08/07/2021
Effet du Nutri-Score sur les consommateurs : attitudes, perceptions du goût et intentions d'achat
Une étude expérimentale néerlandaise, publiée en juin 2021 par la revue Food Quality and Preference, étudie l’effet de l'étiquette Nutri-Score (NS) sur les attitudes, la perception du goût et les intentions d'achat des consommateurs envers des produits alimentaires. Les auteurs ont pour cela mené une enquête en ligne Qualtrics et une analyse de variance multivariée. 196 personnes ont été interrogées à propos de trois snacks populaires aux Pays-Bas et assignées au hasard à l’une des deux situations : avec l'étiquette NS et sans étiquette NS.
Matériaux de stimuli
Source : Food Quality and Preference
Lecture : matériaux de stimuli pour la situation avec (1ère ligne) et sans étiquette Nutri-Score (2e ligne).
D’après l’Organisation mondiale de la santé, l’étiquetage nutritionnel figurant sur l’emballage est un outil stratégique pour lutter contre le surpoids et l’obésité. Sur la base d’une revue de littérature sur les différents modes d’affichage nutritionnel, les auteurs constatent que les preuves scientifiques concernant le NS sont mitigées. Ils émettent ensuite l’hypothèse que l'attitude et l'intention d'achat sont influencées positivement par le NS mais que la perception du goût l’est négativement. Les résultats de l’étude n'ont cependant montré aucun effet significatif du NS : les consommateurs n'ont pas eu une perception plus faible du goût des produits alimentaires avec le NS par rapport à ceux sans NS. Cela va à l’encontre des résultats de Shepherd et al. (1995), selon lesquels les croyances sur la qualité nutritionnelle, influencées par l’étiquetage, déterminent les choix des consommateurs. L’étude révèle par ailleurs que les consommateurs n’avaient pas une intention d’achat plus élevée pour les produits alimentaires avec NS par rapport à ceux sans NS.
Sachant que les Pays-Bas introduiront très prochainement le Nutri-Score, les auteurs recommandent que les recherches futures étudient si l’algorithme actuel du NS est adapté aux habitudes alimentaires des Néerlandais et conforme aux directives nationales en matière alimentaire. Ils jugent également nécessaire de sensibiliser les consommateurs à l’utilisation de l’étiquetage nutritionnel en privilégiant l’éducation et la promotion du label auprès des différents publics.
Salomé Sengel, stagiaire au Centre d’études et de prospective
Source : Food Quality and Preference
19:48 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Production et marchés, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : pays-bas, étiquetage nutritionnel, alimentation, consommation | Imprimer | |
19/04/2021
Des scénarios de transition pour l'agriculture hollandaise
Les Pays-Bas se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 49 % d'ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Des chercheurs de l'université de Wageningen ont étudié les impacts potentiels de quatre scénarios de transition de l'agriculture hollandaise en les comparant à un scénario de référence dit « business-as-usual » et à la situation de 2017 (année des données de l'étude). Leurs résultats ont été publiés dans la revue Land Use Policy en mars.
L'analyse présentée repose sur l'intégration de plusieurs modèles, permettant : i) de déterminer le niveau de production optimal de chaque sous-secteur agricole ; ii) de chiffrer les impacts économiques ; iii) d'estimer les impacts environnementaux ; iv) d'étudier les répercussions des variations de prix sur l'ensemble de la chaîne. Quatre scénarios permettant d'atteindre les objectifs de transition agro-écologique fixés au niveau national sont étudiés : réduction des émissions de GES, d'ammoniac, réduction de la lixiviation des nitrates, ou des phosphates. Leur construction repose sur trois variables : l'orientation de l'agriculture en 2030 (productiviste ou « orientée vers la nature »), les objectifs environnementaux (minimaux ou plus ambitieux) et l'ensemble des mesures envisageables (mesures simples et facilement acceptables ne réduisant pas la productivité ou mesures plus contraignantes).
Dans tous les scénarios, les quantités produites en 2050 seront inférieures aux niveaux actuels et les exportations diminueront. Le niveau d'auto-suffisance restera très bas pour les céréales (autour de 10-15 %) et descendra sous les 100 % pour la betterave, le pays devenant donc importateur net de ce produit (figure ci-dessous). Cela pourrait se produire aussi pour la pomme de terre, dans le cas d'une trajectoire « orientée vers la nature ». La marge brute pour chaque production est également appelée à diminuer de 10 à 20 %. Dans le scénario le plus favorable à l'environnement, la valeur ajoutée et l'emploi diminueraient de 35 à 40 %. Du point de vue environnemental, les auteurs montrent qu'il est nécessaire de limiter la taille des cheptels pour atteindre les réductions d'émissions visées. Cela induit un changement d'usage des terres qui, dans les scénarios les plus ambitieux, se fait au profit d'activités forestières, permettant ainsi le stockage du carbone et l'atteinte de la neutralité du secteur agricole en termes d'émissions de GES, à 2050 comme prévu dans l'Accord de Paris.
Ratio d'auto-suffisance pour quelques produits
Source : Land Use Policy
Lecture : un ratio supérieur ou égal à 1 signifie que les Pays-Bas produisent suffisamment pour couvrir leurs besoins. En dessous de 1, des importations sont nécessaires. Au-dessus de 1, des exportations sont possibles. Scénarios étudiés : baseline 2050 (scénario de référence, business as usual) ; productivity intended (agriculture orientée vers la productivité et objectifs environnementaux minimaux) ; nature inclusive intended (agriculture orientée vers la nature et objectifs environnementaux minimaux) ; productivity stricter (agriculture orientée vers la productivité et objectifs environnementaux ambitieux) ; nature inclusive stricter (agriculture orientée vers la nature et objectifs environnementaux ambitieux). Baseline 2017 : situation actuelle.
Estelle Midler, Centre d'études et de prospective
Source : Land Use Policy
14:18 Publié dans 2. Evaluation, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : transition, émissions agricoles, scénarios, impacts économiques, pays-bas | Imprimer | |
15/10/2019
« Manger demain » : six enquêtes du journal Le Monde sur l’industrie agroalimentaire
Que mangerons-nous demain ? Le Monde a consacré cet été six reportages à cette question, illustrés par le photographe J. Goldstein. La série montre de façon détaillée comment les défis de la démographie et de la demande, d’une part, les enjeux liés à l’environnement (préservation des ressources, adaptation au changement climatique), d’autre part, poussent à amplifier les stratégies d’alimentation de masse développées au XXe siècle.
Trois articles portent sur des cultures en environnement ouvert. Celle du mil, traditionnelle au Sénégal, semble prometteuse sur le plan environnemental (agroforesterie en association avec l'arbre Faidherbia albida), mais les goûts alimentaires des citadins privilégient plutôt de plus en plus les pâtes à base de blé et le riz. De son côté, la production d'algues alimentaires en Corée du Sud semble en passe de relever le défi de la globalisation d'une tradition auparavant marginale. Enfin, les lentilles OGM résistantes au glyphosate du Saskatchewan (Canada), portées par l'affirmation des régimes végétariens, illustrent un modèle de développement agro-industriel plus connu (et critiqué), dans la continuité des stratégies d'artificialisation des agroécosystèmes.
Les trois autres enquêtes portent sur des productions en environnement contrôlé ou semi-contrôlé. Celle menée par S. Mandard en Andalousie, impressionnante « plongée dans l’enfer des serres de tomates bio », conforte les analyses d’autres journalistes (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). En 30 ans, cette région est devenue leader du marché en sacrifiant son paysage à 33 000 ha de terres sous bâches, en recourant massivement au soufre et en mobilisant une main-d’œuvre prolétarisée. Les reportages que consacrent M. Gérard à l’élevage industriel des poulets aux Pays-Bas et M. Valo à celui des saumons en Norvège (dans des cages en pleine mer) se positionnent en contrepoint. Ils donnent à voir des unités confinées, aux effectifs réduits et tournées vers l’exportation, mais dont les producteurs, soucieux de leur image et plus ouverts sur l’extérieur, ont intégré les normes de bien-être animal dans leurs conceptions de l’excellence professionnelle.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Source : Le Monde, Le Monde, Le Monde, Le Monde, Le Monde, Le Monde
11:39 Publié dans Alimentation et consommation, IAA, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : industrie agroalimentaire, mil, algues, lentilles, andalousie, tomestes, poulets, pays-bas, saumons, norvège, sénégal, corée du sud, canada | Imprimer | |
08/11/2018
Dynamique de la structure financière des exploitations agricoles néerlandaises
Une étude récente de l'European Review of Agricultural Economics s'intéresse à la dynamique de l'endettement des exploitations agricoles aux Pays-Bas et à ses déterminants. Les auteurs utilisent pour cela un modèle économétrique, estimé sur un panel de 1 500 exploitations, sur la période 2001-2015. Les résultats indiquent une relation négative entre profits et endettements, confirmant la théorie du financement hiérarchisé (pecking order) selon laquelle, pour financer leurs investissements, les firmes recourent préférentiellement au financement interne (bénéfices réinvestis) puis, en second lieu, à l'endettement. Celui-ci augmente avec la taille des exploitations et la présence d'actifs tangibles servant de garantie (pour les exploitations laitières), et diminue en général avec le risque revenu. Enfin, les auteurs montrent que l'endettement des exploitations étudiées tend vers une certaine valeur cible de façon plus lente que dans d'autres secteurs : cela suggère une inertie significative de leur structure financière, notamment pour les exploitations de plus petite taille.
08:57 Publié dans Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : structure financière, exploitations agricoles, endettement, pays-bas | Imprimer | |
17/09/2018
EuroChoices : le Brexit et ses répercussions sur le secteur agroalimentaire
La revue EuroChoices consacre son numéro d'août 2018 aux conséquences du Brexit sur le secteur agroalimentaire du Royaume-Uni et d'autres pays européens, faisant suite, sur le même thème, aux numéros des étés précédents (août 2016 et 2017 – voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Après l'éditorial, qui rappelle les incertitudes ouvertes par le Brexit, la revue comprend quatre articles, une double page statistique sur la concentration du commerce agricole et un point de vue de S. Tangermann. Celui-ci défend l'idée que si le Brexit est une « tragédie » pour les deux parties, elle pourrait être limitée par une approche plus souple des négociations et du principe d'indivisibilité des quatre libertés du marché unique.
On retiendra de J. Curnow, économiste en chef au Defra, la possibilité offerte par le Brexit de concevoir une nouvelle politique agricole britannique, présentée comme plus vertueuse que la PAC : système de paiement simplifié, privilégiant le financement des biens publics et des résultats environnementaux, suppression progressive des paiements directs, amélioration de la productivité des exploitations agricoles.
Un article collectif, piloté par C. Hubbard, présente les impacts de six scénarios de politique commerciale et intérieure sur l'agriculture, s'appuyant sur des outils de modélisation en équilibre général (Defra-Tap) et partiel (UK FAPRI). La suppression unilatérale des droits d'importation par le Royaume-Uni est le scénario le plus négatif pour l'agriculture de ce pays. Dans le scénario « tarifs OMC », ses exportateurs seraient défavorisés (ex. : secteur ovin), mais ses importateurs s'en sortiraient mieux (ex. : secteur laitier). La suppression des paiements directs accentuerait les effets négatifs. Les auteurs soulignent également la variabilité régionale des résultats.
L'article de B. Le Gallic et al. traite, quant à lui, de la réallocation des quotas de pêche (quotas historiques ou accords inspirés des partenariats existant entre l'Union européenne et les pays nordiques ou africains), en soulignant l'importance de l'accès à une main-d’œuvre européenne, qui représente 42 % de la force de travail du secteur de la pêche britannique. L'article de S. van Berkum et al. complète l'analyse en évaluant les répercussions du Brexit sur le commerce agroalimentaire aux Pays-Bas, dont 10 % des exportations agricoles sont destinés au Royaume-Uni.
Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective
Source : EuroChoices
10:42 Publié dans IAA, Production et marchés | Lien permanent | Tags : brexit, agroalimentaire, royaume-uni, pays-bas | Imprimer | |