12/07/2022
Vers un réseau européen de surveillance de la résistance aux antibiotiques en médecine vétérinaire
La revue Frontiers in Microbiology a publié, en avril 2022, les résultats d’une étude conduite par un réseau de chercheurs européens provenant de diverses autorités publiques nationales compétentes en matière de surveillance de la résistance aux antibiotiques (AMR, Antimicrobial resistance). Cette étude avait été entreprise afin de développer un réseau européen de surveillance de l’AMR chez les animaux malades. La sollicitation d'experts des 27 États membres a d'abord permis d'identifier l'existence, au niveau national, d'un système de suivi de l’AMR chez les bactéries pathogènes des animaux (figure ci-dessous). Par la suite, une campagne d’entretiens a été réalisée dans les onze pays concernés et les différents systèmes ont été analysés puis comparés grâce à l’outil d’analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces).
Existence de systèmes de surveillance nationaux de l’AMR chez les animaux malades, à l’échelle européenne
Source : Frontiers in Microbiology
Lecture : en vert, les pays dotés d'un système de surveillance de l'AMR chez les bactéries pathogènes des animaux ; en rouge, les pays pour lesquels aucun système de surveillance n'existe ; en violet, les pays n'ayant pas fourni d'information.
Bien que les systèmes de surveillance nationaux répondent à des objectifs similaires, les auteurs soulignent la diversité de leurs financements et de leurs organisations. De plus, ces systèmes reposent souvent sur la transmission volontaire d'échantillons et peuvent être coordonnés par des structures indépendantes (universités par exemple).
Lorsqu’un système de surveillance national est en place, les experts interrogés ont mis en avant la flexibilité et la bonne collaboration des équipes en charge du suivi de l’AMR, chez les bactéries pathogènes des animaux et des humains. Cet atout pourrait encore être renforcé dans un contexte où l’approche One Health bénéficie aujourd’hui d’une plus grande visibilité. En revanche, la faible représentativité des données recueillies dans les différents pays, dans le cadre d’une surveillance passive (réception et analyse d’échantillons transmis spontanément par les vétérinaires de terrain), et l’absence de seuils quantitatifs fixés au niveau européen pour objectiver les interprétations des antibiogrammes, représentent des difficultés importantes pour les acteurs en charge de la surveillance de l’AMR chez les animaux. Malgré ces défis d’importance, les auteurs considèrent qu'une harmonisation des pratiques et l’amélioration de la qualité des données, comme cela a été le cas pour le développement du réseau équivalent en santé humaine (EARS-Net), devrait permettre de créer un réseau européen de surveillance de l’AMR liée aux usages vétérinaires (EARS-Vet). Il sera alors possible de mieux connaître les niveaux d’AMR chez les animaux et leur évolution.
Louise Dangy, Centre d’études et de prospective
Source : Frontiers in Microbiology
09:49 Publié dans 4. Politiques publiques, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : santé publique vétérinaire, antibiorésistance, surveillance | Imprimer | |
Sébastien Gardon, Amandine Gautier, Gwenola Le Naour, Serge Morand (dir.), Sortir des crises. One Health en pratiques, Éditions Quæ, 2022, 262 pages
Dans cet ouvrage paru récemment, une cinquantaine d'auteurs s'interrogent sur la mise en pratiques de l'approche One Health. En effet, si le concept est maintenant bien connu, sa traduction opérationnelle se heurte à de nombreux défis. Les 29 courts chapitres, rendant compte de travaux diversifiés (synthèses, études de cas, témoignages de professionnels, entretiens), décrivent les mécanismes permettant de rendre opérant le concept. La première partie, « Après Pasteur ? », explique l’évolution historique des enjeux scientifiques vers une spécialisation des disciplines, que One Health remet en question. La partie suivante, « Une vision renouvelée des maladies et du soin », met en évidence la vision plus holistique de la santé dans les pratiques médicales sur laquelle repose One health. Ensuite, « Un nouveau (dés)ordre économique et sanitaire du monde ? » met en perspective la mondialisation des risques et le développement d'institutions et de mécanismes de régulation globaux. Enfin, « Un nouveau paradigme des politiques publiques de santé » témoigne de la difficulté à décliner le concept de One Health dans la fabrique des politiques publiques.
La profession vétérinaire est au cœur de ces questionnements, du fait des situations empiriques rencontrées par le praticien. Face à une infestation de poules par des poux rouges, le vétérinaire doit par exemple arbitrer entre des injonctions contradictoires, mais néanmoins inhérentes au concept One Health. Ainsi, en thérapeutique, les méthodes de biocontrôle sont moins efficaces que les produits pharmaceutiques, mais ceux-ci ont des conséquences environnementales négatives.
Un exemple emblématique d’application de One Health est la lutte contre l'antibiorésistance. Si la diminution de l'usage des antibiotiques dans les élevages est avérée, l'objectif général interroge le vétérinaire : confronté aux maladies animales, le label « sans antibiotique », prôné par des ONG et des distributeurs, constitue à ses yeux un « horizon irréaliste ». Renoncer aux traitements antibiotiques chez les animaux pourrait même causer une baisse du bien-être animal, la bonne santé constituant un de ses cinq critères d'évaluation. Enfin, selon les auteurs, pour que le vétérinaire devienne un acteur central de One Health, le contenu de sa formation et les modalités de ses relations professionnelles avec les ministères chargés de l'écologie et de la santé devraient évoluer (ex. dans le cadre de l'octroi du mandat sanitaire).
Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Quæ
09:48 Publié dans Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : antibiorésistance, one health, crise sanitaire | Imprimer | |
Impacts de la Covid-19 et du changement climatique au Guatemala
Un article publié par l'International Food Policy Research Institute (IFPRI), en juin 2022, s'intéresse aux conséquences de la Covid-19 et des événements climatiques extrêmes sur les revenus, l'alimentation et les migrations dans les zones rurales du Guatemala. Entre 2019 et 2021, le pays a en effet connu plusieurs chocs. Il y a eu d'abord la pandémie, dont les conséquences en matière de santé publique furent moins dramatiques que dans d'autres pays d'Amérique centrale, alors que le taux de vaccination y est l'un des plus faibles (42 % en juin 2022). Pour juguler la crise, le gouvernement a mis en place une politique de confinements très stricts. De plus, deux ouragans, Eta et Iota, ont frappé le pays, entraînant inondations, coulées de boue et glissements de terrain.
Pour analyser les effets de ces chocs sur les populations, les auteurs ont mené trois campagnes d'enquêtes par questionnaires téléphoniques entre 2019 et 2021, auprès d'un échantillon d'environ 1 600 ménages ruraux situés dans les zones montagneuses de l'ouest du Guatemala. Si les résultats montrent une amélioration des revenus, de la sécurité alimentaire et de la diversité de l'alimentation, en 2021 par rapport à 2020, leurs niveaux restent en-deçà de ceux de 2019. Cette situation est plus marquée encore pour les populations qui ont été exposées aux catastrophes naturelles. Sur le plan de la sécurité alimentaire, l'offre locale de denrées aurait connu une reprise, mais elle se serait accompagnée de prix plus élevés, selon les ménages enquêtés (figure ci-dessous).
Perception de l'évolution des prix en 2020 et 2021
Source : IFPRI
Par ailleurs, la prévalence des expériences vécues d'insécurité alimentaire légère et modérée aurait diminué par rapport à 2020, même si elle reste supérieure à 2019. Celle des épisodes sévères resterait supérieure à 20 % des ménages enquêtés depuis le début de la pandémie, contre 11 % en 2019. Enfin, le score de diversité alimentaire aurait connu une évolution, avec un recul de la consommation de protéines animales et une augmentation de celle de fruits et légumes. Quant aux intentions de migration, qui sont trois fois plus importantes en 2021 qu'en 2019, elles découlent davantage du niveau de revenus que de l'exposition directe au virus, des restrictions de mobilité locale et des perturbations du marché alimentaire.
Johann Grémont, Centre d'études et de prospective
Source : IFPRI
09:40 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Santé et risques sanitaires, Sécurité alimentaire, Territoires | Lien permanent | Tags : pandémie, sécurité alimentaire, guatemala, migrations | Imprimer | |
11/07/2022
Détection de produits phytosanitaires sur les fruits et légumes par un nanocapteur
Une équipe de chercheurs suédois a publié dans Advanced Science, en juin 2022, les résultats d'une étude sur l'utilisation de la technique « Surface-enhanced Raman scattering (SERS) », dans une perspective de sécurité sanitaire des aliments. Les auteurs sont parvenus à surmonter les difficultés liées aux coûts élevés et à la faible reproductibilité de cette technique, qui limitaient jusqu'à présent son développement à large échelle, pour détecter la présence de résidus de pesticides à la surface de pommes. Des gouttelettes contenant le pesticide parathion-éthyl ont été déposées sur des fruits. Les prélèvements réalisés par simple écouvillonnage de surface ont confirmé la présence de ce pesticide, via une technique de spectroscopie utilisant des nano-films d'argent. Il s'agit là d'une application prometteuse de cette nanotechnologie extrêmement sensible, pour le contrôle en rayons de la présence de pesticides sur les fruits et légumes.
Source : Advanced Science
09:22 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : produits phytosanitaires, maraichage, alimentations, nanocapteur | Imprimer | |
Place des animaux dans l'épidémie de variole du singe hors d'Afrique
Dans un récent article paru dans le Bulletin de l'Académie vétérinaire de France, une chercheuse de l’Anses s'interroge sur la responsabilité des animaux comme transmetteurs ou réservoirs, pour les cas de monkeypox apparus hors d'Afrique depuis le début de l'année. En effet, les réservoirs animaux de cette zoonose demeurent mal connus, en particulier le rôle des rongeurs. Hors d’Afrique, l’hypothèse d’animaux pouvant être infectés à partir d'humains (zoonose reverse) et devenir ainsi des réservoirs a été émise. Toutefois, en raison des modalités de transmission du virus, il semble très peu probable qu'un animal de compagnie – et a fortiori un animal sauvage – soit infecté de cette manière. En cas d'infection humaine, l'auteure recommande par précaution d'éviter tout contact avec un animal domestique ou sauvage (en particulier les chats, espèce très sensible à d’autres virus varioliques, ou les rongeurs), pendant au moins trois semaines après le début des symptômes.
09:20 Publié dans Enseignement et recherche, Mondialisation et international, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : zoonose, variole du singe, santé vétérinaire | Imprimer | |
01/07/2022
Demandes d’autorisation de mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées : comparaison des avis de l’Anses et de l’EFSA
Les demandes d’autorisation de mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées font régulièrement l’objet d’avis divergents des agences sanitaires. Suite à une autosaisine, l’Anses publie une analyse quantifiant et qualifiant la nature des écarts récurrents constatés entre ses avis et ceux de l’EFSA. Alors que les deux organismes se basent sur un même référentiel d’expertise, sur les 67 demandes d’autorisation comparées, l’EFSA a émis un avis positif pour 88 % d’entre elles contre 33 % pour l’Anses. L’analyse détaillée révèle des différences de poids accordés aux différents volets de l’évaluation pour établir ensuite l’avis général conclusif, ainsi qu’une exigence plus élevée de l’Anses portée aux critères relatifs à la toxicité.
Source : Anses
11:48 Publié dans OGM, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : ogm, amm | Imprimer | |
13/06/2022
Des tomates génétiquement modifiées comme nouvelle source potentielle de vitamine D
En mai 2022, des chercheurs britanniques ont présenté dans la revue Nature Plants les résultats d'un enrichissement de tomates en vitamine D par modifications génétiques. Les carences en vitamine D sont un problème de santé publique : environ un milliard de personnes dans le monde en souffrent et sont de fait exposées à des risques accrus de cancers, de maladie de Parkinson, de dépression, etc. En la matière, les plantes ne constituent pas des sources alimentaires satisfaisantes, les meilleures étant d'origine animale (poissons, œufs, produits laitiers). Dans les travaux présentés, les auteurs ont utilisé la technique CRISPR-Cas9 pour désactiver une molécule du génome de la tomate, permettant d'accumuler la vitamine D dans le fruit et ses feuilles. La teneur dans le fruit ainsi biofortifié est équivalente à celle de deux œufs de taille moyenne ou de 28 g de thon, tous deux représentant des sources alimentaires recommandées. Quant aux feuilles, elles contiennent jusqu’à 60 fois l’apport quotidien en vitamine D préconisé et pourraient donc, selon les auteurs, servir à fabriquer des compléments alimentaires adaptés aux régimes végétaliens.
Source : Nature Plants
09:38 Publié dans Alimentation et consommation, Production et marchés, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : alimentation, nutrition | Imprimer | |
31/05/2022
Manger healthy : la mise en scène de l’alimentation quotidienne sur YouTube
Comment les médias sociaux contribuent-ils à remodeler les représentations et les pratiques d’une alimentation saine ? La thèse de Maxime David (université Le Havre Normandie) éclaire cette question en s’intéressant aux vidéos qui mettent en scène des régimes healthy sur le YouTube francophone. Elle s’appuie sur des entretiens, les réponses à un questionnaire et l’analyse d’un corpus de vidéos.
L’auteur met en évidence la dimension genrée de ces vidéos, principalement mises en ligne par des « influenceuses » et consultées par des jeunes femmes. Celles-ci y recherchent modèles et « inspiration », au moment où elles s’éloignent du foyer parental et s’autonomisent. Les vidéos ont aussi une dimension informative, prescriptive, et elles reprennent souvent des schémas manichéens avec de « bons » aliments à conserver et de « mauvais » à bannir (viande, lait, etc.). Certains éléments sont systématiquement présents (smoothies, graines de chia, produits détox, etc.), d’autres sont propres à des niches (ex. shakers protéinés des fitgirls). Une quantification nutritionnelle (méthode SU-VI-MAX) de 353 repas, répertoriés dans 98 vidéos, révèle un décalage très important avec les recommandations en faveur d’une alimentation saine (tableau ci-dessous). Les régimes végétariens sont souvent mal construits, en dessous des apports énergétiques recommandés.
Analyse nutritionnelle des vidéos taguées « Une journée dans mon assiette »
Source : M. David (p. 331)
L’étude met en évidence un éloignement des schémas traditionnels (repas pris en commun, etc.) et une vision fonctionnelle de l’alimentation, sous influences américaines. Derrière un souci affiché de naturalité et de contrôle, l’auteur relève des paradoxes (recours fréquent aux compléments alimentaires) et « un désir moins assumé : la volonté de mincir ». Il observe également que YouTube peut servir de levier d’apprentissages, voire de relai des préconisations officielles (à ce sujet, voir un autre article).
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Source : HAL
15:46 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires, Société | Lien permanent | Tags : youtube, nutrition, régime alimentaire | Imprimer | |
13/05/2022
Une étude sur l'élevage et la sélection d'abeilles résistantes au varroa
La Commission européenne a publié en mars 2022 les résultats d'une étude intitulée Restructuration de la filière apicole et programme d'élevage et de sélection pour la résistance au varroa. Elle a été menée entre 2018 et 2021 par un consortium de plus d'une centaine de chercheurs, d'apiculteurs, de sélectionneurs répartis dans onze États membres.
Arrivé sur le sol européen à la fin des années 1970, Varroa destructor est un acarien qui constitue une menace importante pour les cheptels apiaires. Le travail visait à analyser les possibilités d’augmenter la résistance des abeilles mellifères au varroa grâce à la sélection génétique, et à identifier les leviers d'amélioration de l'accès des apiculteurs à des colonies résistantes. Pour ce faire, les auteurs ont réalisé 5 études de cas dans des pays représentatifs du marché de l'élevage des abeilles (France, Allemagne, Grèce, Italie et Pologne). Ils ont également étudié 23 lignées d'abeilles appartenant à quatre sous-espèces issues de programmes de sélection, ou offrant naturellement un fort potentiel de résistance au varroa. Les reines produites à partir de ces lignées ont été distribuées à deux groupes d'apiculteurs, des testeurs et des producteurs de miels.
Les résultats ont confirmé l'importance de l'environnement (conditions climatiques, etc.) et des pratiques apicoles sur l'expression des caractères de résistance au varroa. C'est le cas par exemple du Varroa Sensitive Hygiene (VSH), un trait qui désigne la capacité de certaines abeilles à détecter et nettoyer spécifiquement les cellules de couvain infestées par l'acarien. Les auteurs ont montré que, pour une même lignée, le niveau d'expression de ce caractère varie grandement en fonction du contexte environnemental, sans que les mécanismes ne soient détaillés.
Interactions entre les caractères de résistance au varroa et les caractéristiques de la colonie et de l'environnement ; impacts sur le développement des populations d'acariens
Source : Commission européenne
Dans un second temps, les auteurs ont estimé les coûts liés à l'évaluation et la production de reines et de colonies présentant des caractères de résistance au varroa. Ces coûts peuvent être élevés : 224 €/reine en moyenne, avec de fortes variations entre les pays (100 € en Pologne, contre 312 € en France). Cependant, un cheptel sélectionné pour sa résistance peut représenter un intérêt économique conséquent pour l'apiculteur, si bien que la balance bénéfices-coûts peut s'équilibrer, voire être excédentaire.
Johann Grémont, Centre d'études et de prospective
Source : Commission européenne
12:14 Publié dans Filières agricoles, Production et marchés, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : apiculture, varroa, sélection | Imprimer | |
Guide de la FAO pour la gestion des urgences en santé animale
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l’agriculture (FAO) a publié récemment la seconde édition française de son manuel de bonne gestion des urgences, qui vise à réduire les impacts d'une crise sanitaire animale. Il décrit pas à pas cette gestion, lors des quatre phases de l'amont à l'aval d'une crise : préparation, identification, réponse, reconstruction une fois l'urgence passée (figure ci-dessous).
Gestion d'une urgence zoosanitaire
Source : FAO
La phase la plus importante est celle dite en « temps de paix ». Il s'agit alors de planifier une suite logique d'actions à réaliser dès le début de la crise. Dans ce cadre, une analyse du risque est intéressante et un audit des systèmes vétérinaires de surveillance, et de réponse à l'urgence avérée, permet de mettre en évidence les faiblesses des modes de gestion. Ceux-ci peuvent être testés lors d'un exercice de simulation. La prévention est également fondamentale : par exemple, dans le cadre de l'influenza aviaire hautement pathogène, les mesures de biosécurité ont été renforcées, en particulier dans les zones touchées. Enfin, la détection des signaux faibles annonciateurs ou des premiers cas requiert des plans de surveillance efficaces.
La phase d'alerte est déclenchée lorsqu’une maladie est présente dans un pays voisin ou qu'un premier cas est suspecté sur le territoire. Elle nécessite une appréciation rapide du risque, voire la modélisation de scénarios. Les protections sont renforcées aux frontières ou contre la faune sauvage si celle-ci est impliquée dans la propagation. Les mesures programmées en « temps de paix » sont adaptées pour une mise en application rapide en cas de besoin. Un système d'alerte précoce (détection, signalement, communication d'un premier cas) est activé.
La phase d'urgence, lors de la multiplication des cas, vise à contenir puis éliminer l'agent pathogène rapidement. Suite à une analyse de la situation, les procédures planifiées à l'avance sont activées. Selon la maladie, une approche One Health (Une seule santé) peut être utilisée. Coordonnée nationalement, elle est mise en œuvre localement et l'échange d'informations entre les niveaux national et local, et entre les parties prenantes, est fondamental.
Enfin, en phase de reconstruction, les capacités de production sont rétablies et les plans d'urgence sont mis à jour à partir d’une analyse critique de la gestion de la crise.
Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective
Source : FAO
12:12 Publié dans 4. Politiques publiques, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : crise sanitaire, politiques publiques, épizootie, zoonose | Imprimer | |
14/04/2022
Régulation de la publicité sur les produits gras, salés et sucrés et comportements d'achat
La mise en place de restrictions concernant la publicité relative aux produits gras, salés et sucrés fait partie des recommandations de politiques publiques fréquemment mises en avant pour lutter contre l'obésité et promouvoir des régimes alimentaires sains. Dans un article publié en février 2022 dans la revue PloS Medicine, des chercheurs ont évalué l'impact de telles mesures sur le comportement d'achat des consommateurs. Le travail porte sur l'agglomération londonienne, qui, à de rares exceptions près, a interdit ce type de publicité en 2019 dans son réseau de transports en commun.
Pour estimer l'effet de cette réglementation sur l'achat de produits gras, salés et sucrés par les Londoniens, les auteurs ont conduit une analyse contre-factuelle, à partir de données d'achat issues d'un panel de 32 000 foyers. Au sein de ce panel, deux échantillons aléatoires ont été constitués (figure ci-dessous). Le premier était composé de foyers londoniens (977 ménages) ayant eu affaire à la réglementation. Le second, faisant office d'échantillon témoin, comprenait des foyers du nord de l'Angleterre (993 ménages), suffisamment éloignés de la capitale britannique pour pouvoir faire l'hypothèse qu'ils n'avaient pas bénéficié de la réglementation évaluée. Ce dispositif quasi-expérimental a permis de contrôler les facteurs dits « confondants » car susceptibles d’influer eux aussi sur les variables observées : fluctuations saisonnières des comportements d'achat, tendances structurelles concernant la consommation des produits étudiés, etc.
Caractéristiques des échantillons
Source : PloS Medicine
Les tests statistiques réalisés mettent en évidence un effet positif et statistiquement significatif de la réglementation sur la consommation de produits gras, salés et sucrés. Ainsi, celle-ci a diminué de 6,7 % suite à la mise en œuvre des mesures évaluées. Cela représente environ 1 000 kcal/semaine/foyer, soit l'équivalent de 70 grammes environ de chocolat au lait standard par personne et par semaine. Quoique positif, cet effet demeure trop faible pour contre-balancer la tendance à la hausse de la consommation de ces produits. Enfin, l'effet de la réglementation semble plus prononcé pour certaines catégories de populations (personnes en surpoids, catégories socio-économiques intermédiaires), sans que cela ne soit statistiquement significatif. En conclusion, les auteurs estiment que cette recherche confirme l'efficacité de mesures ciblant la publicité, pour limiter la consommation de certains aliments contribuant à des régimes néfastes pour la santé.
Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective
Source : PloS Medicine
10:13 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Santé et risques sanitaires, Société | Lien permanent | Tags : sucre, régulation, publicité, régimes alimentaires | Imprimer | |
13/04/2022
Éléments de prospective sur l'avenir de la sûreté alimentaire
Le programme de prospective pour la sécurité sanitaire des aliments, de la FAO, a publié un rapport détaillant certains facteurs d'évolution pouvant l'influencer : le changement climatique, l'évolution des régimes alimentaires et de la consommation, celle des modes de production (agriculture urbaine, culture cellulaire) et le recyclage des plastiques. S'appuyant sur la littérature existante, les auteurs soulignent les effets de l'augmentation des températures et de l'humidité sur le développement de populations pathogènes (salmonelles, mycotoxines, etc.) dans les produits alimentaires. De plus, les inondations pourraient augmenter le risque de diffusion des agents contaminants dans les champs. L'acidification des océans constituerait aussi un facteur encourageant le développement des algues, avec des conséquences sur la biodiversité environnante, mais aussi sur la contamination des produits de la mer par certaines toxines qu'elles produisent.
Des régimes plus riches en protéines végétales et le développement de la consommation de nouveaux produits (insectes, méduses, algues, etc.) soulèveraient selon les auteurs plusieurs problèmes. Au-delà des risques d'allergies mentionnés par le rapport, la consommation excessive de certains de ces produits induirait des risques de surconsommation de certains éléments comme les phyto-œstrogènes et l'iode. La flore microbienne et bactériologique de ces espèces nouvellement consommées nécessiterait aussi d'être étudiée avec attention. Enfin, des problèmes liés à la proximité d'élevages ou de cultures pourraient aussi apparaître (métaux lourds, toxines, résidus phytosanitaires, etc.).
Les auteurs attirent l'attention sur les impacts potentiels des nouveaux modes de consommation (problème de rupture de la chaîne du froid dans le cas des plats préparés à la maison, etc.). Ils identifient aussi ceux associés à la production (cryoprotectants pour préserver la viande in vitro des effets du froid, impacts des pollutions de l'air, de l'eau et des sols pour les produits issus de l'agriculture urbaine), et à l'économie circulaire (contamination possible d'aliments par des emballages mal recyclés).
Le rapport suggère enfin plusieurs pistes d'intérêt pour la recherche : le microbiote (notamment pour son rôle dans la compréhension des problèmes sanitaires), mais aussi l'intelligence artificielle, les données massives et les technologies blockchain, etc.
Marie-Hélène Schwoob, Centre d’études et de prospective
Source : FAO
10:08 Publié dans 1. Prospective, Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : sécurité sanitaire, prospective, sureté alimentaire | Imprimer | |
Impacts socio-économiques de la peste porcine africaine aux Philippines
La peste porcine africaine (PPA) est apparue aux Philippines en juillet 2019, occasionnant une baisse de production de 9,8 % au dernier trimestre de la même année. Si les mesures sanitaires ont permis de limiter les conséquences de l'épizootie, leurs impacts sur la vie quotidienne des éleveurs, et plus largement des travailleurs de la filière porcine, ont été moins bien étudiés. Pour y remédier, une évaluation a été mise en place, en coopération avec l'Australie et le Timor oriental. Il était principalement basé sur des groupes de discussion, dans des zones rurales ayant subi la PPA. Il en ressort qu'aux Philippines les petits élevages sont nombreux, certains d'appoint, souvent familiaux, et que la perte d'animaux est économiquement très lourde. En outre, les produits des ventes servent souvent à payer les frais d'éducation des enfants. Enfin, ces petits propriétaires considèrent le porc comme un membre de la famille et son euthanasie provoque un choc émotionnel et des réactions d'hostilité envers le personnel sanitaire.
Source : Frontiers in Veterinary Science
09:51 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international, Production et marchés, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : philippines, épizootie, peste porcine africaine | Imprimer | |
11/04/2022
Pasteur et les vétérinaires
L'année 2022 marque le bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur (1822-1895). À cette occasion, l'Académie vétérinaire de France consacre un numéro spécial à l'illustre savant, qui a rejoint les rangs de l'ancêtre de cette académie en 1880. Y sont rassemblés une vingtaine d'articles issus de son Bulletin. Les relations entre Pasteur et les vétérinaires ont en effet été étroites puisque, après ses travaux de cristallographie et sur les fermentations, ses études de pathologie se concentrèrent sur les maladies animales, domaine où il fut bien accueilli par cette profession. Au fil des pages, on retrouve ses disciples comme Nocard et Bouley et on le suit dans sa lutte contre la rage et le charbon. Un personnage qui s'inscrit avant l'heure dans la notion moderne du One Health.
Source : Académie vétérinaire de France
09:39 Publié dans Enseignement et recherche, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : santé globale, vétérinaire, maladies animales | Imprimer | |
16/03/2022
Sécurité sanitaire et comportements alimentaires dans les pays à revenus faibles et intermédiaires
Un article paru dans Global Food Security, en mars 2022, s'intéresse à l'impact des préoccupations de sécurité sanitaire sur les comportements alimentaires, dans les pays à revenus faibles et intermédiaires (PRFI). Chaque composante du système alimentaire peut être concernée par le problème de la sûreté alimentaire, que cela soit au niveau de la production (ex. usage non réglementé des pesticides), de la transformation (ex. eau contaminée), de la commercialisation (ex. insalubrité des points de vente), du transport o u encore de la consommation elle-même (ex. pratiques inappropriées de conservation des aliments). Ces enjeux sont particulièrement prégnants dans les PRFI, où les normes réglementaires et les systèmes de contrôle sont souvent limités. Pour autant, peu d'études portent sur le sujet, la plupart ayant été conduites dans les pays à revenus élevés.
Les auteurs font l'hypothèse que les préoccupations liées à la sûreté alimentaire dans les PRFI ont, assez paradoxalement, des conséquences négatives sur le comportement des consommateurs et sur la qualité de leur alimentation. Elles les conduisent par exemple à privilégier des aliments emballés, jugés sanitairement plus sûrs, mais qui sont en réalité plus pauvres sur le plan nutritionnel. Pour le montrer, ils ont procédé à une large revue de la littérature, en mobilisant un cadre conceptuel « socio-écologique » (figure ci-dessous).
Cadre conceptuel utilisé pour la revue de littérature
Source : Global Food Security
46 études pertinentes ont été identifiées, portant principalement sur des pays africains et asiatiques (figure ci-dessous). La plupart ont été publiées après 2016, ce qui témoignerait, selon les auteurs, d'un intérêt grandissant pour ce sujet.
Nombre d'études conduites sur la sécurité sanitaire, par pays à revenus faibles ou intermédiaires, entre 2003 et 2021
Source : Global Food Security
Conformément à l'hypothèse de départ, l'analyse montre que les préoccupations liées à la sûreté alimentaire peuvent se traduire par une baisse des achats de fruits et légumes frais, perçus comme plus sensibles d'un point de vue sanitaire.
Certaines études plaident donc pour un renforcement de l'éducation à l'alimentation, du cadre réglementaire ou encore du soutien aux actions de certification ou d'étiquetage, même si ces dernières peuvent souffrir de moyens de contrôle limités. Les auteurs estiment que ces préoccupations devraient être prises en compte par les politiques publiques, pour prévenir l'aggravation de certaines problèmes de santé publique (surpoids, obésité).
Johann Grémont, Centre d’études et de prospective
Source : Global Food Security
10:49 Publié dans Alimentation et consommation, Développement, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : pays à revenus faibles et intermédiaires, consommation, sécurité sanitaire, sureté alimentaire | Imprimer | |