05/02/2021
L'impact du changement climatique sur la position de la ceinture des pluies tropicales
Des chercheurs des universités de Californie et de Yale ont modélisé l'impact du changement climatique sur l'évolution latitudinale de la zone de convergence intertropicale, laquelle détermine en grande partie les conditions hydrologiques et climatiques au niveau des tropiques. Ils montrent que, contrairement aux conclusions précédemment publiées à ce sujet, les déplacements ne seront probablement pas homogènes. Ainsi, selon les modélisations, d'ici à 2100, la zone de convergence intertropicale se déplacera vers le nord au niveau de l'Afrique de l'Est et de l'océan Indien, et vers le sud au niveau de l'est de l'océan Pacifique, de l'Amérique du Sud et de l'océan Atlantique. Ces résultats fournissent une base d'explication à l'augmentation prévisionnelle des sécheresses en Afrique du Sud et de l'Est, à Madagascar et en Amérique centrale, mais aussi à l'intensification des inondations en Inde du Sud. Ces zones hydrologiques sont fondamentales pour la sécurité alimentaire et la préservation de la biodiversité.
Évolution des températures au niveau de la mer et des niveaux de précipitation en réponse au changement climatique
Source : Nature Climate Change
Lecture : en a, évolution des températures globales au niveau de la mer entre les périodes de base (1983-2005) et future (2075-2100). En b, évolution des précipitations et des températures au niveau de la mer, dans une zone de l'océan Indien située entre les longitudes 50° Est et 100° Est. En c, évolution des précipitations et des températures au niveau de la mer, dans une zone des océans Pacifique Est et Atlantique située entre les longitudes 110° Ouest et 0°.
Source : Nature Climate Change
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10/11/2020
Patate douce, stress thermique et alimentation mondiale
Un article récent de la revue Nature Climate Change présente les résultats d’une étude sur le rôle de la diversité génétique intraspécifique de la patate douce dans sa résistance au stress thermique. Les auteurs rappellent les atouts de ce tubercule pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire des populations les plus vulnérables : sa haute valeur nutritionnelle et des besoins en main-d’œuvre moins conséquents que pour d’autres plantes. L’étude s’est déroulée en trois phases : i) l’évaluation de la résistance au stress thermique de 1 973 variétés ; ii) l’identification de variables permettant de prédire leurs réponses à ce stress ; iii) la simulation de scénarios d’épisodes de sécheresse intense et de leurs impacts sur les rendements.
Les facteurs de variations internes et externes permettant de prédire le rendement de 1973 cultivars
Source : Nature Climate Change
Lecture : l’importance relative de chaque élément prédicteur est indiquée, dans l’ordre des aiguilles d’une montre, dans deux types d’environnement : sans stress thermique (a) et avec stress thermique (b). La couleur des flèches indique la corrélation positive (bleue) et négative (rouge) pour les variables continues. NDVI : normalized difference vegetation index.
132 cultivars, dont 63 % sont des types locaux traditionnels, ont montré une tolérance à des températures extrêmes. Les auteurs insistent alors sur leur contribution potentielle à la meilleure satisfaction des besoins alimentaires de certaines populations.
Source : Nature Climate Change
16:40 Publié dans Alimentation et consommation, Climat, Production et marchés | Lien permanent | Tags : génétique, sécheresse, rendement | Imprimer | |
14/10/2020
Analyser les impacts des sécheresses pour mieux anticiper les conséquences du changement climatique
Le dernier numéro (septembre) de la revue britannique Philosophical Transactions B rassemble les travaux de plusieurs équipes européennes traitant des effets de la sécheresse de 2018 sur l'agriculture et la forêt en Europe. La majorité des chercheurs appartient au réseau européen Icos (Integrated Carbon Observation System) : opérationnel depuis 2018, il regroupe des stations de mesure des gaz à effet de serre émis par les écosystèmes. S'appuyant également sur des observations (rendement, dendrologie) et des données issues de la télédétection, ce numéro offre un panorama des conséquences de la sécheresse sur les écosystèmes tempérés, dans une perspective pluridisciplinaire (écologie, météorologie, biologie, géographie, agronomie, etc.) et avec des approches historiques et spatialisées.
Comme le montre l'analyse des données météorologiques, la sécheresse de 2018 est exceptionnelle par la superficie concernée (de 24 à 38 millions d'hectares contre 20 à 28 Mha en 2003). Elle résulte de la conjonction de deux phénomènes inhabituels : un printemps chaud, après un hiver plutôt humide, et un été très sec avec des vagues caniculaires générant un stress accru de la végétation.
Comparaison de trois épisodes de sécheresse sévère (2003, 2010, 2018) sur plusieurs critères : température (1ère série), pluviométrie (2e série), rayonnement (3e série), humidité du sol (4e série)
Source : Philosophical Transactions B
Lecture : les cartes présentent les anomalies standard par rapport à la période de référence (1979-2018) ; les déviations les plus importantes sont représentées par des pointillés.
Une des équipes s'est concentrée sur l'impact de la sécheresse sur les rendements des principales grandes cultures. S'appuyant sur des modèles d'apprentissage automatique, elle a analysé ceux-ci sur plus d'un siècle et montré des résultats contrastés, en 2018, selon les régions et les cultures. En effet, le surcroît de pluie durant l'hiver a permis d'atteindre des rendements supérieurs à la moyenne pour les céréales d'hiver dans les régions du sud de l'Europe, alors qu'à l'inverse, ce sont ces cultures qui ont été les plus affectées dans les régions du nord et de l'ouest. De façon plus générale, les travaux démontrent que jusqu'à 65 % des variations peuvent être expliqués par les variables climatiques. Ce pouvoir explicatif est renforcé en combinant les différentes variables, aucune n'étant à elle seule en mesure d'expliquer les anomalies. Enfin, l'équipe n'a pu dégager aucune tendance de long terme à la baisse des rendements à l'échelle européenne.
Anomalies de rendement observées en Europe en 2018 pour neuf grandes cultures, calculées en termes de déviation par rapport à la série chronologique étudiée (en vert, les gains de rendement ; en rouge, les pertes)
Source : Philosophical Transactions B
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : Philosophical Transactions B
12:50 Publié dans Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : sécheresse, forêt, agriculture | Imprimer | |
15/09/2020
Une estimation des conséquences économiques des sécheresses sur le secteur agroalimentaire italien
Sous l'effet du changement climatique, l'Europe connaît des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, intenses et longs. Dans un article publié dans la revue Land Use Policy, une équipe du Centre commun de recherche (Joint Research Center) propose une modélisation rétrospective visant à estimer les conséquences économiques des sécheresses survenues entre 2001 et 2016 en Italie. Si ce type de travaux fait régulièrement l'objet de publications (voir à ce sujet un précédent billet), l'originalité du travail présenté ici réside dans le fait que l'analyse ne se limite pas au seul secteur agricole, mais inclut également les secteurs de l'aval (transformation, distribution, etc.).
La modélisation combine un modèle statistique estimant la corrélation entre le rendement des principales cultures et l'intensité des sécheresses, et un modèle économétrique d'équilibre général régionalisé appréciant les répercussions économiques de la diminution de production agricole suite au déficit en eau. Il en ressort un impact relativement limité des sécheresses sur l'économie italienne en général : la réduction estimée du PIB varie de 0,03 % en 2011 (sécheresse modérée) à 0,1 % en 2003 (sécheresse extrême). Les impacts sur le secteur agricole sont cependant significatifs puisque, d'après la modélisation, l'épisode de 2003 aurait engendré une diminution de la production de plus de 2 milliards d'euros (- 3,74 %). Le secteur des fruits et légumes aurait été le plus touché (- 8,69 %), et celui des oléagineux, principalement l'olivier, le plus épargné (- 0,43 %). Les pertes subies par le secteur primaire ne représentent toutefois que 60 % des pertes totales de la filière alimentaire, le reste pesant sur les autres secteurs d'activité, en particulier les industries de transformation (20 %). Les auteurs notent que cette répartition des pertes semble être constante et varie peu en fonction de l'intensité de la sécheresse.
Estimation des impacts économiques des sécheresses de 2003 (extrême), 2006 (intermédiaire) et 2001 (modérée)
Source : Land Use Policy
Sur la base de ces constats, les chercheurs concluent en estimant que la prise en charge, par les politiques publiques, des conséquences économiques des événements climatiques, tels que les sécheresses, ne devrait pas se limiter au seul secteur agricole, mais inclure l'ensemble de la filière agroalimentaire.
Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective
Source : Land Use Policy
18:18 Publié dans Agronomie, Climat, Environnement, IAA, Production et marchés | Lien permanent | Tags : italie, sécheresse | Imprimer | |
12/05/2020
Le microbiome racinaire : une piste pour améliorer la résistance des plantes aux sécheresses ?
Au mois de mars, un numéro spécial de la revue Science s'est intéressé au problème de la sécheresse, dans un contexte où le changement climatique en aggrave la récurrence et l'ampleur. Les articles de cette livraison analysent diverses conséquences, de la menace planant sur les forêts aux mécanismes de réponse des plantes, en passant par le fonctionnement des modèles de prédiction des famines. Ils explorent également les effets passés, présents et futurs de la sécheresse sur le plan social (par exemple au sein de l'ancienne civilisation Wari ou dans l'actuelle Amérique du Nord) et leurs implications pour les politiques publiques (ex. : gestion de l'eau).
Dans l'un des articles, les chercheurs s'appuient sur une large revue de la littérature pour décrire les mécanismes moléculaires existant au niveau de la rhizosphère. Ils se penchent sur les interactions entre le microbiome et les racines pour envisager des pistes de recherche qui permettraient d'améliorer la résistance et la régénération des plantes soumises à des stress hydriques.
Les interactions plante-microbiome pendant et après les épisodes de sécheresse
Source : Science
À titre d’exemple, les transformations des racines et des substances exsudées peuvent exercer une sélection sur le microbiome du sol, modifiant les cycles du carbone et du nitrate et améliorant les capacités de réponse à long terme. Lors des épisodes de stress hydrique, les plantes sécrètent aussi, dans certains cas comme celui du chêne, des métabolites « signaux » dans la rhizosphère. De leur côté, des champignons mycorhiziens ou des bactéries filamenteuses sont susceptibles de proliférer en période de sécheresse et de stimuler l'activité antioxydante ou la régulation osmotique. Certaines bactéries peuvent également sécréter des molécules qui induisent l'élongation des racines, améliorant ainsi l'accès de la plante à l'eau. Enfin, les effets de l'utilisation de probiotiques et prébiotiques sur le microbiome du corps humain constituent autant de pistes de recherche pour la rhizosphère.
Les auteurs soulignent cependant les limites des conclusions des travaux recensés, insistant sur l'importance de poursuivre l’effort de recherche. La plupart des connaissances résultent d'études expérimentales en milieu contrôlé, sur des espèces de plantes non destinées à être cultivées, tandis que celles qui le sont ont été sélectionnées pour des traits pouvant compromettre les interactions bénéfiques avec le microbiome racinaire.
Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective
Source : Science
10:18 Publié dans Agronomie, Climat | Lien permanent | Tags : sécheresse, microbiome racinaire, racines, rhizosphère | Imprimer | |
08/11/2019
Raréfaction de l'eau et changement climatique : quelles proportions de surfaces en blé seraient impactées ?
Dans Science Advances est paru, fin septembre, un article étudiant la hausse potentielle des surfaces en blé soumises au manque d'eau, en raison du changement climatique. En moyenne, sur la longue période entre 1911 et 2016, environ 4,5 % des surfaces en blé auraient souffert, chaque année, d'un déficit hydrique (maximum en 2010 et 2012 avec - 15 %). Selon l'hypothèse d'émissions de gaz à effet de serre la plus pessimiste (scénario RCP 8.5 du GIEC), 60 % des surfaces actuelles pourraient subir un épisode de sécheresse sur une période de 3 ans d'ici la fin du siècle. Les dix principaux exportateurs, dont l'Europe, seraient significativement plus touchés que les autres, avec un défi pour la sécurité alimentaire si ces zones étaient atteintes simultanément. Même en supposant que l'objectif des accords de Paris soit tenu (hausse limitée à 1,5 °C), les surfaces concernées par un déficit hydrique devraient doubler d'ici 2070 par rapport à la situation actuelle.
Le prix du blé étant corrélé au manque d'eau (diminution de la production), les auteurs pensent que des politiques de stockage et commerciales sont essentielles pour stabiliser les marchés. De plus, plusieurs méthodes d'adaptation pourraient être envisagées, comme décaler les calendriers de culture pour éviter les périodes à risque. Cependant, pour l'exposition des surfaces au risque de sécheresse, cette option serait moins efficace que de limiter l'augmentation de la température à 1,5 °C.
Surfaces en blé, en pourcentage, qui pourraient être touchées par la raréfaction de l'eau en fonction de différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre et à plusieurs horizons temporels
Source : Science Advances
Lecture : RCP, pour « Representative Concentration Pathway », désigne des scénarios de forçage radiatifs, représentant différents niveaux d'émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, RCP 8.5 correspond à + 8,5 W/m².
Source : Science Advances
09:32 Publié dans Agronomie, Climat | Lien permanent | Tags : eau, changement climatique, blé, sécheresse | Imprimer | |
08/09/2015
Impacts de la sécheresse et transferts d’eau virtuelle aux États-Unis : deux publications récentes
L’université de Davis a actualisé en août ses résultats sur les impacts de la sécheresse en Californie pour l’année 2015 (voir un précédent billet sur ce blog pour plus d’explications sur l’exercice de modélisation). Ainsi, les pertes sont évaluées par les auteurs à 1,84 milliard de dollars pour le secteur agricole (2,74 milliards tous secteurs confondus) et 10 100 emplois saisonniers sont impactés. D’autre part, ils estiment que les ressources en eau souterraine permettent de compenser 70 % de la diminution en eau de surface disponible (avec une augmentation des coûts de pompage et un nombre croissant de puits creusés s’accompagnant d’effets collatéraux comme la subsidence des terrains).
Un autre article, publié dans PNAS, se penche sur les transferts d’eau virtuelle pour les produits agricoles, dont la production mobilise les ressources d’aquifères états-uniennes, en particulier celles de Central Valley, des Grandes plaines et du Mississippi. Les auteurs estiment que 91 % de cette eau virtuelle restent aux Etats-Unis, et que ces transferts représentent 18,5 % de la production domestique de céréales. Ces travaux conduisent également les auteurs à conclure que certains pays comme le Japon, Taiwan ou Panama, dépendent de ces ressources en eau souterraine pour leur approvisionnement domestique en céréales (entre 9 et 10 %).
11:09 Publié dans Enseignement et recherche, Environnement | Lien permanent | Tags : californie, sécheresse, eau, etats-unis | Imprimer | |
09/09/2014
Conséquences de la sécheresse dans l'État californien sur le secteur agricole
Publiée par le Center for Watershed Sciences en juillet 2014, une étude évalue l'impact de la sécheresse sur l'agriculture californienne. 2014 est la troisième année de sécheresse consécutive et également la troisième plus importante historiquement. L'étude couvre plus de 90% des terres irriguées de cet État (3,8 millions d'ha). Concernant la méthodologie, plusieurs modèles sont utilisés : le Statewide Agricultural Production Model pour les aspects économiques liés aux productions agricoles (chiffre d'affaires, coûts, intrants dont eau) couplé avec le Impact Analysis for Planning Model pour les impacts sur l'emploi au niveau de l'État, et le modèle C2VSim qui simule les prélèvements en eau (souterraine et de surface).
Repérage des zones étudiées
Source : UC Davis
Dans un premier temps, les auteurs estiment que la ressource en eau de surface diminuerait en 2014 de 8,1 milliards de m3, soit un volume représentant 25% de la quantité annuellement utilisée par le secteur agricole dans les zones étudiées. Ce déficit serait compensé aux trois-quarts par des extractions d'eau souterraine, à hauteur de 6,3 milliards de m3 : leur part dans les prélèvements totaux passerait ainsi de 31% à 51%. Le coût de ce pompage additionnel est évalué à environ 454 millions de dollars.
Du point de vue des productions agricoles, les moins impactées sont celles à haute valeur ajoutée comme les arbres fruitiers, les fruits à coques ou les légumes. Les mises en jachère liées à la sécheresse concernent au total 173 200 ha, principalement des cultures de moindre valeur ajoutée comme les pâturages irrigués et des cultures annuelles. La diminution nette de ressource en eau induit des pertes de l'ordre de 810 millions de dollars pour les cultures et de 203 millions pour l'élevage, auxquelles il faut ajouter le coût du pompage additionnel cité plus haut. Au final, le coût global de la sécheresse 2014 pour la collectivité est de 2,2 milliards de dollars avec une perte de 17 100 emplois saisonniers et à temps partiel. À noter que 2015 pourrait aussi être une année avec des déficits importants en eau, hors prise en compte de l'impact d'El Niño.
Les auteurs mettent en évidence deux thèmes nécessitant de meilleures connaissances. D'une part, les usages de l'eau souterraine en Californie sont méconnus, bien que le niveau des nappes phréatiques soit bien suivi. Ces dernières ne se rechargeant pas entièrement chaque année, y compris en année humide, cette ressource est donc de plus en plus difficile d'accès et les coûts plus élevés (pompages plus profonds). Un enjeu d'autant plus important que cette étude met en évidence la dépendance du secteur agricole à la ressource souterraine en cas de sécheresse.
D'autre part, il paraît nécessaire de mieux connaître les marchés de l'eau californiens : ces marchés fonctionnent essentiellement de manière informelle, et il y a absence d'informations centralisées sur les prix et les quantités disponibles qui impactent la bonne gestion de la ressource en eau en cas de sécheresse.
Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective
Sources : UC Davis
Pour plus d'informations sur l'évolution de la sècheresse : Pacific Institute
09:54 Publié dans Agronomie, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : californie, sécheresse, eau | Imprimer | |