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16/11/2020

Performances économique et environnementale d'exploitations laitières en AOP

Une équipe de chercheurs a publié, dans Agricultural Systems, une analyse croisée de l'empreinte carbone et des performances économiques d'exploitations laitières sous signe officiel de qualité. Ils ont travaillé sur une centaine d'exploitations, en établissant leur bilan carbone via des enquêtes de terrain dans les zones d'appellation d'origine protégée (AOP) de Franche-Comté et de Savoie. La richesse des données recueillies a permis d'analyser de façon conjointe les déterminants des émissions de gaz à effets de serre et des résultats économiques.

L'objectif de ce travail est de faire ressortir les synergies ou les antagonismes dans la recherche de double performance. Les auteurs se sont focalisés sur un échantillon d'exploitations homogène, reposant sur des systèmes fourragers à dominante herbagère, dans des environnements biophysique et socio-économique comparables, et inscrites dans des filières plutôt rémunératrices. Ainsi, ils cherchent à mettre en évidence les déterminants les plus fins de ces deux performances.

Corrélations entre performances économique et environnementale au sein d'un groupe d'exploitations sous AOP

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Source : Agricultural Systems

Lecture : une case bleue indique une corrélation négative entre les deux variables, une case rouge indique une corrélation positive ; la p value de chaque corrélation est indiquée dans la case.

Le choix d'un échantillon homogène empêche de comparer les performances des exploitations sous AOP aux autres, néanmoins il fait ressortir les écarts au sein de ce sous-système. La comparaison directe des performances « bas carbone » et économiques de ces exploitations montre que les deux performances sont généralement antagonistes, mais l'analyse de leurs déterminants révèle aussi des synergies. En particulier, les charges en carburant et en électricité sont des leviers d'amélioration sur les deux points. Un des moyens pour y parvenir est notamment l'augmentation du pâturage par rapport à la fenaison (et au séchage du foin). Le savoir-faire des éleveurs dans la production et la gestion de l'herbe semble être le facteur clé pour concilier performances économique et environnementale, et ce sont les exploitations utilisant le plus le pâturage qui tirent le mieux parti de ces synergies. Méthodologiquement, cette étude montre l'intérêt qu'il y a à mobiliser différents indicateurs environnementaux (par litre et par hectare, potentiellement divergents), pour que les résultats soient les plus riches possibles.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems

Refonder l'agriculture à l'heure de l'anthropocène, Bertrand Valiorgue

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Les activités humaines modifient profondément le fonctionnement des écosystèmes, au point que l'on utilise parfois le terme « anthropocène » pour désigner l'ère géologique actuelle. L'agriculture participe à ces dérèglements (émission de gaz à effet de serre, érosion de la biodiversité), en même temps qu'elle en subit les conséquences (sécheresses, hausse des températures, déclin des insectes pollinisateurs). Pour Bertrand Valiorgue, cette situation rend nécessaire une refondation de nos systèmes agricoles et alimentaires. Dans cet ouvrage publié aux éditions Le bord de l'eau, il propose des pistes de réflexion pour amorcer cette transition. L'originalité de son raisonnement tient au cadre d'analyse en sciences de gestion que mobilise l'auteur, professeur en stratégie et gouvernance des entreprises.

La première partie de l'essai pose le diagnostic. À la suite d'autres auteurs, B. Valiorgue montre que l'accroissement de la population mondiale depuis 50 ans a été permis, en particulier, par l'essor d'une agriculture productive, fondée sur l'exploitation non durable des ressources naturelles, et qui se révèle être très sensible aux dérèglements associés à l'anthropocène. En réponse, il appelle de ses vœux le développement d'une agriculture « régénératrice » permettant, en plus de la production agricole, de « réparer » la nature. L'essor de cette nouvelle agriculture, dont les formes concrètes ne sont pas précisément exposées, est actuellement empêché par l'organisation des marchés agricoles et des filières, qui crée une dépendance au sentier, c’est-à-dire une difficulté à réorienter les activités à la suite des décisions passées (choix technologiques, décisions d'investissement, compétences acquises, etc.).

La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée aux solutions à mettre en œuvre, selon l'auteur, pour sortir de cette ornière. Il incite à considérer l'agriculture comme une activité utilisatrice de biens communs (air, eau, sols) et, en même temps, chargée de leur entretien. Pour ce faire, il estime que les exploitations agricoles devraient adopter le statut récent d'« entreprise à mission », afin de s'engager juridiquement pour la préservation de ces biens communs, et mobiliser des outils de gestion permettant de quantifier leurs impacts sur les écosystèmes (matrices de matérialité et comptabilité environnementale). Pour terminer, il appelle à des transformations institutionnelles à plusieurs niveaux : territoires, filières et échelon européen.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : Le bord de l'eau

18:20 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : anthropocène, climat, agricultures |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/11/2020

L'IPBES propose des pistes pour prévenir les risques de pandémie

La Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié un rapport résultant d'un atelier virtuel, rassemblant 22 experts, sur les relations entre la dégradation de la nature et l'augmentation observée des pandémies. Les auteurs y rappellent que cinq pandémies émergent chaque année, estimant par ailleurs que 540 000 à 850 000 virus non découverts, actuellement présents chez les mammifères et les oiseaux, pourraient être transmissibles à l'être humain. Ils relient l'augmentation du risque d'apparition de pandémies aux mêmes activités humaines que celles entraînant le changement climatique et la perte de biodiversité, dont l'expansion et l'intensification de l'agriculture (cause d'émergence du virus Nipah en Malaisie). Les changements d'usage des sols (production agricole, déforestation, artificialisation, exploitation des ressources naturelles, etc.) sont, de leur côté, à l'origine de 30 % des nouvelles maladies signalées depuis 1960.

Partant de ce constant, les auteurs préconisent différentes actions. On peut citer, parmi celles-ci, la limitation des activités humaines entraînant une modification des paysages et une dégradation de la biodiversité, le soutien aux pratiques agricoles durables ainsi que la réduction des externalités négatives de l'agriculture conventionnelle. Il s'agit aussi de réduire les contacts entre les animaux sauvages, le bétail et les êtres humains, pour limiter la propagation des pathogènes. En lien avec cette recommandation, les auteurs émettent des réserves sur les politiques paysagères juxtaposant en mosaïque les activités agricoles et des espaces de conservation de la nature, comme les corridors et les trames vertes et bleues. En effet, dans ces espaces, les hôtes sauvages de pathogènes transmissibles à l'homme sont nombreux (chauve-souris, rongeurs et passereaux). Ils préconisent aussi, quand c'est justifié, de taxer la consommation et la production de viande, ainsi que l'élevage, et de viser spécifiquement les pratiques agricoles entraînant de la déforestation (huile de palme).

Les auteurs concluent avec optimisme que ces mesures sont applicables, estimant que le coût de la prévention est 100 fois moins élevé que celui entraîné par les pandémies.

L'approche « One Health », indispensable pour gérer des pandémies

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Source : Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services

Lecture : les auteurs rappellent l'importance de l'approche « One Health » (« Une seule santé »), qui reconnaît l'intrication entre les santés humaine, environnementale et animale.

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services

L'invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l'Éden africain, Guillaume Blanc

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L'historien G. Blanc (université Rennes 2) examine, dans ce livre très vif, les avatars de la protection de la nature en Afrique, de la période coloniale à nos jours. Proposant une chronologie en sept phases à partir de 1850, il soutient que les politiques de conservation de la faune sauvage, dont les quelques 350 parcs nationaux que compte le continent, renvoient à une représentation erronée, contradictoire mais persistante, de l'Afrique comme « jardin d'Éden » inhabité, sauvage et naturel, menacé par les activités agropastorales.

Cette représentation s'est formée dès les premiers récits d'explorateurs, en contrepoint d'une cécité étonnante sur l'ampleur des dégradations causées par l'exploitation coloniale (plantations, chasse, collections). Par la suite, elle a été reconduite par la littérature (Hemingway, Blixen), les documentaires animaliers et les reportages du National Geographic, ou encore le cinéma d'animation (Le Roi Lion). Au moment des indépendances, la reconversion des administrateurs coloniaux en experts internationaux a favorisé une continuité de la « mise en parcs de l'Afrique », celle-ci pouvant aussi servir les intérêts des nouveaux pouvoirs, en légitimant le contrôle et la criminalisation des populations, notamment nomades. Aujourd'hui, l'action des agences internationales, l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) en premier lieu, mais aussi la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), celle d'organisations non gouvernementales comme le WWF, prolongeraient, sous couvert de développement durable et de « gestion communautaire », une posture de « naturalisation coercitive » de l'espace. Les parcs y demeurent conçus comme des sanctuaires dont les habitants doivent être évacués, fût-ce au prix de violences et de profondes perturbations sociales (paupérisation, mendicité liée au tourisme, etc.).

Pour écrire son livre, l'auteur a eu accès aux archives de l'Ethiopian Wildlife Conservation Organization. Depuis 2007, il a aussi réalisé des séjours dans les montagnes du Simien, interviewé des habitants, des surveillants du parc, mais aussi des touristes. L'exemple de l'Éthiopie est donc particulièrement approfondi, mais G. Blanc souligne, avec force références, que les processus mis en évidence dans ce pays ont en fait concerné l'ensemble du continent. Notons que ses thèses ont donné lieu à des réactions vigoureuses, comme celle du sous-directeur général pour la culture de l'Unesco, publiée par Le Monde début novembre.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Flammarion

16:56 Publié dans Développement, Environnement, Territoires | Lien permanent | Tags : colonialisme, afrique sub-saharienne, espaces |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/11/2020

Le commerce équitable a-t-il un impact sur l'usage de produits agrochimiques ?

Les certifications officielles et privées peuvent intégrer des critères de durabilité et encourager ainsi les pratiques agricoles vertueuses pour l'environnement. Cependant, constatant que leurs effets sont généralement peu étudiés, des chercheurs d'universités allemande, danoise et étatsunienne ont analysé l'impact du label Fairtrade (commerce équitable) sur l'usage de produits agrochimiques dans les exploitations de cacao ivoiriennes, et les effets de ces changements d'usage sur la santé des travailleurs agricoles et l'environnement. Leurs résultats sont présentés dans un article publié en octobre dans la revue Ecological Economics.

Pour cette étude, les chercheurs ont réalisé, en 2018, une enquête auprès de 1 000 agriculteurs et travailleurs agricoles d'exploitations de cacao du sud-est de la Côte d'Ivoire. Afin de mesurer le rôle des coopératives, ils en ont sélectionné 50, dont 25 certifiées Fairtrade, et ont interrogé 10 agriculteurs et 10 travailleurs agricoles par structure. Les agriculteurs étaient d'abord questionnés sur leur usage de produits agrochimiques. Ensuite, les chercheurs ont demandé à l'ensemble des travailleurs s'ils avaient été exposés à des pesticides dans les 12 derniers mois ou s'ils avaient travaillé dans des champs de cacao moins de trois jours après une pulvérisation, et également s'ils avaient eu des symptômes de maladies liées à des pesticides dans les 24 heures suivant l'exposition. Ces informations ont permis de calculer des indicateurs d'écotoxicité.

Les résultats des analyses économétriques montrent que le label Fairtrade entraîne une augmentation de 18 % des quantités de pesticides utilisées. Ce recours accru aux produits agrochimiques a un impact positif mais non chiffré sur les rendements. L'étude montre aussi que les agriculteurs certifiés utilisent davantage certaines molécules identifiées comme hautement toxiques pour les mammifères. Pour autant, la certification réduit le nombre de symptômes de maladies liées aux pesticides, car les coopératives concernées proposent des formations sur l'application des produits et l'usage de vêtements de protection. Au final, la plupart des effets observés s'expliquent par des mécanismes à l’œuvre au niveau des coopératives (ex. vente de pesticides et de fertilisants à prix subventionnés à leurs adhérents, offre de service de pulvérisation).

Selon leur statut de certification, proportion des coopératives offrant un accès facilité aux intrants, aux vêtements de protection, aux services de traitement et à la formation

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Source : Ecological Economics

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Ecological Economics

10/11/2020

Perturbateurs endocriniens, « bombe à retardement » ?

perturbateurs endocriniens,santé,plastique

Le Muséum national d'Histoire naturelle diffuse sur son site internet une série audio de 12 épisodes sur le thème « la nature : mieux la connaître pour mieux la préserver ». Dans l'épisode du 22 octobre dernier, Jean-Baptiste Fin, biologiste et professeur au Muséum, nous relate l'histoire de la « guerre » sanitaire menée contre les perturbateurs endocriniens.

Des avancées notables, et particulièrement en France, ont été réalisées en matière de prise de conscience, de connaissances scientifiques et de législation, notamment sur les pesticides. Cependant, le spécialiste reconnaît la méconnaissance des effets de certaines molécules dont la production croît de manière rapide. Il souligne également l'importance des évaluations à conduire avant la mise sur le marché des substituts aux produits identifiés comme perturbateurs endocriniens, en prenant l'exemple de l'interdiction des contenants plastiques dans les cantines scolaires à l'horizon 2025 dans le cadre de la loi Egalim.

Source : Muséum national d'Histoire naturelle

 

16:37 Publié dans Environnement, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : perturbateurs endocriniens, santé, plastique |  Imprimer | | | | |  Facebook

L'état de conservation de la nature dans l'Union européenne

Tous les 6 ans, les États membres de l'UE transmettent à la Commission un rapport sur les degrés de conservation de la nature. La Commission en a publié une synthèse en octobre. Elle y observe que la conservation des habitats et des espèces ne s’est pas améliorée au cours de la période de référence (2013-2018) : seulement 9 % des habitats affichaient des tendances à l’amélioration. Les pressions les plus fréquemment signalées proviennent de l’agriculture, du fait de l'intensification des pratiques (ex. engrais, produits phytosanitaires - figure ci-dessous). Les habitats semi-naturels tributaires de l’agriculture, tels que les prairies, sont particulièrement menacés : 45 % sont jugés dans un état « médiocre », contre 31 % pour les autres habitats. Depuis 2015, la proportion d’habitats agricoles jugés « médiocres » est passée de 39 % à 45 %, et 45 % de ces habitats subissent une dégradation. Au-delà de l'agriculture sont citées la modification des régimes hydrologiques, l'artificialisation et la pollution.

Répartition des catégories de pressions selon les habitats et les espèces (les oiseaux faisant l'objet d'une analyse spécifique)

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Source : Commission européenne

Source : Commission européenne

 

 

16:36 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement | Lien permanent | Tags : union européenne, artificialisation, nature |  Imprimer | | | | |  Facebook

Conséquences de la pêche récréative sur les requins à pointes noires

Dans un article publié dans le Fishery bulletin d'octobre 2020, des auteurs estiment le niveau de stress et le taux de survie des requins à pointes noires, après leur capture puis leur relâche par des pêcheurs sportifs aux États-Unis (Caroline du Sud et Floride). Cette estimation repose sur des prélèvements sanguins et la pose de transmetteurs acoustiques. Deux types de pêche à la ligne sont comparés, depuis une plage (41 requins capturés) ou d'un bateau (40).

17 % et 20 % des requins capturés respectivement depuis une plage ou un bateau ont péri dans les 10 jours qui ont suivi. Un temps plus élevé écoulé entre l'hameçonnage et la sortie de l'eau entraîne une acidose du sang plus marquée, sans que ce stress métabolique ait pu être relié à une plus grande mortalité. Les blessures et traumatismes (ex. : hameçon planté dans la queue) en seraient plus probablement responsables, bien que 18,4 % des requins jugés en très bon état au moment de leur libération aient ensuite péri.

Pourcentage de mortalité (en noir) et de survie (en gris), selon l'état du requin pointe noire au moment de sa relâche

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Source : Fishery bulletin

Lecture : de gauche à droite, état de l'animal : excellent (38 individus), bon (24), correct (10), mauvais (9).

Source : Fishery bulletin

 

 

16:35 Publié dans Environnement, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : durabilité, pêche, requin, etats-unis |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/11/2020

Contributions des analyses économiques et sociologiques à la compréhension des défis sanitaires, environnementaux et agricoles

La Review of Agricultural, Food and Environmental Studies (INRAE) a mis en ligne un numéro spécial consacré aux apports de l'économie et de la sociologie aux défis du « nexus santé-environnement-agriculture ». Les sept articles étudient différents aspects relatifs aux stratégies de production, aux comportements de consommation et aux régulations possibles. Par exemple, à partir d'une revue de la littérature, E. Doro et V. Requillart soulignent les impacts positifs potentiels d'une taxe carbone visant des produits à fort contenu en émissions de gaz à effet de serre, dont les revenus subventionneraient la consommation de fruits et légumes. Ce numéro spécial illustre bien la diversité des problèmes et des solutions : si les possibilités de régulation sont nombreuses, les compromis à trouver le sont tout autant, et les sciences sociales peuvent apporter des contributions déterminantes pour le débat public et la conception de politiques efficaces.

Source : Review of Agriculture, Food and Environmental Sudies

 

Les « batailles de l'eau »

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Du 19 au 22 octobre 2020, l'émission Cultures Monde (France Culture) proposait une série consacrée aux « batailles de l'eau ». Étaient traités les enjeux internationaux et les conflits géopolitiques associés à la gestion des eaux usées, aux ressources halieutiques, à l'énergie et à l'agriculture. Le quatrième épisode abordait les défis associés à l'usage agricole : avancée de l'aridité ; productions et régimes alimentaires ; qualité des sols (imperméabilisation, fertilité, etc.) ; empreinte en eau des importations et exportations ; solutions techniques ; gouvernance ; etc. L'exemple de la situation espagnole complétait ces échanges, en revenant notamment sur les problèmes associés au développement d'une agriculture d'irrigation et d'une économie immobilière, sur les transferts d'eau initiés sous le franquisme, et sur le changement de politique (arrêt des projets de transfert et développement du dessalement) au début des années 2000, source de tensions toujours actuelles.

Source : France Culture

 

16/10/2020

Déforestation et évaluation de l'efficacité des paiements pour services environnementaux

Les paiements pour services environnementaux (PSE) font partie des outils fréquemment mis en avant pour lutter contre la dégradation des écosystèmes. Dans un article publié dans la revue Land Use Policy, une équipe nord-américaine a évalué l'efficacité de ces dispositifs pour lutter contre la déforestation.

L'étude se concentre sur l'analyse d'un dispositif de PSE mexicain, qui permet aux communautés locales de recevoir un paiement annuel, pendant cinq ans, si elles s'engagent à protéger une certaine étendue de forêt. Afin de reconstruire le scénario contre-factuel et d'imaginer quelle aurait été l'évolution des surfaces forestières dans les régions bénéficiaires du PSE en l'absence de celui-ci, les auteurs comparent des régions bénéficiaires avec des régions non-bénéficiaires au profil similaire sur les plans biophysique et socio-économique. Des analyses statistiques dites « en doubles différences » permettent ensuite d'apprécier l'impact du PSE sur les dynamiques de déforestation.

Les auteurs montrent d'abord que le rythme de la déforestation est inférieur en moyenne dans les régions recevant des paiements en comparaison de celles qui n'en reçoivent pas, mais la différence n'est statistiquement significative que pour les zones où la part des surfaces bénéficiaires est importante (>90 %). Pour les autres, le rythme de la déforestation n'est pas statistiquement plus faible que dans les régions non bénéficiaires. Dans un second temps, les auteurs évaluent la capacité du dispositif à cibler les zones pour lesquelles le risque de déforestation est le plus élevé. Pour ce faire, ils ont construit un modèle permettant de prédire la probabilité qu'une parcelle soit déforestée. Ils montrent ainsi que la moitié des paiements concernent des zones où le risque de déforestation est faible ou intermédiaire, et en concluent qu'un meilleur ciblage du dispositif sur les régions les plus à risques permettrait vraisemblablement d'en renforcer l'efficacité. Enfin, aucun effet significatif du PSE n'a pu être mis en évidence pour freiner la fragmentation des surfaces forestières ni maintenir des trames écologiques.

Estimation du risque de déforestation et localisation des parcelles bénéficiaires de paiements pour services environnementaux

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Source : Land Use Policy

En conclusion, cette évaluation confirme l'efficacité des dispositifs de paiements pour services environnementaux pour limiter la déforestation, à condition qu'ils soient correctement calibrés.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy 

11:06 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, Environnement, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : pse, forêt, évaluation |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/10/2020

Google Trends, outil de détection des préoccupations sanitaires et environnementales

À partir des requêtes tapées dans le moteur de recherche Google accessibles via Google Trends, des chercheurs ont tenté de caractériser le rapport des internautes suisses aux produits phytosanitaires. Le volume de recherches associées aux termes « pesticides » et « produits phytosanitaires » a doublé sur la période 2011-2019. Cette variation provient de l'augmentation des requêtes sur le mot-clé « pesticides » depuis 2017, alors que celles relatives à « produits phytosanitaires » demeurent relativement stables sur l'ensemble de la période étudiée. La connotation négative du terme « pesticide », aux yeux du grand public, par rapport à « produit phytosanitaire », conduit les auteurs à expliquer cet intérêt accru des internautes par leur préoccupation croissante quant aux effets de ces produits sur la santé et sur l'environnement.

Évolution des recherches des internautes suisses dans le moteur Google

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Source : Environmental Research Letters

Lecture : évolution entre 2011 et 2019 du volume de recherche relatif allant de 0 à 100, 100 étant le volume mensuel maximal observé sur la période. Le premier graphique compare l'évolution de ces volumes pour le groupe constitué des termes « pesticides » et « produits phytosanitaires » avec le terme « initiatives » (en référence aux initiatives populaires citoyennes). En abscisse, les dates de publication de 2 rapports des Nations unies sur le glyphosate (IR1, IR2), de rapports nationaux d'évaluation sur l'impact environnemental des pesticides (NR1, NR2, NR3), ainsi que les dates clés des 2 initiatives populaires (PI1, PI2) et de leurs différentes étapes. Le deuxième graphique compare les volumes relatifs des recherches incluant le terme « pesticides » à ceux des requêtes incluant « produits phytosanitaires ».

L'évolution de ces tendances sur la période 2011-2019 et leurs discontinuités sont ensuite mises en regard des dates de parution de rapports internationaux particulièrement médiatisés, ou de lancement d'actions politiques d'initiative populaire, relatifs aux produits phytosanitaires. Un premier point de rupture, en 2014, inaugure pour trois ans une hausse des requêtes, particulièrement visible aux dates de parution de deux rapports des Nations unies sur le glyphosate (2015 et 2016). Le deuxième point de rupture, en 2017, montre un intérêt renouvelé des internautes. Il intervient à la suite du lancement d'une première initiative populaire citoyenne demandant une réduction de l'utilisation des pesticides au moyen d'une révision constitutionnelle. Les pics de recherches de cette période coïncident avec les phases de mise en œuvre des deux initiatives populaires : collecte des signatures, dépôt de l'initiative, publication du rapport par le Conseil fédéral suisse. Les chercheurs voient ainsi en Google Trends un outil d'analyse et de détection des préoccupations des citoyens, pouvant conduire à des actions collectives, particulièrement sur les sujets agricoles porteurs d'enjeux importants.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

15:03 Publié dans Environnement, Protection des végétaux et des animaux, Société | Lien permanent | Tags : pesticides, santé, google |  Imprimer | | | | |  Facebook

Au Canada, étiquetage environnemental des produits de la mer et information des consommateurs

Le groupe d'influence canadien SeaChoice a publié, en septembre 2020, une étude sur les allégations environnementales présentes sur les étiquettes de produits de la mer. L'échantillon est constitué des produits frais, en conserve et congelés vendus dans 18 supermarchés de 14 enseignes différentes, choisis aléatoirement dans 5 villes de différentes provinces (Vancouver, Toronto, Saskatoon, Montréal et Halifax). En excluant les doublons, les étiquetages de 181 références proposées par 49 marques ont été examinés.

Les auteurs ont jugé la qualité d'une étiquette selon plusieurs critères : sa précision (mention du nom latin de l'espèce, de son nom commun, de son caractère sauvage ou d'élevage, de la zone de pêche, du lieu de transformation et de la technique de pêche) ; le type d'allégation (certification à caractère contraignant, respect de critères définis par des organisations de protection des espèces marines, auto-déclaration) ; le caractère vérifiable des allégations, les critères sur lesquels elles se basent et leur comparabilité avec les standards internationaux.

Concernant la précision des étiquettes, seulement 6 % des produits rassemblent au moins 5 des éléments demandés. 42 % n'indiquent que 3 éléments et 32 % qu'un ou deux. Ces précisions sont pourtant indispensables pour juger de la durabilité environnementale du produit (ex. : sélectivité de la technique de pêche). Contrairement à ce qui pourrait être attendu, la précision des étiquettes n'est pas corrélée avec le type d'allégation (voir figure).

Nombre d'étiquettes selon leur niveau de précision et le type d'allégation du produit (à gauche les produits certifiés ; au centre les étiquetages comprenant des critères définis par des organisations de protection des espèces marines ; à droite les allégations auto-déclarées)

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Source : SeaChoice

Lecture : en rouge, le nombre d'étiquettes imprécises (1 à 2 des éléments affichés permettant de juger la durabilité d'un produit de la mer) ; en orange, les étiquettes insatisfaisantes (3 éléments précisés) ; en bleu, les étiquettes correctes (4 éléments) et en vert, celles de bonne qualité (plus de 5 éléments).

234 allégations environnementales ont été trouvées sur les 181 produits, soit 1,3 par produit en moyenne. 44 % d'entre elles sont des auto-déclarations contre 23 % de certifications et 33 % de mentions de critères définis par des organisations de protection. Or, après avoir contacté les marques et comparé les informations transmises, lorsqu'elles le sont, avec les standards internationaux, les auteurs montrent que 42 % des allégations ne peuvent pas être vérifiées. Cela pose donc des difficultés en matière d'information du consommateur.

Nombre d'allégations environnementales permettant de juger de la durabilité des produits

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Source : SeaChoice

Lecture : produits durables (en vert), non durables (gris foncé), à la durabilité non vérifiable (gris moyen) ou indéfinie (gris clair), selon le type d'allégation (à gauche, les produits certifiés ; au centre, les mentions de groupes ; à droite les allégations auto-déclarées).

En complément, soulignons qu'en France, une publication récente de l'association UFC-Que Choisir montre de mauvaises pratiques, malgré la réglementation en vigueur, évaluant à 25 % la part d'étiquettes sans mention de la technique de pêche.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Sources : SeaChoiceUFC Que Choisir

09:56 Publié dans Alimentation et consommation, Environnement, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : produits, pêche, durabilité |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/10/2020

Analyser les impacts des sécheresses pour mieux anticiper les conséquences du changement climatique

Le dernier numéro (septembre) de la revue britannique Philosophical Transactions B rassemble les travaux de plusieurs équipes européennes traitant des effets de la sécheresse de 2018 sur l'agriculture et la forêt en Europe. La majorité des chercheurs appartient au réseau européen Icos (Integrated Carbon Observation System) : opérationnel depuis 2018, il regroupe des stations de mesure des gaz à effet de serre émis par les écosystèmes. S'appuyant également sur des observations (rendement, dendrologie) et des données issues de la télédétection, ce numéro offre un panorama des conséquences de la sécheresse sur les écosystèmes tempérés, dans une perspective pluridisciplinaire (écologie, météorologie, biologie, géographie, agronomie, etc.) et avec des approches historiques et spatialisées.

Comme le montre l'analyse des données météorologiques, la sécheresse de 2018 est exceptionnelle par la superficie concernée (de 24 à 38 millions d'hectares contre 20 à 28 Mha en 2003). Elle résulte de la conjonction de deux phénomènes inhabituels : un printemps chaud, après un hiver plutôt humide, et un été très sec avec des vagues caniculaires générant un stress accru de la végétation.

Comparaison de trois épisodes de sécheresse sévère (2003, 2010, 2018) sur plusieurs critères : température (1ère série), pluviométrie (2e série), rayonnement (3e série), humidité du sol (4e série)

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Source : Philosophical Transactions B

Lecture : les cartes présentent les anomalies standard par rapport à la période de référence (1979-2018) ; les déviations les plus importantes sont représentées par des pointillés.

Une des équipes s'est concentrée sur l'impact de la sécheresse sur les rendements des principales grandes cultures. S'appuyant sur des modèles d'apprentissage automatique, elle a analysé ceux-ci sur plus d'un siècle et montré des résultats contrastés, en 2018, selon les régions et les cultures. En effet, le surcroît de pluie durant l'hiver a permis d'atteindre des rendements supérieurs à la moyenne pour les céréales d'hiver dans les régions du sud de l'Europe, alors qu'à l'inverse, ce sont ces cultures qui ont été les plus affectées dans les régions du nord et de l'ouest. De façon plus générale, les travaux démontrent que jusqu'à 65 % des variations peuvent être expliqués par les variables climatiques. Ce pouvoir explicatif est renforcé en combinant les différentes variables, aucune n'étant à elle seule en mesure d'expliquer les anomalies. Enfin, l'équipe n'a pu dégager aucune tendance de long terme à la baisse des rendements à l'échelle européenne.

Anomalies de rendement observées en Europe en 2018 pour neuf grandes cultures, calculées en termes de déviation par rapport à la série chronologique étudiée (en vert, les gains de rendement ; en rouge, les pertes)

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Source : Philosophical Transactions B

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Philosophical Transactions B

12:50 Publié dans Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : sécheresse, forêt, agriculture |  Imprimer | | | | |  Facebook

Conjuguer conservation, intensification écologique et consommation durable pour enrayer le déclin de la biodiversité d'ici 2050

Le World Wide Fund for Nature (WWF) a fait paraître en septembre une nouvelle version de son rapport « Planète Vivante » qui, tous les deux ans, compile des informations publiées et des analyses inédites sur le déclin mondial de la biodiversité. Après un état des lieux sont exposés les menaces principales identifiées, leurs possibles impacts sur les sociétés, et les effets potentiels de différentes politiques publiques visant à réduire la dégradation des terres et des habitats.

Pour suivre l'évolution des espèces, les auteurs ont mis à jour l'Indice Planète Vivante (IPV), relatif à l'abondance de près de 21 000 populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens, représentant plus de 4 300 espèces. Cet indicateur, égal à la moyenne des pourcentages de variation des populations entre 1970 et 2016, a diminué de 68 % au niveau mondial (voir figure ci-dessous). Il existe cependant de fortes différences entre les régions, cette baisse allant de 24 % en Eurasie à 94 % en Amérique du Sud. Cette perte de biodiversité a cinq grandes causes : les changements d'usage des terres et la dégradation des habitats (43 à 58 % des menaces identifiées selon les régions), la surexploitation de certaines ressources (18 à 36 %), la propagation des espèces invasives (11 à 14 %), la pollution (2 à 11 %) et le changement climatique (4 à 12,5 %).

Évolution de l'indice planète vivante entre 1970 et 2016

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Source : WWF

Les auteurs s'appuient également sur les travaux d'un groupe international d'experts, publiés dans Nature en septembre, évaluant l'impact sur la biodiversité de six scénarios de politiques publiques (figure ci-dessous). Leurs résultats soulignent l'importance des mesures de conservation (augmentation de la surface des aires protégées, amélioration de leur gestion, planification accrue de la restauration et de la conservation) qui permettraient, à elles seules, de réduire les dommages à la biodiversité d'environ 58 % par rapport au scénario de référence. Toutefois, elles ne sont pas suffisantes dans certaines régions riches en biodiversité. Le scénario intégré, combinant politiques de conservation, réduction du gaspillage, changement de régime alimentaire, intensification durable de la production et augmentation des échanges, fournirait les résultats les plus prometteurs, avec une réduction des dommages d'environ 90 % par rapport au scénario de référence, d'ici à 2100.

Impacts estimés de différents scénarios de politiques publiques visant à renverser les tendances à la perte de biodiversité provenant de la dégradation des terres et des habitats

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Source : WWF d'après Nature

Lecture : AIM, GLOBIOM, IMAGE et MAgPIE sont les différents modèles d'évaluation intégrés utilisés pour évaluer l'impact des scénarios.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Sources : WWFNature

 

 

 

11:00 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement | Lien permanent | Tags : wwf, biodiversité, conservation |  Imprimer | | | | |  Facebook