14/12/2020
Planter des haies est la mesure de compensation écologique permettant d'abriter le plus de biodiversité en Champagne-Ardenne
La compensation écologique vise à équilibrer les pertes de biodiversité induites par des aménagements (ex. : fermes éoliennes), en évitant ou réduisant ces pertes, ou, en dernier ressort, en générant des gains équivalents dans d'autres espaces. En pratique, cela nécessite de pouvoir comparer des pertes et des gains de biodiversité, ce qui reste encore très difficile. Dans un article publié en novembre dans la revue Land Use Policy, des chercheurs français proposent une méthode pour calculer les niveaux de biodiversité de différents types de mesures agricoles de compensation.
Pour ce faire, ils créent un indicateur synthétique mesurant la différence d'abondance de communautés d'oiseaux (nicheurs, rapaces) et de chauves-souris, en Champagne-Ardenne entre différents usages des sols. Sont comparés plusieurs usages utilisés pour la compensation (jachères, haies, bandes enherbées, arbustes et bandes enherbées avec buissons) et l'usage agricole, qui constitue le scénario de référence. Leurs estimations reposent sur trois scénarios affectant des poids différents aux espèces selon leur vulnérabilité et leur intérêt pour les acteurs locaux : toutes les espèces ont le même poids dans le scénario 1, les espèces impactées négativement par les éoliennes comptent double dans le scénario 2 et les espèces d'intérêt (espèces de milieux agricoles notamment) comptent double dans le scénario 3.
Dans les trois scénarios, ce sont les haies qui produisent le plus de biodiversité, devant les bandes enherbées et les jachères (cf. tableau ci-dessous). Les bandes enherbées avec buissons obtiennent un score faible, ne permettant pas d'attirer les oiseaux nichant dans les haies et repoussant ceux nichant au niveau du sol. L'étude suggère donc que la mesure la plus efficace, pour compenser les pertes de biodiversité en Champagne-Ardenne, est de planter des haies. Cependant, les auteurs rappellent que les coûts d'opportunité et de mise en œuvre pour les agriculteurs, non abordés dans cet article, doivent être pris en compte dans le choix des mesures à adopter.
Niveau de biodiversité pour 1 ha d'usage des terres ou pour un buisson (a) et surface équivalente à 1 ha de jachères en matière de biodiversité, selon le poids accordé aux différentes espèces (b)
Source : Land Use Policy
Lecture : les cinq premières lignes (a) indiquent le niveau de biodiversité associé à 1 ha de jachères (fallow), de haies (hedgerow), de bandes enherbées (grass strip), de bandes enherbées avec buissons (grass strip with bushes) et de buissons (bushes). Les cinq lignes suivantes (b) mentionnent la surface nécessaire, pour chaque type d'usage du sol, pour atteindre le même niveau de biodiversité que sur un hectare de jachères.
Les auteurs soulignent l'intérêt de cette méthode, qui prend en compte les objectifs des acteurs locaux via l'affectation de poids différenciés selon les espèces. Par ailleurs, les résultats de cette étude pourraient éclairer utilement le débat en cours sur la prochaine PAC et sa compatibilité avec les objectifs de la stratégie européenne pour la biodiversité, en particulier celui visant à dédier 10 % de la surface agricole à des particularités topographiques à haute diversité biologique.
Estelle Midler, Centre d'études et de prospective
Source : Land Use Policy
09:31 Publié dans Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : compensation écologique, biodiversité, haies, agronomie | Imprimer | |
11/10/2018
Premier site de compensation écologique français : bilan après 7 ans de mise en place
Après sept ans de suivi, le bilan des actions menées sur le premier site naturel de compensation écologique en France, dans la plaine de Crau, est publié dans le journal Natures Sciences Sociétés. Face aux pressions exercées sur les milieux naturels, conduisant parfois à leur destruction, la compensation écologique est un outil juridique ayant pour but de limiter les pertes de biodiversité. Afin de produire un gain écologique qui puisse compenser les destructions liées à la réalisation d'un projet, les porteurs de ce projet sont tenus de restaurer ou de réhabiliter des milieux. Ainsi, inauguré le 11 mai 2009 par la CDC biodiversité (filiale de la Caisse des dépôts et consignations), le site de Saint-Martin-de-Crau (Bouches-du-Rhône), avait pour but de recréer un milieu steppique sur les 357 hectares d'un verger abandonné depuis 2006. Le retour des espèces caractéristiques de ce milieu, notamment certaines espèces d'oiseaux endémiques, était espéré.
Après le retrait des arbres fruitiers et du système d'irrigation présents, des pratiques pastorales (ovins) ont été mises en place. Pendant sept ans, les écologues ont évalué la hauteur du couvert herbacé, la diversité des espèces le composant, des insectes et de l'avifaune. Les résultats ont ensuite été comparés à ceux d'une steppe de référence, avoisinant le site, ainsi qu'à ceux d'une zone de l'ancien verger, non incluse dans le parcours pastoral, servant donc de témoin pour les mesures.
Les auteurs constatent un retour rapide des espèces d'oiseaux emblématiques des steppes, avec des effectifs supérieurs à ceux observés avant la réhabilitation du site, ainsi que la repousse d'un couvert herbacé de hauteur similaire à la zone de référence. Cependant, la diversité spécifique et la richesse de ce couvert en restent éloignées, et statistiquement similaires à la zone témoin. De surcroît, la zone demeure plus sensible aux variations climatiques que la steppe de référence. Les auteurs soulignent également sa dépendance au choix des pratiques pastorales mises en œuvre. Ainsi, au terme de ces sept années de réhabilitation, la pérennité de ce milieu n'est pas encore garantie et toutes ses fonctions d'origine n'ont pu être rétablies.
Évolution du nombre d'oiseaux steppiques par espèce au cours du temps
Source : Natures Sciences Sociétés
Aurore Payen, Centre d'études et de prospective
Source : Natures Sciences Sociétés
10:14 Publié dans 2. Evaluation, Environnement | Lien permanent | Tags : compensation écologique, crau, biodiversité, oiseaux, pastoralisme | Imprimer | |
12/02/2016
La compensation écologique, levier pour une rémunération des aménités environnementales
Alors que le projet de loi « Pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », adopté récemment en première lecture au Sénat, conforte la compensation écologique comme outil de préservation de la biodiversité, la Fondation de l’Écologie Politique publie, dans sa série Points de vue d’experts, une analyse des principaux enjeux et problématiques posés par le principe de compensation.
Mis en œuvre lorsque les atteintes à la biodiversité n’ont pu être évitées ou suffisamment réduites (voir schéma ci-dessous), ce principe de compensation vise à faire financer par les aménageurs des opérations l’amélioration de l’état de la biodiversité en d’autres lieux que ceux impactés par leurs projets. S’appuyant sur les pratiques observées, les auteurs mettent en évidence les principaux écueils rencontrés dans l’application de ces mesures de compensation.
Séquence « éviter, réduire, compenser » : hiérarchisation des mesures en faveur de la biodiversité
Source : Comité français de l'UICN
L’évaluation de l’équivalence écologique entre zones impactées par les infrastructures et aires de restauration écologique est au cœur du problème. Les projets créant des dommages sur des espèces menacées (liste rouge de l'UICN) étant a priori écartés, il s’agit de mesurer la « valeur écologique » d’un site sur la base de sa contribution à la biodiversité ordinaire et des services écosystémiques qu’il offre au-delà de l’aire directement concernée. Les auteurs proposent de s’appuyer sur la notion de « durabilité forte », qui suppose une complémentarité entre les capitaux physiques (liés à l’activité économique), naturels et humains, et non leur substituabilité. Dans ce cadre, il est alors admis que le capital naturel doit être maintenu à un niveau minimum, ce qui renforce l’ampleur du préjudice et donc la compensation à mettre en œuvre.
Dans le cas de l’artificialisation des terres agricoles, l’application de la compensation pourrait accompagner la transition de certaines exploitations vers des pratiques plus favorables à la biodiversité, par le biais d’une contractualisation. Plus généralement, la compensation peut, dans le cadre d’une planification écologique, ouvrir l’accès à une rémunération des aménités environnementales pour les acteurs économiques susceptibles de contribuer au maintien de la biodiversité ordinaire à l’échelle d’un territoire.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Sources : Fondation de l’Écologie Politique, UICN
09:24 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement | Lien permanent | Tags : compensation écologique, aménités, rémunération, fondation de l'écologie politique | Imprimer | |