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08/02/2019

Comparaison de la diversité présente sur les exploitations de cacao au Ghana, en agriculture conventionnelle ou biologique

La forte croissance de la demande mondiale de cacao devrait se poursuivre au cours des dix prochaines années (augmentations attendues de 10 % de la production et de 25 % des prix). Afin d'y répondre, les producteurs ont souvent recours à l'intensification et à l'expansion de leurs exploitations, au moyen de la déforestation. Dans un article de la revue Plos One paru en janvier 2019, des chercheurs comparent différents indicateurs de biodiversité, obtenus par des mesures de terrain sur des exploitations cacaoyères au Ghana, en agriculture conventionnelle ou biologique. Ils montrent que les secondes présentent des milieux plus riches en fleurs, en fruits et en espèces d'arbres. En plus de leur rôle de réservoir de biodiversité, elles sont plus favorables à l'installation d'espèces auxiliaires, permettant un meilleur contrôle des adventices et des nuisibles, ainsi qu'un enrichissement du sol et une meilleure résilience du système aux perturbations (climatiques, par exemple).

Indices de diversité et de richesse spécifiques, mesurés sur les exploitations biologiques et conventionnelles

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Source : Plos One

Source : Plos One

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15/01/2019

Durabilité de la pêche thonière

Afin d'analyser le fonctionnement du marché mondial du thon, l'Iddri a mené pendant deux ans une revue de la littérature et des entretiens avec des acteurs et des experts. Les résultats, publiés en novembre, montrent que ce produit, lorsqu'il est commercialisé en conserve, est la forme la plus économique de protéines animales. Si ce marché de la conserve est en pleine expansion, tiré par de nouveaux pays consommateurs du Moyen-Orient et d'Amérique latine), l'Union européenne (UE) et les États-Unis en demeurent les principaux (72 % des volumes). Les pêches nationales étant insuffisantes pour satisfaire la demande, l'importation joue un rôle majeur. Cependant, les consommateurs européens et américains sont de plus en plus sensibles à la durabilité de cette pêche. Or, l'état des stocks de thons est très variable selon la zone et l'espèce considérées : seuls 8 % des prises se font à la canne, méthode réputée la plus vertueuse, et des cas d'esclavage et de travaux forcés ont été rapportés sur certains navires et dans certaines conserveries. Enfin, la demande croissante encourage l'investissement pour augmenter les capacités de capture des navires.

La pêche thonière étant un pilier important de l'économie et de la sécurité alimentaire des pays en développement producteurs, le rapport discute les principaux facteurs pouvant influencer le marché mondial. Le premier est la stratégie des enseignes de grande distribution qui, sous la pression des consommateurs, cherchent à développer leurs gammes de produits certifiés, incitant les fournisseurs à s'y engager. Cependant, l'impact réel des labels semble limité : par exemple, parmi les stocks surexploités en 2011 et ayant obtenu une certification, la moitié d'entre eux n'ont pas vu augmenter leur biomasse. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que les labels garantissent un niveau minimum de bonnes pratiques, sans pour autant encourager leur développement. Au niveau de l'UE, un dispositif de lutte contre la pêche illégale de thons a été adopté, visant notamment à interdire l'exportation vers le marché européen des produits en provenance de pays qui ne rempliraient pas les critères demandés. Le Sri Lanka a ainsi été touché par cette mesure, mettant alors rapidement en place les démarches nécessaires pour recouvrer son statut d'exportateur. Pour les auteurs, ce dispositif s'est donc révélé efficace.

Un rapport de synthèse, ainsi que des focus sur l'océan Indien et sur la thématique du changement climatique, sont également disponibles sur le site Internet de l'Iddri.

Les limites des démarches de durabilité

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Source : Iddri

Aurore Payen, Centre d'études et prospective

Source : Iddri

09:01 Publié dans Environnement, Mondialisation et international, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : thon, pêche, durabilité, iddri |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/01/2019

Agroecosystem Diversity, Gilles Lemaire, Paulo César de Faccio Carvalho, Scott Kronberg, Sylvie Recous (eds.)

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Si la modernisation des agricultures des pays industrialisés a permis d'accroître les rendements, elle s'est accompagnée de dégradations environnementales importantes, au point que la préservation des écosystèmes semble désormais passer par une réduction des volumes produits par hectare. Une telle option pourrait toutefois fragiliser la sécurité alimentaire mondiale. Dans un ouvrage rassemblant 28 contributions et intitulé Agro-Ecosystem Diversity, plusieurs chercheurs s'interrogent sur ce dilemme. Leurs réflexions reposent sur l'hypothèse selon laquelle les dégradations environnementales liées à l'agriculture résultent d’abord et avant tout de la simplification des agro-écosystèmes.

Les contributions sont organisées en six sections. La première est consacrée à l'analyse des cycles biogéochimiques et montre que ces derniers sont aujourd'hui largement dissociés. Les deux sections suivantes mettent en évidence les aménités générées par des agro-écosystèmes complexes : limitation de l'érosion, protection de la biodiversité, stockage du carbone, etc. La quatrième étudie les performances techniques de formes de production reposant sur des agro-écosystèmes complexes (agroforesterie, polyculture-élevage, agriculture biologique), et montre que celles-ci autorisent de hauts niveaux de production. Suivent plusieurs analyses socio-économiques relatives, notamment, aux leviers à mobiliser pour favoriser la diversification (paiements pour services environnementaux, prise en compte de l'incertitude, etc.). Enfin, la sixième section entend élargir la réflexion et prend en considération des éléments tels que l’alimentation, la gestion des ressources naturelles, l’histoire, etc.

Dans cette dernière partie figure une contribution basée sur la modélisation des systèmes agroalimentaires de 50 régions françaises et espagnoles, et des flux d'azote associés (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). La situation actuelle montre d'importants déséquilibres, avec des régions excédentaires (zones d'élevage) et d'autres déficitaires (zones de cultures). Les auteurs imaginent ensuite un scénario alternatif, où prédominerait la polyculture-élevage biologique destinée à l'alimentation de la population locale. À condition de faire l'hypothèse d'une diminution des quantités de produits animaux consommées, un tel scénario apparaît envisageable. La question des modalités concrètes de mise en œuvre d'une telle transition n'est malheureusement toutefois pas abordée.

Flux d'azote associés aux systèmes agroalimentaires régionaux de la France et de l'Espagne selon deux scénarios

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Source : ScienceDirect

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : ScienceDirect

08/01/2019

22 solutions pour une alimentation durable en 2050

La consommation alimentaire mondiale pourrait augmenter de 50 % d'ici à 2050. Un rapport du World Resources Institute, publié en décembre, propose donc un « menu » de 22 options pour un avenir alimentaire durable. Pour cela, trois défis sont à surmonter : produire plus pour satisfaire la demande (food gap), freiner la conversion et la dégradation des terres (land gap) et réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter l'augmentation de la température à 1,5-2°C (emission gap). Les solutions proposées sont organisées en cinq grandes catégories : 1) réduire la croissance de la demande alimentaire en limitant les pertes et en adoptant des régimes alimentaires moins riches en viande, 2) augmenter la production sans convertir de nouvelles terres (notamment via l'innovation technologique), 3) protéger et restaurer les forêts, les savanes et les tourbières, 4) développer les pêcheries et l'aquaculture durables pour remplacer la viande par du poisson dans les consommations alimentaires et 5) réduire les émissions de gaz à effet de serre (ex. : par une meilleure gestion des effluents d'élevage). Enfin, les auteurs explorent comment trois scénarios, plus ou moins ambitieux, permettent de relever ces défis.

Source : World Resources Institute

18/12/2018

83 % des sols agricoles européens contiennent des résidus de pesticides

Des chercheurs de l'université de Wageningen ont mesuré les résidus de 76 pesticides dans les sols de 11 États membres de l'Union européenne, pour 6 systèmes de production. Ils publient leurs résultats dans un article de la revue Science for the Total Environment mis en ligne en novembre.

Pour ce faire, ils ont utilisé 300 échantillons collectés dans dix pays lors de l'enquête LUCAS sur l'utilisation des terres (Eurostat), ainsi que 17 provenant d'exploitations viticoles portugaises. Les sols de six cultures, fortement consommatrices de pesticides et recouvrant des surfaces importantes, ont été analysés : céréales, cultures permanentes, tubercules (ex. betterave), cultures industrielles non permanentes, légumineuses à graine et fourrages, légumes. Des échantillons ont été prélevés pour chaque culture dans différentes régions et types de sols, et les résidus de 34 insecticides, 27 fongicides et 15 herbicides ont été mesurés, les produits étudiés étant actuellement autorisés ou interdits.

Nombre de résidus de pesticides dans les échantillons prélevés

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Source : Science of the Total Environment

Les résultats montrent que seuls 17 % des sols agricoles européens ne contiennent aucun résidu de pesticide, tandis que 58 % d'entre eux ont au moins 2 molécules (figure ci-dessus). Les sols du sud de l'Europe présentent un nombre inférieur de résidus que ceux de l'est (figure ci-dessous). Le sud européen a également davantage de sols fortement contaminés (> 1 mg/kg) et de sols vierges de résidus.

Nombre de résidus de pesticides dans les sols agricoles (couche superficielle) de l'Union européenne

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Source : Science of the Total Environment

De fortes différences existent également selon les cultures. Ainsi, tous les sols cultivés pour la production de tubercules sont contaminés par au moins un résidu de pesticide tandis que c'est le cas de seulement 38 % de ceux dédiés aux fourrages et aux légumineuses. Le glyphosate et ses métabolites, ainsi que certains fongicides à large spectre, sont les plus souvent présents et aux concentrations les plus élevées (jusqu'à 2,87 mg/kg).

La présence d'un mélange de résidus de pesticides dans le sol ressort ainsi comme la norme plutôt que l'exception, dans les sols étudiés. Les auteurs soulignent donc la nécessité d'harmoniser les politiques de protection au niveau européen. Celles-ci devraient permettre le suivi de cette contamination et établir une réglementation commune, basée sur des standards de qualité des sols. Pour eux, l'effet potentiel des mélanges de résidus devrait aussi être mieux étudié et pris en compte, lors de la délivrance des autorisations de mise sur le marché.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Science of the Total Environment

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14/12/2018

Étude sur la durabilité de la filière du café

En octobre ont été publiés les résultats d'une étude du Basic, consacrée à la filière du café. S'appuyant sur des sources diverses (travaux de recherche, données, entretiens), les auteurs s'intéressent aux « conditions qui permettraient l'avènement d'une filière réellement durable du café », alors que se multiplient les initiatives en la matière, portées historiquement par les acteurs du commerce équitable, et plus récemment par des entreprises (notamment les leaders du secteur). Trois études de chaînes de valeur nationales complètent l'analyse : Colombie, Éthiopie et Pérou.

En croissance régulière depuis 50 ans et estimée en 2017 à 9 millions de tonnes, pour une valeur de 200 milliards de dollars, la consommation mondiale de café connaît deux tendances, pour un produit auparavant peu différencié : le développement des ventes de café instantané (en majorité du robusta) ; l'émergence de cafés « premium » (essentiellement de l'arabica), positionnés sur l'« expérience de dégustation » et valorisant les origines. Les Français sont les premiers consommateurs de cafés en dosettes à domicile.

Croissance annuelle moyenne de la consommation de café en volume et en valeur, entre 2007 et 2012, par segments au niveau mondial

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Source : Basic

 Les auteurs dressent ensuite un panorama détaillé des problématiques actuelles de la filière, économiques, sociales et environnementales : concentration des maillons clés de l'aval ; spécialisation des pays producteurs, entre café de qualité et matière première standardisée et bon marché ; volatilité plus marquée des cours ; précarité accrue des producteurs ; pollutions et déforestation, en particulier pour la production en monoculture ; conséquences du changement climatique (hausse des températures, altération du régime des pluies, propagation de nouveaux ravageurs et maladies). À 2050, les rendements pourraient être réduits de moitié, la qualité du café altérée et la moitié des zones actuelles de production ne seraient plus adaptées. Par ailleurs, de l'analyse des « alternatives », dans les trois cas d'étude, il ressort notamment que la combinaison des labellisations équitable et biologique réduit le plus les coûts sociétaux identifiés.

Comparaison des coûts sociétaux dans les filières Éthiopie-France

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Source : Basic

À l'issue de ce travail, les auteurs identifient trois leviers clés pour limiter les impacts négatifs engendrés dans les pays producteurs : régulation du secteur et capacité de valorisation du café sur le marché ; organisation et autonomisation des producteurs ; modèle agroforestier à faible utilisation d'intrants. Ils en tirent des recommandations à l'adresse des États, consommateurs et producteurs, et des acteurs du secteur et des institutionnels.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Basic

14/11/2018

Évaluation de l'efficacité économique et environnementale d'une mesure volontaire soutenant le lait produit à partir d'herbe en Suisse

Deux chercheurs d'Agroscope, le centre de compétences de la Confédération helvétique pour la recherche agricole, ont publié en septembre, dans le Journal of Agricultural Economics, une évaluation de l'impact économique et environnemental d'une mesure volontaire encourageant la production de lait à base d'herbe. Cette aide (qui couvre aussi les bovins viande), a été introduite en Suisse en 2014, afin de limiter l'usage de concentrés alimentaires et de maïs dans la production laitière au profit du pâturage. Elle combine une incitation économique (200 francs suisses/ha, soit environ 175 €/ha), avec des restrictions sur la composition de la ration alimentaire animale. Cette évaluation est l'une des premières disponibles sur l'efficacité d'une aide couplant un soutien direct pour le pâturage avec une régulation environnementale.

Pour analyser les effets de ce soutien, les auteurs ont combiné de façon originale deux méthodes, dont les résultats ont été comparés. D'une part, ils les ont économétriquement évalués ex post par une approche dite de l'« écart des différences » (differences-in-differences), en utilisant des données analogues au RICA de 2011 à 2015. D'autre part, ils ont utilisé un modèle de simulation des comportements des agents économiques suisses (SWISSland). Ces deux méthodes ont chacune conduit à la construction de contrefactuels permettant d'évaluer l'effet propre de la mesure, et leurs résultats se sont révélés cohérents entre eux.

Agroscope démontre ainsi que le programme a réduit l'utilisation de concentrés alimentaires, mais pas de maïs, et qu'il a bien accru le recours au pâturage. Il a conduit à la diminution des rendements laitiers, ce qui a augmenté les prix du lait en Suisse. Il a également directement amélioré le revenu des agriculteurs, par l'aide financière apportée, mais aussi indirectement par la réduction des charges liées aux intrants. En revanche, le programme n'a eu aucun impact environnemental, qu'il s'agisse du surplus azoté ou de la surface en prairies, les agriculteurs ayant continué à utiliser du maïs dans la ration alimentaire de leur cheptel et intensifié son chargement sur les parcelles. Les auteurs concluent que les restrictions imposées sur l'alimentation animale et sur les pratiques de pâturage, pour percevoir l'aide, étaient insuffisantes, et qu'elles devraient être complétées pour avoir un effet environnemental.

Résultats des simulations du modèle SWISSland sur les effets économiques et écologiques, à court et long termes, du soutien au lait à l'herbe (« GMF »)

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Source : Journal of Agricultural Economics

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

13/11/2018

Quels leviers pour la transition agro-écologique ? Nouveau rapport d'IPES-Food

Après un premier rapport appelant à la transition agro-écologique des systèmes alimentaires, en réponse aux limites du modèle agro-industriel, le panel d'experts international sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food) s'est penché sur les défis opérationnels que posent de telles transitions.

À travers l'analyse bibliographique de sept cas de cheminements réussis vers l'agro-écologie, les experts dégagent les traits communs à ces processus et identifient les leviers à mobiliser afin d'amplifier ces dynamiques. Les exemples abordés concernent aussi bien des pays du Nord que du Sud et varient par leur échelle : gestion durable des ressources dans une communauté villageoise en Tanzanie, développement de l'agriculture biologique dans la vallée de la Drôme, essor de la production agro-écologique paysanne en substitution à une agriculture de plantation agro-exportatrice à Cuba, etc. Au-delà de l'analyse des changements de pratiques, les experts documentent les évolutions du cadre institutionnel, des relations économiques et sociales, ainsi que des processus de production et de dissémination des connaissances qui ont rendu possibles ces transitions. Ainsi, dans l'exemple drômois, ils montrent que si l'agriculture biologique y émerge dans les années 1970, l’implication des coopératives et la constitution de groupes d'échange entre agriculteurs dans les années 1990, puis le soutien des pouvoirs publics, à partir des années 2000, ont été nécessaires pour amplifier le mouvement. Aujourd'hui, 16,5 % de la surface agricole utile (SAU) du département sont exploités en agriculture biologique, contre 6,5 % au niveau national.

À partir des études de cas, les auteurs formulent plusieurs recommandations classiques. Parmi celles-ci figurent la promotion des démarches participatives en matière de développement et d'innovation agricole, l'élaboration de cadres institutionnels permettant une plus grande implication des populations dans la gouvernance locale, la construction d'alliances entre agriculteurs, consommateurs et associations de défense de l'environnement, ou bien encore la relocalisation des systèmes alimentaires.

Les leviers à mobiliser pour la transition agro-écologique

IPES-food.jpg

Source : IPES-Food

Plus généralement, les experts considèrent que la transition agro-écologique doit s'articuler avec une transformation globale des sociétés, faisant des enjeux environnementaux une priorité.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : IPES-Food

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Où en est la transition bas carbone de l'agriculture française ?

Dans un rapport publié en octobre, l'Institut de recherche sur le développement durable et les relations internationales (Iddri) évalue l'état d'avancement de la transition bas carbone en France, dans quatre secteurs de l'économie, dont l'agriculture. Les auteurs dressent un bilan de la mise en œuvre des politiques publiques, au regard des objectifs fixés, trois ans après le lancement de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).

L'agriculture génère quatre grands types d'émissions directes, associées à la fermentation entérique, à la gestion des sols agricoles, au stockage des effluents d'élevage et à la consommation d'énergie. Pour réduire ces émissions, des mesures spécifiques sont mises en œuvre, dans le cadre de la SNBC, afin d'augmenter les surfaces en légumineuses, de limiter les pertes de prairies permanentes, de développer l’agroforesterie, de déployer la méthanisation agricole, de réduire les pertes et gaspillages, de développer les circuits courts et d'adopter des régimes alimentaires plus équilibrés. Néanmoins, aucune mesure spécifique ne vise la fermentation entérique.

Entre 1990 et 2016, les émissions du secteur agricole ont été réduites de 5,8 %, du fait d'une meilleure utilisation de l'azote et d'une diminution du cheptel, notamment ruminant. Cependant, selon les auteurs, certaines tendances lourdes (baisse des surfaces en légumineuses, perte de prairies permanentes et de surfaces de stockage du carbone), ont limité cette réduction. Elles n'ont pas pu être enrayées car les mesures mises en place ne bénéficiaient pas de budgets suffisants (projet agro-écologique, second pilier de la PAC), n'étaient pas efficaces (verdissement du premier pilier) et cohérentes avec d'autres programmes publics (Programme national nutrition santé), et ne permettaient pas de lever les verrous socio-techniques dans les filières (voir figure).

Exemple d'analyse des facteurs de mobilisation pour le développement de l’agro-écologie par grandes filières de production, aux dires des acteurs des filières

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Source : Iddri, d'après Épices, Blézat Consulting et Asca

Les auteurs identifient quatre axes prioritaires pour atteindre les objectifs fixés : i) l'accroissement de la part des légumineuses dans la sole cultivée en investissant dans les filières et en jouant sur les comportements alimentaires, ii) le redéploiement des filières animales dans les zones de grandes cultures, ce qui permettrait aussi iii) de maintenir les prairies permanentes dans ces régions, et iv) le développement contrôlé de la méthanisation, pour participer à la décarbonation des autres secteurs économiques. Les recommandations de cette étude paraissent d'autant plus pertinentes qu'un récent rapport du GIEC pointe la nécessité de limiter la hausse globale de température à 1,5 °C.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Iddri

10:02 Publié dans 4. Politiques publiques, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : snbc, transition bas carbone, iddri, agro-écologie |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/10/2018

Manger plus sain réduirait l'importante empreinte hydrique de la consommation alimentaire française

L'eau est une ressource essentielle pour la sécurité alimentaire et énergétique, mais elle se raréfie en certains endroits, du fait de prélèvements trop importants, notamment par l'agriculture. Des chercheurs du Centre commun de recherche de la Commission européenne ont évalué la quantité totale d'eau prélevée (empreinte hydrique) pour produire les biens alimentaires consommés en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. Ils ont également analysé ses variations locales. Les résultats ont été publiés, en septembre, dans la revue Nature Sustainability.

L'empreinte hydrique d'un pays prend en compte sa consommation de biens, qu'ils soient produits et transformés sur le sol national ou à l'étranger. Pour la mesurer, les auteurs ont combiné des informations socio-démographiques locales avec des données sur l'empreinte hydrique nationale de différents produits et sur les régimes alimentaires des régions administratives étudiées (enquête INCA 2 pour la France).

Avec 3 861 litres utilisés par personne et par jour, les Français consomment plus d'eau que les habitants du Royaume-Uni (2 757 L/p/j), les Allemands (2 929 L/p/j) ou la moyenne mondiale (3 167 L/p/j). Ce résultat s'explique par des différences de régimes alimentaires et de modes de production. Par exemple, produire un kilogramme de blé nécessite 412 L au Royaume-Uni contre 582 L en France. Les Français consomment également plus que leurs voisins de la viande et du vin, dont la production nécessite beaucoup d'eau. De plus, des différences importantes existent au sein de chaque pays. Ainsi, en France, l'empreinte hydrique varie de 3 303 à 5 149 L/p/j selon les communes (figure ci-dessous), du fait de caractéristiques socio-économiques variées (âge, genre, niveau d'éducation) et de préférences alimentaires distinctes.

Empreinte hydrique totale de la consommation alimentaire française

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Source : Nature Sustainability

Pour les trois pays, les auteurs montrent que l'adoption d'un régime omnivore sain (suivant les recommandations publiques) réduirait l'empreinte hydrique de la consommation alimentaire de 11 à 35 %, tandis que les régimes pesco-végétariens et végétariens la diminueraient d'environ 35 à 55 % (figure ci-dessous). Ces baisses s'expliquent par la surconsommation actuelle, de sucres, matières grasses, viande rouge, fromages et lait. Pour les auteurs, en France, encourager la transition vers des régimes alimentaires plus sains pourrait donc constituer une solution doublement avantageuse.

Répartition géographique de la réduction de l'empreinte hydrique découlant de l'adoption d'un régime alimentaire omnivore sain

Empreinte-hydrique2.jpg

Source : Nature Sustainability

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Sustainability

11/10/2018

Premier site de compensation écologique français : bilan après 7 ans de mise en place

Après sept ans de suivi, le bilan des actions menées sur le premier site naturel de compensation écologique en France, dans la plaine de Crau, est publié dans le journal Natures Sciences Sociétés. Face aux pressions exercées sur les milieux naturels, conduisant parfois à leur destruction, la compensation écologique est un outil juridique ayant pour but de limiter les pertes de biodiversité. Afin de produire un gain écologique qui puisse compenser les destructions liées à la réalisation d'un projet, les porteurs de ce projet sont tenus de restaurer ou de réhabiliter des milieux. Ainsi, inauguré le 11 mai 2009 par la CDC biodiversité (filiale de la Caisse des dépôts et consignations), le site de Saint-Martin-de-Crau (Bouches-du-Rhône), avait pour but de recréer un milieu steppique sur les 357 hectares d'un verger abandonné depuis 2006. Le retour des espèces caractéristiques de ce milieu, notamment certaines espèces d'oiseaux endémiques, était espéré.

Après le retrait des arbres fruitiers et du système d'irrigation présents, des pratiques pastorales (ovins) ont été mises en place. Pendant sept ans, les écologues ont évalué la hauteur du couvert herbacé, la diversité des espèces le composant, des insectes et de l'avifaune. Les résultats ont ensuite été comparés à ceux d'une steppe de référence, avoisinant le site, ainsi qu'à ceux d'une zone de l'ancien verger, non incluse dans le parcours pastoral, servant donc de témoin pour les mesures.

Les auteurs constatent un retour rapide des espèces d'oiseaux emblématiques des steppes, avec des effectifs supérieurs à ceux observés avant la réhabilitation du site, ainsi que la repousse d'un couvert herbacé de hauteur similaire à la zone de référence. Cependant, la diversité spécifique et la richesse de ce couvert en restent éloignées, et statistiquement similaires à la zone témoin. De surcroît, la zone demeure plus sensible aux variations climatiques que la steppe de référence. Les auteurs soulignent également sa dépendance au choix des pratiques pastorales mises en œuvre. Ainsi, au terme de ces sept années de réhabilitation, la pérennité de ce milieu n'est pas encore garantie et toutes ses fonctions d'origine n'ont pu être rétablies.

Évolution du nombre d'oiseaux steppiques par espèce au cours du temps

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Source : Natures Sciences Sociétés

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Natures Sciences Sociétés

10:14 Publié dans 2. Evaluation, Environnement | Lien permanent | Tags : compensation écologique, crau, biodiversité, oiseaux, pastoralisme |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/10/2018

Étude des bénéfices environnementaux et sociaux générés par les activités agricoles dans les Cévennes

Inscrites au patrimoine mondial de l'Unesco, les Cévennes se caractérisent par un paysage karstique ouvert, fait de prairies permanentes. Façonné par l'agro-pastoralisme, cet écosystème fragile est aujourd'hui menacé par l'évolution des pratiques agricoles. Partant de ce constat, une équipe de l'Inra, associée au bureau d'étude BRL, s'est penchée sur les relations entre activités agricoles et écosystème dans cette région. Leurs travaux ont fait l'objet d'un article publié dans la revue Land Use Policy. Ils s'inscrivent dans le cadre du projet de recherche européen PEGASUS, qui vise à développer des approches innovantes permettant de renforcer les bénéfices sociaux et environnementaux des activités agricoles et forestières. Il repose sur 32 études de cas conduites dans 10 États membres.

Délimitation du parc national des Cévennes

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Source : Land Use Policy

Les auteurs mobilisent un cadre conceptuel relevant de la théorie des biens communs, afin de comprendre comment le contexte socio-économique et politique influe sur la production, par les activités agricoles, de biens publics et services écosystèmiques. Pour cela, des entretiens ont été conduits auprès d'acteurs impliqués dans la gouvernance locale : Parc national, État (direction départementale des territoires), associations de professionnels du tourisme, agriculteurs, etc.

Les auteurs ont identifié trois facteurs impactant, de façon négative, la production de bénéfices sociaux et environnementaux par les agriculteurs, et deux l'impactant de façon positive. Parmi les facteurs négatifs, on trouve d'abord les mécanismes de marché et l'environnement compétitif, qui encouragent par exemple le remplacement des prairies permanentes par des surfaces cultivées. Viennent ensuite le changement climatique et la recrudescence des sécheresses, qui incitent les éleveurs à délaisser le pâturage, ce qui conduit à l'enfrichement de certains terrains. Enfin, les modalités de calcul des aides de la PAC ne sont pas forcément favorables au maintien des infrastructures agro-écologiques caractéristiques du paysage cévennol.

Parmi les facteurs positifs, les auteurs mentionnent la présence de nombreux agriculteurs néo-ruraux, qui attachent une grande importance à la préservation de l'écosystème local. Enfin, ils insistent sur le rôle central qu'a eu le Parc national pour impulser une dynamique de préservation du paysage et de l'écosystème.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

09/10/2018

Où pâturer ? Le pastoralisme entre crises et adaptation, Anne-Marie Brisebarre, Guillaume Lebaudy, Pablo Vidal González (dir.)

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En octobre 2016 se tenait à Valence, en Espagne, un colloque d'anthropologie sur les transhumances. Où pâturer rend aujourd'hui compte de ces travaux. Cet ouvrage collectif, proche du format « revue », est découpé en trois parties inégales, et le lecteur y trouvera de riches aperçus sur les évolutions récentes du pastoralisme.

Les textes de la première partie (« Le dossier ») éclairent cinq questions majeures. En premier lieu, la contribution environnementale des troupeaux est évoquée à propos des paysages des Cévennes. Les déplacements des moutons ont façonné des agroécosystèmes et un patrimoine culturel qui font aujourd'hui l'objet d'une intense mise en valeur touristique. L'impact des nouvelles technologies sur les conditions de travail, traditionnellement marquées par l'isolement et la solitude, est ensuite évoqué à propos de la région de Valence. Le cas des éleveurs kurdes permet, quant à lui, d'éclairer les multiples enjeux identitaires du nomadisme. Les enjeux humains de la mondialisation sont illustrés avec les pasteurs roumains venus garder les moutons en Italie – une « ethnicisation professionnelle » sur laquelle les tenants de la patrimonialisation du métier ont tendance à fermer les yeux. Enfin, un chapitre est consacré à la question des savoirs et des connaissances, à partir de terrains en Roumanie. Le berger apparaît comme une figure ambivalente, entre « l'idiot et le savant », « mystérieux connaisseur, capable de s'adapter au changement depuis des millénaires ».

La partie centrale, intitulée « Bouger pour s'adapter », navigue entre ces différents thèmes, en abordant parfois explicitement des questions de politiques publiques. C'est le cas d'un chapitre sur une réforme du cadre légal de l'élevage agro-pastoral au Kirghizistan. La « loi sur les pâturages » de 2009, malgré des objectifs louables (encourager la mobilité pour « limiter la dégradation des pâturages proches des villages »), apparaît trop « plaquée » et insuffisamment participative. D'autres contributions éclairent la situation au Kazakhstan, au Maroc, dans les Pyrénnées catalanes, etc. Enfin, l'ouvrage se termine par trois brefs textes sur la question du loup et de la difficile cohabitation avec l'élevage extensif.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Éditions Cardère

09:52 Publié dans Environnement, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : transhumances, anthropologie, paturer, moutons, agroécosystèmes |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/10/2018

La Rural Investment Support for Europe (RISE) Foundation (La fondation de soutien à l'investissement rural en Europe)

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Créée en 2006, à Bruxelles, par l'ex-commissaire européen à l'agriculture Franz Fischler, en collaboration avec l'organisation européenne des propriétaires terriens (ELO) et l'association Friends of the countryside, le Rural Investment Support for Europe (RISE) est une fondation d'utilité publique indépendante, financée par des donateurs, institutionnels ou privés, via la Fondation Roi Baudouin, elle-même rattachée au réseau philanthropique Transnational giving europe (TGE network). L'objectif principal de RISE est de soutenir la compétitivité de l'économie rurale en Europe. À cette fin, elle produit des études et rapports dont elle tire des recommandations destinées aux décideurs. La fondation s'appuie sur une équipe internationale d'experts internes ou externes, économistes et scientifiques, dont le professeur Buckwell, économiste agricole, qui a dirigé plusieurs études récentes de RISE. Sont organisés également des ateliers de consultations et plates-formes de débats avec des experts, représentants d'ONG, professionnels, décideurs et universitaires. Les axes de réflexion concernent l'agriculture, l'élevage ainsi que la biodiversité et le patrimoine rural.

Parmi les publications de la fondation, on peut citer un rapport sur l'agriculture écologiquement intensive, sorti en 2014, qui proposait des pistes pour concilier productivité et environnement. En 2016, le rapport Nutrient recovery and reuse in european agriculture traitait des récupération et réutilisation des nutriments tout au long de la chaîne alimentaire, afin de limiter la pollution et le gaspillage. En 2017, un rapport sur l'avenir de la PAC proposait notamment de la centrer sur les résultats et de réduire les paiements directs. Les auteurs identifiaient deux axes majeurs d'adaptation, la gestion des risques et celle des terres (autour de contrats de services dans ce dernier cas), et émettaient différentes recommandations de fond et de procédure en vue de la réforme de cette politique.

Plus récemment, la fondation a publié un rapport sur l'espace optimal à consacrer à l'élevage en Europe (voir à ce sujet une autre brève sur ce blog). Les auteurs, font des propositions pour limiter les pertes nutritives, et mettent en exergue les défis liés à une diminution de l'élevage : par quoi remplacer les produits animaux ? Quid des protéines végétales alternatives ? Que fera-t-on des terres libérées ? Seront-elles laissées à un état « sauvage », dédiées à la forêt, à la production de céréales, de biocarburants, etc. ? Enfin, dans le cadre du programme européen de recherche et d'innovation Horizon 2020, la fondation vient de lancer un projet d'économie circulaire, axé sur la gestion du carbone, du phosphore et de l'azote.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Fondation RISE

05/10/2018

Quel « espace sécurisé » (Safe Operating Space) pour l’élevage européen ?

La fondation RISE (voir sur cet organisme un portrait sur ce blog) vient de publier une prospective normative sur le développement du secteur de l’élevage dans l’Europe des 28. Présentée et débattue le 13 septembre lors d'une session organisée par le Partenariat Européen pour l’Innovation à Bruxelles, cette étude plaide pour des évolutions profondes de production et de consommation, sous le constat que le secteur a dépassé les « limites de durabilité » en termes d'émissions de gaz à effet de serre, de besoins en nutriments et d’érosion de la biodiversité. Les options explorées établissent qu’un saut technologique (digitalisation, génomique et génétique, gestion des nutriments) est nécessaire, mais pas suffisant, et devrait s’accompagner d’une diminution par deux au minimum de la taille du cheptel européen et d'un changement considérable des habitudes de consommation. Des scénarios de rupture, assumés par les auteurs, qui plaident pour une sortie du statu quo et une mise à l’agenda politique de ce sujet.

Définir un « espace sûr d’opération » pour l’élevage européen

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Source : Fondation RISE

Source : Fondation RISE

09:37 Publié dans 1. Prospective, Environnement | Lien permanent | Tags : élevage, fondation rise |  Imprimer | | | | |  Facebook