31/05/2022
Manger healthy : la mise en scène de l’alimentation quotidienne sur YouTube
Comment les médias sociaux contribuent-ils à remodeler les représentations et les pratiques d’une alimentation saine ? La thèse de Maxime David (université Le Havre Normandie) éclaire cette question en s’intéressant aux vidéos qui mettent en scène des régimes healthy sur le YouTube francophone. Elle s’appuie sur des entretiens, les réponses à un questionnaire et l’analyse d’un corpus de vidéos.
L’auteur met en évidence la dimension genrée de ces vidéos, principalement mises en ligne par des « influenceuses » et consultées par des jeunes femmes. Celles-ci y recherchent modèles et « inspiration », au moment où elles s’éloignent du foyer parental et s’autonomisent. Les vidéos ont aussi une dimension informative, prescriptive, et elles reprennent souvent des schémas manichéens avec de « bons » aliments à conserver et de « mauvais » à bannir (viande, lait, etc.). Certains éléments sont systématiquement présents (smoothies, graines de chia, produits détox, etc.), d’autres sont propres à des niches (ex. shakers protéinés des fitgirls). Une quantification nutritionnelle (méthode SU-VI-MAX) de 353 repas, répertoriés dans 98 vidéos, révèle un décalage très important avec les recommandations en faveur d’une alimentation saine (tableau ci-dessous). Les régimes végétariens sont souvent mal construits, en dessous des apports énergétiques recommandés.
Analyse nutritionnelle des vidéos taguées « Une journée dans mon assiette »
Source : M. David (p. 331)
L’étude met en évidence un éloignement des schémas traditionnels (repas pris en commun, etc.) et une vision fonctionnelle de l’alimentation, sous influences américaines. Derrière un souci affiché de naturalité et de contrôle, l’auteur relève des paradoxes (recours fréquent aux compléments alimentaires) et « un désir moins assumé : la volonté de mincir ». Il observe également que YouTube peut servir de levier d’apprentissages, voire de relai des préconisations officielles (à ce sujet, voir un autre article).
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Source : HAL
15:46 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires, Société | Lien permanent | Tags : youtube, nutrition, régime alimentaire | Imprimer | |
15/04/2021
Sébastien Dalgalarrondo, Tristan Fournier, L’utopie sauvage. Enquête sur notre irrépressible besoin de nature, Éditions Les Arènes, septembre 2020, 180 pages
Ce livre rend compte d’un « besoin d’ensauvagement », présent dans les sociétés occidentales, de façon cyclique, depuis plus de deux siècles. La multiplication des robinsonnades après la publication de l'ouvrage de Defoe (1719), l’épisode de vie dans les bois de Thoreau à Walden (1845), et le mouvement de retour à la terre après mai 1968, constituent des jalons importants. Mais les auteurs (sociologues, CNRS) s'intéressent principalement à la période actuelle. Ils mobilisent des matériaux variés : enquêtes sur site (foires et salons, stages de développement personnel en milieu rural, formations à la cueillette de plantes sauvages en région parisienne), aperçus parfois rapides (livres à succès et analyse de contenu d’émissions de télé-réalité), et réflexions sur leurs propres pratiques (aménagement d’une grange en Ariège).
L'ouvrage saisit particulièrement bien trois aspects importants de ce « besoin d'ensauvagement ». Tout d’abord, la « promesse » du retour à la nature a un caractère fédérateur. Dans une « atmosphère d'apocalypse diffuse », le mythe du chasseur-cueilleur fascine, à droite comme à gauche de l'échiquier politique, des fractions de la population inquiètes pour leur autonomie en cas d'effondrement. Inquiètes aussi, plus généralement, pour leur position dans les rapports sociaux et leur crainte de dépendre de l’État et du « système ». Ensuite, cette promesse fait l’objet d’une « marchandisation » croissante, ce que les auteurs illustrent de façon convaincante à partir des expériences, sous forme de stages payants, de jeûnes dits « de bien-être ». Enfin, ces pratiques, dont l’étendue mériterait d'être mieux établie statistiquement (l'ouvrage livrant peu de chiffres), ont des effets « transformateurs » sur les personnes et les groupes sociaux, voire sur les politiques publiques. Les auteurs donnent en exemple la politique éducative danoise, avec des écoles primaires installées en pleine forêt. Pour les individus, les régimes clés en main sont souvent une première étape amenant à prendre ses distances avec « la modernité alimentaire », « faire une pause » dans le quotidien et, en s'inscrivant dans un plus long terme, à « renouer avec sa nature ».
Signalons par ailleurs, sur le crudivorisme, une thèse récente de S. Thircuir (EHESS) et, sur les risques de dérives sectaires liés à ce souhait de réensauvagement, plusieurs articles de presse (Libération, Society).
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Les Arènes
14:11 Publié dans Alimentation et consommation, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : nature, marchandisation, régime alimentaire | Imprimer | |
15/09/2020
Rapport 2020 de la FAO sur l'état de la sécurité alimentaire dans le monde : les coûts cachés des « régimes non sains »
Le rapport 2020 sur la sécurité alimentaire dans le monde confirme une dégradation récente de la situation : 690 millions de personnes sont touchées par la faim (10 millions de plus que l'an passé) et 2 milliards sont en situation d'insécurité alimentaire modérée à grave. En 2030, 840 millions de personnes pourraient souffrir de la faim. De plus, en 2020, seraient concernées 83 à 132 millions de personnes supplémentaires, du fait de l'épidémie de Covid-19.
Le rapport se concentre sur l'accessibilité des régimes sains dans le monde, en moyenne 5 fois plus chers que les régimes non sains (riches en amidon couvrant uniquement les besoins caloriques). Dans tous les cas, les coûts cachés (santé, environnement) de l'alimentation sont très significatifs. D'ici à 2030, l'adoption de régimes sains réduirait de 95 % les coûts des maladies non transmissibles (maladies cardiaques, diabète ou cancer), et de 41 à 74 % ceux liés aux émissions de gaz à effet de serre. Des politiques publiques de soutien à la transformation des systèmes alimentaires et de protection sociale sont enfin préconisées.
Les préconisations pour réduire le coût et améliorer l'accessibilité des régimes sains
Source : FAO
Source : FAO
15:17 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : régime alimentaire, sécurité alimentaire | Imprimer | |
05/11/2018
L'expérience alimentaire. Manger et rester sain d'esprit, Stanislas Kraland
Ce livre grand public, au style vivant, relate le vécu d'un jeune consommateur urbain déconnecté du monde rural et confronté au dilemme de se nourrir en satisfaisant à la fois aux critères éthiques, nutritionnels, environnementaux, sanitaires et gustatifs. Découvrant certaines réalités de l'élevage et de l'abattage, l'auteur, malgré un goût marqué pour la viande, devient végétarien, puis végétalien. Après une phase de comportements orthorexiques et autocentrés, dus en grande partie à la monotonie de ses rations et à un certain isolement social, il adopte un régime plus souple, alternant végétarisme et régime omnivore (non sans une certaine culpabilité).
Source : Éditions Grasset
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14/06/2017
Un régime riche en graisse modifie le système nerveux de récompense
Dans le journal eNeuro, des chercheurs de l'Inra, du CNRS et de l'université de Bordeaux ont mis en évidence que l'exposition, dès l'enfance, à des régimes riches en graisses modifiait, chez les rats adultes, les réactions du système nerveux gérant les circuits de récompense.
Dans le cerveau, les circuits dopaminergiques de récompense gèrent les réactions aux signaux de plaisir, et notamment la recherche du renouvellement de ce plaisir. Ces circuits impliquent des mécanismes de sensibilisation : la répétition de la récompense en induit une recherche d'autant plus intense. Ces mécanismes sont au cœur des phénomènes d'addiction pharmacologiques (à des molécules court-circuitant le système) ou alimentaires (aux aliments appétants, sucrés). Différents travaux de recherche ont déjà montré l'implication de ce système de gestion de la récompense dans la régulation et la dérégulation de la prise alimentaire et de la satiété, et donc dans les problèmes d'obésité (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog).
Ces chercheurs ont mis en évidence que l'exposition de rats à un régime riche en graisse durant l'enfance et l'adolescence provoquait une sensibilité accrue au stimulus de la récompense. Dans leurs travaux, la stimulation du système de récompense est réalisée par une injection d'amphétamines, précédée d'une première injection, stimulante ou témoin, pour évaluer la sensibilisation du système. La réponse est mesurée par l'activité physique des rats. Les animaux exposés à un régime riche en graisse se révèlent nettement plus réactifs à la deuxième stimulation, et donc beaucoup plus sensibilisés.
Stimulation sans sensibilisation préalable
Stimulation après sensibilisation préalable
Les résultats des rats soumis à un régime équilibré sont en noir, ceux des rats adultes soumis à un régime gras durant leur adolescence sont en rouge. Ceux-ci se révèlent significativement plus sensibles, plus réactifs à la sensibilisation préalable.
Source : eNeuro
Cette sensibilité du système de récompense se voit confirmée au niveau cellulaire. Ainsi, l'exposition à un régime riche en graisse induit chez le rat une vulnérabilité particulière et des modifications comportementales à long terme. Ces résultats sur un modèle animal posent la question, chez les humains, du rôle de l'alimentation, notamment durant l'adolescence, dans la vulnérabilité aux addictions. Ils plaident aussi pour une approche à long terme des régimes alimentaires.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective
Source : eNeuro
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12/05/2017
Une étude se penche sur la qualité nutritionnelle des régimes végétariens aux États-Unis
La revue Public Health Nutrition a publié récemment un article comparant la qualité nutritionnelle des régimes alimentaires avec ou sans viande. Les auteurs, appartenant à l'USDA, à un organisme de recherche gouvernemental et à des établissements d'enseignement en nutrition et en médecine, rappellent au préalable que les régimes à base de végétaux, bien menés, ont fait l'objet d'avis favorables de la part de certaines instances américaines (Académie de la nutrition et de la dietétique, dietary guidelines for americans). Cependant, comme plusieurs données de référence utilisées provenaient de l'étude Adventist Health Study, les auteurs du présent article ont estimé que le mode de vie spécifique des adventistes pouvait entraîner des biais. Cela a motivé la conduite de cette nouvelle étude.
Les auteurs se sont appuyés sur l'enquête National health and examination survey (NHANES) qui a collecté, pour la période 2007-2012, des éléments sur l'apport nutritionnel, la consommation alimentaire, les caractéristiques démographies et les comportements à risque pour la santé. L'enquête comprend des données pour 16 810 personnes, dont 280 végétariens ou flexitariens (1,7 %) et 16 530 consommateurs réguliers de viande (98,3 %).
Les chercheurs se sont basés, pour l'évaluation des régimes, sur deux indices : l'indice officiel healthy eating indice HEI-2010 et un indice alternatif, mis en place par l'université Harvard, l'alternative HEI-2010. Ces outils, qui estiment la qualité nutritionnelle de la prise alimentaire, attribuent des scores en fonction du ratio de composants alimentaires adéquats (parmi lesquels les fruits, légumes, céréales complètes, protéines totales) et de composants devant être limités (céréales raffinées, sel, calories vides telles que sucres ajoutés ou alcool). Ces composants sont notés, pour certains, sur une échelle de 0 à 5, de 0 à 10 ou de 0 à 20.
Les résultats indiquent que le groupe des végétariens-flexitariens présente globalement des scores plus favorables que celui des consommateurs omnivores. Ils montrent également, chez certains végétariens, un pourcentage trop important en « calories vides » et acides gras saturés, et une consommation trop faible de noix et légumineuses.
Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective
Source : Public Health Nutrition
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