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17/10/2016

Mondialiser les normes sociales et environnementales : des propositions

En droit international, le droit commercial prime sur la protection de l'environnement ou les droits sociaux. Dans l'avant-dernier numéro de la revue Projet consacré à la mondialisation, A. Zacharie répertorie les leviers qui permettraient d'inverser cette hiérarchie des normes. L'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dispose des moyens pour veiller au bon respect des règles du libre commerce, mais les droits sociaux de l'Organisation internationale du travail (OIT) ou les engagements climatiques internationaux ne disposent pas de telles instances juridictionnelles. Parallèlement, pour l'auteur, les multinationales bénéficient d'une asymétrie d'échelle qui leur permet de mettre en concurrence les politiques des États, tandis que le recours croissant à l'arbitrage leur confère la capacité d'attaquer juridiquement les lois sociales et environnementales. Ces clauses d'arbitrage incluses dans les accords d'investissement définissent des droits pour les multinationales plutôt qu'elles ne leur fixent des devoirs.

Afin de tendre vers un « plancher social et environnemental universel », le défi consiste, pour l'auteur, à identifier des mesures que les pays en développement ne considéreront pas comme protectionnistes du fait de leurs normes moins élevées. Il en déduit deux principes : prendre en compte les asymétries de développement et cibler les firmes plutôt que les États.

La déclinaison de ces principes peut se faire de diverses façons. La première option est la moins réalisable à court terme : rendre contraignantes l'ensemble des normes internationales au même titre que les règles du commerce. Une deuxième option consisterait à utiliser le marché européen comme levier pour promouvoir les normes sociales et environnementales, en les rendant obligatoires pour tous les produits importés. L'auteur considère que la compatibilité avec les règles de l'OMC pourrait être assurée, par exemple en ayant recours à une « traçabilité sociale et environnementale » des produits. Une troisième option, imaginée par l'économiste D. Rodrick, serait d'instaurer à l'OMC un « accord sur les sauvegardes sociales et environnementales », permettant aux pays en développement d'imposer aux multinationales des normes issues de leurs propres législations. Plutôt que de s'opposer sur l'accès aux marchés, pays riches et pays pauvres se trouveraient alliés dans la défense de leurs marges de manœuvre politiques respectives.

Bien que revêtant un caractère général, ces analyses concernent au premier chef le secteur agricole et agroalimentaire, dont les régulations sont en permanence l'objet de tensions entre pays du nord et du sud, mais aussi entre multinationales et États.

Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective

Source : revue Projet

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13/10/2016

Une étude du service économique de l'USDA fait le point sur les rapports fonciers aux États-Unis

Suite à une enquête statistique menée en 2014, par le service économique (ERS) de l'USDA et le service statistique agricole national, une étude approfondie publiée récemment fait un tour d'horizon de la question foncière aux États-Unis. Une des justifications de l'étude est l'âge avancé de nombreux farmers américains. Cette situation amène les auteurs à se poser la question des modalités de transmission des exploitations et d’installation des jeunes agriculteurs, le foncier en étant un déterminant important.

Parmi les principaux résultats de l'étude, on note un renforcement du faire-valoir indirect. Plus de la moitié des terres arables étaient louées en 2014, contre 25 % des prairies permanentes. On remarque par ailleurs que les terres portant les grandes cultures sont les plus louées. Un farmer locataire loue généralement à plusieurs propriétaires fonciers, avec qui il entretient des relations de long terme : malgré la renégociation de 70 % des baux chaque année, les liens sont généralement durables entre propriétaires et exploitants. Les jeunes agriculteurs commencent leur carrière sur des terres louées, et beaucoup acquièrent petit à petit une partie de leur Surface Agricole Utile (SAU). Enfin, sans grande surprise, les plus petits exploitants sont généralement propriétaires d'une part plus importante des terres qu'ils exploitent que les exploitants moyens à grands.

En ce qui concerne les propriétaires fonciers, la majorité d'entre eux ne sont pas des exploitants agricoles actifs. Plus du quart sont des agriculteurs à la retraite et la plupart ont des liens familiaux avec des exploitants en activité. D'après les analystes de l'ERS, dans les années à venir, les terres resteront une affaire familiale, avec une majorité de terres héritées ou vendues entre membres d'une même famille, et destinées à la location à un tiers. Enfin, l'étude traite du niveau d'implication des propriétaires dans les décisions des locataires. Ces derniers, qui louent leurs terres avec des baux très courts (un an dans 70 % des cas), sont souvent amenés à discuter leurs choix concernant leur inscription dans des programmes environnementaux et les régimes de subventions perçues de l’État. Entre ces discussions stratégiques et la renégociation permanente des conditions de location, le coût de transaction pour les locataires est considéré comme particulièrement élevé.

Alexis Grandjean, Centre d'études et de prospective

Source : USDA

11:27 Publié dans Exploitations agricoles, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : etats-unis, foncier |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/10/2016

L'empreinte foncière de la consommation des Européens

L'organisation Friends of the Earth a publié fin juillet un rapport analysant l'empreinte foncière de l'Union européenne. L'étude consiste à évaluer dans un premier temps la surface de terres (et ses localisations en reconstituant les chaînes de valeur), nécessaire pour subvenir aux consommations européennes, puis à en déduire les impacts environnementaux et sociaux. Le document associe une présentation générale des méthodes, des principaux résultats et des recommandations.

La méthode, qui n'est pas présentée de manière détaillée, se base sur des travaux de l'IIASA (landflow model) pour le calcul de l'empreinte foncière. On comprend que la mesure de l'impact environnemental et social de celle-ci est plus délicate. Elle se fait notamment en comparant, par le biais de matrices, l'empreinte foncière européenne et les problèmes environnementaux et sociaux (déforestation, dégradation des sols, etc.) présents dans les régions concernées.

L'empreinte foncière européenne, globalement stable depuis 2005, est estimée à 269 millions d'hectares (données 2010), dont 40 % hors de son sol. Cette proportion augmente progressivement depuis 1990 en ce qui concerne les terres cultivées. Les consommations animales et d'huiles végétales en sont les principaux moteurs.

Au-delà des limites méthodologiques, présentées partiellement, le rapport est surtout un appel à l'Union européenne pour qu'elle prenne en compte l'impact que ses consommations agricoles (alimentaires et non alimentaires) et que ses politiques (bio-énergies) ont sur l'usage des terres, en particulier dans les pays en développement. On pourra notamment rappeler ici (voir un précédent billet sur ce blog) une étude publiée en 2010 et analysant l'impact des choix de production européens sur leur « importation virtuelle de terre ».

Pour les auteurs, l'Union se doit de développer des méthodologies de calcul et de mettre en place un suivi d'indicateurs permettant de faire le lien entre ses consommations et leurs impacts à l'international.

Claire Deram, Centre d’études et de prospective

Source : Friends of the Earth

11:25 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : foncier, empreinte foncière |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/07/2016

Quelle est la part des plantes cultivées non natives dans les consommations et productions nationales ?

16 chercheurs ont réalisé une quantification de la part des cultures végétales non endémiques dans nos consommations et productions. Partant des données disponibles sur FAOstat, ils ont regardé la consommation en calories (kcal par jour et per capita), en lipides, en protéines et en poids ; la production a été évaluée en termes d'hectares de production, de tonnes produites et de valeur (en dollars). Parallèlement, ils ont identifié les « régions primaires de diversité », autrement dit la localisation de la première domestication des plantes étudiées. La carte établie découpe le monde en 23 régions ; cette segmentation repose sur des paramètres éco-géographiques expliquant la distribution spatiale des espèces végétales. Les auteurs en soulignent la limite en termes de résolution.

Part des plantes cultivées non natives dans les consommations (a : en calories) et dans les productions agricoles (b : en tonnes) par pays

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Source : Proceedings of the Royal Society B

Leurs résultats, publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B, montrent une grande connexion entre ces différentes régions. En effet, les systèmes de production nationaux reposent sur des espèces non natives pour environ 69 % en moyenne, une valeur proche de celle obtenue pour les consommations. Ce pourcentage est d'autant plus important pour des pays isolés ou éloignés des « régions primaires de diversité », comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, à l'inverse de pays où les aliments de base traditionnels sont peu diversifiés et dont les limites se superposent avec ces régions de diversité (ex : Cambodge, Bangladesh).

Les auteurs ont également étudié l'évolution de l'utilisation des espèces non endémiques entre 1961 et 2011, et montrent une connectivité accrue, en particulier en Afrique, en Asie, en Amérique centrale, dans les Andes et en Amérique du Sud. Par ailleurs, cette publication met en évidence le rôle de certaines « régions primaires de diversité », moins citées dans la littérature. Par exemple, l'Amérique du Nord contribue de façon significative aux systèmes alimentaires actuels via le tournesol, source de lipides.

Evolution de la part des plantes non natives dans la consommation entre 1961 et 2009, ainsi que dans les productions agricoles entre 1961 et 2011 (chaque trait fin représente un pays)

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Source : Proceedings of the Royal Society B

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Source : Proceedings of the Royal Society B

11/07/2016

L'agriculture australienne à l'heure du numérique

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L'Australian Farm Institute (voir un précédent billet sur ce blog) a publié les résultats d'une étude sur « les conséquences de l'agriculture digitale et du big data pour l'agriculture australienne ». Ce travail s'est appuyé sur une série d'entretiens aux États-Unis et en Australie, auprès des acteurs des secteurs agricole, informatique, des télécommunications et de la recherche. Le fait qu'une majorité des fournisseurs d'intrants australiens (machinisme et produits phytosanitaires) sont américains (ou appliquent assez directement les résultats d'études américaines), justifie la comparaison.

Une analyse détaillée est faite des différences de développement de l'agriculture digitale entre les différents secteurs de production, de l'état du marché des services de stockage et d'analyse de données, ainsi que du contexte juridique et institutionnel autour de la propriété des données. Sont également étudiées les limites techniques au développement de l'agriculture digitale. Sur cette base, neuf recommandations sont proposées, parmi lesquelles :

- la mise en place d'un forum entre les acteurs des secteurs agricoles, des télécommunications et du logiciel pour, entre autres, travailler à l'harmonisation des règles d'interopérabilité des données, et sur les questions de propriété et de secret des données ;

- l'établissement d'un principe selon lequel les propriétaires de terres agricoles ou d'animaux de production gardent un droit de propriété sur les données liées à leur activité ;

- un engagement de l'ensemble des acteurs concernés à suivre un protocole standard d'échange des données ;

- un suivi, par les structures publiques de recherche et de développement agricoles, des standards d'échanges mis en œuvre, et une utilisation par ces instituts des nouveaux circuits d'information pour diffuser les résultats de la recherche.

Pour sa part, le gouvernement australien est invité à apporter un soutien aux travaux de cartographie des sols et d'enregistrement des données climatiques, et à garantir l'accès à des réseaux Internet performants en zone rurale. D'après l'exemple américain, les autorités publiques ne doivent pas s'impliquer dans le développement de logiciels ou plateformes, afin de garantir une concurrence optimale, permettant à terme une ouverture effective des données.

Gaétane Potard-Hay, Centre d’études et de prospective

Source : Australian Farm Institute

16/06/2016

L’agriculture et l’agroalimentaire seraient le premier secteur bénéficiant de l'application du Partenariat Transpacifique (TPP) aux États-Unis

La Commission du Commerce International (United States International Trade Commission-USITC), qui siège à Washington, a publié en mai les résultats d'une étude économique cherchant à quantifier, à moyen terme, les gains et pertes qui pourraient résulter, pour le secteur agricole, de l'accord de libre échange transpacifique. Son titre en décrit fidèlement le contenu : L'accord de partenariat transpacifique. Effets probables sur l'économie des États-Unis et divers secteurs spécifiques.

Cette analyse, qui bénéficie de l'autorité conférée par l'USITC, fait suite à plusieurs travaux académiques récents, dont les résultats sont similaires, et ce alors que le Sénat américain et les autorités japonaises doivent encore ratifier le texte pour mettre en route un dispositif négocié pendant plusieurs années. Onze autres nations du pourtour de l'océan Pacifique ont également signé l'accord, la Chine n'étant pas concernée.

Cette étude se base sur un travail de modélisation d'équilibre général calculable. Pour les dispositions du TPP considérées comme non quantifiables, une approche qualitative est proposée.

D'une manière générale, le rapport de l'USITC souligne que les impacts de l'accord seraient bénéfiques pour l'économie nationale américaine, tout en étant très limités. À l'inverse, il est précisé que certains pays en tireraient un bénéfice plus important, tels le Vietnam ou le Japon. En ce qui concerne l'agroalimentaire (cf. tableau ci-dessous), les gains seraient globalement plus importants que pour d'autres secteurs, notamment pour les volailles, produits laitiers, fruits, légumes et produits transformés, du fait de la suppression de droits de douanes en Asie. La balance commerciale resterait inchangée pour l'essentiel des autres filières, malgré une intensification des échanges. Enfin, le maintien de certaines barrières sanitaires et phytosanitaires est à prendre en compte également.

Estimation des effets du TPP sur la production, l'emploi et le commerce pour les filières agricoles et alimentaires américaines

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Alexis Grandjean, Centre d'études et de prospective

Source : United States International Trade Commission

15:42 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : tpp, etats-unis |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/06/2016

Agriculture des métropoles en Amérique latine : voie d'avenir ou cache-misère ?

Le dernier volume de la revue Problèmes d'Amérique latine, mis en ligne récemment, propose un dossier intitulé : « Agriculture des métropoles : voie d'avenir ou cache-misère ». Il regroupe cinq articles, dont quatre traitent d'exemples de métropoles (Buenos Aires, Lima, Mexico, Santiago du Chili). Le dossier apporte ainsi une présentation synthétique de l'agriculture urbaine et péri-urbaine, pour chacune de ces grandes villes (principaux chiffres, historique et caractérisation des différentes catégories d'agriculture existantes), et, pour certains articles, une analyse des politiques d'appui à ces agricultures.

Il ressort de ce regard croisé la nécessité de bien définir et dissocier, dans l'analyse et dans les éventuelles politiques d'appui, les types d'agricultures très différents existants : agriculture urbaine à proprement parler, agriculture périurbaine essentiellement commerciale (soit insérée dans des circuits classiques, soit positionnée sur des « niches », comme par exemple le bio), et agriculture située dans des zones rurales de municipalités urbaines. Cette distinction est semble-t-il rarement faite. De manière générale, l'agriculture réellement urbaine semble limitée à quelques initiatives, individuelles ou collectives (pour certaines connues à l'international), appuyées ou non par les autorités, dont il est difficile de dire si elles sont plutôt anecdotiques ou indicatrices d'évolutions sociales dans les capitales latino-américaines. L'agriculture périurbaine semble en revanche plus dynamique, même si elle fait face à certaines difficultés et en particulier à la pression foncière due à l'extension urbaine.

L'article sur Buenos Aires propose un angle différent : il analyse la relation entre migration et activité économique agricole, en montrant en quoi les migrants boliviens, désormais majoritaires dans les productions maraîchères périurbaines et la commercialisation, sont acteurs des transformations récentes de cette agriculture (introduction de nouvelles techniques de production et de commercialisation, de nouvelles variétés). L'auteur montre que ces migrants n'ont pas été initiateurs des innovations, mais ont joué un rôle clé dans leurs diffusion et amélioration en se les réappropriant. L'analyse des origines boliviennes de ces producteurs (région de départ, statut d'agriculteurs familiaux, etc.) et de leurs pratiques agricoles, avant la migration, permet de mieux comprendre ces évolutions.

Claire Deram, Centre d’études et de prospective

Source : Géographie Économie Société

15:39 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : amérique latine, agriculture urbaine |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/05/2016

Lancement de l’Agricultural Data Coalition et du Ag Data Transparency Evaluator aux États-Unis

Début mars, l'American Farm Bureau Federation, des universités américaines et des entreprises du secteur agricole ont formé l'Agricultural Data Coalition, dans le but d'aider les agriculteurs à mieux gérer l'ensemble de leurs données. En effet, l'exploitation des nombreuses informations récoltées par les agriculteurs suscite un certain intérêt et pourrait, par exemple, leur permettre de prendre des décisions économiques plus rapidement, d'identifier les marges d'amélioration sur leur exploitation ou encore de réduire leurs coûts de production. Cependant, la propriété, la confidentialité, la sécurité, la disponibilité, l'utilisation et la diffusion de ces informations, en particulier à des tierces parties (chercheurs, assureurs, gouvernement, fournisseurs d'intrants, etc.) font débat.

S'appuyant sur la charte des Principes pour la confidentialité et la sécurité des données (The Principles for Data Privacy and Security), mise en place en novembre 2014, l'Agricultural Data Coalition crée une plate-forme permettant de stocker les données des agriculteurs tout en en préservant le contrôle, et en particulier la diffusion. Grâce à cet outil, ils pourront se concentrer sur les décisions à prendre à partir de l'analyse de leurs informations, plutôt que sur la gestion de celles-ci.

En parallèle, un second outil, l'Ag Data Transparency Evaluator, a été installé par l'American Farm Bureau Federation et un ensemble d'acteurs de la filière agricole. L'objectif est d'aider les producteurs à analyser les contrats qui les lient aux fournisseurs de logiciels d'aide à la décision ou du machinisme : types de données collectées, propriété, utilisation et partage de ces données, confidentialité, sécurité. Dix questions permettent ainsi de déterminer le(s) type(s) d'informations récoltées et leur utilisation par le fournisseur de technologie. Les produits respectant la charte sont labellisés Ag Data Transparent.

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Christophe Malvezin, Service Agricole et Agroalimentaire, Ambassade de France aux États-Unis

Sources : Ag Data Coalition, American Farm Bureau Federation

10:49 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : etats-unis, données agricoles |  Imprimer | | | | |  Facebook

Logiques d’acteurs et marchés fonciers en Roumanie

Dans le dernier numéro de Cahiers Agricultures, un article analyse les stratégies d’acteurs dans le domaine du foncier agricole en Roumanie. Les auteurs montrent que la faiblesse du marché foncier (achat-vente) dans ce pays est liée à l’offre très réduite. Les propriétaires privilégient en effet le mode de faire-valoir indirect (location ou métayage) pour des raisons :

- économiques : la location apporte un complément aux revenus du ménage et le métayage contribue à son alimentation ;

- patrimoniales : l’attachement à la terre et à la propriété privée demeure essentiel après l’expérience collectiviste.

Ainsi, les exploitations familiales et les sociétés commerciales (à capitaux étrangers et nationaux), qui ne peuvent pas accéder au foncier du fait de la faiblesse de l’offre, ont recours à la location de terres ou au métayage. Les deux chercheurs constatent que les sociétés commerciales, souvent en position de force au niveau financier, sont en mesure d’imposer les termes des contrats aux petits propriétaires fonciers, et donc des prix que les exploitations familiales ne peuvent pas concurrencer. À titre d’exemple, une société a dû négocier 764 contrats pour 630 ha pris en location. Les auteurs notent l’émergence, dans ce contexte, de phénomènes de « tenure inversée » qui s’inscrivent dans des dynamiques de concentration de terres à grande échelle : les petits propriétaires cèdent en faire-valoir indirect une partie ou la totalité de leurs disponibilités foncières à des tenanciers économiquement plus favorisés.

En complément de cet article, et toujours sur la Roumanie, signalons que l’association AGTER vient de publier un rapport qui, dans une première partie, traite de l’évolution historique des structures agraires jusqu’à nos jours, puis aborde les enjeux actuels de l’agriculture roumaine à travers un diagnostic agraire effectué dans la région de Mangalia (sud-est du pays). La deuxième partie analyse les aspects juridiques et socio-économiques liés au foncier, permettant de mieux comprendre le contexte global de l’agriculture roumaine, ses spécificités et ses besoins de réformes.

Céline Fabre, Centre d'études et de prospective

Sources : Cahiers Agricultures, AGTER

10:46 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : roumanie, foncier |  Imprimer | | | | |  Facebook

04/05/2016

Au Kazakhstan, une évolution de la réglementation sur la location et la vente des terres agricoles provoque des mouvements de protestation

Comme le rapporte RFERL, des évolutions législatives récentes autorisent la location de terres agricoles appartenant à l'État kazakhe à des consortiums étrangers, notamment chinois, et ce pour une durée de 25 ans, et non plus de 10 ans. Ces attributions de terres se feraient par le biais d'enchères. Par ailleurs, des amendements au code foncier permettraient l'achat de plusieurs millions d'hectares de terres publiques par des citoyens kazakhs. Ces évolutions, en discussion depuis plusieurs années, ont été intégrées au code foncier, sur fond de ralentissement économique.

Des rumeurs récentes sur une application de ces réformes, associées à la peur d'un rachat opaque de terres par des oligarques ou des investisseurs chinois, seraient une des causes de manifestations inédites dans ce vaste pays d'Asie centrale. La situation est en pleine évolution et le gouvernement se serait résolu à patienter et à prolonger le moratoire sur l'application de ces changements législatifs.

Source : Radio Free Europe Radio Liberty

09:20 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : kazakhstan |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/04/2016

La grande distribution, VRP du made in France... sous marque distributeur

La lettre du CEPII n°363 (mars 2016) présente les résultats d'un programme de recherche consacré à l'analyse des impacts de l'internationalisation de la grande distribution sur le commerce, montrant en quoi les grandes enseignes, notamment françaises, sont des atouts essentiels pour l'exportation des produits agro-alimentaires, en particulier pour leurs fournisseurs nationaux. Les résultats de trois études économétriques sont ainsi proposés.

Basée sur les données d'échanges bilatéraux entre différents pays entre 2001 et 2010, et les données de ventes des principales enseignes internationales (dont trois françaises), la première étude montre que l'internationalisation des grandes enseignes a un effet positif sur les exportations alimentaires des pays d'origine de ces enseignes. La deuxième étude confirme ces résultats en s'appuyant sur les données détaillées des importations de différentes grandes villes chinoises. Les auteurs avancent que ce résultat serait principalement dû aux produits, en grande partie sous marques de distributeurs, des enseignes françaises et britanniques.

Il ressort de la troisième étude que, en France, les fournisseurs nationaux des grandes enseignes sont les bénéficiaires principaux des externalités positives de l’internationalisation de ces enseignes. Les données de certification IFS ont permis aux auteurs d'identifier les fournisseurs de la grande distribution française. D'après leurs estimations, cette certification conduit à une augmentation de 15 % des exportations des entreprises dans les pays où sont implantées les enseignes françaises. A l'inverse, le retrait de la grande distribution d'un pays entraîne la diminution des ventes de ces mêmes entreprises dans ce pays. Le référencement national des entreprises leur permet de limiter les coûts de transaction à l’international et de bénéficier de la promotion des produits de leur pays d'origine faite par les grandes enseignes. De par la certification, les entreprises disposent d'un effet de réseau favorisant leurs exportations, sans pouvoir pour autant préjuger de la rentabilité de cet effet au regard des coûts de certification.

Claire Deram, Centre d’études et de prospective

Source : CEPII

10:50 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : cepii, grande distribution, mdd |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/04/2016

Parution du Guide OCDE-FAO pour des filières agricoles responsables

L’OCDE et la FAO viennent de publier un guide pour aider les entreprises à respecter les standards internationaux de conduite responsable dans les filières agricoles. Il résulte des travaux d'un Groupe consultatif multi-acteurs : pays membres et non-membres de l’OCDE, investisseurs institutionnels, entreprises du secteur agroalimentaire, organisations paysannes ou de la société civile. Cette publication a également bénéficié des conclusions du Forum mondial sur la conduite responsable des entreprises qui s’est tenu en 2014 et en 2015.

Portant sur le « modèle de politique d'entreprise », le premier volet présente le contenu des standards existants pour des filières agricoles responsables. Certains de ces standards, en matière de droits de l’homme, de droits du travail et de sécurité alimentaire, ont déjà été intégrés dans la législation de nombreux pays. Les autres standards portent sur la santé et la sécurité sanitaire, les droits fonciers et l’accès aux ressources naturelles, le bien-être animal, la protection de l’environnement, la gouvernance, la technologie et l’innovation.

Une seconde partie identifie cinq étapes pour l’exercice d’une production responsable et durable au sein des filières agricoles : 1) établir des systèmes de gestion performants ; 2) identifier, évaluer et hiérarchiser les risques ; 3) concevoir et mettre en œuvre une stratégie de gestion de risques ; 4) vérifier le processus de mise en œuvre d’une production responsable ; 5) publier un rapport sur cette mise en œuvre. Une troisième partie décrit les risques et des mesures d’atténuation. Par exemple, le partage d’informations et la conduite de consultations peuvent réduire les coûts de transaction et diminuer le risque d’opposition à un projet donné. Autre exemple, les mécanismes de réclamation permettent aux entreprises de se doter d'un système d’alerte rapide.

Le dernier volet présente les orientations concernant l’implication des peuples autochtones. Certains standards internationaux se réfèrent ainsi à un engagement des États à mener des consultations afin d’obtenir le « consentement préalable donné librement et en connaissance de cause » des populations locales avant l’approbation de tout projet ayant des impacts sur leurs terres ou d'autres ressources. Ajoutons enfin qu'il serait pertinent d’évaluer l’appropriation et l’application de ce guide volontaire par les entreprises d'amont et d'aval des filières agricoles dans différents pays.

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Céline Fabre, Centre d'études et de prospective

Source : OCDE

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Publication du premier numéro de Regards sur le foncier, sur quatre pays d’Asie du Sud-Est

Le comité technique « Foncier et développement » lance une collection, Regards sur le foncier, pour valoriser les contributions des journées de réflexion des membres du Comité et de son réseau. Mis en ligne récemment, le premier numéro couvre quatre pays d’Asie du Sud-Est – Birmanie, Cambodge, Laos, Viêt-Nam –, qui ont dû faire face ces dernières années à des conflits fonciers, poussant les gouvernements à engager des mesures pour apaiser les tensions avec la population. Cette parution fait suite à une série de rapports publiés en fin d’année 2015 (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog), chacun traitant de façon distincte ces pays. L'intérêt de cette nouvelle publication est d'adopter une approche comparative, en notant les points communs et les dissemblances entre ces quatre pays, le tout avec une mise en perspective historique.

Dans une première partie, les auteurs décrivent la diversité des groupes ethniques présents dans ces pays et leur rapport au foncier, qui est tout aussi divers. La seconde partie revient sur la colonisation puis sur la phase de collectivisation des terres pendant le socialisme et elle s’achève sur les étapes des réformes foncières depuis la fin des années 1980. La troisième partie aborde les défis actuels et se focalise sur trois d’entre eux : les droits oubliés des « paysans de la forêt », les concessions agroforestières ou agro-industrielles de grande dimension et les conflits fonciers.

Les auteurs soulignent que l’un des enjeux pour la coopération internationale est la prise en compte de la diversité locale du foncier : ils préconisent ainsi de ne pas proposer de modèles de réforme foncière ne reconnaissant pas cette pluralité. Parallèlement, ils s’interrogent sur le modèle de développement induit par les concessions agro-industrielles, promu par certaines institutions internationales, mais qui prend peu en compte le fonctionnement des États concernés : cela aboutit souvent à des résultats inverses à ceux attendus.

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Céline Fabre, Centre d'études et de prospective

Source : Comité technique « foncier et développement »

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05/04/2016

L'IFPRI chiffre le coût de la dégradation des sols

Fin mars, l'IFPRI a publié son cinquième Global Food Policy Report (voir à ce sujet un billet sur ce blog), dont le chapitre 5 est consacré à la gestion des sols, en lien avec l’objectif 15 du développement durable et l’initiative 4/1000 : chaque année, 75 milliards de tonnes de sols sont perdues du fait de mauvaises pratiques. L’IFPRI reprend à son compte l’estimation publiée en 2016 et chiffrant à 300 milliards de dollars (0,4% du PIB mondial) le coût associé à la dégradation des sols (cf. carte). Les mêmes auteurs estiment que les bénéfices attendus d’actions visant à préserver les sols dépassent largement les coûts.

Estimation des coûts annuels associés à la dégradation des sols

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Source : IFPRI

Source: IFPRI

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16/03/2016

La chute durable des cours des matières premières agricoles risque d'engendrer une explosion des dépenses du gouvernement américain

En 2014, la politique agricole américaine supprimait les aides directes, introduisait des filets de sécurité renforcés (Agriculture Risk Coverage - ARC et Price Loss Coverage - PLC), développait les systèmes d'assurance et introduisait une garantie sur la marge pour les producteurs laitiers. Ce nouveau Farm Bill, longuement négocié, devait favoriser une diminution des dépenses publiques : avec des prévisions optimistes sur les prix des matières premières et la fin des aides directes, il devait en effet être moins coûteux que le précédent. Aujourd'hui, on s'attend au contraire à un accroissement des dépenses (voir également à ce sujet un précédent billet sur ce blog).

D'après une récente analyse du Bureau du Budget du Congrès américain (Congressional Budget Office), les dépenses liées aux filets de sécurité pour les producteurs de grandes cultures seront bien plus importantes que ce qui avait été prévu il y a deux ans. Étant liées aux prix mondiaux des grains et du lait, durablement bas depuis 2015, le Bureau du Budget annonce des dépenses en hausse de plusieurs milliards par an. Elles risquent de dépasser le plafond fixé par les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce pour ce genre d'aides publiques, et de rendre les négociations du prochain programme (2018-2022) plus longues encore que pour la version 2014. Le gouvernement, dans son projet de budget pour 2017, propose d'ailleurs des réductions, de plusieurs milliards de dollars par an, des subventions aux assurances agricoles, pour compenser cette explosion.

Les réactions sont nombreuses aux États-Unis, notamment parmi les élus qui avaient demandé initialement à ce que les dépenses publiques liées à l'agriculture soient réduites, ou parmi les agriculteurs, inquiets de voir l'un de leurs outils de gestion du risque de prix en péril (voir par exemple les éléments publiés par l'American Enterprise Institute et par AgWeb).

Alexis Grandjean, Centre d’études et de prospective

Sources : Gouvernement américain, Congressional Budget Office