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15/11/2019

Le Sénat se penche sur la sous-utilisation des fonds structurels européens en France

Déposé fin septembre 2019, un rapport d'information du Sénat s'intéresse à l'utilisation française des fonds structurels européens. Amorcée à la fin des années 1950, la politique de cohésion de l'Union vise à réduire les écarts entre ses différentes régions. Elle mobilise à cette fin les fonds structurels ciblant la cohésion sociale (FSE), les développements régional (FEDER) et rural (FEADER), la pêche (FEAMP) et l'emploi des jeunes (IEJ). Pour la période 2014-2020, l'enveloppe totale allouée à la France s'élève à près de 28 milliards d'€, apportés à 41 % par le FEADER, 34 % par le FEDER et 22 % par le FSE.

Répartition par fonds de l'enveloppe allouée à la France pour la période 2014-2020

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Source : Sénat

Certains observateurs considèrent que la programmation actuelle connaît d'importantes difficultés de mise en œuvre, ce qui interrogerait la capacité du pays à consommer ces montants dans le temps imparti. Partant de ce jugement, la mission d'information sénatoriale visait à analyser l'ampleur de cette sous-utilisation, à identifier les raisons sous-jacentes et à faire des propositions pour y remédier.

Les auteurs nuancent tout d'abord l'idée selon laquelle la France serait très en retard dans sa programmation de dépenses. En effet, avec un taux de programmation de 61 % et un taux de réalisation de 35 % au 31 décembre 2018, elle se situe dans la moyenne des pays européens, à un niveau comparable à celui de l'Allemagne. Au final, la mission constate que l'essentiel des difficultés sont concentrées sur le FEAMP et, surtout, sur le programme Leader, qui relève du FEADER et pour lequel le taux de paiement n'est que de 5 %.

Les sénateurs attribuent l'essentiel des difficultés au transfert de l'autorité de gestion des fonds structurels aux Régions. Selon eux, celui-ci a été trop peu préparé et incomplet, notamment s'agissant du FEADER pour lequel l'instruction des dossiers reste gérée par l'État. Pour pallier ces problèmes, les auteurs appellent à clarifier les responsabilités entre État et Régions, et à aller vers une décentralisation plus poussée. Concernant le cas spécifique du FEADER, ils suggèrent ainsi de confier l'ensemble des mesures non surfaciques (aides aux investissements) aux Conseils régionaux et de réserver les mesures surfaciques à l’État (ICHN, MAEC, etc.), sans toutefois fermer la porte à un transfert ultérieur de ces dernières. Enfin, les sénateurs soulignent l'intérêt qu'il y aurait à simplifier les dispositifs opérationnels financés par les fonds structurels, ainsi que les procédures d'instruction et de contrôle.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Sénat

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14/11/2019

Des propositions de France Stratégie pour rendre la prochaine Politique agricole commune plus agro-écologique

France Stratégie, organisme d'expertise placé auprès du Premier ministre, a publié en octobre un ensemble de propositions pour faire de la prochaine Politique agricole commune (PAC) un levier de la transition agro-écologique. Ce rapport s'appuie sur les analyses d'un groupe d'experts, notamment de l'Inra et d'AgroParisTech. Après un rappel des objectifs et impacts de cette politique depuis 1962, les auteurs présentent les propositions de la Commission européenne pour la prochaine PAC. Pour eux, la structure envisagée, basée sur l'élaboration d'un Plan stratégique national (PSN) par chaque État membre, constitue une opportunité pour définir une politique plus efficace et en phase avec les aspirations sociétales : systèmes agricoles durables, niveau de vie décent des agriculteurs, attentes en matière d'alimentation et de santé, valeur ajoutée des filières agroalimentaires, etc.

Dans ce but, les auteurs proposent de rapprocher la PAC des principes de l'économie publique, en s'appuyant sur divers instruments parmi lesquels : un paiement de base à l'actif plutôt qu'à l'hectare ; des systèmes de bonus-malus i) pour les prairies permanentes (bonus croissant avec leur âge, malus en cas de retournement), ii) pour les surfaces d'intérêt écologique, restant à définir (malus en cas de destruction), iii) pour la diversification des cultures ; des taxes sur les pesticides et les médicaments vétérinaires, ainsi que sur les émissions de gaz à effet de serre ; etc. Ces différents instruments seraient déployés de manière progressive, pour ne pas mettre en difficulté certaines exploitations. Le budget national de la PAC proposée serait donc composé du budget actuel (7,4 milliards d') auquel s'ajouteraient les montants récoltés grâce aux taxes et malus (estimés à 3,9 milliards d', voir figure ci-dessous). Il permettrait notamment de financer les trois systèmes de bonus (entre 4 et 9 milliards d', estimations variant selon les taux choisis).

Répartition proposée du budget PAC pour la France

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Source : France Stratégie

Lecture : les chiffres représentent les montants en milliards d’euros estimés à pratiques constantes en début de réforme (première année de mise en œuvre).

Les auteurs ont ensuite analysé les effets pressentis de ces propositions sur différents types d'exploitations (figure ci-dessous). Ils montrent que les systèmes biologiques et herbagers pourraient conserver leurs pratiques actuelles tout en recevant plus d'aides. En revanche, les exploitations de grandes cultures conventionnelles devraient se diversifier pour maintenir leur niveau actuel de subventions. Des adaptations seraient également nécessaires pour certains élevages intensifs.

Effets pressentis, en termes d’aides versées, des réformes proposées pour différents types d’exploitations agricoles

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Source : France Stratégie

Lecture : Ae : agroécologique ; Arbo : arboriculture ; AV : aviculture ; Bvl : bovins lait ; Bvv : bovins viande ; COP : céréales et oléoprotéagineux ; ext : élevage extensif ; GC : autres grandes cultures ; Mar : maraîchage ; O-C : ovins et caprins ; PC : porcs ; PolyCE : polycultures-élevages ; Viti : viticulture.

Effet de la proposition de réforme sur les aides versées, au regard de la situation actuelle : 0 = effet a priori neutre ; + / 0 à +++ : effet légèrement à très positif ; - / 0 à --- : effet légèrement à très négatif.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : France Stratégie

10:22 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC | Lien permanent | Tags : agro-écologie, france stratégie |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/10/2019

Impacts de la Politique agricole commune actuelle sur l'agriculture des « pays en développement »

Le Comité européen des régions a publié récemment une évaluation des impacts des subventions de la Politique agricole commune (PAC) sur les prix et volumes des denrées alimentaires produites et exportées par l'Union européenne (UE) vers 83 pays en développement dits « vulnérables » (PVD, regroupant les pays les moins avancés, ceux d'Afrique subsaharienne et ceux signataires de l'Accord de Cotonou). Les auteurs du rapport commencent par une synthèse d'analyses antérieures sur le sujet. Ils étudient ensuite les cas de la poudre de lait, de la viande de poulet et des produits transformés à base de tomate : pour ces produits, les productions européennes représentent respectivement 35 %, 46 % et 12 % des importations des PVD.

Évolution des exportations européennes agricoles et agroalimentaires vers les pays en développement vulnérables, entre 2005 et 2018

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Source : Comité européen des régions

Pour le lait en poudre, les subventions de la PAC ont contribué à accroître le volume des exportations européennes, avec un impact négatif limité sur les prix. Elles n’ont pas influencé les exportations vers les PVD : le principal facteur de croissance, indépendant de la politique agricole, a été le développement technologique innovant de poudres de lait écrémé ré-engraissées avec de la matière grasse végétale, produit bon marché en concurrence directe avec les productions laitières locales et la poudre de lait entier traditionnelle. Pour la viande de poulet, les aides de la PAC n’ont influencé ni le prix ni le volume des exportations vers les PVD. Indépendamment des subventions, la croissance globale des viandes de poulet (essentiellement congelées), destinées pour moitié aux PVD, découle des préférences des consommateurs de l’UE pour certains morceaux (filets), les 25 % restant des carcasses (ailes, cuisses, abats) étant valorisés à l'exportation, là encore en concurrence directe avec les producteurs locaux. Pour les produits transformés à base de tomates, les aides européennes auraient une influence sur les prix de marché des PVD, mais elles n’ont pas eu d'effet significatif sur les volumes exportés.

Enfin, les auteurs suggèrent des évolutions pour la future PAC : une discipline plus stricte sur les aides couplées, des mesures de gestion des marchés ne déstabilisant pas les prix pour les producteurs des PVD, l’achèvement du processus de convergence des paiements directs, l'élimination progressive des paiements découplés pour le soutien au revenu à remplacer par des paiements explicitement liés à la fourniture de biens publics.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Comité européen des régions

11:34 Publié dans 4. Politiques publiques, Développement, PAC | Lien permanent | Tags : pac, pays en développement, lait, viande, tomate |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/09/2019

Pour une Politique agricole commune plus verte

S'appuyant sur les propositions de la Commission européenne de 2018 pour la future programmation 2021-2027 (cadre financier pluriannuel en mai et Politique agricole commune en juin), des chercheurs de plusieurs universités et organismes européens (Allemagne, Portugal, France, Autriche, Grèce, Suède, Slovaquie, Royaume-Uni) identifient, dans un article publié en août dans la revue Science, cinq obstacles à la durabilité de la future PAC : 1) la faible cohérence de ses objectifs, entre eux et avec ceux de développement durable (ODD), 2) une priorité budgétaire donnée aux seuls objectifs économiques, 3) une architecture environnementale peu ambitieuse et faiblement incitative, 4) une approche encore trop peu liée aux impacts réels, et 5) un processus de réforme freinant le changement.

Selon eux, les propositions de la Commission intègrent neuf objectifs spécifiques, sans en expliciter l'articulation et la cohérence, certains pouvant, a priori, être antagonistes, comme par exemple les soutiens aux revenus des exploitations et la protection de l'environnement. Les auteurs plaident ainsi pour l'adoption d'un ensemble d'objectifs plus cohérents, liés aux ODD et accompagnés de cibles et d'indicateurs permettant d'évaluer l'amélioration de la performance via une comparaison avec un contrefactuel. Selon eux, des lignes directrices encadrant et harmonisant la rédaction des plans stratégiques nationaux devraient être définies pour garantir l'efficience de la PAC. De plus, la cohérence avec d'autres politiques publiques devrait être améliorée et les impacts au-delà de l'Union pris en considération.

Ventilation du budget de la PAC en 2017, selon chaque objectif spécifique proposé en 2018 pour la prochaine programmation 2021-2027

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Source : Science

La répartition du budget 2017, selon les neuf objectifs proposés, fait apparaître qu'actuellement 72 % des financements de la PAC relèvent des seuls objectifs de soutien aux revenus et d'accroissement de la compétitivité (voir figure ci-dessus). Selon les auteurs, cette structure du budget devrait être revue pour accorder un poids supérieur aux autres objectifs (protection de l'environnement, santé et qualité alimentaire, renouvellement des générations, etc.). Il leur semble ainsi souhaitable que les DPB et certains paiements couplés, soutenant des systèmes intensifs en intrants, soient progressivement réduits puis supprimés, au profit de mesures destinées aux agriculteurs ayant besoin d'un soutien pour s'engager dans des pratiques bonnes pour l'environnement. Pour les auteurs, les États devraient également pouvoir réallouer la totalité de leur budget du 1er au 2nd pilier. Les auteurs soulignent par ailleurs la nécessité de revoir, pour les rendre plus efficaces, les instruments de verdissement (paiement vert, conditionnalité, MAEC).

Enfin, ils observent que la proposition actuelle de future PAC tient peu compte des attentes sociétales, exprimées par diverses organisations et baromètres, et des résultats des évaluations de la proposition initiale de 2018, ce qui démontrerait selon eux une forte aversion au changement. À leurs yeux, l'amélioration environnementale de cette politique ne pourra donc se faire sans réforme du processus politique : plus de transparence, de justification des arbitrages pris au regard des connaissances scientifiques, etc.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Science

16:57 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : pac post-2020, revenu, compétitivité, environnement |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/09/2019

Impacts sur l'agriculture de quatre scénarios politiques pour l'Union européenne à l'horizon 2040

Un article paru dans Land Use Policy en juin 2019 présente les résultats de la modélisation des impacts sur l'agriculture, à l'horizon 2040, de quatre scénarios politiques, développés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et adaptés par les auteurs au cas européen. Le premier scénario (A1), libéral, prévoit la suppression de la Politique agricole commune (PAC) et la réduction des taxes à l'importation. Ce scénario conduirait à une réduction des petites et moyennes exploitations et, ainsi, à l'abandon de terres agricoles. De ce fait, la production totale serait en recul, malgré une meilleure efficience des structures restantes. Le scénario euro-sceptique (A2), avec maintien de la PAC et activation de mesures de protectionnisme, maximiserait les niveaux de production, au détriment de l'environnement. Le scénario social-démocrate (B1), remplaçant la politique agricole par le paiement de services écosystémiques aux agriculteurs, obtiendrait des résultats proches de ceux du scénario A1 : en effet, il serait marqué notamment par un abandon de prairies (propices à une mosaïque d'habitats, donc à une biodiversité importante), remplacées par des surfaces boisées plus uniformes. Enfin, le scénario localiste (B2), maintenant la PAC et régulant l'utilisation des terres au niveau local, semble le meilleur compromis, avec un haut niveau de production (1 % inférieur à A2) et les performances environnementales les plus élevées. Sa mise en œuvre nécessiterait de cibler des aides sur les zones agricoles marginales, sensibles à l'abandon des terres.

Modélisation des performances environnementales (indice BFFP) et productives des quatre scénarios prospectifs à horizon 2040, par rapport à l'année de référence 2010

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Source : Land Use Policy

Lecture : le BFFP agrège les mesures des pressions sur la biodiversité des plantes dans trois systèmes de production (terres arables, prairies et cultures permanentes) ; l'indicateur en abscisse somme les productions pour la consommation humaine, pour l'alimentation animale, de biomasse non alimentaire pour produire de l'énergie, et de résidus de cultures permanentes.

Source : Land use policy

08/07/2019

Intérêts de l'économie comportementale et expérimentale pour évaluer la Politique agricole commune

L'évaluation de la Politique agricole commune (PAC) permet de rendre compte de la manière dont ses mesures et dispositifs sont mis en œuvre. Or, si les instruments de la PAC ont beaucoup évolué depuis sa création, les méthodes utilisées pour l'évaluer ont peu changé jusqu'à présent. Dans ce contexte, la Revue européenne d'économie agricole (ERAE) consacre un numéro spécial à l'utilisation de l'économie comportementale et expérimentale. Porté par le réseau de recherche en économie expérimentale pour l'évaluation de la PAC (REECAP, voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog), ce numéro comporte un article introductif et cinq autres présentant chacun une méthode (ex. expérimentation randomisée) et/ou une application pratique de leur utilisation (ex. nudge).

L'approche expérimentale, initialement développée dans le domaine médical pour évaluer l'impact des médicaments, permet d'établir un lien de causalité entre l'action mise en œuvre et le résultat observé. Elle repose sur l'allocation aléatoire de participants entre un groupe de contrôle et un groupe « traité », la politique publique étant appliquée dans ce dernier cas uniquement. Cette approche inclut de nombreuses méthodes complémentaires (cf. figure), allant de l'expérience décontextualisée avec des étudiants (qui, comme le contrôle est maximal, permet de mieux estimer l'effet propre), aux expériences randomisées avec des agriculteurs (dont les résultats sont plus facilement transposables au monde réel). Par exemple, un des articles du numéro présente les résultats d'une expérience visant à étudier l'impact d'un nudge pour promouvoir des pratiques économes en eau dans le sud-ouest de la France. Les facteurs comportementaux influençant l'adoption de pratiques durables sont, quant à eux, développés dans un autre article.

Résumé des différents types d'expérimentation

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Source : European Review of Agricultural Economics – traduction CEP

Les méthodes expérimentales restent jusqu'à présent peu utilisées pour étudier l'impact des politiques agricoles en Europe, du fait de défis méthodologiques et opérationnels : scepticisme des décideurs publics devant les résultats de certaines expériences, accès difficile aux bases de données et aux agriculteurs, coût élevé de mise en œuvre d'une expérience statistiquement pertinente, nécessité de répliquer l'expérience dans des contextes variés. Afin de les surmonter, les auteurs suggèrent un accès aux données facilité ainsi qu'une meilleure communication et une plus forte coopération entre pouvoirs publics et scientifiques.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : European Review of Agricultural Economics

17/06/2019

Et si la lutte contre le changement climatique devenait la priorité de la PAC ? Une simulation avec le modèle CAPRI

Une équipe du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne a publié fin mai 2019, dans le Journal of Agricultural Economics, un article présentant un exercice de modélisation d'une Politique agricole commune (PAC) prioritairement tournée vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur agricole. La simulation a été réalisée avec CAPRI, un modèle global d'équilibre partiel agricole, régionalisé à l'échelle NUTS-2, et régulièrement utilisé par le CCR pour évaluer ex ante les changements de politiques agricoles, environnementales et commerciales (fin des quotas laitiers, accords commerciaux, etc.).

Dans le scénario simulé par les chercheurs, les aides découplées du premier pilier de la PAC sont entièrement supprimées, le budget ainsi libéré servant en totalité à financer une subvention à la réduction des GES, en euros par tonne équivalent CO2 d'émissions évitées par rapport à la situation de référence sans réforme. Ce changement de politique est effectué à budget constant au niveau de chaque région, puis, dans une variante de la simulation, au niveau de l'Union européenne (UE), ce qui autorise des transferts d'aides entre régions. Les autres aides de la PAC sont, en revanche, conservées : aides couplées pour les secteurs en difficulté économique, pour les zones défavorisées, etc. Les GES considérés sont le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O), et le modèle simule trois voies de réduction : baisse de la production agricole, changement du mix productif (réduction de l'élevage bovin, augmentation des prairies extensives, etc.) et adoption de technologies d'atténuation (utilisation d'inhibiteurs de nitrification, méthanisation, etc.).

Changement relatif des émissions de GES (hors CO2) agricoles par rapport à la situation de référence (en %)

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Source : Journal of Agricultural Economics

Dans un tel scénario, les GES d'origine agricole de l'UE (hors CO2) baissent de 21 %, avec des contrastes régionaux importants (carte ci-dessus) et des subventions unitaires allant de 51 à 746 €/tCO2éq selon les zones (197 € en valeur médiane). Cette baisse d'émissions est due, aux deux tiers, à une réduction de la production et une évolution du mix productif, le tiers restant étant imputable à l'adoption de technologies d'atténuation. La hausse des prix liée à la contraction de l'offre conduit à une augmentation du revenu des agriculteurs (+ 5,8 % au niveau de l'UE) et à une dégradation de la balance commerciale (tableau ci-dessous), mais aussi à des co-bénéfices environnementaux (ex. : réduction des surplus d'azote). Le taux de fuites de carbone reste limité (20 %), en raison notamment de la protection aux frontières de l'UE pour les produits importés.

Variations de l'offre agricole, des prix aux producteurs, de la consommation et des flux commerciaux pour l'UE-28 (en relatif ou en absolu par rapport à la situation de référence)

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Source : Journal of Agricultural Economics

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

10:03 Publié dans 4. Politiques publiques, Climat, PAC | Lien permanent | Tags : pac, changement climatique, capri, modélisation, jrc |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/06/2019

Un rapport de la délégation à la prospective du Sénat sur l'adaptation aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050

En mai 2019, la délégation à la prospective du Sénat a publié un rapport consacré à l'adaptation de la France aux changements climatiques à l'horizon 2050. Prenant acte d'une « réalité présente » et d'une « inexorable aggravation à moyen terme », les auteurs soulignent l'importance cruciale de l'adaptation, moins traitée et mise en avant que l'atténuation. S'ils s'intéressent aux prochaines décennies, l'horizon plus lointain (fin du siècle) est également considéré (projections climatiques à long terme, temporalité des actions).

Temporalité des actions d'adaptation

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Source : Sénat

S'appuyant sur 36 auditions et la mobilisation de diverses publications, le document dresse, dans une première partie, un panorama des impacts actuels et à venir du changement climatique (hausse des températures, transformation du régime des précipitations, etc.). Il en détaille différents effets : sanitaires (ex. : prolifération de certaines algues), sur la sécurité des biens et des personnes (ex. : modification du régime de risques naturels), sur la ressource en eau (ex. : baisse de la recharge des nappes) et sur les activités économiques. L'agriculture figure au premier rang des secteurs touchés : sécheresses, stagnation ou plus grande variabilité interannuelle des rendements, modification des qualités organoleptiques des produits, problématiques de santé végétale et animale, etc.

La deuxième partie est consacrée aux moyens de « faire face » à ces dérèglements, alors que la mobilisation des acteurs publics (État et collectivités) est jugée encore « trop modeste ». Divers défis sont identifiés, parmi lesquels celui d'une approche systémique dans la conception des politiques d'adaptation : par exemple, une telle politique pour l'agriculture ne peut être menée sans travailler à l'évolution du système et des conduites alimentaires. Les auteurs formulent ainsi un ensemble de recommandations de portée générale.

Enfin, la troisième partie s'intéresse à quatre chantiers d'adaptation sensibles : territoires vulnérables, bâti et urbanisme, politiques de l'eau, agriculture. Dans ce dernier cas, les auteurs recommandent en particulier une meilleure rémunération des services agro-environnementaux (2nd pilier de la PAC), un traitement « responsable » des questions d'irrigation (stockage de surface conditionné à des pratiques plus économes et respectueuses de la biodiversité) et le renforcement des mécanismes de couverture assurantielle (prenant en compte les efforts d'adaptation des exploitants).

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Sénat

09/04/2019

Publication de la deuxième édition de l'Atlas de la PAC

En février 2019, la fondation Heinrich Böll a publié la deuxième édition de l'Atlas de la PAC. Il paraît dans six pays européens et, pour la France, est issu d'une collaboration avec la plateforme Pour une autre PAC. Mobilisant diverses contributions, ce document propose des éclairages sur les enjeux et défis de l'agriculture européenne et de la politique agricole commune, et envisage des évolutions possibles. Il revient ainsi sur cette politique européenne historique et sa remise en question actuelle, et s'intéresse également à son premier bénéficiaire qu'est la France (modèle agricole soutenu, disparités régionales). Différentes conséquences de la PAC sont abordées, en matière socio-économique (foncier, travail agricole, etc.), environnementale (biodiversité, qualité des eaux, etc.), de bien-être animal, de santé publique. Climat et commerce sont également traités avec un point de vue international. Enfin, pour les auteurs, envisager un autre modèle passerait par l'agriculture biologique et l'agro-écologie, cette dernière devant être un « principe clé d'une PAC durable ».

La santé dans la politique agricole : sélection de facteurs et de dynamiques

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Source : Fondation Heinrich Böll

Source : Fondation Heinrich Böll

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05/04/2019

Avis de la Cour des comptes européenne sur les propositions législatives de la Commission pour la PAC post-2020

Publié au Journal officiel de l'Union européenne début février 2019, cet avis est formulé par la Cour des comptes européenne dans le cadre de la procédure législative de co-décision (art. 322, TFUE). Il présente une évaluation ex ante de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité de la proposition législative sur la prochaine politique agricole commune. À travers cette triple clé de lecture, la Cour examine successivement les besoins, les objectifs spécifiques, les fonds alloués aux divers régimes d'aides, mais également les différents aspects du nouveau pilotage par la performance proposé par la Commission (processus, système de mesure de la performance, assurance externe de cette nouvelle gouvernance). Les annexes du document fournissent une analyse détaillée et des commentaires spécifiques sur l'ensemble des indicateurs de réalisation, de résultats et d'impacts reliés aux objectifs spécifiques des règlements proposés.

Source : Cour des comptes européenne

10:14 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, PAC | Lien permanent | Tags : cour des comptes européenne, pac, évaluation ex ante |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/03/2019

Vers une politique alimentaire commune pour l'Union européenne : les propositions d'IPES-Food

Dans son nouveau rapport, fruit de trois ans de travail associant un large éventail d'experts et de parties prenantes, le panel international IPES-Food se fait l'avocat d'une politique alimentaire commune pour l'Union européenne (UE), seule à même, selon les auteurs, de répondre aux défis actuels : santé, environnement, inégalités d'accès à l'alimentation, etc. Partant d'un constat chiffré sur les limites d'un système alimentaire dit « low cost » (produire en masse à bas prix), le rapport propose une refonte totale des politiques en la matière, avec cinq objectifs : 1) « garantir l'accès à la terre, à l'eau et à des sols en bonne santé » ; 2) « reconstruire des agroécosystèmes sains et résistants au changement climatique » ; 3) « promouvoir une alimentation suffisante, saine et durable pour tous » ; 4) « mettre en place des chaînes d'approvisionnement plus équitables, plus courtes et plus propres » ; 5) « mettre le commerce au service du développement durable ».

Les cinq objectifs d'une politique alimentaire commune

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Source : IPES-Food

Ces cinq objectifs sont déclinés en mesures concrètes, certaines à court terme : consacrer au moins 50 % des financements de l'UE au développement rural, exonérer les fruits et légumes de TVA, réformer les évaluations d'impact sur le développement durable des accords de libre-échange, etc. D'autres seraient à adopter à plus long terme, comme par exemple : réserver tous les paiements de l'actuelle PAC à la fourniture de biens publics ; adopter une directive européenne restreignant le marketing des produits à forte teneur en matières grasses, en sel ou en sucre, et des aliments hautement transformés ; mettre en place une taxe carbone aux frontières (produits importés).

Message clé du rapport, la gouvernance actuelle n'est pas, en l'état, en capacité d'assurer la transition vers cette nouvelle politique, en raison du poids des lobbies, de la prise en compte insuffisante des expérimentations locales (ex : politiques alimentaires des villes), et des incohérences entre politiques sectorielles conçues et appliquées en silos. IPES-Food propose donc des mesures pour une gouvernance rénovée, étape nécessaire pour conduire le changement vers cette nouvelle politique alimentaire commune promue par les auteurs. Soulignons enfin que ce rapport fait suite à d'autres publications du groupe d'experts sur des thématiques liées : transition écologique, politiques alimentaires urbaines, nouvelle science des systèmes alimentaires durables.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : IPES-Food

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06/03/2019

La Politique agricole commune à l'épreuve de la subsidiarité

Le poids du Parlement européen dans les négociations de la future PAC (2021-2027) est important, puisque celui-ci est, depuis le traité de Lisbonne (2009), co-législateur avec le Conseil et la Commission. À la veille des élections européennes, la Fondation Robert Schuman propose un éclairage sur le projet de règlement de la Commission européenne (juin 2018) pour la PAC post-2020. La proposition d'aller vers une plus grande subsidiarité dans la mise en œuvre de la politique agricole, avec le transfert aux États membres du choix des mesures à mettre en œuvre dans le cadre d'un plan stratégique national, est au cœur de l’analyse. L'auteur souligne l'importance de clarifier et d'encadrer cette subsidiarité accrue. Selon lui, certaines compétences devraient être maintenues au niveau communautaire (par exemple biodiversité et climat, stabilisation des marchés, gestion des crises), mais d'autres pourraient être confiées aux États (accompagnement de la transition écologique, gestion des pollutions, de l'eau et de l'air). Il pose également la question du rôle du Parlement dans une discussion bilatérale des plans stratégiques nationaux entre la Commission et les États membres.

Source : Fondation Robert Schuman

13:07 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC | Lien permanent | Tags : subsidiarité, fondation robert schuman |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/02/2019

Une étude commandée par le Parlement européen compare les politiques agricoles de 5 pays

Alors que la Politique agricole commune (PAC) post-2020 est actuellement en discussion, la commission Agriculture du Parlement européen a commandé une étude visant, à travers la comparaison des politiques agricoles de cinq pays (Australie, Canada, États-Unis, Japon et Suisse), à formuler des propositions en la matière. Publiée en décembre 2018, l'analyse a reposé sur une revue de la littérature, complétée d'expertises ciblées.

Les auteurs montrent que si les pays considérés poursuivent des objectifs similaires (compétitivité, préservation de l'environnement, développement rural, etc.), des disparités existent. En Australie, l'accent est mis sur la compétitivité par le biais d'un appui important à la R&D, complété de dispositifs de soutien en cas d’événements climatiques extrêmes. Pour leur part, Canada et États-Unis focalisent leur action sur le soutien au revenu des agriculteurs et la stabilisation des marchés. Au Japon, l'objectif d'auto-suffisance pour le riz est structurant et passe par une forte régulation des prix, ainsi qu'un soutien aux investissements. Enfin, la Suisse se distingue en portant une attention particulière à la préservation des ressources naturelles et des paysages.

Les principaux outils repérés lors des études de cas ont ensuite fait l'objet d'une évaluation, sur la base de laquelle des recommandations ont été formulées. Les auteurs proposent ainsi d'instaurer des dispositifs d'épargne de précaution, lesquels ont fait leurs preuves au Canada et en Australie. Les assurances sur les risques liés aux prix et aux rendements sont, pour leur part, plus compliquées à mettre en œuvre. Les exemples australiens, japonais et états-uniens montrent que de tels dispositifs ne sont efficaces qu'à la condition d'être largement subventionnés. Sur le plan environnemental, les auteurs considèrent que les propositions actuelles de la Commission sont satisfaisantes (conditionnalité renforcée et eco-scheme), mais leur mise en œuvre pourrait être améliorée, en favorisant les démarches collectives et les approches par projet, comme c'est le cas en Suisse, au Japon et au Canada. Ils plaident également pour une plus grande flexibilité des mesures surfaciques (MAEC), afin de les ajuster aux contextes locaux, comme le permet la politique agricole helvète. Enfin, les auteurs jugent l'Union européenne plutôt en avance en matière de développement rural et ne formulent pas de recommandation majeure à ce sujet.

Les outils de politique agricole mobilisés dans les pays étudiés

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Source : Parlement européen (extrait CEP)

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Parlement européen

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15/01/2019

Recommandations de la Cour des comptes pour éviter les retards de paiements des aides PAC et les sanctions financières européennes

La Cour des comptes a publié en novembre 2018 un rapport analysant les dysfonctionnements de la chaîne de paiement des aides agricoles de 2014 à 2017. Elle dresse le bilan des corrections financières européennes, liées à des problèmes de conformité des aides par rapport à la réglementation des précédentes programmations de la PAC. De 2007 à 2016, ces « refus d'apurement » se sont élevés à 2,03 milliards d'euros (1,89 de 2015 à 2017 pour des corrections portant sur la période 2008-2012), ce qui fait de la France l’État membre qui en a enregistré le montant le plus élevé en absolu, et le 5ème relativement au budget de la PAC (figure). Pour la Cour, les défaillances du registre parcellaire graphique (RPG), sur la base duquel s’effectue le calcul des aides dites « surfaciques », sont à l’origine de ces refus d’apurement massifs. La nécessité de refonte totale du RPG a ensuite contribué au retard du paiement de ces aides pendant plus d’un an (en partie compensé par des avances de trésorerie).

Corrections financières notifiées entre 2007 et 2016 dans les différents États membres (rapportées aux dépenses de la PAC)

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Source : Cour des comptes

Pour la Cour des comptes, les dysfonctionnements de la chaîne de paiement des aides proviennent en partie de l'imbrication des responsabilités entre l'ASP, le ministère et les Régions. Ils s'expliquent aussi par une préparation « insuffisante » du transfert de la gestion du second pilier aux Régions et par la définition législative tardive des mesures de la PAC 2014-2020. Leur complexité est une autre cause identifiée : le nombre d’aides couplées a augmenté, tout comme les programmes de développement rural (de 6 à 29), où les mesures ont été localement déclinées, souvent en réponse à la demande des professionnels.

La Cour considère que, pour la PAC en cours, les mesures correctives nécessaires ont été prises et que les principales causes des refus d'apurement ont trouvé une réponse. Pour la programmation post-2020, elle émet plusieurs recommandations concrètes, concernant la clarification des responsabilités de chacun (ex. entre État et Régions, en particulier pour les apurements), la simplification de la gouvernance (ex. gestion des contrôles entre ministère et ASP), les outils informatiques, les futures mesures de la PAC à appliquer (règles et nombre total).

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Cour des comptes

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10/01/2019

La Cour des comptes européenne se penche sur le bien-être animal en Europe

En novembre 2018, la Cour des comptes européenne a publié un Rapport spécial sur l'application des normes de l'UE sur le bien-être animal (période 2012-2018), fruit d'un audit mené de septembre 2017 à juin 2018 dans cinq pays – Allemagne, France, Italie (Sardaigne), Pologne et Roumanie. Il souligne des progrès significatifs en la matière, avec cependant des faiblesses dans certains domaines comme le transport et l'abattage des animaux d’élevage. Il mentionne aussi le rôle incitatif de la PAC, plus particulièrement de la mesure 14 de développement rural «paiements en faveur du bien-être des animaux», d'un montant de 1,5 milliard d'euros (2,5 milliards en comptant les fonds nationaux), répartis entre 18 États membres sur la période 2014-2020. Les auteurs recommandent des normes plus ambitieuses et une meilleure coordination de leurs contrôles et de ceux portant sur la conditionnalité, avec des sanctions proportionnées à la gravité des cas de non-conformité. Les échanges de bonnes pratiques entre États membres sont également souhaitables.

Source : Cour des comptes européenne