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12/10/2021

Invasions biologiques en France : des impacts économiques importants mais peu documentés

Drosophile japonaise, moustique tigre, ambroisies, etc. : en vingt-cinq ans, les espèces exotiques envahissantes en France auraient coûté entre 1,2 et 10,6 milliards d’euros d’après les récentes estimations d’une équipe de chercheurs (CNRS/université Paris Saclay/AgroParisTech). Elles ont été publiées dans NeoBiota en juillet 2021.

Bien qu’importants, ces coûts sont sous-évalués. Selon les auteurs, la connaissance des dégâts causés sur l'économie française par les invasions biologiques est très limitée et seuls 3 % des 2 621 espèces introduites et envahissantes enregistrées sont étudiés. L'agriculture est le deuxième secteur le plus impacté après la santé, avec un coût estimé à 221 millions € sur les 25 dernières années. Cette étude chiffre également les dépenses de gestion des invasions, estimées huit fois inférieures aux dégâts causés. De ce fait, dans une synthèse à l’attention des décideurs, les chercheurs recommandent de renforcer la biosécurité, la biosurveillance et la connaissance des coûts. Ils proposent de mieux sensibiliser le grand public et les acteurs privés à ces enjeux, et préconisent une réponse législative proportionnelle aux impacts de ces invasions.

Source : NeoBiota

17/09/2021

Transmission du virus H7N9 aux humains : comparaison des mesures de lutte

Un article publié dans One Health modélise la circulation du virus H7N9 de la grippe aviaire A entre volailles et êtres humains, afin de tester plusieurs mesures de lutte selon différents paramètres de contamination. Les volailles sont considérées comme soit « saines », soit « infectées ». Elles peuvent contaminer les humains par contact direct ou indirectement par l'environnement. Au départ considérés comme sains, les humains peuvent devenir « exposés » (porteurs non contagieux), « infectés », « remis » (et résistants) ou « morts ». Ils ne peuvent se contaminer entre eux. Les paramètres du modèle sont fixés à partir de statistiques de la province du Guangdong en Chine : ratio population humaine / population de volailles, taux d'entrée des volailles dans le système, taux de mortalité naturelle humaine, etc. Les auteurs font ensuite varier les taux d'abattage, de vaccination et de contrôle de la santé des volailles, pour modéliser les mesures de lutte. Ils jouent également sur les paramètres de contamination indirecte pour modéliser l'application des mesures d'hygiène et de désinfection.

En cas d'intégration régulière de volailles infectées dans le système (ex. par importation), la maladie devient endémique et il n'est possible d'empêcher la transmission du virus à l'humain qu'à la condition de vacciner la totalité des animaux ou de supprimer tout contact avec les humains. De fait, le dépistage de la maladie, notamment sur les volailles importées, est selon les auteurs la première mesure à mettre en œuvre pour lutter contre sa propagation.

Si les volailles intégrées sont saines, la vaccination est très efficace pour réduire le risque de transmission, à condition qu'elle soit massivement appliquée. Par exemple, vacciner 30 % des volailles permet de diminuer la transmission entre animaux de 47 % environ et celle vers les humains de 52 %. En cas de non-vaccination, le dépistage doit être couplé avec une réduction des contacts entre volailles et populations humaines, et la mise en place de mesures d'hygiène. Enfin, les auteurs préconisent le nettoyage et la désinfection comme moyen d'accélérer l'élimination du virus.

Cycle de transmission du virus H7N9 et mesures de lutte associées

H7N9.jpg

Source : One Health

Lecture : la transmission entre volailles (image de gauche) peut être limitée par l'abattage, le contrôle et la vaccination de celles-ci. Pour réduire la transmission indirecte (voie du haut) ou directe du virus aux humains, il est possible de désinfecter et de nettoyer (pour la voie indirecte) ou de réduire les contacts directs (pour la voie directe).

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : One Health

16/09/2021

Effets des engagements et pratiques des entreprises agroalimentaires belges en matière nutritionnelle

Publiée en août 2021, une étude évalue les engagements et pratiques des entreprises agroalimentaires belges en faveur de la prévention de l'obésité et de l'amélioration de la nutrition de la population. Elle a été conduite dans le cadre du projet BIA-Obesity (Business Impact Assessment on Obesity and Population Nutrition), développé par un réseau de chercheurs travaillant sur les environnements alimentaires dans une quarantaine de pays (INFORMAS).

Pour cette première application en Belgique, 31 entreprises ont été retenues, représentant 44 % de parts de marché pour les denrées pré-emballées, 50 % pour les boissons non alcoolisées, 49 % pour la grande distribution et 52 % pour la restauration rapide. Dans six domaines clés (figure ci-dessous), la transparence, l'exhaustivité et la spécificité des pratiques et engagements (recensés au 31/10/2020) ont été évaluées, en utilisant divers indicateurs et sources de données permettant le calcul d'un score sur 100. Par exemple, des photographies des produits présentant un Nutri-Score en face avant, prises en 2019, ont été utilisées pour le volet relatif à l'étiquetage nutritionnel.

Les six domaines évalués et leur pondération pour chaque secteur

agroalimentairebelge.jpg

Source : Sciensano

Les résultats sont déclinés par entreprise, secteur et domaine. De manière générale, les meilleures performances concernent la stratégie alimentaire de la structure et les plus mauvaises l'accessibilité des produits. Si le score médian est de 35 %, il varie de 15 % pour la restauration rapide à 45 % pour les producteurs de denrées pré-emballées et de boissons non alcoolisées, et à 46 % pour les supermarchés. La figure ci-dessous présente le classement des entreprises.

Scores (totaux et par domaine) obtenus pour les entreprises étudiées à partir du BIA-Obesity

agroalimentairebelge2.jpg

Source : Sciensano

Lecture : en 1, la restauration rapide ; en 2, la grande distribution ; en 3, les producteurs de denrées pré-emballées et de boissons non alcoolisées. * : collaboration au processus (N=18) ; # : participation refusée (N=8) ; § : participation acceptée, mais contributions non reçues à temps (N=5) ; pour # et § : évaluation basée sur des informations disponibles publiquement.

Enfin, diverses pistes d'amélioration sont identifiées : mentionner le contenu énergétique (aliments, repas) sur les menus pour les fast-foods, élaborer une politique marketing détaillée applicable aux enfants, etc. Selon les auteures, dans un pays où un adulte sur deux et un adolescent sur 7 sont en surpoids ou obèses, et où un tiers des apports énergétiques provient de produits ultra-transformés, le rôle des entreprises et de l'évolution de leurs pratiques est déterminant. Cette étude a ainsi vocation à être régulièrement répliquée.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Sciensano

15/09/2021

La Cour des comptes invite à revoir les plans de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne

La prolifération d’algues vertes, qui affecte de nombreux sites de la côte bretonne, a des conséquences importantes pour la santé humaine et les écosystèmes. Deux plans d’action successifs ont été mis en place sur huit territoires, à partir de 2010 (figure ci-dessous). Dans un rapport publié en juillet, la Cour des comptes les évalue et propose 5 grands axes d'amélioration : i) étendre la lutte à tous les sites d’échouage, notamment sur vasières, ii) définir des objectifs évaluables (ex. concentration des nitrates dans les cours d'eau) et en suivre la réalisation à l’échelle des bassins versants, iii) prévoir, dans la prochaine Politique agricole commune, des mesures adaptées, suffisamment incitatives et accessibles à tous les types de cultures, iv) mobiliser le foncier et les entreprises agroalimentaires, en conditionnant l'attribution des parcelles et des aides à des engagements sur la réduction des fuites d'azote, et v) renforcer les obligations réglementaires et mieux cibler les contrôles.

Échouages observés entre 2008 et 2019

echouage.png

Source : CEVA, retraité par la Cour des comptes

Lecture : l'aire des cercles est proportionnelle à la surface moyenne d'échouage. Les 8 bassins versants nommés sur la carte sont ceux ciblés par les plans d'action.

Source : Cour des comptes

12:18 Publié dans Environnement, Santé et risques sanitaires, Territoires | Lien permanent | Tags : algues vertes, santé humaine, eau |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/09/2021

Pesticides à ARN interférent : une perspective d'avenir pour la protection des cultures ?

En 2019 a eu lieu à l'OCDE (Paris) une conférence sur les pesticides à ARN interférent, dans le cadre du Programme de recherche en collaboration : systèmes agricoles et alimentaires durables. Elle a donné lieu à 14 articles (revues de littérature, textes originaux) publiés en 2019 et 2020 dans Frontiers in Plant Science, se concluant par la parution d'un éditorial en juillet 2021. Ce recueil est l'occasion de se pencher sur les opportunités et risques de ces innovations, alors que les technologies à ARN ont été mises en évidence à l'occasion de leur utilisation dans les vaccins contre la Covid-19. Les sujets traités sont divers : mécanismes biologiques de l'interférence à ARN, exemples d'applications pour certaines cultures (ex. : Fusarium de l'orge), évaluation des risques environnementaux et sanitaires (persistance dans l'environnement, action sur des ARN d'autres organismes non ciblés initialement, etc.).

Source : Frontiers in Plant Science

13/09/2021

Un outil de prévention des menaces agroterroristes liées à l'élevage

Un article publié dans One Health Outlook s'intéresse aux menaces agroterroristes liées à l'élevage. L'introduction intentionnelle de maladies animales peut permettre à un groupe terroriste de s'en prendre à un pays, de façon plus simple qu'avec des armes biologiques à destination humaine, tout en ayant des effets importants sur la santé humaine (zoonoses) ou l'économie (épizooties à forte morbidité). C'est pourquoi l'Organisation internationale pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et INTERPOL ont souhaité élaborer un outil de surveillance de cette forme d'action criminelle.

L'outil d'évaluation de la surveillance des maladies animales SET (Surveillance Evaluation Tool), développé en 2017 par la FAO, permettait déjà d'évaluer, à partir de 90 indicateurs, la capacité du service de surveillance d'un pays à faire face à une crise sanitaire animale. À partir du SET, les trois organisations ont développé un outil plus spécifique (finalisé courant 2021), permettant d'évaluer, en association avec des juristes (accès à certaines données, réglementation sur les libertés publiques, etc.), la capacité d'un pays à détecter une menace d'agroterrorisme liée à l'élevage. Il comporte 32 indicateurs, répartis en sept catégories, telles que « l'organisation nationale de l'épidémiosurveillance » et la « présence de laboratoires compétents ». Ce module permet au pays d'évaluer ses capacités et suggère, le cas échéant, un plan de mise à niveau à court, moyen et long termes sous forme d'un diagramme-radar (figure).

Exemple de résultat graphique de l'évaluation des capacités d'un pays fictif à détecter une menace

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Source : One Health Outlook

Lecture : le radar montre les capacités du pays à faire face à un cas d'agroterrorisme à partir de 32 indicateurs regroupés en sept catégories (organisation institutionnelle, laboratoires, épidémiosurveillance, gestion du risque, traitement des données, ressources humaines, évaluation). Plus le point est proche de la périphérie, meilleure est la capacité du pays dans le domaine concerné.

Source : One Health Outlook

Désastres sanitaires et rôle potentiel des vétérinaires

Un article publié dans Frontiers in public health propose une réflexion sur l’intérêt d'intégrer des vétérinaires à la gestion de catastrophes sanitaires majeures, possibilité proposée dès les années 1960 par un rapport non publié du Service de la défense civile américain. En effet, ceux-ci bénéficient de connaissances en protection de l'eau et des aliments, en épidémiologie et en maladies épizootiques, en gestion d'urgences médicales. En outre, beaucoup de cliniques vétérinaires disséminées sur le territoire disposent de ressources en imagerie médicale, en laboratoire, en chirurgie et en stock pharmaceutique. Cependant, des freins relevant de l'éthique médicale (soins sur des humains), des limites légales d'exercice professionnel (responsabilité en cas d'erreur) et d'un défaut d’entraînement aux gestes et à la gestion de crise peuvent compromettre cette contribution.

Source : Frontiers in public health

08/07/2021

Crise du Covid-19 et préoccupations alimentaires des consommateurs américains

Dans une étude publiée en juin 2021 dans l'European Review of Agricultural Economics, des chercheurs analysent les impacts de la crise du Covid-19 sur les préoccupations alimentaires des consommateurs des États-Unis, contribuant à expliquer les changements des comportements d'achats et modes de consommation observés (accumulation de denrées non périssables, recours aux services de livraison, etc.). En avril 2020, alors que des mesures de restriction (confinement, limitations de circulation, fermeture des écoles, etc.) étaient mises en place dans la plupart des États, les auteurs ont reconduit, auprès de 616 consommateurs, une enquête réalisée une première fois en 2015 pour comparer l'importance attribuée aux valeurs alimentaires. La notion de « valeur alimentaire » est ici définie comme les préférences pour des caractéristiques d'un produit : naturalité, goût, prix, apparence, origine, risques sanitaires, apports nutritionnels, etc.

À la lecture des résultats, le classement des valeurs alimentaires n'a pas évolué pendant la pandémie de Covid-19. Ainsi, la sécurité sanitaire, le goût, l'apport nutritionnel et le prix demeurent, dans cet ordre, les plus importantes parmi les douze évaluées. Pour autant, leur poids relatif a changé, ce qui apporte un éclairage nouveau sur les décisions d'achat et les modes de consommation durant la crise. Par exemple, la sécurité sanitaire est perçue comme moins importante qu'avant la pandémie : les auteurs l'expliquent par un plus grand contrôle des mangeurs sur leur alimentation en cette période propice à la préparation de plats maison. Les valeurs portant sur l'« expérience » du produit (le goût, l'apparence, l'apport nutritionnel) ont quant à elles pris de l'importance et peuvent être vues comme une recherche de réconfort dans une période d'incertitudes et de stress. Toutefois, ces résultats diffèrent selon les caractéristiques socio-démographiques des personnes interrogées (ex. : baisse de l'importance attribuée à la sécurité sanitaire pour les répondants de moins de 48 ans vs augmentation pour les autres), mais aussi selon les lieux de résidence (zones urbaines ou rurales, zones selon le taux d'infection).

Part de l'importance attribuée aux valeurs des aliments avant (2015) et pendant la pandémie de Covid-19 (avril 2020)

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Source : European Review of Agricultural Economics

Lecture : les points sur la diagonale correspondent à des valeurs pour lesquelles l'importance attribuée par les interviewés n'a pas évolué ; au-dessus de la diagonale, les valeurs sont plus importantes pendant le confinement ; au-dessous, elles sont devenues moins importantes.

Les auteurs soulignent que l'importance attribuée à ces valeurs alimentaires fournit des éléments d'explication des comportements, et donc des éclairages pour les politiques publiques à mener en période de crise, quand ces valeurs sont déstabilisées.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : European Review of Agricultural Economics

Effet du Nutri-Score sur les consommateurs : attitudes, perceptions du goût et intentions d'achat

Une étude expérimentale néerlandaise, publiée en juin 2021 par la revue Food Quality and Preference, étudie l’effet de l'étiquette Nutri-Score (NS) sur les attitudes, la perception du goût et les intentions d'achat des consommateurs envers des produits alimentaires. Les auteurs ont pour cela mené une enquête en ligne Qualtrics et une analyse de variance multivariée. 196 personnes ont été interrogées à propos de trois snacks populaires aux Pays-Bas et assignées au hasard à l’une des deux situations : avec l'étiquette NS et sans étiquette NS.

Matériaux de stimuli

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Source : Food Quality and Preference

Lecture : matériaux de stimuli pour la situation avec (1ère ligne) et sans étiquette Nutri-Score (2e ligne).

D’après l’Organisation mondiale de la santé, l’étiquetage nutritionnel figurant sur l’emballage est un outil stratégique pour lutter contre le surpoids et l’obésité. Sur la base d’une revue de littérature sur les différents modes d’affichage nutritionnel, les auteurs constatent que les preuves scientifiques concernant le NS sont mitigées. Ils émettent ensuite l’hypothèse que l'attitude et l'intention d'achat sont influencées positivement par le NS mais que la perception du goût l’est négativement. Les résultats de l’étude n'ont cependant montré aucun effet significatif du NS : les consommateurs n'ont pas eu une perception plus faible du goût des produits alimentaires avec le NS par rapport à ceux sans NS. Cela va à l’encontre des résultats de Shepherd et al. (1995), selon lesquels les croyances sur la qualité nutritionnelle, influencées par l’étiquetage, déterminent les choix des consommateurs. L’étude révèle par ailleurs que les consommateurs n’avaient pas une intention d’achat plus élevée pour les produits alimentaires avec NS par rapport à ceux sans NS.

Sachant que les Pays-Bas introduiront très prochainement le Nutri-Score, les auteurs recommandent que les recherches futures étudient si l’algorithme actuel du NS est adapté aux habitudes alimentaires des Néerlandais et conforme aux directives nationales en matière alimentaire. Ils jugent également nécessaire de sensibiliser les consommateurs à l’utilisation de l’étiquetage nutritionnel en privilégiant l’éducation et la promotion du label auprès des différents publics.

Salomé Sengel, stagiaire au Centre d’études et de prospective

Source : Food Quality and Preference

Jessica Oublié, Nicola Gobbi, Kathrine Avraam, Vinciane Lebrun, Tropiques toxiques, Paris, Les escales Steinkis, 2021, 239 p.

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Écrit par J. Oublié, Tropiques toxiques porte sur la pollution par le chlordécone des territoires antillais et ses conséquences, retraçant pour cela 70 ans d’usage de la molécule en agriculture, de l’invention du Kepone aux États-Unis en 1952 jusqu’aux recherches françaises actuelles sur la décontamination des écosystèmes. Cette bande dessinée augmentée d'archives accessibles via l'application SnapPress, au service de la documentation scientifique, témoigne des nouvelles formes éditoriales qui rendent compte des controverses contemporaines sur la production alimentaire. Reposant sur une enquête qui inclut 137 entretiens (producteurs, chercheurs, responsables administratifs), l’album est assorti de références bibliographiques et d’une chronologie.

En 1971, la Commission des toxiques déclasse le chlordécone, alors considéré comme un poison, en « simple » substance dangereuse, décision qui inaugure son usage massif dans les bananeraies antillaises. Eu égard à la santé humaine, l’introduction de cette molécule dans les organismes se traduit par des naissances prématurées et une multiplication par deux du risque de cancer de la prostate. Les mécanismes de transfert de la molécule des sols et eaux vers les productions alimentaires sont également documentés. En matière de pêche, la découverte de niveaux de contamination différenciés selon la position des poissons dans la chaîne trophique (plus celle-ci est élevée, plus l’accumulation de la molécule est probable) a participé de la délimitation de zones d’interdiction des captures. Pareillement, différentes cultures sur une même parcelle manifestent des degrés de contamination hétérogènes : trois catégories de produits ont été distinguées, les patates douces, ignames et carottes se caractérisant par une sensibilité élevée.

L’album revient aussi sur les dispositifs d’adaptation à cet environnement dégradé (productions hors sol, recours à des canards et oies « tondeurs de gazon »), ainsi que sur l’effort de recherche, qui porte notamment sur l'analyse de la demi-vie de la molécule dans les organismes animaux, donnée introduite dans la modélisation de scénarios de décontamination. Enfin, l’ouvrage documente les décisions et non-décisions publiques qui ont permis au chlordécone de prospérer en dépit des alertes multiples dont il a fait l’objet.

Les travaux de l’équipe du professeur Sarra Gaspard sur la dépollution des sols

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Source : Tropiques toxiques

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Les escales Steinkis

07/07/2021

L'industrie de la viande aux États-Unis a favorisé l'accélération des contaminations liées à la Covid-19

Dans un article récent publié dans Food Policy, une équipe de chercheurs de plusieurs universités américaines a établi un lien entre la présence d'usines de conditionnement de la viande et la dynamique de la pandémie à l'échelle des comtés. Elle a ainsi calculé que le taux d'infection 60 jours après l'apparition du 1er cas était multiplié par 2,6 lorsqu'une usine importante (capacité de plus de 4 500 t/mois) de transformation de viande de porc était présente dans le comté, par 2,1 dans le cas de la viande de bœuf et 1,2 dans celui de la volaille. L'analyse des épisodes de contamination en Allemagne, pour les mêmes types de structures, a d'ailleurs permis d'identifier et de quantifier les principaux facteurs (froid, faible renouvellement de l'air, promiscuité), comme publié récemment dans Plos One.

Enfin, les auteurs de l'étude américaine évaluent à plus de 334 000 le nombre de cas induits par les clusters dans l'industrie de la viande, pour un coût économique de plus de 11 milliards de dollars.

Source : Food Folicy

11/06/2021

Consensus sur une définition des postbiotiques

Dans un article publié en mai 2021, l'International Scientific Association of Probiotics and Prebiotics (ISAPP) propose une définition du terme « postbiotique », après avoir fait de même pour probiotique, prébiotique et synbiotique. Constatant l'augmentation exponentielle de l’utilisation de ce terme ou de termes recouvrant le même concept dans la littérature scientifique (figure ci-dessous), l'association a souhaité le préciser. Comme précédemment, elle a pour cela réuni un large échantillon de scientifiques du monde entier et de disciplines médicales, afin d'aboutir à un consensus.

Évolution de l'utilisation du terme « postbiotique » dans la littérature scientifique

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Source : Nature Review Gastroenterology and Hepatology

Lecture : différents termes ont été utilisés dans la littérature depuis vingt ans pour désigner des micro-organismes inactivés ou tués. Depuis cinq ans, le terme postbiotique les a tous largement supplantés.

Les experts définissent un postbiotique comme une « préparation de micro-organismes inanimés et/ou de leurs composants, conférant un bénéfice en termes de santé pour le receveur ». Ils précisent qu'il s'agit de micro-organismes délibérément inactivés, accompagnés ou non de métabolites ou de composants cellulaires. Les métabolites seuls, les vaccins et les probiotiques tués ne sont pas des postbiotiques. Le bénéfice pour le receveur, homme ou animal, doit être vérifié. Le site d'action n'est pas limité au tractus digestif. Implicitement, le postbiotique ne doit pas être dangereux pour l'usage considéré.

Cinq modes d'action des postbiotiques ont aussi été étudiés, par exemple concernant le microbiote intestinal (figure ci-dessous). Ils peuvent agir directement sur la composition du microbiote local en modulant la part relative des différentes espèces présentes (1). Sur le site cible, ils peuvent renforcer la barrière épithéliale (2) et/ou moduler la réponse immunitaire locale (3). Ils peuvent également provoquer une réponse systémique, immunitaire (3) ou métabolique (4). Enfin, ils peuvent utiliser l'axe microbiote-cerveau pour stimuler la sécrétion de neurotransmetteurs ou d'hormones (5).

Modes d'action présumés des postbiotiques

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Source : Nature Review Gastroenterology and Hepatology

Les scientifiques envisagent quelques usages cliniques possibles qui devront être évalués : nouveaux antimicrobiens, anti-inflammatoires et immunorégulateurs, antalgiques en particulier pour lutter contre des douleurs digestives, adjuvants pour des vaccins.

Des études scientifiques ultérieures ainsi que des avis des autorités seront nécessaires pour réglementer l'usage de ce terme, y compris par les sociétés commerciales.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Review Gastroenterology and Hepatology

10/06/2021

Pascal Griset, Jean-Pierre Williot, Yves Bouvier, Face aux risques. Une histoire de la sûreté alimentaire à la santé environnementale, Éditions du Cherche-Midi, 2020, 208 pages

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Plus les risques régressent, au fil du temps, et plus ceux qui subsistent paraissent insupportables : c'est une des nombreuses leçons qu'enseigne cet ouvrage, fort intéressant, consacré à l'histoire des menaces alimentaires, industrielles et environnementales, mais aussi aux réponses scientifiques et institutionnelles qui leur ont été apportées. Centré sur la France, il couvre une longue période allant du milieu du XVIIIe siècle à aujourd'hui, et décrit aussi bien la diffusion des dangers et des pathogènes que les impacts sur les populations, les avancées techniques ou juridiques, les représentations culturelles des périls et du progrès.

Édité dans un grand format, il vaut d'abord pour sa riche iconographie, constituée de gravures, peintures, dessins, affiches, graphiques, photos. Ces nombreux documents d'époque, peu connus ou rarement vus, montrent bien les contextes, les ambiances sociales et les attitudes des acteurs. Ils restituent aussi les manières, constamment changeantes, de voir un même péril.

Le texte délimite trois grandes phases. La première (1750-1950) voit la lente affirmation des préoccupations de sécurité sanitaire : approvisionnements alimentaires, questions de salubrité, premières structurations de réseaux professionnels, interventions plus ou moins hésitantes de la puissance publique. La deuxième phase (1950-1980) décrit les privations d'après-guerre puis la remise en cause de la société de consommation et les inquiétudes face à l'abondance et au productivisme. Ces années sont aussi marquées par une nouvelle organisation de la recherche scientifique et l'émergence de mouvements environnementalistes. La dernière période (1980-2020) est celle de la convergence des problèmes publics de santé, d'alimentation et d'environnement, qui entraîne une redéfinition et une réorganisation des actions de l'État, et en particulier la création de nouvelles agences et autorités administratives indépendantes. L'approche globale s'impose aujourd'hui de plus en plus et les procédures d'expertise et de décision sont réformées en conséquence.

Ce livre montre clairement que le risque et l'assurance ont toujours formé un couple indissociable. La menace appelle la protection qui, en retour, renforce la sentiment de menace. La science et les pouvoirs publics sont pris dans ce mouvement ininterrompu, qui est le propre du progrès. Le livre atteste aussi que les problèmes de santé publique, une fois définis et délimités, trouvent de plus en plus rapidement leurs solutions : comme le disait Hölderlin, « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ».

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions du Cherche-Midi

09/06/2021

Quels risques à l'avenir pour la santé et la sécurité au travail dans les secteurs agricole et forestier ?

À la demande de l'Agence européenne de santé et sécurité au travail, des chercheurs ont réalisé une étude prospective sur les risques pour les travailleurs liés aux activités agricoles et forestières. À partir d'un état des lieux statistique, ils ont mené une large revue de littérature, complétée par la consultation d'experts dans de multiples domaines. Les principales conclusions de leur rapport ont été récemment publiées dans un Policy Brief.

Avec 24,5 morts par an pour 100 000 travailleurs en 2018, d'après Eurostat, le secteur forestier a le taux de mortalité le plus élevé des activités économiques et occupe le deuxième rang en matière de sinistralité (2 813 accidents non mortels pour 100 000 travailleurs). L'agriculture arrive en quatrième position (2 019 cas). Ces situations sont d'autant plus préoccupantes que plusieurs travaux font état d'une minoration des déclarations, liée à l'hétérogénéité des systèmes d'assurance et des concepts statistiques utilisés selon les pays, mais aussi à la diversité des types de travailleurs concernés. En effet, les accidents impliquant des retraités, des travailleurs occasionnels (membres de la famille) ou encore non déclarés, sont rarement imputés à l'activité. Au-delà, les auteurs identifient les différents risques pour la santé des agriculteurs et forestiers : usages de pesticides et produits chimiques, troubles musculo-squelettiques, nuisances sonores, etc.

Ils ont identifié les tendances ayant des impacts (positifs ou négatifs) sur le travail agricole ou forestier, dans divers domaines : technologie, environnement, sécurité alimentaire, économie, marché du travail. Ils ont ensuite examiné leurs possibles répercussions sur la santé et la sécurité des actifs. Une large part est faite aux apports potentiels de la technologie pour réduire les risques d'accidents graves et la pénibilité, comme par exemple par la cobotique, soulageant les travailleurs agricoles âgés. Il en est de même pour les défis posés par nombre d'innovations, qui peuvent augmenter les risques psychosociaux (isolement accru des actifs suite à la réduction des emplois liés à la robotisation, etc.). L'accroissement des sources de stress (voir figure) est d'ailleurs une préoccupation grandissante pour la prévention.

En conclusion, les auteurs formulent de nombreuses propositions pour les politiques agricoles et forestières, de santé et de sécurité au travail, de santé générale, ou de recherche et développement agricoles. Il s'agit, par exemple, d'intégrer la préoccupation de la santé et de la sécurité dans la réflexion sur l'amélioration du conseil agricole, ou de conditionner les aides de la PAC au respect des normes en matière de travail.

Les différentes sources de stress des agriculteurs

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Source : Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail

Concentration des acteurs alimentaires et politiques publiques de santé en Europe

Une équipe de cinq chercheurs s'est penchée sur les niveaux de concentration existant, au sein de quatre segments du secteur alimentaire, sur le marché commun européen : l'industrie des aliments emballés, celle des boissons non alcoolisées, la grande distribution et la restauration rapide. À partir des données 2017-2018 d'Euromonitor, l'étude évalue deux types de concentration : celle de l'ensemble des acteurs (indice de Herfindahl-Hirschman) et celle des quatre acteurs les plus importants (figure). Les résultats ont été publiés dans l'International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity.

Ratios de concentration des quatre acteurs les plus importants (CR4) et indices de Herfindahl-Hirschman (HHI) par pays, pour les supermarchés

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Source : International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity

Lecture : en rouge : CR4 > 60 % et Herfindalh-Hirschman > 2 000 (marchés concentrés) ; en jaune : 40 % < CR4 < 60 % et 1000 < HHI < 2000 (marchés modérément concentrés) ; en blanc : marchés faiblement concentrés.

Les différences entre les industries et les lieux d'achat sont substantielles : tandis que des acteurs dominants émergent à l'échelle européenne pour l'industrie alimentaire, particulièrement pour certains types de produits, les supermarchés se caractérisent de leur côté par une grande diversité intra-européenne mais une forte concentration par pays. Les caractéristiques locales de l'offre alimentaire influençant les pratiques des mangeurs, les auteurs suggèrent d'adapter les politiques publiques de santé en fonction de cette géographie, avec des réglementations visant les industries de transformation agroalimentaire à l'échelle européenne, et celles relatives aux supermarchés à l'échelle nationale.

Source : International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity