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09/10/2018

Où pâturer ? Le pastoralisme entre crises et adaptation, Anne-Marie Brisebarre, Guillaume Lebaudy, Pablo Vidal González (dir.)

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En octobre 2016 se tenait à Valence, en Espagne, un colloque d'anthropologie sur les transhumances. Où pâturer rend aujourd'hui compte de ces travaux. Cet ouvrage collectif, proche du format « revue », est découpé en trois parties inégales, et le lecteur y trouvera de riches aperçus sur les évolutions récentes du pastoralisme.

Les textes de la première partie (« Le dossier ») éclairent cinq questions majeures. En premier lieu, la contribution environnementale des troupeaux est évoquée à propos des paysages des Cévennes. Les déplacements des moutons ont façonné des agroécosystèmes et un patrimoine culturel qui font aujourd'hui l'objet d'une intense mise en valeur touristique. L'impact des nouvelles technologies sur les conditions de travail, traditionnellement marquées par l'isolement et la solitude, est ensuite évoqué à propos de la région de Valence. Le cas des éleveurs kurdes permet, quant à lui, d'éclairer les multiples enjeux identitaires du nomadisme. Les enjeux humains de la mondialisation sont illustrés avec les pasteurs roumains venus garder les moutons en Italie – une « ethnicisation professionnelle » sur laquelle les tenants de la patrimonialisation du métier ont tendance à fermer les yeux. Enfin, un chapitre est consacré à la question des savoirs et des connaissances, à partir de terrains en Roumanie. Le berger apparaît comme une figure ambivalente, entre « l'idiot et le savant », « mystérieux connaisseur, capable de s'adapter au changement depuis des millénaires ».

La partie centrale, intitulée « Bouger pour s'adapter », navigue entre ces différents thèmes, en abordant parfois explicitement des questions de politiques publiques. C'est le cas d'un chapitre sur une réforme du cadre légal de l'élevage agro-pastoral au Kirghizistan. La « loi sur les pâturages » de 2009, malgré des objectifs louables (encourager la mobilité pour « limiter la dégradation des pâturages proches des villages »), apparaît trop « plaquée » et insuffisamment participative. D'autres contributions éclairent la situation au Kazakhstan, au Maroc, dans les Pyrénnées catalanes, etc. Enfin, l'ouvrage se termine par trois brefs textes sur la question du loup et de la difficile cohabitation avec l'élevage extensif.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Éditions Cardère

09:52 Publié dans Environnement, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : transhumances, anthropologie, paturer, moutons, agroécosystèmes |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/07/2016

Composer avec les moutons. Lorsque des brebis apprennent à leurs bergers à leur apprendre. Michel Meuret, Vinciane Despret

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Michel Meuret, écologue, a mené en 2011 une enquête sur l’expérience de bergers confrontés au défi de « construire un troupeau cohérent » à partir de brebis issues de différents cheptels. Avec Composer avec les moutons, les entretiens recueillis à cette occasion servent de matière première pour une réflexion plus large, menée avec la philosophe Vinciane Despret, sur le compagnonnage homme-animal.

Le premier chapitre traite de la « mise en apprentissage » de ces animaux plus ou moins habitués à l’itinérance. La modernisation agricole provoque, dans les années 1960, une « rupture de transmission ». La sédentarisation permet de reproduire « les conditions simplifiées et prévisibles pour lesquelles l’optimisation du rationnement avait été conçue », et les éleveurs peuvent alors se passer des bergers, traditionnellement issus du monde paysan. Mais dans les années 1990, la recherche de fourrages bon marché amène les éleveurs à réactualiser la transhumance. Une nouvelle génération de bergers, d’origine citadine, amoureuse des animaux, est recrutée. Les troupeaux, eux aussi, sont inexpérimentés : il faut tout leur apprendre, de ce qui se mange à comment se déplacer en nombre.

Les chapitres suivants éclairent différents aspects de ces boucles d’apprentissages réciproques. Le « bon » berger déploie un art de l’attention et construit une relation de confiance avec son troupeau (chapitre 2). La « mène » ne peut pas être réduite au conditionnement des animaux. Les auteurs donnent des exemples de « conduites créatives face à des événements qui demandent des ajustements fins et non des réflexes stéréotypés » (chapitre 3). « Créer un troupeau, c’est agir sur les relations », défaire des clans, s'appuyer sur des individus prescripteurs, pour composer d'autres cohésions, « collectives cette fois » (chapitre 4). Cette « politique du troupeau » débouche sur une méditation sur la contribution du pastoralisme à la formation et l’entretien des paysages : « manger comme art d’habiter » (chapitre 5). Ce livre, d’une grande qualité littéraire, réserve une large place à des extraits d’entretiens avec les bergers, et peut intéresser un large public.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Cardère éditeur

09:38 Publié dans Agriculteurs, Territoires | Lien permanent | Tags : meuret, despret, moutons, bergers, cardère |  Imprimer | | | | |  Facebook