14/06/2022
Offre, demande et flux de fourrages à La Réunion
Conduit entre 2017 et 2020, le projet GABIR (Gestion agricole des biomasses à l’échelle de La Réunion) visait à améliorer l’autonomie des exploitations en valorisant les biomasses disponibles localement. Un article publié en avril 2022, dans la revue Fourrages, se penche sur les conditions de la mise en place d’une filière fourragère, sur l’île, pour sécuriser l’approvisionnement en saison sèche (caractérisée par un déficit), comme en saison de pluie, pour l’ensemble du territoire.
Dans un premier temps, les chercheurs ont établi des bilans fourragers au moyen d’un modèle spatialisé de simulation des flux. Le parcellaire fourrager de 35 184 ha a été réparti en 12 zones logistiques (figure ci-dessous) puis, à partir de la littérature existante, un type de fourrage, un mode d’exploitation et un rendement moyen ont été associés à chaque parcelle. En volume produit, l’herbe sur pied (pâturée) arrive en tête, suivie par l’enrubanné et le foin.
Les douze zones logistiques identifiées et les élevages présents dans chaque zone (en Unité de gros bétail, UGB)
Source : Fourrages
Dans un second temps, A. Lurette et ses collègues ont estimé la demande de fourrage au moyen d’une géolocalisation des exploitations et de leurs troupeaux. L’alimentation des 53 800 têtes de bétail se fait majoritairement à partir d’herbe pâturée (32 %), d’affouragement en vert (30 %) et d’enrubanné (22 %). Les bovins et petits ruminants représentent près de la moitié du cheptel et des besoins en fourrage de l'île (tableau ci-dessous).
Total des consommations annuelles de six fourrages par les différents cheptels réunionnais (en tMS/an)
Source : Fourrages
Les zones logistiques d’offre et de demande ont été superposées, montrant une sous-valorisation de l’herbe en saison des pluies, qui a des répercussions négatives sur la disponibilité des fourrages en saison sèche. Parmi les leviers techniques mobilisables, la fauche dans les Hauts de La Réunion, concernés par le déficit de fourrages, paraît la plus efficace. La modélisation a enfin recherché les solutions les plus optimales, en matière de flux, entre producteurs et consommateurs. Un scénario de référence, basé sur des échanges de proximité, a été comparé à un autre prévoyant une augmentation de la production dans les hauts de l’île et la création de quatre structures de stockage. Ce deuxième scénario aboutit à la couverture des besoins de plus d’élevages et, surtout, à la valorisation de 8 691 tMS supplémentaires de fourrage grâce au stockage.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Source : Fourrages
09:50 Publié dans Exploitations agricoles, Production et marchés, Territoires | Lien permanent | Tags : fourrages, élevage, outre-mer | Imprimer | |
14/03/2022
La « vie chère » dans les Outre-mer
Dans la dernière livraison de la revue Géographie, économie, société, mise en ligne en février 2022, l'article de J.-F. Hoarau (université de La Réunion), identifie les facteurs et mécanismes qui participent aux différentiels de prix entre la métropole et les départements et régions d’Outre-mer (DROM), principalement tirés par les prix alimentaires. De plus, la vulnérabilité au changement climatique et la dépendance externe de ces territoires pourraient accroître prochainement les coûts d'accès à l'alimentation humaine (mais aussi animale).
Pour l’auteur, les forts handicaps structurels des économies ultra-marines sont à l'origine des écarts de prix. Ils les conduisent à une plus grande exposition aux chocs et à une situation de fragilité économique. Ces handicaps entraînent des surcoûts qui se traduisent par un surenchérissement des prix à la consommation et un défaut de compétitivité. L’auteur rappelle aussi que la localisation dans l’espace est un facteur crucial du développement économique. La distance importante entre les territoires et les grands marchés internationaux (figure ci-dessous) s’accompagne de coûts d’approche élevés (frais supplémentaires liés au conditionnement, au transport, etc.). De plus, leur insularité empêche les entreprises locales de bénéficier d’effets d’agglomération tels que la densité d’emplois, la présence d’une main-d’œuvre spécialisée ou l’existence d’infrastructures modernes. Cette limite est par exemple visible dans la quasi-absence d’effort de recherche des entreprises ultramarines.
Le système de transport global (terrestre, maritime et aérien)
Source : Géographie, économie, société
Lecture : en vert, le transport routier ; en bleu, les routes maritimes ; en rouge, les réseaux aériens.
De plus, pour J.-F. Hoarau, en économie, « l’histoire compte ». Les structures sociales issues des institutions coloniales traversent les âges et se manifestent dans la prévalence d’une logique « exportations de produits agricoles tropicaux contre importations de produits manufacturés » (figure ci-dessous).
Décomposition (en %) du commerce extérieur des DROM, en 2018
Source : Géographie, économie, société
Enfin, un troisième ensemble de facteurs touche à l’étroitesse économique des marchés et au défaut de concurrence associé. La faiblesse de la demande limite le nombre d’entreprises capables de desservir de manière efficace le marché local, favorisant des situations de monopole et d’oligopole qui concernent les industries de transformation locale comme la grande distribution. D'après l'auteur, l’intensité concurrentielle pourrait être renforcée et la recherche de compétitivité des entreprises resserrée sur le commerce extérieur à l’échelle régionale, par exemple au moyen du développement d’une industrie agroalimentaire de haute qualité, tournée vers les petits marchés touristiques « de luxe » avoisinants.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Source : Géographie, économie, société
10:40 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Production et marchés, Territoires | Lien permanent | Tags : vie chère, outre-mer, consommation | Imprimer | |
12/01/2022
Un état des lieux des pesticides dans les outre-mer
Cet article, publié en décembre 2021 dans Écologie & politique, propose un état des lieux de la présence des pesticides dans les territoires d’outre-mer. Issu d’une revue de la littérature, il met en exergue trois résultats. Le premier a trait à la surexposition des ultra-marins aux pesticides, associée à diverses pratiques. C’était le cas de l’épandage aérien, de 1958 à 2014 : en 2008, de 13 à 40 % de la surface (en hectares équivalents, deux épandages sur 1 ha donnant 2 ha équivalents) de la Martinique et de la Guadeloupe étaient concernés, contre 1 % en Champagne-Ardenne, région métropolitaine où l’épandage était pourtant le plus intensif. En 2017, les îles antillaises figuraient aussi en tête des classements en termes d’usage du glyphosate. De plus, la France continentale et les outre-mer (à l’exception des Antilles) sont différemment dotés en matière de production de données (points de mesure, laboratoires). Enfin, l’effectivité du droit de vivre dans un environnement sain, conféré par la Charte de l’environnement (2004), à valeur constitutionnelle, se heurte notamment à « une tendance historique » qui voit, dans les territoires ultramarins, certains « producteurs agricoles considérer la dérogation comme la norme ».
Source : Écologie & politique
08:37 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement, Production et marchés, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : phytosanitaires, outre-mer, santé, norme | Imprimer | |
16/12/2021
L'Institut Montaigne propose un programme agricole en vue des élections présidentielles de 2022
Dans un récent rapport intitulé En campagne pour l'agriculture de demain, fruit de nombreux entretiens et du travail d'un groupe d'experts présidé par Hervé Gaymard, l'Institut Montaigne fait un point approfondi sur les défis actuels et futurs de l'agriculture française. Ces enjeux sont déjà largement partagés : autonomie protéique, revenu des agriculteurs, renouvellement des générations, émissions de gaz à effet de serre, dégradation de l'environnement, perte de compétitivité des exploitations, rééquilibrage des régimes alimentaires, etc. Toutefois, l'approche présente deux spécificités : les auteurs se placent dans la perspective des élections présidentielles de 2022 et adoptent une entrée par la préservation de la « souveraineté alimentaire » française. Ils notent que celle-ci est une composante incontournable de la puissance de la France au XXIe siècle, et appellent à faire du pays la première puissance agricole durable.
Les auteurs identifient pour cela six chantiers, destinés à nourrir les débats de la campagne électorale, sur les questions agricole et alimentaire. Ces chantiers sont déclinés en de nombreuses propositions et ils suggèrent, entre autres, de mettre en cohérence les politiques agricole, environnementale et commerciale de l'Union européenne, de réduire les importations de protéines végétales et d'accroître la structuration des filières. Ils proposent également de rénover la contractualisation au sein de la chaîne de valeur, de maintenir une offre française large (des matières premières aux produits de haute qualité) et d'accélérer la transition climatique, écologique et énergétique de l'agriculture, entre autres par la production de bioénergies et le recours aux biotechnologies. Ils évoquent aussi le renforcement de l'attractivité du métier d'agriculteur et la protection du foncier. Ils recommandent enfin, très classiquement, d'accroître la transparence sur la qualité nutritionnelle et sur l'origine par l'étiquetage des produits, de promouvoir une alimentation saine et durable et de lutter contre le gaspillage.
Très riches en données et informations, les annexes du rapport traitent notamment des agricultures d'Outre-mer, soulignant leurs spécificités : charge que représentent les dépenses alimentaires dans le revenu, étroitesse des marchés, enjeux des filières banane et canne à sucre, nécessité d'une politique foncière ambitieuse, redynamisation de l'aval. Enfin, mentionnons une intéressante analyse de ce rapport, publiée sur le site d'Agriculture Stratégies par Bertrand Valiorgue, professeur à l'université Clermont Auvergne et ayant participé à l'élaboration de ce document.
Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective
Source : Institut Montaigne
08:49 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs, Alimentation et consommation, Production et marchés, Société | Lien permanent | Tags : institut montaigne, souveraineté alimentaire, outre-mer, politiques publiques | Imprimer | |
12/01/2021
La « souveraineté alimentaire » contre la vie chère : perspectives ultra-marines
Le rapport des députés L. Adam et C. Guion-Firmin, remis à l’Assemblée nationale en décembre 2020, analyse les différentiels de prix entre les outre-mer et l’Hexagone, qui s’expliquent pour partie par la faiblesse des mécanismes concurrentiels (voir à ce sujet un précédent billet). Ils identifient plusieurs causes aux prix élevés des denrées alimentaires. La multiplication des barrières à l’entrée décourage l’arrivée de nouveaux acteurs sur les marchés, maintenant leur structure oligopolistique. Par ailleurs, la présence des mêmes opérateurs sur les différents segments de la chaîne d’approvisionnement favorise des accords tarifaires préférentiels. De plus, les coûts qu’implique la part importante des importations dans l'offre alimentaire participent aux écarts de prix. Pour les auteurs, la « souveraineté alimentaire », entendue comme le développement de la production locale en vue d’une moindre dépendance aux importations, diminuerait la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation, et ils recommandent une surveillance accrue, par les acteurs publics, de la présence et de la mise en valeur de la production locale sur les étals.
Source : Assemblée nationale
12:30 Publié dans Alimentation et consommation, Production et marchés | Lien permanent | Tags : outre-mer, alimentation, concurrence, marchés, budget des ménages, souveraineté alimentaire | Imprimer | |
08/12/2020
Pendant le premier confinement, un accès dégradé à l’alimentation en Guyane
La permanence d’accès aux soins de santé du Centre hospitalier de Cayenne, la Croix-Rouge et Médecins du monde ont constaté, lors du premier confinement (17 mars - 11 mai 2020), un accès dégradé de certains ménages guyanais précaires à l’alimentation. Réalisée fin juillet-début août 2020, une enquête par questionnaire a permis d’objectiver cette situation d’insécurité alimentaire (IA). Ses résultats ont été récemment publiés dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Parmi les 221 ménages interrogés, 80 % avaient souffert de la faim dans le mois tandis que 49 % avaient un budget hebdomadaire consacré à l’alimentation inférieur ou égal à 30 euros. La crise sanitaire a aggravé l’insécurité alimentaire de ces ménages (hausse des prix, diminution du budget). Un dispositif de suivi de l’IA devrait permettre de mieux anticiper les conséquences des crises futures.
Composition des familles, score de consommation alimentaire (FCS), indice simplifié des stratégies d’adaptation (rCSI), budget alimentaire par semaine associé à une faim sévère des ménages (juillet 2020)
Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France)
Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France)
09:09 Publié dans Alimentation et consommation, Développement, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : alimentation, guyane, outre-mer, faim | Imprimer | |
12/10/2020
Dictionnaire des politiques territoriales, R. Pasquier, S. Guigner, A. Cole (dir.)
En septembre 2020, les Presses de Science Po ont fait paraître une version actualisée du Dictionnaire des politiques territoriales, qui propose une diversité d'entrées (paysage, eau, etc.). Il en ressort notamment que les politiques alimentaires territoriales favorisent les décloisonnements administratifs et les croisements de savoirs. La notion de « ruralités » permet, elle, d'interroger les particularités des zones peu denses, la pluralisation de leurs fonctions et de leurs peuplements. Enfin, la contribution « outre-mer » de J. Daniel rappelle les spécificités de ces territoires, relevant des principes d'identité législative (application de plein de droit des lois et règlements de la République) ou de spécialité législative (application de ces textes uniquement s'ils sont inscrits dans une loi organique spécifique à la collectivité). Selon l'auteur, les évolutions institutionnelles à venir devraient accompagner la transition des territoires ultra-marins vers un modèle de développement plus endogène.
Lien : Presses de Science Po
10:00 Publié dans 4. Politiques publiques, Territoires | Lien permanent | Tags : dictionnaire, outre-mer, collectivités, ruralité | Imprimer | |
04/09/2020
Perspectives de développement de petites économies insulaires
Une note de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), en date de juillet 2020, analyse les trajectoires de croissance de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Ces territoires partagent un modèle économique caractérisé par l’importance des transferts publics (notamment sous la forme de dépenses fiscales) et des spécialisations sectorielles, le tourisme en Polynésie française et la production du nickel dans l’archipel calédonien. Le développement d'activités telles que la pêche, la pisciculture ou la production de la vanille, ainsi que l’arrivée de nouveaux entrants sur des marchés intérieurs fréquemment oligopolistiques pourraient favoriser un développement plus endogène.
Source : Institut d’émission d’outre-mer
14:29 Publié dans Développement, Pêche et aquaculture, Territoires | Lien permanent | Tags : outre-mer, développement, insulaire | Imprimer | |
07/07/2020
Les effets de la pandémie de Covid-19 sur les activités économiques ultra-marines en débat au Sénat
Le 9 juin dernier, la Délégation sénatoriale aux outre-mer a organisé deux tables rondes sur l’agriculture et la pêche, donnant la parole à divers acteurs professionnels et publics. Ces sessions visaient à exposer les effets de la crise sanitaire sur l’activité, les mesures publiques de soutien dédiées et les adaptations des professionnels.
Vidéo de la table ronde sur l'agriculture et la pêche dans les outre-mer
Source : Sénat
Selon la plupart des présidents de Chambres d’agriculture auditionnés, la crise sanitaire a eu un effet de loupe sur les difficultés des activités agricoles dans les territoires ultra-marins, tenant en partie à leur insularité. Le ralentissement du fret aérien a ainsi fragilisé l’approvisionnement en intrants ou en œufs à couver (indispensables à la filière avicole), conduisant à la baisse des surfaces et volumes de production. Les exportations ont par ailleurs été freinées, avec un manque à gagner significatif pour les agriculteurs, à l’image de ceux de la filière melon. La raréfaction de certains produits très prisés dans l’océan Indien, tels que l’ail, l’oignon et les épices, a enfin entraîné une hausse de leurs prix. En revanche, l’exiguïté des territoires et les hauts niveaux d’interconnaissance ont favorisé l'adaptation à ce contexte inédit, comme l'illustre le développement des points de vente directe et de drives fermiers dans la plupart des départements et régions d’outre-mer. Ces initiatives ont contribué à la stabilité des systèmes alimentaires locaux même si la crise a conduit certains ménages à privilégier le stockage de produits secs au détriment de la consommation d’aliments frais.
La table ronde sur la pêche a souligné la difficulté pour les producteurs d'accéder aux mesures de soutien gouvernementales, faute d’être à jour de leurs cotisations auprès de l’Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF). Par ailleurs, le difficile écoulement des produits a entraîné des surcoûts liés à leur stockage. Enfin, d'après les intervenants, la gestion publique de la pandémie aurait renforcé les frontières nationales, d’ordinaire plus poreuses, diminuant ainsi l’exposition des pêcheurs locaux aux importations concurrentes de produits de la mer en provenance des bassins régionaux.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
15:31 Publié dans Agriculteurs, Pêche et aquaculture, Production et marchés, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : outre-mer, sénat, covid-19 | Imprimer | |
13/04/2020
Alimentation et nutrition dans les départements et régions d’Outre-mer, Caroline Méjean (dir.)
Cet ouvrage, publié en mars 2020, est le résultat d’une expertise collective conduite par un collège pluridisciplinaire d’experts. En s'appuyant sur une synthèse des connaissances disponibles, ils formulent des recommandations relatives à l’action publique, ainsi qu'en matière d'études et de recherches. Sociétés à dominante agricole il y a encore cinquante ans, les Départements et régions d'Outre-mer (DROM) ont été profondément transformés par la tertiarisation de l’économie et la consommation de masse. À partir des années 1980, ces changements ont produit des évolutions des pratiques alimentaires (« transition nutritionnelle »), avec le passage de sous-nutritions prédominantes à une prépondérance des risques liés au surpoids.
Trois grandes caractéristiques des régimes alimentaires ultra-marins ressortent de l’étude. D'abord, dans l’ensemble des territoires, la consommation de féculents et d’aliments végétaux recule au profit des protéines animales, des lipides et des glucides rapides, contribuant à la surreprésentation de maladies chroniques (ex. : diabète) par rapport à la situation métropolitaine. En deuxième lieu, les DROM se distinguent par un recours plus important à l’autoconsommation, en particulier pour les ménages les plus modestes. Enfin, si le « bien manger » reste largement associé à la satiété, les populations les plus aisées montrent un intérêt grandissant pour les aliments locaux et pour les produits issus de l’agriculture biologique, considérés comme meilleurs pour la santé.
Ces grandes tendances sont notamment façonnées par l’offre alimentaire (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). La faible couverture des besoins par la production locale participe d’un modèle économique orienté vers l’importation. Dans certains cas, des études ont constaté une teneur en sucre de produits importés significativement supérieure à celle observée dans l’hexagone.
Bilan des disponibilités énergétiques et structure nutritionnelle des importations alimentaires des DROM en 2015
Source : IRD
Pour accélérer l'adoption de régimes alimentaires plus équilibrés, les experts développent longuement diverses recommandations. Par exemple, ils préconisent un soutien public des producteurs agricoles locaux en contrepartie d’engagements sur les qualités nutritionnelles des produits, ainsi que le développement des restaurations scolaire et professionnelle, et leur approvisionnement en circuits courts.
Nathalie Kakpo, Centre d'études et de prospective
Lien : IRD
18:54 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : outre-mer, alimentation, nutrition, ird, drom | Imprimer | |
17/09/2019
Fonctionnement de la concurrence en Outre-mer
Début juillet 2019, l'Autorité de la concurrence a publié un avis sur le fonctionnement de la concurrence dans les Départements et régions d'Outre-mer (DROM), actualisant une première livraison de 2009. Plusieurs constats généraux sont posés pour les cinq territoires étudiés (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte). D'après des travaux de l'Insee repris dans l'avis, les écarts de prix à la consommation par rapport à la métropole persistent, ils sont significatifs et en grande partie imputables aux produits alimentaires (tableau ci-dessous). De plus, les spécificités fiscales (régime de TVA, octroi de mer), géographiques et économiques (marchés étroits, fort déséquilibre commercial, échanges commerciaux en grande majorité avec la métropole), peuvent affecter ces prix.
Écarts de prix, en 2015, entre DROM et métropole selon trois indicateurs (indice de Fisher, panier local acheté en métropole, panier métropolitain acheté localement)
Source : Autorité de la concurrence, d'après données Insee, calculs et tableau Autorité de la concurrence
Note de lecture : un ménage métropolitain augmenterait ses dépenses alimentaires de 47,9 % en Martinique s'il consommait les mêmes produits et services qu'en France métropolitaine. À l'inverse, un ménage martiniquais réduirait de 22,6 % ses dépenses alimentaires s'il consommait en France métropolitaine à l'identique de sa consommation martiniquaise. Au final, les prix alimentaires sont 38,2 % plus élevés en Martinique qu'en France métropolitaine.
L'Autorité analyse ensuite finement le fonctionnement des différents marchés ultramarins, de l'amont à l'aval, les coûts et chiffres d'affaire de la distribution de produits de grande consommation, ainsi que les enjeux associés au commerce en ligne. On peut notamment retenir que la vente au détail est dominée par les grandes enseignes nationales, les enseignes de hard discount étant peu présentes. De même, produits à marques de distributeur et premiers prix jouent un rôle limité, à l'inverse des promotions sur des produits à marque nationale. Créé en 2012, le « Bouclier qualité-prix » (BQP) est largement salué mais rencontre des difficultés de mise en œuvre. L'import direct (produits achetés directement par les distributeurs auprès des fournisseurs métropolitains ou étrangers) augmente depuis 2009, représentant 45 % de la part moyenne (en valeur) des importations dans les achats de marchandise. Toutefois, spécialisés et localisés dans les DROM, les grossistes-importateurs conservent un rôle important. Par ailleurs, la production locale est limitée et peu compétitive, bien que prédominante dans certains cas : produits frais et ultra-frais, spécificités culinaires et culturelles, marques locales notoires. Les possibilités d'exportation sont très réduites (hors bananes et produits de la filière sucrière), et les subventions et l'octroi de mer jouent un rôle déterminant, pour ce segment en cours de structuration. Enfin, l'Autorité considère que les « produits de dégagement » (issus principalement de l'élevage, viande fraîche de volaille en particulier), ne peuvent être considérés comme concurrents de l'offre locale car non substituables.
Enfin, l'Autorité énonce dix-neuf recommandations visant à i) améliorer les études de prix et encourager l'action des observatoires des prix, marges et revenus, ii) évaluer les conditions d'application de l'octroi de mer, iii) réformer le BQP, iv) améliorer la régulation du fonctionnement des marchés, v) encourager une organisation plus efficace des filières locales (structuration, différenciation par des signes de qualité), vi) favoriser le développement du commerce en ligne.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Autorité de la concurrence
17:07 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Production et marchés | Lien permanent | Tags : outre-mer, concurrence, autorité de la concurrence, guadeloupe, guyane, martinique, la réunion, mayotte | Imprimer | |
13/12/2016
Pas d'avenir pour les agricultures des Outre-mer sans une adaptation des normes européennes
« Garantir la cohérence des politiques agricole, sanitaire et commerciale de l'Union européenne, conformément à l'article 207 du TFUE », est une nécessité, estime le Sénat dans la résolution adoptée le 22 novembre sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques (RUP). Cette résolution, émise à la suite d'un rapport d'information en date du 7 juillet portant sur l'impact des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture des Outre-mer, se décline en trois volets :
- l'un, relatif aux normes agricoles européennes, préconise de les « acclimater », ainsi que les procédures d'homologation des produits de traitement, aux caractéristiques des productions en milieu tropical (conditions pédo-climatiques spécifiques, fortes pressions de maladies et de ravageurs) ;
- un autre, portant sur les accords commerciaux de l'UE avec des pays tiers, recommande la mise en œuvre quasi-automatique des mécanismes de défense prévus par ces accords (notamment dans les secteurs de la banane, du sucre et du rhum) et la réalisation systématique d'études d'impacts préalables sur les RUP ;
- le troisième, sur les stratégies de labellisation, incite à développer une production de qualité en Outre-mer, avec notamment la production biologique comme voie d'avenir possible.
Le rapport d'information souligne à la fois des défauts dans les procédures d'homologation des produits phytopharmaceutiques, et des lacunes dans les systèmes de contrôle des importations, au détriment des régions ultramarines soumises à la forte concurrence des pays tiers. Ainsi, seulement 29 % des usages phytosanitaires sur les cultures tropicales sont couverts dans les départements d'Outre-mer, tandis que la moyenne nationale est d'environ 80 % (cf. figure ci-dessous), et ce alors que les pays-tiers concurrents disposent d'une gamme plus large de pesticides. A titre d'exemple, il est indiqué que les producteurs de bananes aux Antilles disposent de deux produits autorisés pour lutter contre la cercosporiose noire, avec 7 traitements par an, alors que leurs concurrents africains et sud-américains peuvent utiliser une cinquantaine de produits, avec un nombre de traitements annuels allant de 40 à 65 (voir à ce sujet une Analyse du CEP).
Source : Sénat
Christine Cardinet, Centre d'études et de prospective
13:04 Publié dans 4. Politiques publiques | Lien permanent | Tags : outre-mer, sénat, produits phytosanitaires | Imprimer | |