Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/06/2022

Quels impacts socio-économiques de l'irrigation en Inde ?

S'il est généralement admis que l'irrigation permet de réduire la pauvreté rurale, la question de ses impacts sur les inégalités est plus discutée. Pour éclaircir ces débats, des chercheurs ont analysé les conséquences socio-économiques du développement de l'irrigation dans la région du Karnataka, au sud de l'Inde. Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue Nature.

Les auteurs ont d'abord reconstitué les dynamiques agraires historiques de la région, au moyen d'une cinquantaine d'entretiens. Cette analyse a montré que l'agriculture s'y caractérisait, dans les années 1950-1960, par une forte différenciation sociale et une hétérogénéité des tailles d'exploitation, allant de quelques hectares à plusieurs dizaines. Les producteurs disposant des plus grandes surfaces ont été les premiers, dès les années 1970, à avoir les moyens de creuser des puits pour l'irrigation. Ils ont ainsi pu cultiver de la canne à sucre, très rémunératrice, et accumuler des capitaux conséquents. Progressivement, une part importante des autres agriculteurs est aussi parvenue à s'équiper, souvent au prix d'un lourd endettement. De plus, la raréfaction de la ressource en eau les a rapidement contraints à délaisser la canne pour des productions moins exigeantes mais moins rémunératrices (légumes, curcuma, etc.).

Le second temps du travail a été consacré à la modélisation des systèmes de production actuels du Karnataka et à l'évaluation de leurs performances économiques. Il montre que l'irrigation accroît les performances des exploitations qui en bénéficient, quelle que soit leur taille. Cependant, le gain est beaucoup plus important pour les agriculteurs disposant de grandes surfaces, qui ont pu s'équiper en matériel de micro-irrigation, et ainsi sécuriser en partie leur production malgré la moindre disponibilité en eau. De leur côté, ceux qui ne produisent encore que des cultures pluviales (sorgho, éleusine, dolique, etc.) ont malgré tout pu bénéficier des retombées économiques de l'irrigation, en travaillant pour le compte des agriculteurs irrigants. L'analyse économique montre toutefois que leur salaire est jusqu'à vingt fois inférieur à la productivité économique de leur travail, relativisant le caractère redistributif de l'emploi créé par l'irrigation. Ces travaux confirment donc l'efficacité économique de l'irrigation mais ils montrent qu'elle peut s'accompagner d'un accroissement des inégalités.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Nature

09:57 Publié dans Agronomie, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, agronomie, inde |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/02/2022

Agriculture irriguée aux États-Unis : des situations et des adaptations contrastées

Pour les auteurs du rapport Trends in U.S. Irrigated Agriculture: Increasing Resilience Under Water Supply Scarcity, publié par le ministère américain de l’Agriculture (USDA) en décembre 2021, les cultures irriguées sont une composante essentielle de l’économie agricole américaine, dont dépendent d’autres secteurs comme l’élevage et l’énergie. En 2017, les 20 % des surfaces irriguées du territoire contribuaient à 54 % de la valeur totale de sa production agricole. L’irrigation a pris son essor avec l’adoption en 1902 du Reclamation Act, qui scellait la « reconquête » du désert et des territoires de l’Ouest. D’importantes infrastructures d’approvisionnement en eau sont alors financées par la Fédération. De 1890 à 2017, la superficie irriguée passe ainsi de 1,2 million d’hectares à plus de 23,7 millions, même si les dynamiques diffèrent beaucoup entre les États fédérés (carte ci-dessous). Au début du XXIe siècle, des sécheresses touchent successivement les principales régions agricoles. Face à la réduction de la disponibilité des eaux de surface et à la concurrence croissante entre les usages, les prélèvements agricoles d’eaux souterraines augmentent, conduisant à l'épuisement des principaux aquifères des régions productives, à leur pollution et leur salinisation.

Distribution spatiale des superficies irriguées 1997-2017

agriculture irriguée.jpg

Source : USDA

Lecture : les points sont associés aux changements de la superficie irriguée (1pt = 400 ha), à l’échelle du comté, entre 1997 et 2017, tels que rapportés par les recensements agricoles de ces deux mêmes années. La couleur du point indique une augmentation (bleu) ou une diminution (rouge) dans le périmètre considéré. Environ 57 % des comtés n'ont pas connu d'augmentation ou de diminution de la superficie irriguée supérieures à 800 ha. La région du delta du Mississippi et les hautes plaines du nord concentrent le plus d'augmentations, alors que la Central Valley de Californie et les Southern High Plains (Texas, Oklahoma) concentrent le plus de diminutions.

L'adaptation de l'agriculture aux pénuries d’eau implique souvent une combinaison de mesures : réduction des surfaces irriguées et changement de cultures, modernisation des systèmes d’irrigation et amélioration des pratiques de gestion, modification des sources d'approvisionnement (réutilisation d'eaux usées traitées, etc.). L’efficacité globale de l’utilisation agricole de l’eau augmente, même si l’adoption des technologies d’irrigation est hétérogène, freinée par ses coûts, l'accès au capital et l'incertitude quant à la disponibilité future de la ressource. Le rapport mentionne aussi le développement de marchés de l’eau dans certains États, c'est-à-dire la possibilité de vendre ses droits d’eau à d'autres utilisateurs lors de pénuries. Il cite également l'exemple d’une assurance récolte, pour partie subventionnée, couvrant les pertes de rendement de producteurs s'étant engagés à réduire leur consommation d'eau.

Si des gains d'efficacité dans l'utilisation de la ressource sont encore possibles, les auteurs remarquent qu’ils n'entraînent pas toujours une meilleure gestion. Les incitations à la modernisation des infrastructures d’irrigation devraient donc être couplées à des stratégies de gestion de la demande (limitations des surfaces irriguées, restrictions des prélèvements, etc.).

Cécile Poulain, Centre d'études et de prospective

Source : USDA

15/01/2021

Irriguer pour s'adapter au changement climatique et sécuriser la production alimentaire

60 % de la production alimentaire mondiale reposent aujourd'hui sur l'agriculture pluviale. Face au changement climatique qui modifie les régimes de précipitations et les températures, l'irrigation constitue une mesure d'adaptation efficace, si elle est utilisée de manière durable (non épuisement des ressources souterraines et de surface). Dans un article publié en novembre dans la revue PNAS, des chercheurs s'intéressent aux impacts potentiels du changement climatique sur la demande en eau d'irrigation, sa disponibilité, et quantifient la possible extension de l'irrigation, dans un scénario de référence (considérant la période 1996-2005) et dans le cas où les températures globales augmenteraient de 3°C par rapport au scénario de référence.

Leur approche comporte plusieurs étapes : i) l'identification des terres cultivées touchées par les pénuries d'eau de pluie, ii) l'estimation des besoins en eau d'irrigation et le relevé des zones de cultures pluviales à irriguer si les températures augmentaient, la cartographie iii) des régions agricoles où les eaux de surface et souterraines pourraient suffire à irriguer si des infrastructures légères étaient construites (ex. petits bassins de rétention) et iv) de celles nécessitant des infrastructures plus lourdes (ex. barrages), enfin v) l'estimation des surfaces irriguées, des volumes d'eau et du nombre de personnes qui pourraient être approvisionnées dans chaque scénario.

Les auteurs montrent que 86 % des terres cultivées (800 Mha) sont menacés par la rareté de l'eau de pluie dans le scénario de référence, et 93,5 % dans un climat 3°C plus chaud (870 Mha). Cette différence de 70 Mha nourrirait plus de 700 millions de personnes.

Cartographie des systèmes culturaux non irrigués qui seront menacés par la rareté des eaux de pluie

irrigation 2.jpg

Source : PNAS

Lecture : les terres cultivées menacées par la rareté de l'eau de pluie dans le scénario de référence sont en gris. Les terres cultivées additionnelles menacées par la rareté de l'eau de pluie si les températures augmentaient de 3°C sont en rouge. Les zones en vert ne sont pas menacées tandis que celles en marron sont déjà irriguées.

Dans ces conditions, le recours à des infrastructures de stockage légères permettrait d'irriguer durablement 140 Mha de plus dans le scénario de référence, mais seulement 53 Mha supplémentaires dans un climat 3°C plus chaud (figure ci-dessous). Dans ce scénario, l'usage d'infrastructures de stockage plus lourdes permettrait d'étendre les surfaces irriguées de 281 Mha, pour un approvisionnement d'un milliard de personnes en plus. Selon les auteurs, les zones à fort potentiel pour étendre les surfaces irriguées se situent en Europe de l'Est, en Asie centrale, en Afrique sub-saharienne et en Amérique latine.

Potentiel d'expansion durable des surfaces irriguées au niveau mondial, consommation d'eau supplémentaire et nombre de personnes nourries, selon les conditions climatiques et les types d'irrigation

irrigation 3.jpg

Source : PNAS

Lecture : le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures légères est en rose foncé. Le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures légères et un déficit d'irrigation de 20 % est en rose clair. Le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures lourdes figure en bleu.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

12:50 Publié dans Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, pratiques agricoles, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook

La modernisation des systèmes d'irrigation en France : quelles économies d'eau possibles à l’échelle de la parcelle ?

Le dernier numéro de la revue Sciences Eaux & Territoires restitue le contenu d'un colloque sur les économies d'eau en irrigation, coorganisé les 13 et 14 novembre 2019 par l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), Montpellier SupAgro et l’Association française pour l’eau, l’irrigation et le drainage (AFEID). Dans le cadre d’ateliers, des acteurs de la gestion de l'eau ont échangé sur les enjeux techniques et scientifiques.

Plusieurs voies permettent d'améliorer la gestion de l'irrigation : choix de l'heure, irrigation déficitaire régulée, ajustement des fréquences et quantités selon une stratégie optimisée par des modèles, etc. Dans ce cadre, l'une des études présentées visait à évaluer les économies d'eau selon les systèmes d'irrigation utilisés (par aspersion vs localisé) et les modes de pilotage (sans et avec sondes d’état hydrique du sol). L'irrigation localisée comprend les goutte-à-goutte de surface et enterrés, ainsi que la micro-aspersion. Pour établir leur comparaison au sein de contextes similaires (même année, même sol, même culture), les auteurs ont analysé les données de soixante-dix études réalisées en France métropolitaine au cours des trois dernières décennies.

Les résultats confirment l'efficacité des systèmes d'irrigation localisée et de l'utilisation des sondes d’état hydrique du sol (figure ci-dessous). Mais, pour les premiers, les économies d'eau doivent être relativisées en fonction du déficit hydrique de la saison culturale, alors que celles dues à l'utilisation des sondes sont, elles, indépendantes des conditions climatiques. Plus précisément, en conditions de déficit hydrique faible (années pluvieuses), le système localisé permet une meilleure régulation de l'apport d'eau en fonction des pluies. À l'inverse, lors d'années sèches, toute l'eau d'irrigation apportée de manière localisée contribue à la reconstitution des réserves hydriques du sol, réduisant ainsi les économies d'eau observées par rapport à un système d'irrigation par aspersion. Enfin, les auteurs identifient des améliorations des pratiques, comme par exemple réduire ou supprimer le ou les derniers apports afin d'éviter un stockage excessif d'eau d'irrigation dans le sol.

Économies d'eau (EE-SI) selon les systèmes d’irrigation (par aspersion ou localisé), en fonction du déficit hydrique de la saison culturale

economie eau.jpg

Source : Revue Sciences Eaux & Territoires

Lecture : l'économie d'eau (EE en %) obtenue en utilisant un système d'irrigation localisé (GGS pour goutte-à-goutte de surface, GGE pour goutte-à-goutte enterré, MA pour micro-aspersion), par rapport à un système par aspersion, est mesurée par [(Irr1 - Irr2) / Irr1] x 100], où Irr1 (mm) et Irr2 (mm) sont les quantités totales d'eau d'irrigation appliquées pendant la saison culturale avec les systèmes localisés et les systèmes par aspersion. Expon. sont les courbes exponentielles pour chaque type de culture.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Sciences Eaux & Territoires

12:45 Publié dans Agronomie | Lien permanent | Tags : eau, pratiques agricoles, irrigation |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/01/2021

Politique de l'eau, irrigation et productivité de l'agriculture en Égypte

En Égypte, le Nil représente 95 % des ressources en eau, dont 80 % sont utilisés par l'agriculture. La viabilité à long terme de ce secteur est toutefois incertaine, dans un contexte de changement climatique et de problèmes de partage de la ressource associés à la construction du barrage de la Renaissance sur le Nil Bleu en Éthiopie. Depuis les années 1960, l’État égyptien a soutenu l'accroissement des surfaces irriguées et la recherche pour développer la productivité agricole. Pour comprendre les rôles respectifs de ces investissements publics, les auteurs analysent les évolutions de la « productivité globale des facteurs » de l'agriculture sur la période 1961-2016. Ils calculent des indices de Thornqvist-Thiel avec différentes données, nationales et internationales. Deux indicateurs sont distingués : l'un intégrant le coût privé de l'eau, l'autre le coût social à travers les subventions d’État à l'irrigation. Ils montrent que la croissance agricole (+400 %) est principalement due au progrès technique, plus qu'à l'expansion des surfaces irriguées (+45 %), indiquant la capacité du secteur agricole à croître, jusqu'à présent, dans un contexte de raréfaction des ressources en eau.

Production agricole, utilisation des terres, surfaces irriguées et prélèvements en eau par l'agriculture en Égypte : évolutions entre 1961 et 2016 (base 100 en 1961)

egypte.jpg

Source : American Journal of Agricultural Economics

Source : American Journal of Agricultural Economics

14/02/2020

Sécurité alimentaire et disponibilité de la ressource en eau : une analyse des tendances mondiales

L'augmentation de la population mondiale et des revenus nécessitera une hausse considérable de la production agricole, pour faire face à la croissance de la demande alimentaire, de 70 à 100 % à l'horizon 2050 selon les projections. Face à un tel défi, aggravé par le changement climatique, la disponibilité en terres cultivées et en eau pour l'irrigation constitue un sujet de préoccupation majeur. Afin de clarifier les termes du débat, un article publié dans Global Food Security propose une analyse de tendances, basée sur les données de la FAO et une revue de la littérature scientifique.

Il montre que dans un contexte de croissance exponentielle de la population (à l'exception de l'Europe), les terres cultivées et la disponibilité en eau par habitant ont constamment baissé depuis les années 1960, bien qu'elles se stabilisent désormais dans certaines régions (cf. figures). Cela n'a pas empêché la production agricole, sur la même période, d'augmenter plus rapidement que la population grâce aux progrès techniques et organisationnels, soulignés par d'autres travaux sur la productivité agricole (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). L'évolution des surfaces équipées pour l'irrigation par habitant est plus contrastée (figure ci-dessous) : baisse continue en Afrique, augmentation significative en Amérique du Sud, relative stabilité en Asie, etc. Cependant, en nombre d'hectares, elles augmentent dans la plupart des régions (sauf en Europe), ce qui témoigne d'investissements qui se poursuivent.

Terres cultivées (à gauche) et terres équipées (à droite) pour l'irrigation par habitant (Monde, 1961-2013)

Eau1.jpg

Source : Global Food Security

Ces tendances révèlent une capacité importante de l'agriculture à produire plus avec moins de terres et d'eau, mais rien n'indique, selon les auteurs, que cette capacité se développera à un rythme suffisant d'ici 2050. Le changement climatique, en aggravant les risques liés à l'eau (sécheresses, inondations, maladies, etc.) pourrait réduire des dotations déjà inégales, d'autant que les progrès techniques sont par nature incertains. Quelques pistes sont néanmoins prometteuses : se rapprocher des rendements potentiels des cultures (refermer le yield gap) permettrait selon certains auteurs de nourrir 2 milliards de personnes supplémentaires ; d'autres insistent sur les gains d'efficience liés à des modes d'allocation de l'eau plus souples et renégociables (ex. : quotas transférables).

Estimation et projection des ressources en eaux renouvelables disponibles par habitant, 1960-2080

Eau2.jpg

Source : Global Food Security

Lecture : eaux de surface à gauche, eaux souterraines au centre, eaux de surface et eaux souterraines à droite.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Global Food Security

09:51 Publié dans 1. Prospective, Climat, Environnement, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, terres cultivées |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/06/2019

Un rapport de la délégation à la prospective du Sénat sur l'adaptation aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050

En mai 2019, la délégation à la prospective du Sénat a publié un rapport consacré à l'adaptation de la France aux changements climatiques à l'horizon 2050. Prenant acte d'une « réalité présente » et d'une « inexorable aggravation à moyen terme », les auteurs soulignent l'importance cruciale de l'adaptation, moins traitée et mise en avant que l'atténuation. S'ils s'intéressent aux prochaines décennies, l'horizon plus lointain (fin du siècle) est également considéré (projections climatiques à long terme, temporalité des actions).

Temporalité des actions d'adaptation

Senat1.jpg

Source : Sénat

S'appuyant sur 36 auditions et la mobilisation de diverses publications, le document dresse, dans une première partie, un panorama des impacts actuels et à venir du changement climatique (hausse des températures, transformation du régime des précipitations, etc.). Il en détaille différents effets : sanitaires (ex. : prolifération de certaines algues), sur la sécurité des biens et des personnes (ex. : modification du régime de risques naturels), sur la ressource en eau (ex. : baisse de la recharge des nappes) et sur les activités économiques. L'agriculture figure au premier rang des secteurs touchés : sécheresses, stagnation ou plus grande variabilité interannuelle des rendements, modification des qualités organoleptiques des produits, problématiques de santé végétale et animale, etc.

La deuxième partie est consacrée aux moyens de « faire face » à ces dérèglements, alors que la mobilisation des acteurs publics (État et collectivités) est jugée encore « trop modeste ». Divers défis sont identifiés, parmi lesquels celui d'une approche systémique dans la conception des politiques d'adaptation : par exemple, une telle politique pour l'agriculture ne peut être menée sans travailler à l'évolution du système et des conduites alimentaires. Les auteurs formulent ainsi un ensemble de recommandations de portée générale.

Enfin, la troisième partie s'intéresse à quatre chantiers d'adaptation sensibles : territoires vulnérables, bâti et urbanisme, politiques de l'eau, agriculture. Dans ce dernier cas, les auteurs recommandent en particulier une meilleure rémunération des services agro-environnementaux (2nd pilier de la PAC), un traitement « responsable » des questions d'irrigation (stockage de surface conditionné à des pratiques plus économes et respectueuses de la biodiversité) et le renforcement des mécanismes de couverture assurantielle (prenant en compte les efforts d'adaptation des exploitants).

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Sénat

02/04/2019

Utiliser la blockchain pour réguler l'utilisation de l'eau d'irrigation

Un projet, piloté au Kenya par l'ONG environnementale américaine The Freshwater Trust, pourrait prochainement donner lieu à une application en Californie, pour réguler les prélèvements d'eau souterraine destinés en particulier à l'irrigation des cultures. Couplant, via des satellites, des capteurs connectés installés sur les pompes, pour suivre au plus près la consommation, à un marché des crédits d'eau sécurisé par la technologie de la blockchain, le dispositif permettrait de réduire les déperditions et d'optimiser le fonctionnement du marché.

Source : Digital Trends

10:09 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir, Environnement | Lien permanent | Tags : californie, irrigation, eau, blockchain, capteurs |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/09/2017

Réutilisation des eaux usées pour l'irrigation en agriculture : une estimation globale

Publié en juillet, un article des Environmental Research Letters développe une méthode permettant d'estimer, à partir de bases de données existantes, la probabilité que des eaux usées soient réutilisées sur les terres agricoles. Les auteurs estiment ainsi qu'au niveau mondial, 29,3 millions d'hectares (Mha) sont concernés, principalement (85 %) dans cinq pays : Chine, Inde, Pakistan, Mexique et Iran.

Pour arriver à ces résultats, les auteurs ont utilisé la base de données MIRCA2000, afin d'identifier les surfaces irriguées péri-urbaines, situées au maximum à 40 km en aval de zones urbaines de plus de 50 000 habitants. Ces données ont ensuite été superposées à la carte du réseau des cours d'eau par bassin versant. Ce croisement leur a permis d'obtenir les zones péri-urbaines cultivées et irriguées à partir d'eaux superficielles, qu'ils ont nommées downstream irrigated cropland (DSIC). Les auteurs ont par la suite qualifié la part des eaux usées dans les eaux de surface en recourant au return flow ratio (RFR) développé dans le projet AQUEDUCT, et ont retenu les valeurs supérieures à 20 %.

La dernière étape a consisté en une classification des zones selon le pourcentage d'eaux usées traitées, en s'appuyant sur d'autres sources d'information : publications scientifiques, FAO AQUASTAT, rapports nationaux du Joint monitoring program, et International Utility Benchmarking Network (IBNET). Sur cette base, les auteurs ont finalement exclu les zones où plus de 75 % des eaux usées étaient traitées. Ainsi, si les États-Unis sont le pays avec le plus grand nombre d'hectares susceptibles de dépendre des eaux usées pour l'irrigation (DSIC), il est peu probable que ces 2,8 Mha soient irrigués par des eaux usées non traitées. La figure ci-dessous reprend les différentes étapes et les résultats de l'étude au niveau global.

Surfaces irriguées selon les différentes catégories successivement définies dans l'étude

irrigation.jpg

Source : Environmental Research Letters

Les surfaces calculées sont 8 fois supérieures à celles issues de précédents travaux reposant sur des enquêtes et des statistiques nationales. Les auteurs soulignent plusieurs limites : la saisonnalité des pluies qui fait varier les résultats consécutivement au choix du ratio RFR, la probable surestimation des niveaux de traitement des eaux usées par manque de données à une échelle fine, une approche plutôt globale ne tenant pas compte du type de cultures irriguées, etc.

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

11:14 Publié dans Enseignement et recherche, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : irrigation, eaux usées, reuse |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/09/2017

Optimiser la répartition des cultures, dans un contexte d'irrigation contrainte : un défi pour les algorithmes

Dans un article publié en août dans la revue PloS ONE, des mathématiciens sud-africains ont approfondi leurs travaux sur les algorithmes permettant de répondre au problème d'allocation des cultures à l'échelle d'une région agricole, une problématique complexe qui retient de plus en plus l'attention des chercheurs en intelligence artificielle.

Ayant appliqué auparavant cette problématique à un système d'irrigation sous contrainte forte, ils ont raffiné leur analyse pour mieux refléter les conditions réelles des décisions d'allocation. Pour cela, ils ont introduit des paramètres économiques : d'une part le principe d'économies d'échelle au niveau des exploitations agricoles, d'autre part l'impact d'un déplacement de l'offre sur les prix d'équilibre des produits. Le principe des économies d'échelle est intégré via la séparation des coûts fixes et des coûts variables pour chaque culture. Les conditions de marché réagissent aux variations de la production de chaque culture en fonction de l'assolement, ce qui se traduit par une modification du prix d'équilibre.

Le système ainsi testé vise à optimiser l'allocation des terres entre cultures annuelles, dans un système irrigué où la disponibilité en eau est réduite et coûteuse, de façon à dégager le meilleur revenu à l'hectare. Les données utilisées sont celles du Vaalharts Irrigation Scheme, l'un des réseaux d'irrigation les plus importants au monde, couvrant plus de 36 000 hectares dans la région du Cap en Afrique du Sud.

Les auteurs poursuivent ainsi leurs travaux sur l'« algorithme renforcé de meilleure performance » (the enhanced Best Performance Algorithm, eBPA), nouvel outil appartenant à la famille des métaheuristiques. Ces algorithmes permettent de résoudre des problèmes d'optimisation difficiles en s'inspirant notamment de comportements observés dans le monde animal (colonies de fourmis, essaims d'abeilles, etc.), en particulier en utilisant des phénomènes d'apprentissage issu des expériences successives. Comparant ses performances avec deux autres algorithmes de la même famille, les chercheurs mettent en évidence l'efficacité de cet outil mathématique, qui a identifié la solution la meilleure (permettant le meilleur revenu à l'hectare) dans le minimum de temps. Ces travaux laissent entrevoir, à terme, des applications en matière d'aide à la décision pour les acteurs agricoles.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : PloS ONE

15/01/2015

Eau et énergie : l'impact de l'agriculture irriguée en Méditerranée

Dans une publication de Environmental Research Letters datant de décembre 2014, des chercheurs des universités de Cranfield en Angleterre et de Cordoue en Espagne ont exploré les impacts de l'agriculture irriguée dans le bassin méditerranéen. Plus spécifiquement, ils ont calculé, à l'aide d'un modèle intégré et spatialisé, la demande en eau par culture (m3 par kg pour les cultures de citron, coton, olive, tournesol, légumes, vignes, céréales) et la quantité de CO2 émis résultant de l'eau pompée dans les nappes phréatiques pour l'irrigation (CO2 par kg).

Selon cette étude, environ 61 km3 d'eau ont été prélevés chaque année sur la période 1970-2010, principalement pour les céréales (44 %). De plus, l’Égypte, la Turquie, la Syrie et l'Espagne sont les principaux pays demandeurs en eau. Quant à la quantité de CO2 émis par le pompage en nappes, elle est au total de 1,78 Gt CO2 par an ; les cultures ayant les émissions par tonne les plus élevées sont le tournesol (73 Gt CO2 par an) et le coton (60 Gt CO2 par an). Le graphique ci-dessous représente les estimations des prélèvements en eau et en émissions calculées par les auteurs en fonction du pays.

Estimations des prélèvements en eau et en émissions en fonction du pays dans le bassin méditerranéen, pour une sélection donnée de cultures

eau.jpg

Source : Environmental Research Letters

Dans ce travail, les auteurs étudient aussi les conséquences de trois scénarios, comparés aux estimations citées ci-dessus, 61 km3 d'eau prélevée et 1,78 Gt CO2 émises (scénario business as usual) :

- le premier scénario correspond à un changement technologique, soit une modernisation des systèmes d'irrigation (aspersion, goutte à goutte) permettant en théorie une économie des prélèvements en eau de 20 à 30 % ; la demande serait alors diminuée de 13 %, mais les émissions de CO2 augmenteraient de 135 % ;

- le deuxième scénario fait l'hypothèse d'une chute de 10 m du niveau piézométrique des nappes du bassin méditerranéen, l'accès à la ressource en eau devenant alors plus difficile, ce qui, selon les chercheurs, entraînerait une augmentation de 39% des émissions de CO2 ;

- le troisième scénario serait celui de la mutation de l'ensemble de l'agriculture pluviale en agriculture irriguée, ce qui représenterait une augmentation de la demande en eau de 137 % et des émissions de CO2 de 270 %.

Cette étude permet donc un premier éclairage quantifié et cartographié du lien entre prélèvements en eaux et émissions d'un gaz à effet de serre pour l'activité agricole du bassin méditerranéen. Les auteurs citent des pistes d'améliorations possibles : tendre vers une meilleure résolution spatiale, analyser la sensibilité des résultats à la limite que représente l'étude d'un nombre restreint de cultures, etc.

Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

 

16:11 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : eau, irrigation |  Imprimer | | | | |  Facebook