10/12/2020
L'Institute for Agriculture & Trade Policy (IATP)
Basé dans le Minnesota, en bordure de la Corn Belt, l'Institute for Agriculture & Trade Policy (IATP) est un think tank étasunien qui promeut une agriculture familiale, au bénéfice des communautés rurales et des écosystèmes. La particularité de l'IATP tient au fait qu'il produit ses propres recherches et analyses, mais veille aussi à défendre ses positions auprès des décideurs publics, au travers d'activités de plaidoyer.
À sa création à la fin des années 1980, l'IATP travaillait essentiellement sur les questions relatives à la libéralisation des échanges de produits agricoles. Les accords de libre-échange étaient alors perçus comme l'une des principales causes des difficultés rencontrées par les agriculteurs familiaux, aux États-Unis comme ailleurs dans le monde. Si cet intérêt pour les questions commerciales est toujours présent dans les travaux de l'institut, d'autres thématiques ont émergé depuis : changement climatique, « industrialisation » de l'agriculture en général et de l'élevage en particulier, agriculture biologique, circuits alimentaires de proximité, etc.
Parmi les publications récentes de l'IATP figure un rapport sur l'empreinte carbone des principales entreprises laitières mondiales. Les auteurs montrent d'abord que celle-ci s'est accrue de 11 % entre 2015 et 2017. Ils analysent ensuite les éventuelles stratégies mises en place pour la réduire. Il en ressort que sur les 13 entreprises laitières étudiées, 6 n'ont pris aucun engagement en la matière. Par ailleurs, seulement 3 ont engagé une démarche de réduction intégrant non seulement leurs propres émissions, mais aussi celles de leur chaîne d'approvisionnement, laquelle représente 90 % de leur empreinte carbone totale.
Signalons enfin que l'IATP est membre de la National Sustainable Agriculture Coalition (NSAC), qui rassemble plusieurs organisations engagées en faveur d'une plus grande prise en compte des enjeux environnementaux dans la politique agricole étasunienne (Farm Bill). Dans ce cadre, il a participé à l'élaboration d'un document présenté au Congrès et proposant plusieurs ré-orientations : renforcement des fonds alloués aux programmes de conservation des sols, soutien à l'agriculture biologique, etc.
Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective
09:23 Publié dans Organisations agricoles, Protection des végétaux et des animaux, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : think tank, agriculture familiale, changement climatique, portrait | Imprimer | |
08/12/2020
Viande artificielle et environnement
L'Agence européenne pour l'environnement (AEE) a publié fin octobre 2020 quatre notes d'information sur les impacts environnementaux potentiels de quatre innovations technologiques émergentes. L'une d'entre elles porte sur la viande artificielle. Cette innovation est généralement présentée comme une réponse écologique à la forte augmentation de la consommation de viande attendue d'ici à 2050 à l'échelle mondiale (+73 % selon la FAO). Si des bénéfices en matière de santé et de bien-être animal pourraient en découler, des impacts négatifs sur l'emploi agricole et les écosystèmes des zones rurales sont à attendre, par exemple, à cause d'une diminution des pâturages d'estive. Outre l'incertitude pesant sur les achats par les consommateurs, des réserves scientifiques sont émises sur les réels impacts environnementaux d'une technologie dont les processus de production sont encore au stade de développement. Seules des évaluations systémiques et des programmes publics dédiés, le cas échéant, permettront d'en maîtriser les futures conséquences.
Source : Agence européenne de l'environnement
09:06 Publié dans Alimentation et consommation, Environnement, Production et marchés, Territoires, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : viande in vitro, impact environnemental, emploi agricole, zones rurales | Imprimer | |
17/11/2020
Caractérisation par la théorie des graphes des investissements dans les terres agricoles à l'étranger
Les investissements dans les terres agricoles à l'étranger se sont accélérés à la suite de la crise financière de 2008. Un article publié dans Plos One en octobre 2020 présente une analyse des flux d'investissements (achat, location, bail, etc.) entre pays, en mobilisant la théorie des graphes. Les données 2009-2020 de la Land Matrix database sont utilisées pour construire le graphe d'investissements, composé d'un ensemble de nœuds (i.e. les pays) et de liens représentant les interactions entre nœuds (i.e. les investissements).
Les auteurs montrent que les flux sont asymétriques : les pays du Nord investissent dans les pays du Sud sans que la réciproque soit vraie. Il existe donc des États investisseurs et des États cibles. Une étude plus fine des flux identifie des pays intermédiaires, recevant des investissements sur leur territoire, mais également investisseurs dans d'autres pays (ex. : Brésil). Tout comme les pays investisseurs, ces pays intermédiaires tendent à avoir (coefficient de corrélation de Pearson de 0,57) un haut niveau de « biocapacité » c'est-à-dire, selon la définition du Global Footprint Network, des surfaces pouvant produire des denrées ou stocker du dioxyde de carbone. Cela traduirait, pour les auteurs, une certaine puissance économique et une capacité à investir.
Ils montrent ensuite (carte ci-dessous) que les investissements sont dirigés vers les pays à bas niveau de développement, à hauts niveaux d'insécurité alimentaire et de corruption. Ceux-ci présentent toutefois des conditions climatiques et une fertilité des terres favorables, une main-d’œuvre bon marché, une bonne disponibilité en zones arables et en eau, des infrastructures agricoles peu développées et des rendements agricoles à fort potentiel de progression. Parmi les pays à bas score, donc investisseurs tout en recevant peu d'investissements, on note la présence des anciennes puissances coloniales (qui conservent ainsi un accès aux terres des pays du Sud) et des États du Golfe (qui investissent préférentiellement dans les pays partageant leur religion).
Carte des scores d'investissement par pays (de 0 pour les pays investisseurs à 1 pour les pays cibles)
Source : Plos One
Lecture : le score d'investissement correspond au logarithme de la somme des surfaces cédées sur la somme des surfaces cibles des investissements.
Aurore Payen, Centre d'études et de prospective
Source : Plos One
18:32 Publié dans Développement, Mondialisation et international, Territoires | Lien permanent | Tags : investissement, théorie des graphes, foncier agricole | Imprimer | |
13/11/2020
L'invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l'Éden africain, Guillaume Blanc
L'historien G. Blanc (université Rennes 2) examine, dans ce livre très vif, les avatars de la protection de la nature en Afrique, de la période coloniale à nos jours. Proposant une chronologie en sept phases à partir de 1850, il soutient que les politiques de conservation de la faune sauvage, dont les quelques 350 parcs nationaux que compte le continent, renvoient à une représentation erronée, contradictoire mais persistante, de l'Afrique comme « jardin d'Éden » inhabité, sauvage et naturel, menacé par les activités agropastorales.
Cette représentation s'est formée dès les premiers récits d'explorateurs, en contrepoint d'une cécité étonnante sur l'ampleur des dégradations causées par l'exploitation coloniale (plantations, chasse, collections). Par la suite, elle a été reconduite par la littérature (Hemingway, Blixen), les documentaires animaliers et les reportages du National Geographic, ou encore le cinéma d'animation (Le Roi Lion). Au moment des indépendances, la reconversion des administrateurs coloniaux en experts internationaux a favorisé une continuité de la « mise en parcs de l'Afrique », celle-ci pouvant aussi servir les intérêts des nouveaux pouvoirs, en légitimant le contrôle et la criminalisation des populations, notamment nomades. Aujourd'hui, l'action des agences internationales, l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) en premier lieu, mais aussi la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), celle d'organisations non gouvernementales comme le WWF, prolongeraient, sous couvert de développement durable et de « gestion communautaire », une posture de « naturalisation coercitive » de l'espace. Les parcs y demeurent conçus comme des sanctuaires dont les habitants doivent être évacués, fût-ce au prix de violences et de profondes perturbations sociales (paupérisation, mendicité liée au tourisme, etc.).
Pour écrire son livre, l'auteur a eu accès aux archives de l'Ethiopian Wildlife Conservation Organization. Depuis 2007, il a aussi réalisé des séjours dans les montagnes du Simien, interviewé des habitants, des surveillants du parc, mais aussi des touristes. L'exemple de l'Éthiopie est donc particulièrement approfondi, mais G. Blanc souligne, avec force références, que les processus mis en évidence dans ce pays ont en fait concerné l'ensemble du continent. Notons que ses thèses ont donné lieu à des réactions vigoureuses, comme celle du sous-directeur général pour la culture de l'Unesco, publiée par Le Monde début novembre.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Flammarion
16:56 Publié dans Développement, Environnement, Territoires | Lien permanent | Tags : colonialisme, afrique sub-saharienne, espaces | Imprimer | |
Atlas critique de la Guyane, Matthieu Noucher, Laurent Polidori (dir.)
Cet ouvrage, publié sous la direction de Laurent Polidori et de Matthieu Noucher (CNRS), s’inscrit dans le sillage de la cartographie critique qui, depuis les années 1990, analyse les conceptions politiques et idéologiques qui sous-tendent l’élaboration des cartes géographiques et les effets de celles-ci sur les représentations des territoires. Comme le soulignent les auteurs, la carte est « moins un reflet qu’un effet, mais elle est un effet qui a la prétention du reflet ».
Le premier mérite de cet ouvrage est de donner à voir, de façon dynamique et plurielle, la complexité du territoire guyanais, notamment dans ses dimensions agricole et sylvicole. Tout d’abord, les géo-technologies montrent que l'expansion des terres cultivées est suivie par le développement de nouveaux quartiers, et joue donc la fonction d'amorce de l’urbanisation croissante du bassin du Maroni. En effet, sur ce territoire où la population a été multipliée par six entre 1980 et 2015, les migrants dépourvus de titre de séjour défrichent des parcelles de forêt pour y développer de l’agriculture sur brûlis afin de se nourrir et d’accéder parfois à un modeste revenu.
À Saint-Laurent du Maroni, l’agriculture amorce le développement de nouveaux quartiers
Source : Institut géographique national (IGN)
En outre, la technologie du radar, dont les géographes se sont saisis il y a longtemps, offre une connaissance accrue de la biomasse forestière. Ses usages se heurtent encore à la densité du couvert forestier amazonien mais, en 2023, la mission BIOMASS de l’Agence spatiale européenne embarquera un radar dont les longueurs d’onde (bande P) devraient améliorer les connaissances de la biomasse aérienne, de la hauteur de la canopée et de la déforestation.
Enfin, un autre intérêt de cet ouvrage est de montrer la fonction émergente de la carte dans l’accès des communautés amérindiennes à des droits d’usage du foncier détenu par l’État, à des fins d'activités agricoles, de chasse, de pêche et de cueillette. Pour ces populations, la carte est un instrument de pouvoir qui pourrait favoriser la défense de leurs droits territoriaux. En témoigne l’autorisation accordée, en octobre 2019, par le Grand conseil coutumier au démarrage du projet Akuli, qui doit conduire de jeunes amérindiens à développer des compétences nouvelles en matière de collecte, d’analyse et de visualisation des données cartographiques.
Nathalie Kakpo, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions du CNRS
16:55 Publié dans Forêts Bois, Territoires | Lien permanent | Tags : amazonie, forêt, guyane, géographie, biomasse forestière | Imprimer | |
11/11/2020
International Labour Migration to Europe’s Rural Regions, Johan Fredrik Rye, Karen O'Reilly (ed.)
Dans le cadre d'un projet financé par le Conseil de la recherche norvégien sur la main-d’œuvre mondiale dans les sociétés rurales, des chercheurs ont publié un ouvrage intitulé International Labour Migration to Europe’s Rural Regions, qui rassemble les contributions de 25 auteurs de disciplines variées des sciences sociales. Les 14 chapitres s'appuient sur de nombreuses études de terrain, pour explorer le thème de la migration et du travail dans les milieux ruraux d'Europe, et en présenter une image dynamique. Ils sont organisés en deux parties, la première sur la dépendance accrue des activités économiques au travail des migrants, la deuxième consacrée au point de vue des autres acteurs. Les études de cas présentées traitent de divers domaines agricoles et agroalimentaires : horticulture, cueillette de baies, pastoralisme, industrie de la pêche, etc. Ils décrivent notamment les conditions de vie des travailleurs migrants et leurs difficultés à les faire évoluer, mais aussi leur marginalisation et leur invisibilité qui tendent à rigidifier les possibilités d'évolution des sociétés rurales.
Lien : Taylor & Francis
16:41 Publié dans Exploitations agricoles, Territoires, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : migrations, travail, sociétes rurales | Imprimer | |
09/11/2020
Il y a beaucoup plus d'arbres qu'attendu au sud du Sahara
Une équipe internationale de chercheurs a réalisé un inventaire des arbres dans une zone s'étendant de l'ouest du Sahara à la région sub-humide, grâce aux images satellites haute résolution et au deep learning. Ils ont ainsi décompté en moyenne 13 arbres par hectare dans la zone étudiée (1,3 million de km²), et mesuré leur envergure et leur hauteur. Même si la densité reste faible, elle est nettement supérieure à ce que les chercheurs attendaient.
Source : Nature
16:29 Publié dans Forêts Bois, Territoires | Lien permanent | Tags : forêt-bois, deep learning, sahara | Imprimer | |
16/10/2020
Cartographie du commerce de bétail en Afrique de l'Ouest
Une étude récente de V. C. Valerio, publiée dans le collection des Notes ouest-africaines, dans le cadre des travaux du Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, propose une intéressante cartographie du commerce de bétail en Afrique de l'Ouest. Les principaux marchés et flux d'échanges sont caractérisés, puis géolocalisés, à partir d'une base de données fournie par le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Elle comprend 42 251 mouvements d'animaux sur la période 2013-2017. Ces données cartographiées font ensuite l'objet d'une analyse de réseaux, permettant d'identifier, à l’aide d’indicateurs, les points nodaux, les hétérogénéités, etc. Il s'agit de la première étude de ce type pour cette région dans son ensemble. Jusqu'ici, seuls des travaux similaires sur le Togo, le Cameroun ou entre le Sénégal et la Mauritanie avaient été menés.
Plusieurs résultats ressortent de cette étude. Tout d'abord, le commerce de bétail en Afrique de l'Ouest concerne majoritairement les bovins (en nombre de trajets) et les ovins (en nombre d'animaux par trajet, 225 contre 42 pour les bovins). D'autre part, le transport de bétail s'effectue très majoritairement par camion (94 %), et varie de façon saisonnière, avec un pic autour de la Tabaski (nom donné, en Afrique de l'Ouest, à l'Aïd-al-Adha, fête musulmane au cours de laquelle les familles sacrifient des moutons).
Localisation géographique des principaux marchés du commerce du bétail en Afrique de l'Ouest
Source : Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest
Les flux de transport de bétail fluctuent d'une année sur l'autre, mais les principaux axes forment une structure assez stable dans le temps, selon un gradient majoritaire Nord-Sud allant des zones de production vers les zones de consommation. L'analyse montre aussi les rôles différenciés joués par les nœuds du réseau commercial, avec des marchés périphériques qui permettent de regrouper le bétail provenant des villages proches, et servant d'étapes intermédiaires vers des marchés hubs situés le long des corridors commerciaux, près des frontières ou dans les villes. On voit également le poids important de certains pays en tant que lieux de départ ou d'arrivée.
Selon l'auteur, cette analyse confirme la pertinence de l'investissement dans les infrastructures de transport pour diversifier et fluidifier les axes, et ainsi faire baisser le prix des denrées. Elle souligne également l'intérêt de ce type d'approche pour gérer des maladies animales et étudier l’exposition des réseaux commerciaux aux risques sécuritaires.
Nombre de trajets commerciaux de bétail selon l'origine et la destination, 2013-2017
Source : Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
17:11 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés, Territoires | Lien permanent | Tags : commerce, géographie, afrique de l'ouest | Imprimer | |
15/10/2020
Quand l'alimentation se fait politique(s), Ève Fouilleux, Laura Michel (dir.)
La question alimentaire bénéficie d'un intérêt croissant et d’une multiplication des émissions, publications, recherches et colloques produits sur le sujet. Le plus souvent, le regard porte sur l'agroalimentaire, les circuits d'approvisionnement, les conseils nutritionnels ou les comportements des mangeurs. Le grand intérêt de ce livre est d’emprunter une voie différente, plutôt nouvelle en France, proposant une analyse sociologique des processus de politisation des enjeux d’alimentation. En seize chapitres denses, très documentés, issus de recherches empiriques, les auteurs décrivent l’émergence des nouveaux problèmes publics alimentaires, leur mise sur l’agenda institutionnel, les jeux d’acteurs et mécanismes de prise de décision, les modalités de gouvernance et d’application des mesures, mais aussi les stratégies d’influence, les sources d’innovations et d’alternatives, les jeux partisans, les rapports de pouvoir et les phénomènes d’action collective.
Des textes analysent l’émergence historique et la construction politique de réalités aussi différentes que la défiance des consommateurs, la gastronomie, le gaspillage ou les dispositifs participatifs de sécurité alimentaire au Brésil. D’autres s’intéressent aux controverses entre acteurs et aux résistances d’une partie de certains groupes professionnels (agriculteurs, vétérinaires, etc.) face aux nouveaux défis : transition écologique, réduction des pesticides, antibiorésistance, etc. D’autres encore se focalisent sur la tendance à la territorialisation des politiques alimentaires, qu’il s’agisse d’ausculter les tenants et aboutissants du « manger local », d’initiatives récentes de régions et de métropoles en matière de soutien à l’agriculture biologique ou de distribution. On n’oubliera pas non plus les textes consacrés à l’étude des liens entre institutions et marchés, entre producteurs et acheteurs, ou à l’écologisation du secteur de la pêche.
De ce vaste panorama, l’introduction et la conclusion de l’ouvrage (toutes deux excellentes) tirent quelques enseignements généraux. Le premier est que les lectures politiques de l’alimentation s’accordent sur quelques priorités consensuelles : relocalisation des productions, agriculture urbaine, lutte contre le gaspillage, contrôle de l’agroalimentaire industriel, etc. Inversement, la politisation de l’alimentation fait apparaître des conflits de valeurs et des oppositions irréductibles, par exemple sur l’étiquetage nutritionnel, l’interdiction du glyphosate, le retour au « naturel », les dispositifs participatifs et la place à accorder aux citoyens, etc. Au total, voici une lecture prioritaire et enrichissante qui complète bien les productions plus habituelles sur la nutrition ou les conduites alimentaires.
Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective
12:59 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Territoires | Lien permanent | Tags : politique alimentaire, territoires, problème public | Imprimer | |
14/10/2020
Le rôle des pollutions aux algues vertes dans la formation des prix immobiliers
Une équipe de chercheurs d'Inrae a publié une synthèse de ses travaux sur le consentement des particuliers à payer pour des externalités environnementales. Plus précisément, ils se sont intéressés, pour la région Bretagne, à l'influence de la présence des algues vertes (pollution en grande partie d'origine agricole) sur la formation des prix de l'immobilier résidentiel.
Ces travaux reposent sur l'analyse économétrique des prix hédoniques, où la qualité des biens se traduit dans les prix de transaction, cette approche étant raffinée ici par une analyse spatiale selon la localisation des logements. Les prix de vente de plus de 8 000 habitations ont été ainsi étudiés, et l'analyse concerne les zones rurales du Finistère, du Morbihan et des Côtes d'Armor. Le modèle économétrique visant à isoler et quantifier les différents déterminants de la formation des prix intègre i) des caractéristiques intrinsèques du logement, ii) des variables socio-économiques, agricoles et environnementales pour les communes concernées, iii) la distance par rapport aux sites pollués par des algues vertes. Si, toutes choses égales par ailleurs (caractéristiques du logement, niveau socio-économique de la commune, etc.), une des variables étudiées est corrélée positivement avec le prix des logements, c'est le signe que les résidents sont prêts à payer plus cher pour ce facteur (consciemment ou inconsciemment, directement ou indirectement). Inversement, une corrélation négative signifie que ce facteur implique une dévalorisation des biens.
Les analyses montrent que les pollutions aux algues vertes sont bel et bien corrélées à une dépréciation des logements, et donc à une diminution du bien-être des résidents. Les logements étudiés étant en moyenne à 18 km de la plage polluée la plus proche, s'en éloigner de 10 % supplémentaires (1,8 km) s'accompagne en moyenne d'une augmentation de leur valeur totale de 950 €. Extrapolée à la Bretagne entière, la dépréciation totale des biens par rapport à la situation des zones actuellement les moins polluées serait de plus de 11 milliards d'euros. Les résidents bretons paraissent prêts à payer 200 € par an pour réduire leur exposition aux algues vertes, au niveau minimum actuellement constaté dans la zone, une somme très supérieure au coût des politiques actuelles de lutte contre ces pollutions (7 €/an et par personne). Pour les auteurs, l'impact économique de cette pollution est donc majeur, alors que seul le secteur du logement est ici analysé, et que les conséquences sur l'attractivité touristique et d'autres secteurs alourdiraient ce bilan.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective
Sources : Inrae, Land Use Policy
10:00 Publié dans Environnement, Territoires | Lien permanent | Tags : pollution, algues, risques, externalités | Imprimer | |
13/10/2020
Orientation économique des zones d'emploi françaises
Paru en septembre 2020, le n°1814 de la collection Insee Première propose une analyse des orientations économiques des 306 zones d'emploi nouvellement définies, regroupées en sept profils. Un cinquième de ces zones présente une économie diversifiée, comportant une part plus élevée d'emplois agricoles que la moyenne (même si en diminution depuis plusieurs années). 37 zones sont spécialisées dans l'industrie (26 % des emplois en moyenne), la plupart étant en Bretagne (agroalimentaire) et Pays de la Loire. Enfin, 38 zones ont une orientation première agricole, 12 % des actifs travaillant dans ce secteur : il s'agit des territoires les moins denses, majoritairement dans un quart sud-ouest et à l'ouest, ainsi qu'en Guadeloupe et Martinique.
Sept groupes de zones d'emploi selon leur orientation économique principale
Source : Insee
Source : Insee
09:40 Publié dans Exploitations agricoles, Territoires, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : emploi, territoires, économie | Imprimer | |
12/10/2020
Dictionnaire des politiques territoriales, R. Pasquier, S. Guigner, A. Cole (dir.)
En septembre 2020, les Presses de Science Po ont fait paraître une version actualisée du Dictionnaire des politiques territoriales, qui propose une diversité d'entrées (paysage, eau, etc.). Il en ressort notamment que les politiques alimentaires territoriales favorisent les décloisonnements administratifs et les croisements de savoirs. La notion de « ruralités » permet, elle, d'interroger les particularités des zones peu denses, la pluralisation de leurs fonctions et de leurs peuplements. Enfin, la contribution « outre-mer » de J. Daniel rappelle les spécificités de ces territoires, relevant des principes d'identité législative (application de plein de droit des lois et règlements de la République) ou de spécialité législative (application de ces textes uniquement s'ils sont inscrits dans une loi organique spécifique à la collectivité). Selon l'auteur, les évolutions institutionnelles à venir devraient accompagner la transition des territoires ultra-marins vers un modèle de développement plus endogène.
Lien : Presses de Science Po
10:00 Publié dans 4. Politiques publiques, Territoires | Lien permanent | Tags : dictionnaire, outre-mer, collectivités, ruralité | Imprimer | |
« Le monde rural, fertile terre littéraire »
Le 11 septembre 2020, Le Monde publiait un article de F. Bouchy consacré aux romans de la rentrée littéraire se situant dans le monde rural, à l'image des opus de M.-H. Lafon et de S. Joncour, et des premiers ouvrages de V. Van Eecke et F. Marchet. Par exemple, ce dernier intègre notamment les transformations du monde agricole et les tensions associées. Si ces ouvrages trouvent une résonance avec les aspirations récentes au retour à la nature et aux grands espaces, F. Bouchy souligne que ces romans s'inscrivent dans une approche renouvelée de ces thématiques. Alors que, pendant la deuxième moitié du XXe siècle, les productions étaient souvent restreintes aux romans dits de « terroir », en réaction aux discours nationalistes exaltant les campagnes, L. Demanze (université Grenoble Alpes) rappelle comment le travail de divers auteurs (P. Michon, P. Bergounioux, etc.) a permis de relégitimer la province et la France rurale comme objets littéraires, en déconstruisant les discours idéologiques.
Source : Le Monde
09:50 Publié dans Agriculteurs, Territoires | Lien permanent | Tags : ruralité, monde agricole, représentations | Imprimer | |
Méthanisation, transition énergétique et héritage est-allemand des exploitations agricoles
La revue L’Espace géographique vient de mettre en ligne un article de P. Jutteau et G. Lacquement (université de Perpignan) consacré aux transformations de l'agriculture et aux héritages post-socialistes en Allemagne orientale. À partir d'études de cas dans les Länder de Saxe-Anhalt et Thuringe, il met en évidence la contribution de la méthanisation, dans le cadre de politiques énergétiques volontaristes, au renouvellement des liens entre grandes exploitations sociétaires et territoires, via des réseaux de chauffage avec, dans certains cas, la mise en place de partenariats non seulement avec les opérateurs publics de l'énergie mais aussi avec des coopératives d'habitants.
Source : L'Espace géographique
09:40 Publié dans Energie, Exploitations agricoles, Territoires | Lien permanent | Tags : allemagne, méthanisation, énergie | Imprimer | |
15/09/2020
Les pôles de compétitivité : quels résultats depuis 2005 ?
En août 2020, France Stratégie a publié une étude, réalisée par EuroLIO Technopolis, des impacts économiques et territoriaux des pôles de compétitivité depuis leur mise en place en 2005. Une note de synthèse, rédigée avec la contribution de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), en valorise les résultats. La politique industrielle mise en place à travers ces pôles (64 en 2005, 71 en 2014, 55 aujourd'hui) vise à combiner, au sein d'un territoire, innovation et industrie, en faisant travailler sur des projets innovants les acteurs locaux (entreprises, recherche et formation).
Les effets attendus de la politique des pôles de compétitivité
Source : EuroLIO Technopolis
Si plusieurs évaluations d'impact de la mise en place des pôles avaient déjà été réalisées, l'intérêt de la présente étude est, dans un premier temps, de confirmer, sur une période plus récente, ses résultats positifs sur l'augmentation des dépenses en R&D des PME participantes : en moyenne, pour 1 euro de subvention publique perçu, elles investissent 2,5 euros supplémentaires (fonds propres). Un effet favorable est également mesuré pour l'emploi dans ces PME. A contrario, les auteurs n'observent pas d'effet significatif sur les dépenses en R&D, ni sur l'emploi des entreprises de plus de 250 salariés. Un effet d'échelle est avancé pour expliquer cette absence d'effets directs : la stratégie globale de ces structures a plus d'impacts sur leurs emplois et performances économiques que les actions spécifiques dues à leur participation à un pôle de compétitivité.
Dans un second temps, le périmètre de l'évaluation est étendu aux effets indirects de la politique des pôles, via leurs impacts sur le territoire concerné et sur les dynamiques de structuration de réseaux d'innovation. À partir de critères socio-démographiques, économiques, géographiques et d'activité de R&D, l'étude découpe la France métropolitaine en 4 classes territoriales. Une classe à dominante d’activités de production et agricoles est identifiée, qui révèle une plus faible présence des pôles de compétitivité, ainsi qu'un niveau d'investissement en R&D moindre que les autres classes territoriales issues de cette typologie.
Présence des pôles dans les différentes classes de départements
Source : EuroLIO Technopolis
L'analyse de l'impact territorial des pôles et du dynamisme de leur structuration fait apparaître, là encore, des disparités dans leurs résultats, mais elle permet aux auteurs de proposer des pistes pour poursuivre les ambitions de cette politique industrielle.
Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective
Source : France Stratégie
16:42 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, Enseignement et recherche, Territoires | Lien permanent | Tags : pôles de compétitivité, évaluation | Imprimer | |