement). Inversement, une corrélation négative signifie que ce facteur implique une dévalorisation des biens.
Les analyses montrent que les pollutions aux algues vertes sont bel et bien corrélées à une dépréciation des logements, et donc à une diminution du bien-être des résidents. Les logements étudiés étant en moyenne à 18 km de la plage polluée la plus proche, s'en éloigner de 10 % supplémentaires (1,8 km) s'accompagne en moyenne d'une augmentation de leur valeur totale de 950 €. Extrapolée à la Bretagne entière, la dépréciation totale des biens par rapport à la situation des zones actuellement les moins polluées serait de plus de 11 milliards d'euros. Les résidents bretons paraissent prêts à payer 200 € par an pour réduire leur exposition aux algues vertes, au niveau minimum actuellement constaté dans la zone, une somme très supérieure au coût des politiques actuelles de lutte contre ces pollutions (7 €/an et par personne). Pour les auteurs, l'impact économique de cette pollution est donc majeur, alors que seul le secteur du logement est ici analysé, et que les conséquences sur l'attractivité touristique et d'autres secteurs alourdiraient ce bilan.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective
Sources : Inrae, Land Use Policy
10:00 Publié dans Environnement, Territoires | Lien permanent | Tags : pollution, algues, risques, externalités | Imprimer | |
15/09/2020
Relocalisation des chaînes globales de valeur et propagation des risques économiques : premiers enseignements du modèle d'équilibre général METRO de l'OCDE
La pandémie de Covid-19 a été marquée par une certaine désorganisation des chaînes globales de valeur (CGV) et a relancé le débat sur l'opportunité d'une relocalisation de la production, hypothèse étudiée dans une publication récente de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Selon certains acteurs, la fragmentation des CGV serait intrinsèquement source de vulnérabilité, car elle crée des interdépendances susceptibles d'amplifier la propagation de chocs d'offre ou de demande entre les pays. Une relocalisation permettrait alors de réduire l'exposition aux risques et d'assurer une plus grande stabilité économique. Pour d'autres, en revanche, la fragmentation des CGV est, dans le cadre d'un commerce fluide, un gage de stabilité permettant la diversification géographique des sources d'approvisionnement.
Pour fournir de nouveaux éléments de réponse, les auteurs ont utilisé le modèle d'équilibre général METRO, qui intègre les interdépendances produites par les CGV. Deux régimes contrastés ont été simulés : un régime « interconnecté », correspondant à la structure actuelle des chaînes de valeur ; un régime « relocalisé », basé sur une augmentation générale de 25 % des droits de douane au niveau mondial et sur une subvention publique équivalant à 1 % du PIB pour les secteurs domestiques (hors services), dont l'agriculture et l'alimentation. Dans les deux cas, un ensemble de chocs positifs et négatifs ont été simulés, sous forme de réductions et d'augmentations de 10 % des coûts des échanges commerciaux, entre chaque région du monde subissant le choc et ses partenaires extérieurs.
Baisse de la production dans les secteurs clefs en régime relocalisé
Source : OCDE
L'étude montre qu'en l'absence de chocs, une relocalisation mondiale généralisée aurait un coût significatif par rapport au régime interconnecté, avec des baisses substantielles du PIB : -5,1 % en France, -4,2 % pour l'Union européenne en général, -10,8 % en Asie du Sud-Est, etc. Si la relocalisation conduirait, pour certains produits et pays, à une hausse de la production, ce ne serait pas le cas pour la production alimentaire, qui baisserait partout : -10 voire -20 % selon les cas (figure ci-dessus). Enfin, pour les auteurs, un régime globalement relocalisé ne réduirait pas la variabilité de la production et de la consommation résultant des chocs, car les importations qui permettraient de les absorber seraient plus coûteuses et plus volatiles (figure ci-dessous). Ces résultats des simulations varient néanmoins fortement selon les pays et les secteurs.
Ces premiers résultats sur deux scénarios très contrastés devraient donc donner lieu à des approfondissements, par exemple en considérant des relocalisations stratégiques et ciblées (secteurs, filières, produits, pays, territoires), les impacts sur l'innovation, l'environnement, le marché de l'emploi, etc.
Pour tous les secteurs stratégiques, la production est plus instable en régime relocalisé
Source : OCDE
Lecture : tous les changements de variables sont relatifs au niveau du scénario de base correspondant au régime interconnecté, lequel est égal à 1. Les points bleus indiquent la base dans le régime donné par rapport à la base interconnectée, et les moustaches montrent les écarts moyens, pour les chocs négatifs et positifs, sur le coût des échanges commerciaux.
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
Sources : OCDE, Blog Ecoscope
18:14 Publié dans 1. Prospective, Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : relocalisation, chaines globales de valeur, cgv, risques | Imprimer | |
Cartographie des risques structurels pour l'Union européenne
Fin juillet 2020, le service de la recherche du Parlement européen a publié une analyse des risques structurels, pour la prochaine décennie, à l'échelle de l'Union. À la suite de la crise du Covid-19, il s'agit d'une première contribution pour favoriser une meilleure prise en compte des anticipations et approches systémiques dans la conception des politiques publiques. Les auteurs ont caractérisé et classé 66 risques, puis identifié ceux nécessitant une action immédiate. Retenons par exemple, dans le champ des risques économiques et financiers, l'instabilité accrue sur les marchés agricoles, la concentration croissante de la production primaire, ou encore des ruptures d'approvisionnement alimentaire. Du côté des aspects environnementaux, figurent notamment l'échec des actions climatiques, les crises sur la ressource en eau et la destruction de terres agricoles.
Source : Think tank du Parlement européen
16:00 Publié dans IAA, Production et marchés | Lien permanent | Tags : risques, union européenne | Imprimer | |
04/02/2020
Nouvelle édition du rapport sur les risques globaux du Forum économique mondial
Le Global Risks Report 2020 du Forum économique mondial, paru en janvier, traite des risques globaux et de leurs interconnexions. Publié annuellement, il se base sur une analyse de la littérature, des travaux d'experts et l'enquête Global Risks Perception Survey (GRPS), à laquelle ont contribué environ 1 000 répondants, issus des secteurs public et privé, du monde universitaire et de la société civile. Les risques environnementaux dominent toujours plus le paysage international, en termes de probabilités et de niveaux d'impacts : changement climatique et événements météorologiques extrêmes, gaz à effet de serre, perte de biodiversité, risques naturels d'origine anthropique. Deux parties du rapport sont en outre consacrées aux inégalités d'accès aux technologies numériques et au risque de régionalisation d'Internet pour des raisons de cybersécurité, ainsi qu'aux défis d'avenir pour les systèmes de santé.
Le paysage global des risques en 2020
Source : Global Risks Report 2020
Source : Global Risks Report
08:52 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : risques, forum économique mondial, risques environnementaux | Imprimer | |
18/11/2019
Risques et systèmes alimentaires : tendances et défis
En octobre 2019, la FAO, le Cirad et la Commission européenne ont publié un rapport sur les risques auxquels sont et seront confrontés les systèmes alimentaires. Réalisé par des chercheurs du Cirad, ce document s'appuie sur les connaissances scientifiques actuelles, avec une attention particulière portée aux pays à faibles revenus. La première partie établit un cadre général d'analyse, détaillant six catégories de moteurs et leurs tendances : facteurs biophysiques et environnementaux (ressources naturelles, climat), démographiques (urbanisation, migrations, etc.), technologiques et infrastructurels, économiques (revenus, commerce et globalisation, etc.), socio-culturels (valeurs et identités, éducation et services de santé, etc.) et politiques (gouvernance, conflits, etc.).
Les parties suivantes traitent des risques sous quatre angles : changement climatique, environnement, dimensions sociales et économiques, sécurité alimentaire. Divers enjeux et leurs interactions sont traités. Ainsi, sur la question climatique, la partie 2 s'intéresse aux problèmes des émissions de gaz à effet de serre, des productions animales, de la déforestation et des nouveaux ravageurs et maladies. De même, la partie 5 aborde les défis liés aux disponibilités alimentaires (en particulier en Afrique du fait de la croissance démographique et du changement climatique), aux risques de prix alimentaires plus instables et plus élevés sur les marchés internationaux, aux risques nutritionnels liés à des régimes non sains et à ceux associés à la qualité sanitaire des denrées.
Combinaison de moteurs (en noir) des systèmes alimentaires et génération de risques cumulés (en rouge)
Source : Cirad
En conclusion, il apparaît que les progrès récents en matière de quantité et qualité de la production alimentaire sont remis en question par divers facteurs : surexploitation des ressources, pauvreté, insécurité alimentaire liée à l'accès, transitions nutritionnelles, etc. Les auteurs invitent à repenser les systèmes en prenant en compte leurs différents rôles (création d'emplois, réduction des inégalités entre acteurs et territoires, etc.) et à en développer une évaluation multifactorielle, dépassant le seul objectif de production. Par ailleurs, rappelant les augmentations récentes du nombre de personnes souffrant de la faim, ils soulignent que certaines régions (pays à bas revenus en particulier) sont particulièrement confrontées à des combinaisons de risques, lesquels « se précipitent, s'aggravent et se combinent ». Enfin, si les risques sont globaux, les auteurs appellent à « être plus attentif aux trajectoires de résilience et aux solutions locales ».
Carte des risques associés aux principaux systèmes de production
Source : Cirad
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Cirad
10:37 Publié dans 1. Prospective, Climat, Environnement, Mondialisation et international, Santé et risques sanitaires, Sécurité alimentaire, Société | Lien permanent | Tags : risques, systèmes alimentaires | Imprimer | |
12/11/2019
Salariés de l'agriculture : moins de risques chimiques mais un travail plus pénible physiquement
L'exposition aux risques des salariés de l'agriculture a évolué de façons diverses au cours des vingt-cinq dernières années, comme le montre l'analyse des premiers résultats de la dernière livraison de l'enquête Sumer. Menée tous les sept ans auprès de plus de 30 000 salariés via les médecins du travail, elle permet de suivre l'évolution des conditions de travail. Même si le secteur agricole représente une part de plus en plus faible des travailleurs français et, a fortiori, des salariés (1,7 % en 2017, contre 5,1 % en 1994), des tendances spécifiques et des situations propres à ses salariés (dans un secteur largement dominé par le statut d'indépendant) sont mises en évidence.
Si la situation des salariés de l'agriculture s'est améliorée pour ce qui est de l'exposition au risque chimique (1 sur 3 exposé, contre 1 sur 2 en 1994), grâce notamment aux formations spécifiques et aux mesures de prévention dans le cadre des plans Écophyto, elle s'est détériorée pour la pénibilité physique et les risques biologiques (liés surtout au contact avec les animaux). Ils sont ainsi parmi les plus exposés aux gestes répétitifs, à la station debout prolongée et aux contraintes posturales. Sur ces deux derniers risques, la situation s'est nettement dégradée depuis l'enquête de 2010 : de 20 à 37 % pour la station debout prolongée, de 22 à 38 % pour les contraintes posturales. En revanche, les salariés agricoles font partie des moins exposés aux contraintes organisationnelles et relationnelles, même s'ils subissent des contraintes horaires plus importantes que les autres, plus d'un sur deux travaillant les dimanches et jours fériés.
Source : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques
09:36 Publié dans Agriculteurs, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : dares, salariés, risques, risque chimique, pénibilité, risques biologiqes | Imprimer | |
13/09/2019
Les effets contrastés de la gestion des risques sur la productivité agricole
La gestion des risques influence-t-elle positivement la productivité agricole ? Pour répondre à cette question, M. Vigani (université de Gloucestershire) et J. Kathage (JRC, Commission européenne) proposent une analyse économétrique afin d'estimer les effets de différentes stratégies sur la productivité globale des facteurs (PGF).
En théorie, la gestion des risques permet une meilleure allocation des ressources, car elle donne la possibilité aux exploitants agricoles d'effectuer leurs choix de production (assolements, intrants, etc.) comme s'ils étaient neutres au risque. Cela suggère un effet positif sur la productivité. Mais, soulignent les auteurs, la gestion des risques a aussi un coût : primes d'assurance, coût des contrats, efforts de collecte et d'analyse des données, etc. Ce coût, susceptible d'augmenter avec la complexité de la stratégie mise en place, peut donc peser négativement sur la productivité.
L'étude est menée sur un échantillon de 700 exploitations agricoles productrices de blé en France (350, situées en Champagne-Ardenne, Picardie, Centre et Bourgogne) et en Hongrie (350, dans la plupart des régions). 16 stratégies de gestion des risques sont analysées, correspondant aux combinaisons possibles (« portefeuilles ») de quatre instruments : assurance, diversification des cultures, variétés résistantes, contrats. Un modèle de régression multinomial à régimes endogènes est choisi par les auteurs pour traiter des problèmes d'endogénéité, et isoler les effets propres des stratégies de gestion des risques sur la PGF.
Les résultats s'avèrent particulièrement contrastés (cf. figure). Les portefeuilles simples, recourant à un seul instrument, augmentent bien la productivité : c'est le cas des variétés résistantes (+ 9 % par rapport à une absence de gestion des risques) et les contrats (+ 22 %) lorsqu'ils sont choisis isolément. Les portefeuilles complexes, incluant davantage d'instruments, tendent en revanche à avoir un effet négatif (ex : « assurance-diversification-variété résistante », - 41 %), confirmant l'hypothèse des auteurs sur le coût croissant des stratégies complexes. Ces impacts sont en outre très différents entre la France et la Hongrie, et en fonction du niveau de risque auquel font face les exploitations agricoles. Ces résultats, soulignent les auteurs, nourrissent la réflexion sur l'avenir des politiques de gestion des risques, en particulier dans le contexte de réforme de la PAC.
Effets des portefeuilles d'instruments de gestion des risques sur la productivité des exploitations agricoles par rapport à l'absence d'instrument
Source : American Journal of Agricultural Economics
Lecture : I = assurance ; D = diversification ; C : contrat ; V = variété.
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
16:51 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs | Lien permanent | Tags : risques, instruments, productivité, gestion des risques, france, hongrie | Imprimer | |
18/02/2019
Le Forum économique mondial publie son Rapport 2019 sur les risques globaux
Publié chaque année depuis 2006 en amont du Forum économique mondial (FEM) tenu à Davos, le Global Risks Report s'intéresse aux évolutions des risques globaux de toutes natures – économiques, environnementaux, géopolitiques, sociétaux, technologiques. Le rapport est basé sur une analyse de la littérature et sur l'enquête Global Risks Perception Survey (GRPS) qui comporte quatre volets sur les risques : évolution prévisible en 2019 (i), paysage global à 10 ans (ii), interconnexions entre eux (iii) et avec des variables motrices (iv). Environ 1 000 répondants y ont participé, issus des secteurs public et privé, du monde universitaire et de la société civile.
L'édition 2019 se focalise sur le contexte géopolitique, marqué par le retour des États comme acteurs centraux, la remise en cause du multilatéralisme et les tensions entre puissances. Plus fondamental, les auteurs évoquent le passage d'un monde multipolaire à un monde « multiconceptuel », où des valeurs divergentes prennent le pas sur les objectifs communs, rendant plus difficile l'émergence de compromis. Au sein des pays, le rapport souligne les risques majeurs d'« instabilité sociale profonde » liée à la croissance des inégalités et à la polarisation politique.
Pour la troisième année consécutive, les catastrophes naturelles et les événements climatiques extrêmes sont dans le top 5 des risques globaux. Bien que n'y figurant pas, le risque de « crise alimentaire » est très interconnecté avec les autres risques globaux (cf. première figure). Les menaces pour la sécurité alimentaire sont en hausse, avec une remontée de la sous-nutrition au niveau mondial (cf. seconde figure). Les conflits y contribuent significativement, en causant inflation des prix des denrées et déplacements de population, s'ajoutant aux risques préexistants (démographie, climat, etc.).
Carte des interconnexions des risques globaux 2019
Source : World Economic Forum
Parmi les risques émergents, figurent les « guerres météorologiques », c'est-à-dire la manipulation technologique des cycles naturels à des fins géopolitiques ou militaires (ex. ensemencement des nuages), et les disruptions alimentaires par les guerres commerciales et les conflits le long des voies logistiques. Selon le FEM, tout cela ne laisse « pas de place pour la nostalgie » mais impose de comprendre les changements en cours pour les maîtriser. À noter également plusieurs publications récentes du Forum sur la traçabilité dans les chaînes de valeur alimentaires, les protéines alternatives et le futur de l'élevage dans les pays en développement à l'horizon 2030.
Augmentation récente de la prévalence de la sous-nutrition au niveau mondial
Source : World Economic Forum
Julien Hardelin, Centre d’études et de prospective
Source : Forum économique mondial
16:26 Publié dans Climat, Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : risques, forum économique mondial | Imprimer | |
16/11/2017
Comment éviter les effets contre-productifs des assurances climatiques ?
Les risques liés aux aléas météorologiques sont un sujet croissant d'inquiétudes pour les agriculteurs, notamment à cause du changement climatique. Pour les gérer, de plus en plus de pays mettent en place des assurances dédiées, qui compensent les pertes des agriculteurs en cas d'événements climatiques extrêmes. Dans un article publié en septembre dans la revue Global Environmental Change, des chercheurs allemands et américains passent en revue la littérature consacrée (études de cas dans divers pays) aux impacts de ces mécanismes d'intervention sur les décisions des agriculteurs et donc sur les agro-écosystèmes. Ils identifient des effets potentiellement contre-productifs des assurances climatiques et suggèrent quelques principes de base pour la conception de ces instruments économiques.
Les agriculteurs gèrent différemment les risques, en fonction notamment de leurs attitudes face aux aléas, du contexte environnemental et des revenus du foyer. Dans ce cadre, l'introduction d'assurances climatiques peut modifier les décisions d'usage des terres et de pratiques agricoles. Ces changements dépendent du type d'assurance proposé (par exemple, assurance contre le risque climatique, les variations de rendements ou les fluctuations du revenu) et ils affectent le flux de services écosystémiques produits, comme l'illustre la figure ci-dessous. Les auteurs identifient notamment deux impacts négatifs potentiels. Les assurances peuvent favoriser l'adoption de pratiques agricoles et de choix de production plus risqués, qui réduisent la résilience des agrosystèmes (par exemple passage à des cultures de rente aux dépens de cultures résistantes aux sécheresses) ; elles peuvent également favoriser l'expansion des surfaces cultivées dans des zones écologiquement vulnérables.
Rôle des assurances et interactions avec les systèmes socio-écologiques
Source : Global Environmental Change
Les auteurs proposent quelques améliorations de ces assurances agricoles : reconnaître et promouvoir la diversification comme outil de gestion du risque, à l'instar de ce que fait depuis 2015 le Whole Farm Revenue Program américain ; concevoir les contrats sans évincer les stratégies de gestion du risque pré-existantes ; favoriser leur accès aux exploitations produisant des bénéfices écologiques. Par exemple, des subventions à la souscription d'assurances pourraient être versées aux exploitations adoptant des pratiques durables.
Estelle Midler, Centre d’études et de prospective
Source : Global Environmental Change
09:27 Publié dans Agriculteurs, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : assurances, risques, aléas, météo, changement climatique | Imprimer | |