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13/12/2021

Des serious games pour anticiper l'impact du changement climatique sur les forêts et adapter leur gestion

Dans un article publié dans Forest Policy, des chercheurs canadiens présentent leur adaptation d'un « jeu sérieux » d'aide à la prospective (IMPACT), dans le domaine de la gestion forestière. Il s'agit de stimuler l'imagination des acteurs de la filière face aux défis posés par le changement climatique. Notons également que la région Nouvelle-Aquitaine et l'Office national des forêts ont également fait le choix du jeu pour favoriser la prise de conscience, par le grand public, des enjeux liées à la gestion forestière, avec l'originalité de proposer aux joueurs une visite sur le terrain.

Source : Forest Policy

18/11/2021

Allocation des terres et modes de production agricole : effets comparés du land sparing et du land sharing sur la biodiversité

Si les effets de l'activité humaine sur l'environnement ne font plus débat dans la communauté scientifique, les stratégies à mettre en œuvre pour en limiter l’impact suscitent encore des questions. Une analyse publiée en octobre 2021 dans le Journal of Zoology passe en revue différents travaux académiques évaluant les niveaux d'impact des modes de production agricole sur la biodiversité. Elle s'intéresse plus précisément à un continuum d'approches de l'allocation des terres, du land sharing au land sparing (figure ci-dessous). Le land sharing consiste à étendre les surfaces cultivées avec des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement (diminution des intrants chimiques, préservation des habitats naturels, etc.), jusqu'à atteindre un niveau de production donné. Avec le land sparing, il s'agit à l'inverse de concentrer cette activité sur une surface minimale, en augmentant au maximum les rendements pour avoir le même niveau de production et préserver ainsi plus de terres « sauvages » (wild landscapes).

Le continuum entre les stratégies extrêmes de partage et de sauvegarde des terres

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Source : Journal of Zoology

Lecture : (a) sur la base d'une zone de paysage hypothétique de 5 km x 5 km, pour atteindre un même niveau de production : à gauche, le degré le plus élevé de partage des terres, nécessitant de cultiver l'ensemble de la zone au rendement le plus bas (rose moyen) ; à l'extrémité droite, le degré le plus poussé de sauvegarde des terres, avec le rendement le plus élevé (rouge foncé) sur la surface minimale cultivée.

(b) courbes de densité de population végétale ou animale selon les rendements pour, de gauche à droite, des espèces « gagnantes » (la densité de leur population augmente avec les rendements), puis des espèces perdantes selon les scénarios d'allocation des terres (land sharing, land sparing, niveau intermédiaire).

D'après l'auteur, les études s'accordent sur les impacts globalement négatifs sur la biodiversité de l'activité agricole, aussi respectueuse soit-elle. En revanche, leurs conclusions sur la meilleure stratégie à adopter sont discutées en fonction des indicateurs considérés. Le land sharing aurait un impact moindre sur la densité de population d'un plus grand nombre d'espèces, alors que le land sparing permettrait d'en conserver un nombre plus important en préservant les espèces animales ou végétales dites « spécialisées » (ayant besoin de conditions environnementales spécifiques pour prospérer). De plus, d'après des travaux récents, cette stratégie d'économie de terres serait associée au stockage d'une plus grande quantité de carbone organique dans les sols.

L'auteur préconise donc une stratégie de production agricole à haut rendement durable, préférable à une agriculture intensive, sur des zones peu étendues et déjà cultivées, optimisant les surfaces de terres « sauvages » sauvegardées. Il applique cette idée de concentration de l’empreinte de l’activité humaine à d'autres secteurs (urbanisme, pêche, aquaculture, etc.), afin de gérer au mieux la préservation de l'environnement par rapport aux besoins de la population.

On pourra sur ce sujet se reporter à une Analyse récente sur les liens entre hétérogénéité des paysages agricoles, biodiversité et services écosystémiques.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Zoology

07:28 Publié dans Agronomie, Organisations agricoles, Territoires | Lien permanent | Tags : foncier, allocation des terres, biodiversité |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/11/2021

Une mission d'information du Sénat sur les enjeux et perspectives de la méthanisation

La méthanisation connaît un développement rapide en France : la production de biogaz a été multipliée par sept entre 2007 et 2018. Dans ce contexte, une mission d'information du Sénat a analysé les enjeux associés à cette production et formulé des recommandations.

La première partie du rapport fait un état des lieux. Elle montre que la méthanisation a bénéficié d'un cadre législatif et réglementaire incitatif (tarifs d'achat, fiscalité, aides à l'investissement). Cela a permis le développement initial de la filière, malgré des coûts de production élevés (90 à 100 €/MWh contre 25 €/MWh pour le gaz fossile). Ces dispositifs font toutefois l'objet d'une refonte, depuis quelques années, qui pourrait freiner ce dynamisme. En conclusion de cette partie, la mission déplore qu'il n'ait jamais été défini de « modèle français » de la méthanisation, permettant de clarifier ce qui en est attendu (types d'installation souhaités, place des cultures énergétiques, etc.). De ce fait, elle se voit assigner des objectifs nombreux et parfois contradictoires : soutien au revenu des agriculteurs, production d'énergie, développement économique, etc.

La seconde partie identifie les impacts positifs et négatifs de la méthanisation. Les sénateurs mettent d'abord en avant ses externalités positives : décarbonation du mix énergétique, renforcement de la souveraineté énergétique française, utilisation du digestat comme fertilisant, soutien à l'économie rurale (4 000 emplois directs et indirects en 2018, et jusqu'à 53 000 en 2030 selon le scénario le plus favorable). Ils pointent également les risques associés à la méthanisation : fuites de méthane, émissions de protoxyde d'azote, dégradation de la qualité des sols et des eaux, difficultés économiques pour les agriculteurs, développement des cultures à vocation énergétique au détriment des cultures alimentaires, pression foncière, etc.

En conclusion, la mission plaide pour un développement maîtrisé de la méthanisation, respectueux de l'environnement et utile aux agriculteurs. Elle formule 61 recommandations regroupées en cinq axes : clarifier les politiques publiques, structurer la filière, territorialiser les projets, améliorer les pratiques pour renforcer les externalités positives, prévenir les risques.

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : Sénat

07:22 Publié dans 4. Politiques publiques, Energie, Territoires | Lien permanent | Tags : méthanisation, production energétique |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/11/2021

Vers une recrudescence des acquisitions de terres agricoles par des investisseurs étrangers ?

Plus de dix ans après l’envolée des acquisitions de terres agricoles par des investisseurs étrangers, suivie d’une relative accalmie, le rapport Land Matrix de septembre 2021 s’inquiète d’un éventuel rebond, porté par la reprise économique post-Covid.

L’initiative internationale Land Matrix Project surveille depuis 2009 l’étendue et la nature réelle de la « ruée vers les terres », en répertoriant et analysant les projets de transactions foncières supérieures à 200 hectares qui impliquent un transfert de propriété, de droit d’exploitation ou de contrôle de la terre. Le réseau a ainsi documenté des transactions portant sur près de 30 millions d’hectares entre 2000 et 2020. Ce troisième rapport se base sur l’analyse de ces données et sur une revue de littérature pour mieux comprendre les impacts variés des acquisitions de terres à grande échelle.

Les auteurs considèrent que les transactions foncières étrangères à grande échelle n’ont dans l'ensemble pas tenu leurs promesses en matière de développement rural. Elles s’accompagnent souvent de peu de bénéfices socio-économiques, en matière d'infrastructures, de productivité ou d'emploi (figure ci-dessous). De plus, elles portent atteinte aux forêts tropicales, aux habitats naturels et à la biodiversité, aux frontières agricoles de l’Amazonie, de l’Asie du Sud-Est et du bassin du Congo.

Création potentielle d’emplois à travers les acquisitions de terres à grande échelle (par type de culture)

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Source : Land Matrix

Lecture : calculs effectués sur la base de données de la Land Matrix. Pour les cultures et les régions sélectionnées, la superficie totale est de 13 168 545 ha. Seules les transactions conclues ont été incluses, à l’exception des transactions abandonnées. Seules sont présentées les données relatives aux cultures associées à un potentiel de création d’emplois supérieur à 50 000 et pour lesquelles au moins 15 transactions ont été conclues dans les régions sélectionnées.

Selon les analyses de Land Matrix, ces terres acquises sont cultivées majoritairement pour approvisionner les marchés internationaux de produits de base. Elles accueillent en particulier près de 20 % de la surface mondiale de production d’huile de palme, 10 % de celles de caoutchouc et de betterave à sucre, 5 % de celle de canne à sucre, contre moins de 1 % de celle cultivée en maïs, blé et riz. Les productions agricoles issues de ce foncier ont donc un effet limité sur la sécurité alimentaire, mais elles provoquent une augmentation de la concurrence pour les terres.

Les auteurs de ce rapport montrent l’urgence de repenser les modalités d’acquisitions de terres à grande échelle, pour les transformer en contributions responsables et durables à un développement qui respecte les droits humains et l’environnement. Land Matrix présente ainsi 11 recommandations politiques pour l’avenir, à consulter en ligne.

Soulignons enfin la disponibilité des données sur le site internet de Land Matrix, permettant de visualiser les tendances à l'échelle mondiale ou nationale.

Cécile Poulain, Centre d'études et de prospective

Source : Land Matrix

Laurent Davezies, L'État a toujours soutenu ses territoires, Éditions du Seuil, 2021, 108 pages

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Ce livre questionne la réalité de certains débats sur la « fracture territoriale » ou « l'abandon des territoires ». Les rapports entre ville et campagne ont toujours été au cœur des préoccupations françaises, et les nouvelles revendications ne font que réactiver des questions anciennes. Amplifiées par les médias et les réseaux sociaux, elles tournent autour de la « métropolisation de la France », du « creusement des inégalités », de la « relégation du rural », de l’abandon des « zones périphériques » par le centre parisien. Mais qu'en est-il vraiment ? Les disparités géographiques sont-elles en train de se creuser ?

L'ouvrage de Davezies aborde de nombreux sujets et on se centrera volontairement ici sur le rural. L’auteur confirme d’abord que le dynamisme des zones urbaines a un effet direct d'entraînement de leur pourtour en matière de revenus, services, équipements, logement, transports et protection sociale. Quand la ville va bien son hinterland est dynamique, quand elle va mal le rural proche rencontre des difficultés. Il y a aussi 7 000 communes que l'Insee appelle « isolées hors influence des pôles ». Représentant un quart des « communes rurales », elles se situent autour d'une diagonale allant de la Lorraine aux Landes. Elles regroupent 5 % de la population française hexagonale (2,9 millions d'habitants), sur 26 % de sa superficie. On y trouve certes des personnes âgées isolées, des emplois vulnérables, une agriculture qui souffre, mais tout n'y va pas si mal : elles aussi commencent à entrer dans les zones d'attraction des aires urbaines, à gagner des emplois non marchands et des actifs navetteurs. De 1968 à 1999 elles avaient perdu 455 000 habitants ; de 1999 à 2016 elles en ont regagné 70 000. Tout cela a permis une progression du pouvoir d'achat de ces populations, dorénavant très proche de la moyenne de la France de province.

Il y a donc en France des territoires qui connaissent des difficultés, mais en aucun cas des territoires abandonnés par la puissance publique. Des activités et des familles sont parties mais les mécanismes protecteurs sont restés, et ils n'ont pas cessé de s’amplifier. La situation des ménages dépend aujourd'hui plus de la circulation privée et publique des revenus que de la création de richesses sur les territoires. Comme le dit Davezies, il est donc « curieux de prendre l'État pour cible », alors qu'il reste le principal aménageur des espaces rendus vulnérables par la désertion des entreprises. Aux yeux de l’opinion, les responsabilités du marché sont invisibles, mais les culpabilités de l'État sont d'avance acquises…

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions du Seuil

07:25 Publié dans 4. Politiques publiques, Territoires | Lien permanent | Tags : territoires, rapport ville campagne, ruralité, géographie |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/11/2021

La 16e Semaine caribéenne de l’agriculture

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Organisée du 4 au 8 octobre 2021 par diverses entités (Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), Communauté des Caraïbes (Caricom), Adivalor Guadeloupe, etc.), la 16e Semaine caribéenne de l’agriculture avait pour thème la transformation des systèmes alimentaires. Cet événement en ligne, accueillant des acteurs des secteurs public et marchand, a alterné conférences et webinaires techniques sur différentes dimensions de l’agriculture : enseignement, production, transformation des produits primaires, agritourisme, etc. Les participants ont recherché des voies de sortie du « paradoxe caribéen » : productrice et exportatrice de premier plan, la région contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale mais, dans le même temps, elle importe la majorité des produits consommés, se rendant ainsi vulnérable aux ruptures d’approvisionnement.

L’importance de la collecte et de l’analyse des données sur les exploitations a été d’emblée mise en évidence. Des recensements agricoles documentant la valeur vénale des terres, la disponibilité alimentaire par catégorie de produit, les structures de transformation et les équipements permettraient d’avoir une image plus fidèle de la part de l’agriculture dans les produits intérieurs bruts nationaux. Cela contribuerait aussi à montrer que l’agriculture est une partie de la solution aux défis du changement climatique. Ont ensuite été exposés les résultats d’un projet pilote visant à promouvoir un usage rigoureux des pesticides, de manière à minimiser leurs effets sur la santé humaine et l’environnement : entre 2015 et 2020, élimination de 319 tonnes de produits n'étant plus aux normes en vigueur, mise en œuvre de schémas de gestion des contenants, tests de biopesticides concluants (maintien des rendements) au Surinam et à Trinité-et-Tobago.

Les conséquences de la fièvre porcine africaine sur la sécurité alimentaire, la production et l’alimentation animale ont aussi été à l’ordre du jour puisque la maladie touche dorénavant Haïti et la République dominicaine, conduisant à une coopération régionale multiniveaux pour la mise en œuvre des mesures de biosécurité. Enfin, en quelques années, plusieurs événements environnementaux extrêmes se sont succédés qui, ajoutés à la pandémie de Covid 19, conduisent les intervenants à souligner l’importance d’une protection sociale adaptée aux risques spécifiques à l’activité agricole (figure ci-dessous).

Le rôle de la protection sociale dans le rétablissement des situations agricoles à la suite d’un choc

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Source : Carribean week of agriculture

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : Caribbean week of agriculture

Caribbean week of agriculture

07:14 Publié dans Agriculteurs, Exploitations agricoles, Mondialisation et international, Territoires | Lien permanent | Tags : caraibes |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/11/2021

Un rapport FAO-NEPAD évalue les progrès de la restauration des forêts et des paysages en Afrique

Cinq mois après le lancement de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) ont publié un rapport évaluant l'effet des programmes de restauration des forêts et des paysages, conduits en Afrique au cours des deux dernières décennies. Les auteurs estiment qu'en dépit de ces projets et des engagements (African Forest Landscape Restoration Initiative, Grande Muraille verte, etc.), 4,4 millions d'hectares de forêts (sur 637 millions) ont été perdus chaque année, entre 2015 et 2020. L'agriculture industrielle et de subsistance, l'exploitation du bois et le changement climatique figurent parmi les causes principales des pertes et dégradations. Entre 2010 et 2020, seuls 11 pays sur 58 ont vu leur couverture forestière augmenter (figure ci-dessous). Le rapport, qui détaille une riche sélection d'études de cas, s'appuie sur une série d'entretiens avec des acteurs engagés dans des projets de restauration pour fournir des recommandations sur les facteurs clés de succès, comme l'appropriation locale.

11 pays et régions qui ont vu leur couverture forestière s'étendre entre 2010 et 2020

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Source : FAO

Source : FAO

09/11/2021

Analyse du niveau de vie des ménages agricoles

Les auteurs de l'Insee Première n°1876, publié en octobre 2021, constatent la proximité du niveau de vie des ménages agricoles avec celui de l’ensemble des ménages français ayant un revenu d’activité. Cependant, la pauvreté monétaire est plus courante et plus intense pour les ménages agricoles : 18 % des individus vivent sous le seuil de pauvreté, contre 13 % en moyenne générale, et le niveau de vie médian des personnes pauvres y est inférieur de 1 300 euros (par an). À l’inverse, les conditions de vie de ces ménages sont, en moyenne, plus favorables, grâce à la possibilité qu’une partie des dépenses privées (logement, énergie) soit intégrée dans les comptes de l’exploitation. Les auteurs exposent ensuite la grande disparité des niveaux de vie des ménages agricoles, selon la production dominante (orientation technico-économique, Otex) de la commune où ils sont installés (figure ci-dessous). La localisation géographique a ainsi un impact sur le niveau de revenu issu de l’activité agricole – très disparate mais qui ne constitue qu’un tiers du revenu total – ainsi que sur les autres ressources (activités salariées, patrimoine, etc.).

Revenu disponible moyen des ménages agricoles : décomposition selon la production agricole dominante du territoire (commune) en 2018

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Source : Insee (dispositif Filosofi 2018)

Lecture : 1 : territoires spécialisés en céréaliculture et cultures de plantes oléagineuses et protéagineuses. 2 : territoires combinant céréales, plantes oléagineuses et protéagineuses, plantes sarclées, ou spécialisés en cultures de plantes sarclées, légumes frais. 3 : ensemble des ménages agricoles. Le graphique se lit de la façon suivante : dans les territoires d’élevage bovin viande, le revenu disponible annuel s’élève en moyenne à 38 060 euros en 2018, et 11 340 euros proviennent de l’activité agricole.

Source : Insee

07:10 Publié dans Agriculteurs, Exploitations agricoles, Territoires | Lien permanent | Tags : niveau de vie, revenu, ménages, agriculteurs |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/11/2021

La consommation de viande des populations britanniques musulmanes, entre éthique et contraintes socio-économiques

Le blog TABLE debates est une création des universités d’Oxford, de Wageningen et de Suède. Il a publié le 2 novembre les premiers résultats d’une thèse de doctorat sur la consommation de viande halal par les populations britanniques de confession musulmane. Après avoir souligné que 71 % des moutons abattus au Royaume-Uni l’étaient selon les prescriptions musulmanes, Hibba Mazhary souligne que leurs attentes vis-à-vis des aliments carnés se rapprochent de celles de la population globale, avec un même souci de la santé et de la durabilité environnementale. En revanche, ces attentes présentent des particularités quant à l’accès à une viande de qualité (limité par le budget alimentaire des ménages) et à l’image des campagnes (que ces populations perçoivent comme des espaces qui leur sont hostiles). Ces singularités découlent de conditions de vie moins favorables et de rapports interethniques spécifiques.

Source : TABLE debates

20/10/2021

La Banque mondiale analyse les relations entre eau, migrations et développement

Le changement climatique impactera le cycle de l'eau et augmentera les risques de sécheresse et d'inondation à l'avenir. Dans ce contexte, la Banque mondiale a publié récemment un rapport, en deux volumes, qui étudie les liens complexes qu'entretiennent les risques liés à l'eau, les migrations, les conflits et le développement.

Le premier tome est le fruit de l'analyse statistique inédite d'un riche ensemble de données traitées, pour la première fois, dans un cadre unifié, et regroupant les flux migratoires, la pluviométrie, l'approvisionnement en eau des villes, l'activité économique, etc. Elles couvrent 442 millions de personnes, dont une partie en situation de migration, dans 64 pays, entre 1960 et 2015. Les auteurs ont pris en compte les déficits en eau mais aussi les excès, à l'origine d'inondations. Ils ont par ailleurs intégré l'influence des cumuls d’événements climatiques sur plusieurs années, pour ne pas se limiter aux chocs isolés qui conduiraient à une vision réductrice des phénomènes. Les données ont été analysées par des techniques de machine learning (random forest).

Il en ressort que les déficits en eau constituent bien un facteur augmentant les migrations : les auteurs les estiment globalement responsables de 10 % de l'augmentation des migrations observées dans les trois dernières décennies du XXe siècle. Le constat est toutefois variable selon les pays (figure ci-dessous) et le rapport critique la notion de « migrant de l'eau ». Elle est selon eux trop générale et, au fond, inopérante pour l'action publique. Autre résultat marquant : les excès d'eau, en revanche, n'ont pas d'influence significative sur les migrations, ce qui ne signifie pas qu'ils n'en auront pas à l'avenir.

L'importance des différents facteurs explicatifs des migrations

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Source : Banque mondiale

Lecture : la figure présente les résultats de 189 estimations effectuées à l'aide de techniques de random forest pour expliquer l'influence de diverses caractéristiques sur les migrations. Chaque point correspond aux résultats d'un couple « pays-année ». Les valeurs sont normalisées par rapport au niveau d'éducation (valeur 100).

S'intéressant plus spécifiquement aux liens entre eau et conflits, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le tome 2 souligne que ce sont surtout les conflits qui provoquent des risques liés à l'eau : ciblage d'infrastructures, réseaux détériorés, etc. L'inverse est bien moins souvent constaté. Ce deuxième tome fournit également des raisons d'espérer : depuis 1948, les situations de rareté de l'eau ont assez souvent conduit à des solutions coopératives entre États transfrontaliers, et très rarement à des actes hostiles ou à la guerre (figure ci-dessous).

Nombre d’événements internationaux liés à l'eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, répartis selon une échelle allant du conflit à la coopération (1948-2008)

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Source : Banque mondiale

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Banque mondiale, Banque mondiale

15/09/2021

La Cour des comptes invite à revoir les plans de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne

La prolifération d’algues vertes, qui affecte de nombreux sites de la côte bretonne, a des conséquences importantes pour la santé humaine et les écosystèmes. Deux plans d’action successifs ont été mis en place sur huit territoires, à partir de 2010 (figure ci-dessous). Dans un rapport publié en juillet, la Cour des comptes les évalue et propose 5 grands axes d'amélioration : i) étendre la lutte à tous les sites d’échouage, notamment sur vasières, ii) définir des objectifs évaluables (ex. concentration des nitrates dans les cours d'eau) et en suivre la réalisation à l’échelle des bassins versants, iii) prévoir, dans la prochaine Politique agricole commune, des mesures adaptées, suffisamment incitatives et accessibles à tous les types de cultures, iv) mobiliser le foncier et les entreprises agroalimentaires, en conditionnant l'attribution des parcelles et des aides à des engagements sur la réduction des fuites d'azote, et v) renforcer les obligations réglementaires et mieux cibler les contrôles.

Échouages observés entre 2008 et 2019

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Source : CEVA, retraité par la Cour des comptes

Lecture : l'aire des cercles est proportionnelle à la surface moyenne d'échouage. Les 8 bassins versants nommés sur la carte sont ceux ciblés par les plans d'action.

Source : Cour des comptes

12:18 Publié dans Environnement, Santé et risques sanitaires, Territoires | Lien permanent | Tags : algues vertes, santé humaine, eau |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/09/2021

Désastres sanitaires et rôle potentiel des vétérinaires

Un article publié dans Frontiers in public health propose une réflexion sur l’intérêt d'intégrer des vétérinaires à la gestion de catastrophes sanitaires majeures, possibilité proposée dès les années 1960 par un rapport non publié du Service de la défense civile américain. En effet, ceux-ci bénéficient de connaissances en protection de l'eau et des aliments, en épidémiologie et en maladies épizootiques, en gestion d'urgences médicales. En outre, beaucoup de cliniques vétérinaires disséminées sur le territoire disposent de ressources en imagerie médicale, en laboratoire, en chirurgie et en stock pharmaceutique. Cependant, des freins relevant de l'éthique médicale (soins sur des humains), des limites légales d'exercice professionnel (responsabilité en cas d'erreur) et d'un défaut d’entraînement aux gestes et à la gestion de crise peuvent compromettre cette contribution.

Source : Frontiers in public health

12/07/2021

Contribution des indications géographiques au maintien de l’activité agricole : une évaluation à partir d'une expérience naturelle

Parce qu’elles permettent aux agriculteurs de mieux valoriser leurs productions, les Indications géographiques (IG) sont un outil de maintien de l’agriculture dans les zones concernées. Dans un article publié dans la revue Food Policy, des chercheurs japonais ont voulu vérifier cette hypothèse. Pour cela, ils ont évalué l’impact de l’IG « Riz d’Uonoma » sur l’évolution du nombre d’exploitations et de la surface agricole utile (SAU) dans la zone d’appellation.

Pour isoler l’effet propre de l’IG, les chercheurs ont comparé la dynamique des variables étudiées (nombre d’exploitations et SAU) dans deux communes mitoyennes, l’une étant entrée dans le périmètre de l’IG en 2005 à la suite d'une réorganisation administrative (fusion avec une commune faisant partie du territoire de l'IG), l’autre ayant toujours été en dehors de celui-ci. Cette situation d’expérimentation naturelle a permis d’effectuer des comparaisons toutes choses égales par ailleurs, en contrôlant les facteurs dits « confondants » car susceptibles d’influer eux aussi sur les variables observées (conditions pédo-climatiques et historiques par exemple).

L’analyse en double différence montre que depuis 2005, le nombre d’exploitations et la SAU diminuent significativement moins vite dans la commune faisant partie du territoire de l’IG. Ceci démontre un effet propre positif de l’IG sur ces variables.

Évolution de la SAU et du nombre d’exploitations dans les deux municipalités

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Source : Food Policy

Pour les auteurs, cette moindre diminution s’explique surtout par le fait que, dans le territoire de l’IG, les agriculteurs restent en activité plus longtemps, y compris alors qu’ils pourraient partir en retraite, du fait de la meilleure valorisation économique de leur production. En revanche, aucun effet significatif sur l’installation de nouveaux exploitants n’a pu être mis en évidence. Il en résulte un vieillissement de la population agricole, qui pourrait à plus long terme compromettre le maintien de l’agriculture dans la zone d’appellation.

Au-delà de ces éléments relatifs aux IG, l’intérêt de ce travail tient notamment à la méthode employée, qui pourrait être utilisée pour l’évaluation d’autres dispositifs publics.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Food Policy

09/07/2021

L'analyse des discours pour comprendre les controverses écologiques : l'exemple des accrus forestiers

Dans les aires protégées, plusieurs conceptions écologiques s'affrontent quant à la contribution à la biodiversité des accrus forestiers (accroissement de la surface forestière par colonisation spontanée) sur les terres agricoles délaissées. Dans un article récent publié dans Environmental Science & Policy, une équipe européenne de chercheurs s'est basée sur l'analyse des discours pour étudier la diversité des points de vue.

Pour ce faire, elle s'est appuyée sur des entretiens semi-directifs menés (directement ou en puisant dans des travaux antérieurs) dans des parcs en France (parcs nationaux des Pyrénées et des Cévennes), en Espagne (parc naturel du Montseny) et en Écosse (parc national des Cairngorms). Ces sites naturels anthropisés, mêlant en proportion variable forêts, landes et pâturages, sont justement reconnus, au titre de la conservation, par l'interaction ancienne entre l'homme et la nature.

Au sein de ces espaces, les discours sur les accrus forestiers divergent. Pour certains, ils sont synonymes de recul de l'agriculture et des modes de vie traditionnels, responsables de la perte de biodiversité liée à la fermeture des milieux. Pour d'autres, au contraire, ils symbolisent le retour à la nature antérieure de ces espaces. La comparaison des discours est alors intéressante. Pour cela, les auteurs ont utilisé un cadre d'analyse (figure ci-dessous) inspiré des travaux de Hajer, mobilisant les concepts de « lignes narratives » et de « coalitions discursives » pour expliciter les différentes positions et stratégies. De façon originale, ils donnent une importance particulière au contexte écologique réel (état des habitats, modes d'utilisation des terres et dynamique de la biodiversité).

Cadre d'analyse permettant d'identifier les facteurs sociaux et écologiques sous-tendant les discours

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Source : Environmental Science & Policy

Afin de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans l'élaboration des différents discours, les auteurs ont cherché à expliciter les rôles i) des intérêts des protagonistes, ii) des représentations dominantes et iii) des discours institutionnels. Ils se sont notamment attachés à décoder les discours des gestionnaires des parcs, mettant en évidence la prééminence des alliances (avec les agriculteurs ou les forestiers, l'opinion publique, les politiques, etc.) sur les arguments écologiques. Leurs positions évoluent d'ailleurs constamment en fonction de débats extérieurs, comme par exemple celui sur le ré-ensauvagement ou sur le changement climatique. Les auteurs concluent à l'importance de mettre en place des modes de gouvernance collaboratifs prenant appui sur des processus délibératifs continus.

Prévalence des différents discours en fonction du type de partie prenante, selon les sites

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Source : Environmental Science & Policy

Lecture : les signes + indiquent l'adoption d'un type de discours par le groupe considéré. Les +++ signifient qu'un grand nombre d'entre eux a adopté cette modalité, alors qu'un seul + indique que si ce discours est bien présent, il n'est pas majoritaire.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Science & Policy

19:52 Publié dans Environnement, Forêts Bois, Territoires | Lien permanent | Tags : forêt-bois, accrus, controverses |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/07/2021

Crise du Covid-19 et préoccupations alimentaires des consommateurs américains

Dans une étude publiée en juin 2021 dans l'European Review of Agricultural Economics, des chercheurs analysent les impacts de la crise du Covid-19 sur les préoccupations alimentaires des consommateurs des États-Unis, contribuant à expliquer les changements des comportements d'achats et modes de consommation observés (accumulation de denrées non périssables, recours aux services de livraison, etc.). En avril 2020, alors que des mesures de restriction (confinement, limitations de circulation, fermeture des écoles, etc.) étaient mises en place dans la plupart des États, les auteurs ont reconduit, auprès de 616 consommateurs, une enquête réalisée une première fois en 2015 pour comparer l'importance attribuée aux valeurs alimentaires. La notion de « valeur alimentaire » est ici définie comme les préférences pour des caractéristiques d'un produit : naturalité, goût, prix, apparence, origine, risques sanitaires, apports nutritionnels, etc.

À la lecture des résultats, le classement des valeurs alimentaires n'a pas évolué pendant la pandémie de Covid-19. Ainsi, la sécurité sanitaire, le goût, l'apport nutritionnel et le prix demeurent, dans cet ordre, les plus importantes parmi les douze évaluées. Pour autant, leur poids relatif a changé, ce qui apporte un éclairage nouveau sur les décisions d'achat et les modes de consommation durant la crise. Par exemple, la sécurité sanitaire est perçue comme moins importante qu'avant la pandémie : les auteurs l'expliquent par un plus grand contrôle des mangeurs sur leur alimentation en cette période propice à la préparation de plats maison. Les valeurs portant sur l'« expérience » du produit (le goût, l'apparence, l'apport nutritionnel) ont quant à elles pris de l'importance et peuvent être vues comme une recherche de réconfort dans une période d'incertitudes et de stress. Toutefois, ces résultats diffèrent selon les caractéristiques socio-démographiques des personnes interrogées (ex. : baisse de l'importance attribuée à la sécurité sanitaire pour les répondants de moins de 48 ans vs augmentation pour les autres), mais aussi selon les lieux de résidence (zones urbaines ou rurales, zones selon le taux d'infection).

Part de l'importance attribuée aux valeurs des aliments avant (2015) et pendant la pandémie de Covid-19 (avril 2020)

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Source : European Review of Agricultural Economics

Lecture : les points sur la diagonale correspondent à des valeurs pour lesquelles l'importance attribuée par les interviewés n'a pas évolué ; au-dessus de la diagonale, les valeurs sont plus importantes pendant le confinement ; au-dessous, elles sont devenues moins importantes.

Les auteurs soulignent que l'importance attribuée à ces valeurs alimentaires fournit des éléments d'explication des comportements, et donc des éclairages pour les politiques publiques à mener en période de crise, quand ces valeurs sont déstabilisées.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : European Review of Agricultural Economics