Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/03/2022

Une modélisation des futures aires de répartition des essences forestières

Le changement climatique aura des répercussions sur les aires de répartition des essences forestières. Les anticiper est un enjeu majeur, afin d'adapter les pratiques de gestion, notamment le choix des espèces plantées. Dans un article publié en février 2022 dans Nature, des chercheurs de l'université d'Helsinki et du Joint Research Center (JRC) présentent un modèle permettant de projeter les aires de répartition potentielles de 67 espèces, à différents horizons temporels (2035, 2065, 2095) et selon des scénarios d'émissions de gaz à effet de serre contrastés (scénarios RCP 4.5 et RCP 8.5 du GIEC, soit un réchauffement global de l'ordre de +2 °C et +4 °C). L'originalité de ces travaux tient au fait qu'ils portent sur un grand nombre d'essences et sont conduits à une résolution élevée. De façon générale, ils montrent une remontée vers le nord des aires de répartition potentielles, dans des proportions variables selon les espèces (figure ci-dessous).

Aires de répartition potentielles de différentes espèces (érable champêtre, épicéa commun, chêne sessile) selon le scénario RCP 4.5

esences forestières.jpg

Source : Nature

Lecture : « stable presence » désigne des zones qui resteront adaptées à l'espèce considérée en 2095 ; « decolonized » des zones qui deviendront inadaptées d'un point de vue climatique ; « suitable but not occupied » des zones qui deviendront adaptées mais qui ne seront pas occupées selon les modèles de dispersion utilisés ; « always absent » des zones qui ne sont pas aujourd'hui occupées par l'espèce concernée et ne le seront pas davantage à l'avenir.

Source : Nature

10:33 Publié dans Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : forêt-bois, modélisation, essences forestières |  Imprimer | | | | |  Facebook

Sinistralité à l'horizon 2050 : des assureurs publient un livre blanc

Le groupe d’assureurs Covéa (MAAF, MMA et GMF) a publié un livre blanc, en janvier 2022, sur les conséquences du changement climatique sur la sinistralité à l'horizon 2050, en France. Retenant le scénario le plus pessimiste proposé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (hausse de la température globale de l’ordre de 2,4 °C en 2050 et de 4,8 °C en 2100), Covéa et la société RiskWeatherTech ont quantifié les évolutions attendues des dommages assurés pour les périls « inondation », « sécheresse », « grêle » et « tempête ». Pour le péril grêle – souvent peu étudié car complexe à modéliser –, les résultats des modélisations montrent un accroissement significatif des orages de grêle sur l’ensemble du territoire (+40 % par rapport à la période de référence 1970-2005). La moitié nord de la France devrait connaître l'augmentation la plus importante, mais les zones les plus fortement exposées actuellement resteront toujours les plus à risque. La sinistralité grêle devrait, elle, augmenter de 20 %, toutes activités confondues.

Source : Covéa

16/02/2022

Réorienter la moitié des subventions agricoles pour de meilleurs résultats environnementaux, sanitaires et économiques

Dans un article publié dans Nature Communications, deux chercheurs britannique et allemand ont analysé des scénarios de réorientation des subventions agricoles, au niveau mondial. Pour les auteurs, celles-ci sont des déterminants majeurs de la production alimentaire, considérée en l’état comme non durable et ne permettant pas de fournir des régimes équilibrés à la population.

Cinq scénarios ont été modélisés : une suppression de l'ensemble des subventions dédiées au secteur agricole, à l'exception de celles liées au commerce des marchandises (scénario RMV) ; une réallocation de la moitié (scénario S50) ou de la totalité (scénario S100) de ces aides à des productions bénéfiques pour le climat (émettant moins de gaz à effet de serre (GES) que d'autres productions) et la santé des populations (fruits, légumes et noix) ; une réallocation des subventions combinée à leur rééquilibrage mondial, en fonction du PIB (scénario GDP) ou de la population (scénario POP) de chaque pays. Les impacts sont évalués à différents niveaux : monde, pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pays non membres de l'OCDE et distribuant des subventions, pays non membres de l'OCDE et sans subventions. Les effets de la réorientation des aides sont étudiés pour la production agricole, les émissions de GES en lien avec l’alimentation, la consommation, les décès évités et la prospérité économique (figure ci-dessous).

Impacts des cinq scénarios de réorientation des subventions agricoles

subventions agricoles.jpg

Source : Nature Communications

Les résultats montrent la nécessité de réaliser des arbitrages entre les objectifs environnementaux, économiques et de santé publique : tandis que la suppression des subventions a des impacts bénéfiques pour l'environnement et l'économie, la modélisation met en évidence des conséquences négatives en matière de santé publique. En revanche, la réorientation de l'ensemble des aides vers les fruits et légumes impacte positivement la santé publique et diminue les émissions de GES, mais s'avère défavorable pour l'économie. Les scénarios touchent aussi différemment les pays avec et sans subventions : le scénario RMV entraîne une baisse de la production dans les premiers, non compensée par la hausse de la production dans les seconds. De son côté, la réallocation des aides vers les fruits et légumes entraîne une hausse de la production horticole dans les pays avec subventions et une baisse dans ceux qui n’en allouent pas. Ainsi, le scénario que semblent privilégier les auteurs est celui de la réallocation partielle des subventions, combinée à un rééquilibrage de celles-ci au niveau mondial.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Communications

09/02/2022

Intérêt nutritionnel des substituts à la viande et optimisation de leur composition

Après avoir constaté que le remplacement de la viande et des produits laitiers, par des substituts végétaux, ne permettait généralement pas d'assurer pleinement les apports en micro-nutriments des adultes, des spécialistes de la nutrition ont cherché à en optimiser la composition. Publiés en janvier 2022 dans l'European Journal of Nutrition, leurs travaux utilisent un panier de 159 produits végétaux, en évitant les produits ultra-transformés et en tenant compte des contraintes technologiques. En considérant le régime alimentaire d'un adulte français moyen, leur modélisation a permis de composer un substitut type à partir de 13 ingrédients. Il améliore sensiblement l'équilibre nutritionnel et les apports en micro-nutriments essentiels (vitamine B6, fer biodisponible, etc.), et sa composition inclut notamment des haricots blancs, des pois chiches et des poivrons. Au-delà de cette optimisation, les travaux montrent qu'un bon choix d'ingrédients permettrait d'améliorer les apports nutritionnels des produits végétaux, y compris pour des régimes plus spécifiques.

Source : European Journal of Nutrition

11/06/2021

Choisir la meilleure stratégie d'intervention contre l'isavirus du saumon : l'appui de la modélisation

Afin d'améliorer la santé des poissons et diminuer les coûts d'intervention sanitaire, les auteurs d'un article de Preventive Veterinary Medicine ont modélisé différentes stratégies de prévention et de lutte contre l'isavirus du saumon (ISA), responsable d'anémie infectieuse. Les simulations sont alimentées par des données de 1 475 élevages norvégiens de saumons atlantiques (93 % des élevages) et de truites arc-en-ciel, entre 2004 et 2019. 142 épizooties dues à l'ISA ont eu lieu au cours de cette période.

6 scénarios sont simulés : aucune stratégie d'intervention (1a) ; vaccination obligatoire de tous les poissons sans intervention en cas de crise (1b) ; abattage obligatoire de l'ensemble des poissons 6 semaines après détection des symptômes (2a) ; vaccination obligatoire, en plus de 2a (2b) ; dépistage obligatoire de 20 poissons par ferme toutes les 4 semaines et abattage obligatoire 6 semaines après occurrence d'au moins un test positif (3a) ; vaccination obligatoire en plus de 3a (3b). Chaque scénario est simulé sur une période de 10 ans et lancé 200 fois, afin de faire une étude statistique de l'évolution de l'ISA sur cette période (figure ci-dessous). Le scénario 2a, similaire aux pratiques qui prévalent actuellement, sert de référence pour l'analyse des résultats.

La stratégie 1b (vaccination seule) semble aussi efficace que celle de référence : elle réduit de 80 % le nombre moyen de cas par rapport à une absence de stratégie (1a). L'intérêt de la vaccination diminue lorsque des stratégies plus strictes sont mises en œuvre (2b et 3b par rapport à 2a et 3a).

En plus des éléments de comparaison apportés par le modèle, les auteurs soulignent l'importance de considérations économiques, relatives à l’image des filières et au souci du bien-être animal, qui peuvent amener à préférer une stratégie moins efficace mais plus acceptable par les parties prenantes. Par exemple, les fermes aquacoles élèvent un très grand nombre de poissons, ce qui rendrait coûteuse leur vaccination systématique. Cette dernière serait donc intéressante économiquement, selon les auteurs, dans les zones où les risques d'infection par l'ISA sont très élevés et justifient les coûts.

Nombre moyen de foyers d'anémie infectieuse du saumon en fonction du temps

sante saumon.jpg

Source : Preventive Veterinary Medicine

Lecture : en noir, les enregistrements réels du nombre de foyers entre 2015 et 2019 et, en couleurs, les résultats des simulations des scénarios.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Preventive Veterinary Medicine

10/02/2021

Modélisation de l'impact de mesures de soutien à l'agriculture réunionnaise

La modélisation est une méthode couramment utilisée pour l'évaluation ex ante des résultats et impacts d'interventions publiques. Dans un article publié dans la revue Land Use Policy, une équipe de chercheurs a mobilisé un modèle bio-économique afin d'anticiper les conséquences de différents scénarios de politiques publiques sur l'agriculture réunionnaise.

Le modèle utilisé ici (ENTICIP) formule des hypothèses quant à l'évolution i) du revenu des agriculteurs selon le système de production mis en œuvre, ii) de la distribution des différents systèmes de production, iii) du niveau d'approvisionnement des marchés locaux. Il comprend deux modules (figure ci-dessous). Le premier calcule, pour chaque système de production modélisé, l'assolement permettant de maximiser la marge brute. Les résultats issus de cette première modélisation sont ensuite utilisés comme variables d'entrée du second module, lequel détermine la distribution optimale des différents systèmes de production, c'est-à-dire celle permettant de maximiser le surplus global.

Les deux modules du modèle ENTICIP

agriculture réunion .jpg

Source : Land Use Policy

Deux scénarios de politiques publiques ont été modélisés. L'un visait à inciter au remplacement des plantations de citrons par des plantations d'ananas, dans les zones où les citrons sont menacés par la maladie du Huanglongbing. Pour cela, ce scénario prévoyait une aide à la plantation d'ananas de 7 500 ou 9 000 €/ha suivant le mode de production (conventionnel ou biologique). L'autre scénario cherchait à développer la production biologique d'ananas comme de citrons, par le biais d'aides au maintien de cette forme de production, de montants variables.

Le premier scénario se traduirait, à l'échelle de la Réunion, par une augmentation de 14 % de la surface plantée en ananas. Le second scénario montre, quant à lui, que le développement à grande échelle de la production biologique, sur l'île, nécessiterait des soutiens très importants. Ainsi, pour atteindre l'objectif de 15 % de la SAU en agriculture biologique, fixé par le plan Ambition bio 2022, le modèle indique qu'une aide annuelle de 3 600 €/ha serait nécessaire (contre 900 €/ha aujourd'hui). Soulignons enfin que cette estimation est à mettre en regard de la capacité réelle de soutien public, et qu'elle invite à explorer d'autres pistes que les seuls soutiens directs pour favoriser le développement de la production biologique à la Réunion (meilleure valorisation, recherche, etc.).

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

13/02/2020

Combien peut-on nourrir d'êtres humains en respectant les limites planétaires ?

C'est la question que se sont posée des chercheurs européens dans un article de Nature Sustainability publié en janvier. Pour y répondre, ils ont modélisé la biosphère terrestre en intégrant les systèmes agricoles. Ils ont ainsi pu quantifier la part de la production alimentaire mondiale actuelle (mesurée en kilocalories) qui repose sur le dépassement global et local (grandes régions écologiques) de quatre des 9 « limites planétaires » (planet boundaries) identifiées dans la littérature (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) : biodiversité, utilisation des sols, gestion de l'eau et cycle de l'azote. Ils ont également étudié les possibilités permises par des systèmes alimentaires plus durables.

Les auteurs montrent que les systèmes agricoles actuels, s'ils respectaient les limites planétaires étudiées, ne pourraient fournir que 2,95x1015 kcal, contre 5,74x1015 kcal actuellement : cela ne permettrait de nourrir que 3,4 milliards d'êtres humains. 48,6 % de la production globale actuelle reposeraient donc sur le dépassement de ces limites.

Les auteurs mettent également en évidence des différences marquées selon les zones géographiques (figure ci-dessous). Plus de 70 % de la production locale de certaines régions d'agriculture intensive d'Asie centrale et du Sud-Ouest, d'Europe et d'Amérique reposent sur le dépassement de ces limites. Les États-Unis et l'Europe connaissent ainsi des usages excessifs d'intrants azotés ; les pays tropicaux sont plus concernés par le changement d'usage des terres et la perte de biodiversité, et les régions subtropicales par la disponibilité en eau. Par ailleurs, dans certains pays (Inde, Iran, Pérou, etc.), la production alimentaire repose sur le dépassement de 3 des 4 limites étudiées.

Statut actuel pour chacune des 4 limites planétaires analysées (a - biodiversité, b - utilisation des sols, c - gestion de l'eau, d - cycle de l'azote)

Limites1.jpg

Source : Nature Sustainability

Les auteurs ont aussi analysé les gains de production que permettraient des systèmes alimentaires plus durables, respectueux des limites étudiées. Ils proposent notamment une ré-allocation des terres, une gestion optimisée de l'eau et des nutriments, la réduction des pertes alimentaires et une baisse de la consommation de protéines animales. Ils montrent que la transition vers ces systèmes durables augmenterait globalement le nombre de kilocalories produites de 53 % par rapport au niveau actuel, tout en respectant les limites planétaires considérées. Cela permettrait de nourrir durablement 10,2 milliards d'humains. Cependant, certaines régions (Moyen-Orient, bassin de l'Indus, Indonésie et une partie de l'Europe) feraient face à des baisses de production et ne seraient pas autosuffisantes.

Effet du changement de système sur la production de kilocalories : (a) système agricole actuel soumis au respect des limites planétaires, (b) transition vers un système alimentaire plus durable

Limites2.jpg

Source : Nature Sustainability

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Sustainability

06/02/2020

Modélisation de l'infection d'un pays européen par le virus de la peste porcine africaine

Si la peste porcine africaine (PPA) sévit fortement en Chine, l'Union européenne (UE) est également une zone où cette épizootie persiste, avec des risques sanitaires et économiques majeurs. Des chercheurs ont publié récemment, dans Frontiers in Veterinary Science, une proposition de modèle permettant de gérer le risque, en se focalisant sur des zones de petite dimension où les moyens de prévention pourraient être déployés de façon plus efficiente.

Pour cela, ils ont divisé l'UE en carrés de 100 km² et ont calculé pour chaque zone, à partir des données de 2018 (cas de PPA dans les zones voisines, flux de porcs, de sangliers et de produits issus de ces animaux), la probabilité de survenue d'un cas de PPA en 2019. Ils prennent en compte trois modes de contagion possibles : circulation légale de porcs domestiques, mouvements des sangliers, commerce de produits d'origine porcine.

La double originalité de leur démarche est d'associer les trois modes de contagion à petite échelle, la plupart des modèles actuels ne prenant en compte que l'un des trois et à des échelles supérieures (État membre ou région administrative). Sans surprise, les zones les plus à risque se situent en Europe de l'Est et dans les États baltes, en Allemagne, dans le Benelux et le nord de la France. Étonnamment, l'Italie présente un fort risque lié à la commercialisation de viande porcine, en particulier en Sardaigne.

Risques d'émergence d'un cas de PPA dans l'Union européenne en 2019

PPA.jpg

Source : Frontiers in Veterinary Science

Lecture : la figure A représente le risque d'émergence d'un cas de PPA chez un sanglier, par contagion auprès d'un autre sanglier ou par un produit porcin. La figure B représente le risque d'émergence d'un cas de PPA chez un porc domestique, par contagion lié au transport d'un porc, par contact avec un sanglier ou par commercialisation d'un produit d'origine porcine.

Source : Frontiers in Veterinary Science

12/11/2019

Le Centre for Environment, Fisheries and Aquaculture Science (Cefas)

Cefas.jpg

Le Cefas est une agence exécutive du ministère de l'environnement, de l'alimentation et des affaires rurales (Defra) du Royaume-Uni, chargée des questions de durabilité des environnements aquatiques, marins ou d'eau douce. Fondé en 1902 à Lowestoft, cet organisme compte actuellement 530 employés dans diverses villes du pays, ainsi que deux antennes à l'étranger (Koweït, Oman). Le Cefas a pour mission d'appuyer la prise de décisions par le gouvernement du Royaume-Uni, mais il peut également être sollicité par d'autres acteurs (territoires d'outre-mer, gouvernements étrangers, entreprises, ONG, instituts de recherche, etc.), sur diverses thématiques : prévision des changements écosystémiques, développement de techniques innovantes de mesure et de surveillance, collecte de données, appui à l'économie bleue et durabilité des produits de la mer. Par exemple, cet organisme a proposé des éléments scientifiques pour aider à la mise en place d'aires de protection marine au Royaume-Uni. Par ailleurs, en matière de modélisation, il a développé des méthodes pour évaluer les impacts potentiels des flottes de pêche sur les espèces et les écosystèmes.

Dans le cadre de l'interdiction par l'Union européenne de la pêche électrique, il a publié en juin dernier une étude des impacts de ce type de chalut sur la biodiversité. La richesse spécifique mesurée est plus faible de 57 % sur la zone où la pêche électrique fut utilisée, comparativement à celle qui en était exempte. De plus, le nombre de captures était moindre de 21 %. Toutefois, les auteurs soulignent que la zone soumise à la pêche électrique avait également été exploitée par des chaluts traditionnels : les effets respectifs des deux techniques ne peuvent donc pas être distingués.

Enfin, dernière illustration de ses travaux, en mai 2019, le Cefas a co-animé un atelier sur la diminution des prises accessoires de cétacés dans les pêcheries du Royaume-Uni, rassemblant entre autres pêcheurs et décideurs politiques. Sur la base de ces échanges, il conseille par exemple de mettre en place des incitations monétaires pour encourager les pêcheurs à tester des alternatives techniques et à collecter des données pour en évaluer l'efficacité.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Centre for Environment, Fisheries and Aquaculture Science

17/06/2019

Et si la lutte contre le changement climatique devenait la priorité de la PAC ? Une simulation avec le modèle CAPRI

Une équipe du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne a publié fin mai 2019, dans le Journal of Agricultural Economics, un article présentant un exercice de modélisation d'une Politique agricole commune (PAC) prioritairement tournée vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur agricole. La simulation a été réalisée avec CAPRI, un modèle global d'équilibre partiel agricole, régionalisé à l'échelle NUTS-2, et régulièrement utilisé par le CCR pour évaluer ex ante les changements de politiques agricoles, environnementales et commerciales (fin des quotas laitiers, accords commerciaux, etc.).

Dans le scénario simulé par les chercheurs, les aides découplées du premier pilier de la PAC sont entièrement supprimées, le budget ainsi libéré servant en totalité à financer une subvention à la réduction des GES, en euros par tonne équivalent CO2 d'émissions évitées par rapport à la situation de référence sans réforme. Ce changement de politique est effectué à budget constant au niveau de chaque région, puis, dans une variante de la simulation, au niveau de l'Union européenne (UE), ce qui autorise des transferts d'aides entre régions. Les autres aides de la PAC sont, en revanche, conservées : aides couplées pour les secteurs en difficulté économique, pour les zones défavorisées, etc. Les GES considérés sont le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O), et le modèle simule trois voies de réduction : baisse de la production agricole, changement du mix productif (réduction de l'élevage bovin, augmentation des prairies extensives, etc.) et adoption de technologies d'atténuation (utilisation d'inhibiteurs de nitrification, méthanisation, etc.).

Changement relatif des émissions de GES (hors CO2) agricoles par rapport à la situation de référence (en %)

CAPRI1.jpg

Source : Journal of Agricultural Economics

Dans un tel scénario, les GES d'origine agricole de l'UE (hors CO2) baissent de 21 %, avec des contrastes régionaux importants (carte ci-dessus) et des subventions unitaires allant de 51 à 746 €/tCO2éq selon les zones (197 € en valeur médiane). Cette baisse d'émissions est due, aux deux tiers, à une réduction de la production et une évolution du mix productif, le tiers restant étant imputable à l'adoption de technologies d'atténuation. La hausse des prix liée à la contraction de l'offre conduit à une augmentation du revenu des agriculteurs (+ 5,8 % au niveau de l'UE) et à une dégradation de la balance commerciale (tableau ci-dessous), mais aussi à des co-bénéfices environnementaux (ex. : réduction des surplus d'azote). Le taux de fuites de carbone reste limité (20 %), en raison notamment de la protection aux frontières de l'UE pour les produits importés.

Variations de l'offre agricole, des prix aux producteurs, de la consommation et des flux commerciaux pour l'UE-28 (en relatif ou en absolu par rapport à la situation de référence)

CAPRI2.jpg

Source : Journal of Agricultural Economics

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

10:03 Publié dans 4. Politiques publiques, Climat, PAC | Lien permanent | Tags : pac, changement climatique, capri, modélisation, jrc |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/06/2019

Estimer de façon dynamique l'impact économique à long terme d'un pathogène forestier envahissant

C'est ce qu'a fait une équipe de chercheurs franco-luxembourgeois, en prenant l'exemple du dépérissement du frêne, en grande partie imputable à un champignon asiatique introduit en Europe dans les années 1990 (voir à ce sujet une autre brève sur ce blog). Pour cela, ils ont couplé deux modèles, l'un pour retracer la diffusion de la maladie et les conséquences sur les peuplements forestiers, l'autre pour déterminer les impacts sur le marché, mais également, en rétroaction, sur l'adaptation de la gestion forestière. Le modèle complexe qui en résulte permet de simuler sur plusieurs décennies (2008-2060), à l'échelle des régions administratives, la diffusion de la maladie, la mortalité des frênes, le rythme des abattages et des mises en marché, la hausse des prix dès lors que l'essence devient plus rare, les effets de substitution d'essences, etc. Il intègre également les changements de comportement des forestiers, avec le remplacement du frêne et de nouvelles conditions de marché.

Le nord-est de la France serait le plus touché, la proportion de frêne passant de 7 % en 2008 à 1,5 % en 2060. Dans les régions du centre et du sud, plus tardivement contaminées, l'exploitation de cette essence s'accélérerait en réponse à la hausse des prix. Cependant, l'anticipation de la baisse des revenus liée à une mortalité accrue conduirait les forestiers à se détourner du frêne, accentuant sa raréfaction. Les auteurs concluent sur l'intérêt de compléter la démarche en intégrant un volet climatique et la valorisation des services écosystémiques.

Structure du modèle utilisé pour estimer l'impact de la chalarose du frêne en France

Frene.jpg

Source : Environmental Modeling & Assessment

Source : Environmental Modeling & Assessment

09:22 Publié dans Forêts Bois, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : frene, chalarose, pathogène, modélisation |  Imprimer | | | | |  Facebook

05/04/2019

Répondre aux besoins croissants en eau douce grâce à la reforestation

Mis en ligne mi-mars et à paraître dans le volume de mai 2019 du journal Land Use Policy, cet article présente une réflexion sur la pérennisation de l'approvisionnement en eau de la ville de Santa Cruz de la Sierra (Bolivie). Celle-ci connaît en effet des difficultés d'approvisionnement, avec une population en augmentation constante et des besoins agricoles importants. En accentuant l'évapotranspiration dans la zone concernée, la reforestation permet de produire des courants aériens chargés en eau, qui vont ensuite se déverser sous forme de précipitations sur les terres en aval, dans le sens du vent. Une équipe de chercheurs a modélisé ce phénomène et montré qu'en reboisant progressivement 7,1 millions d'hectares d'ici 2030, 22 à 59 % des besoins additionnels en eau de la ville pourraient être couverts. La mise en place d'un tel projet nécessiterait toutefois des accords internationaux, la moitié des surfaces à reboiser s'étendant au Brésil et au Pérou.

Modélisation des impacts de la reforestation de 7,1 millions d'hectares sur l'approvisionnement en eau de la ville de Santa Cruz de la Sierra (Bolivie)

Santa Cruz.jpg

Source : Land Use Policy

Lecture : en bleu, la zone d'évapotranspiration responsable de 40 % des précipitations sur Santa-Cruz (orange), à reforester ; en violet, le bassin versant (eaux de surfaces) alimentant la ville. Les flèches bleues représentent les flux aériens chargés en eau, et les violettes les cours d'eau de surface. Selon le modèle, les précipitations augmenteraient de 1,25 %, permettant un accroissement du ruissellement de près de 27 % en saison sèche et de 2,23 % à l'année.

Source : Land Use Policy

14/01/2019

Agroecosystem Diversity, Gilles Lemaire, Paulo César de Faccio Carvalho, Scott Kronberg, Sylvie Recous (eds.)

Agroecosystem.jpg

Si la modernisation des agricultures des pays industrialisés a permis d'accroître les rendements, elle s'est accompagnée de dégradations environnementales importantes, au point que la préservation des écosystèmes semble désormais passer par une réduction des volumes produits par hectare. Une telle option pourrait toutefois fragiliser la sécurité alimentaire mondiale. Dans un ouvrage rassemblant 28 contributions et intitulé Agro-Ecosystem Diversity, plusieurs chercheurs s'interrogent sur ce dilemme. Leurs réflexions reposent sur l'hypothèse selon laquelle les dégradations environnementales liées à l'agriculture résultent d’abord et avant tout de la simplification des agro-écosystèmes.

Les contributions sont organisées en six sections. La première est consacrée à l'analyse des cycles biogéochimiques et montre que ces derniers sont aujourd'hui largement dissociés. Les deux sections suivantes mettent en évidence les aménités générées par des agro-écosystèmes complexes : limitation de l'érosion, protection de la biodiversité, stockage du carbone, etc. La quatrième étudie les performances techniques de formes de production reposant sur des agro-écosystèmes complexes (agroforesterie, polyculture-élevage, agriculture biologique), et montre que celles-ci autorisent de hauts niveaux de production. Suivent plusieurs analyses socio-économiques relatives, notamment, aux leviers à mobiliser pour favoriser la diversification (paiements pour services environnementaux, prise en compte de l'incertitude, etc.). Enfin, la sixième section entend élargir la réflexion et prend en considération des éléments tels que l’alimentation, la gestion des ressources naturelles, l’histoire, etc.

Dans cette dernière partie figure une contribution basée sur la modélisation des systèmes agroalimentaires de 50 régions françaises et espagnoles, et des flux d'azote associés (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). La situation actuelle montre d'importants déséquilibres, avec des régions excédentaires (zones d'élevage) et d'autres déficitaires (zones de cultures). Les auteurs imaginent ensuite un scénario alternatif, où prédominerait la polyculture-élevage biologique destinée à l'alimentation de la population locale. À condition de faire l'hypothèse d'une diminution des quantités de produits animaux consommées, un tel scénario apparaît envisageable. La question des modalités concrètes de mise en œuvre d'une telle transition n'est malheureusement toutefois pas abordée.

Flux d'azote associés aux systèmes agroalimentaires régionaux de la France et de l'Espagne selon deux scénarios

Agroecosystem2.jpg

Source : ScienceDirect

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : ScienceDirect

12/11/2018

La modélisation pour mieux comprendre les motivations des choix techniques des viticulteurs

Dans le numéro de septembre 2018 d'Économie rurale, Jesùs Lozano Vita, Florence Jacquet et Sophie Thoyer ont exploré une méthode d'analyse des motivations économiques et non économiques guidant les pratiques de viticulteurs, en utilisant de façon originale des modèles d'optimisation. De nombreux travaux ont en effet mis en évidence que les choix de pratiques agronomiques ne dépendent pas seulement d'arbitrages économiques, mais aussi de facteurs psychiques et sociaux.

Les chercheurs se sont intéressés à des viticulteurs d'une coopérative du sud de la France, en ciblant deux secteurs techniques où les pratiques diffèrent, sans pour autant influer sur les rendements ni sur la qualité du raisin : l'entretien des sols (désherbage chimique, mécanique, ou enherbement) et la lutte contre les ravageurs (insecticides ou lutte biologique par confusion sexuelle). Les motifs qui guident les choix entre ces options peuvent être analysés selon quatre facteurs : efficacité économique, charge de travail, norme sociale (influence des pratiques du groupe social environnant) et préférences environnementales.

Pour ces quatre facteurs, les chercheurs ont analysé les performances de chacune des options en matière de pratiques culturales : coût de production, main-d’œuvre, fréquence des pratiques et des traitements. Ils les ont incluses dans un modèle multicritère d'optimisation de l'itinéraire technique. Classiquement, ce type de modèle nécessite d'apporter une pondération de chaque critère pour déterminer le choix optimal. L'approche originale consiste ici, à l'inverse, à considérer que chaque itinéraire technique choisi dans la réalité peut refléter les pondérations que le viticulteur apporte à ces motivations.

Le calibrage du modèle permet de révéler les facteurs fondamentaux qui guident les choix réels. Au final, les pondérations entre les quatre facteurs déterminants diffèrent nettement entre les producteurs, et se révèlent pour la plupart cohérentes avec leurs déclarations, confirmant la pertinence de cette approche. Ces travaux exploratoires, menés sur un très petit échantillon (N=5), développent une méthode innovante et prometteuse, pour le calibrage et l'évaluation des politiques publiques, qu'il serait intéressant d'étendre à des populations plus larges.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Économie rurale

10:00 Publié dans Agronomie | Lien permanent | Tags : viticulteurs, comportements, modélisation, choix techniques |  Imprimer | | | | |  Facebook

Représentation de la prise de décision dans les modèles agricoles européens multi-agents

Cet article de synthèse, signé d’une quinzaine de chercheurs européens, dans le cadre d’un projet Horizon 2020, fait le point sur l’utilisation des approches de modélisation multi-agents, dans les évaluations ex ante et ex post des politiques publiques dans le domaine agricole. Les modélisations multi-agents font référence à des approches mathématiques et computationnelles, développées aux États-Unis dès les années 1970-80, combinant entre autres théorie des jeux, théorie des réseaux et étude des systèmes complexes. Leur principe repose sur la modélisation des dynamiques à un niveau global d’observation (structure paysagère, choix de production, impacts environnementaux, etc. – dénommés « phénomènes émergents »), à partir des comportements individuels d'agents hétérogènes en interaction.

Les auteurs proposent un cadre d’analyse comparatif qu’ils appliquent à une sélection de vingt modèles multi-agents, afin d’en expliciter les différents variables dans une perspective systémique (cf. schéma ci-dessous). La plupart des modèles utilisent l’exploitation agricole comme unité décisionnelle et l’inscrivent dans son environnement biophysique (avec plus ou moins de réalisme). Le degré de complexité des mécanismes de prise de décision, ainsi que les déterminants étudiés, varient en fonction de l’objectif de la démonstration, mais en général les dimensions difficilement quantifiables des choix (valeurs, normes, processus d’apprentissage et interactions sociales, etc.) sont peu traitées. Il en est de même pour les activités non agricoles, alors que le contexte européen pousse à la diversification des revenus.

Les différentes dimensions de la prise de décision des agriculteurs, en relation avec les phénomènes émergents simulés par les modèles multi-agents européens sur l’agriculture

Modeles agents.jpg

Source : Agricultural Systems

Afin d’améliorer la robustesse de telles approches, complémentaires des outils plus classiques d’évaluation des politiques publiques (modèles d’équilibre partiel, évaluations intégrées, approches économétriques, etc.), les auteurs soulignent qu'il reste à trouver un juste équilibre entre la sophistication des modèles multi-agents, pour plus de réalisme et une meilleure prédictibilité, et leur communicabilité. En effet, la transparence sur les paramètres utilisés, notamment sur les mécanismes de causalité, est particulièrement importante en évaluation de politiques publiques.

Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems