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15/09/2020

Relocalisation des chaînes globales de valeur et propagation des risques économiques : premiers enseignements du modèle d'équilibre général METRO de l'OCDE

La pandémie de Covid-19 a été marquée par une certaine désorganisation des chaînes globales de valeur (CGV) et a relancé le débat sur l'opportunité d'une relocalisation de la production, hypothèse étudiée dans une publication récente de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Selon certains acteurs, la fragmentation des CGV serait intrinsèquement source de vulnérabilité, car elle crée des interdépendances susceptibles d'amplifier la propagation de chocs d'offre ou de demande entre les pays. Une relocalisation permettrait alors de réduire l'exposition aux risques et d'assurer une plus grande stabilité économique. Pour d'autres, en revanche, la fragmentation des CGV est, dans le cadre d'un commerce fluide, un gage de stabilité permettant la diversification géographique des sources d'approvisionnement.

Pour fournir de nouveaux éléments de réponse, les auteurs ont utilisé le modèle d'équilibre général METRO, qui intègre les interdépendances produites par les CGV. Deux régimes contrastés ont été simulés : un régime « interconnecté », correspondant à la structure actuelle des chaînes de valeur ; un régime « relocalisé », basé sur une augmentation générale de 25 % des droits de douane au niveau mondial et sur une subvention publique équivalant à 1 % du PIB pour les secteurs domestiques (hors services), dont l'agriculture et l'alimentation. Dans les deux cas, un ensemble de chocs positifs et négatifs ont été simulés, sous forme de réductions et d'augmentations de 10 % des coûts des échanges commerciaux, entre chaque région du monde subissant le choc et ses partenaires extérieurs.

Baisse de la production dans les secteurs clefs en régime relocalisé

Relocalisation1.jpg

Source : OCDE

L'étude montre qu'en l'absence de chocs, une relocalisation mondiale généralisée aurait un coût significatif par rapport au régime interconnecté, avec des baisses substantielles du PIB : -5,1 % en France, -4,2 % pour l'Union européenne en général, -10,8 % en Asie du Sud-Est, etc. Si la relocalisation conduirait, pour certains produits et pays, à une hausse de la production, ce ne serait pas le cas pour la production alimentaire, qui baisserait partout : -10 voire -20 % selon les cas (figure ci-dessus). Enfin, pour les auteurs, un régime globalement relocalisé ne réduirait pas la variabilité de la production et de la consommation résultant des chocs, car les importations qui permettraient de les absorber seraient plus coûteuses et plus volatiles (figure ci-dessous). Ces résultats des simulations varient néanmoins fortement selon les pays et les secteurs.

Ces premiers résultats sur deux scénarios très contrastés devraient donc donner lieu à des approfondissements, par exemple en considérant des relocalisations stratégiques et ciblées (secteurs, filières, produits, pays, territoires), les impacts sur l'innovation, l'environnement, le marché de l'emploi, etc.

Pour tous les secteurs stratégiques, la production est plus instable en régime relocalisé

Relocalisation2.jpg

Source : OCDE

Lecture : tous les changements de variables sont relatifs au niveau du scénario de base correspondant au régime interconnecté, lequel est égal à 1. Les points bleus indiquent la base dans le régime donné par rapport à la base interconnectée, et les moustaches montrent les écarts moyens, pour les chocs négatifs et positifs, sur le coût des échanges commerciaux.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Sources : OCDE, Blog Ecoscope

07/05/2020

Droit et relocalisation des systèmes alimentaires

L’Institut de droit rural de l’université de Poitiers a organisé, le 11 mars 2020, un colloque consacré aux défis, pour le droit, du thème de la « relocalisation » des systèmes alimentaires. Des intervenants variés y participaient et les captations vidéos des différentes séquences sont accessibles en ligne. Divers sujets ont été abordés : les collectivités territoriales comme acteurs majeurs, la « démocratie alimentaire » locale comme processus à encourager, le foncier comme support à mobiliser, les moyens d'agir sur l'entreprise agricole, sur l'économie agricole et sur les filières.

Parmi les analyses présentées figure la nécessité de repenser la gouvernance du territoire. Bien que mentionnées dans la définition législative de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, les collectivités locales ont peu de compétences en matière d'alimentation. Elles disposent toutefois de moyens juridiques leur permettant de développer leurs propres politiques : passation de marchés publics (dont restauration collective), urbanisme, foncier, développement économique. Elles doivent cependant tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’État (1930), subordonnant cette intervention à deux conditions : la légitimité du besoin à satisfaire et la carence de l’initiative privée. Le foncier constitue un support à mobiliser, notamment pour pérenniser la vocation agricole d'un terrain. Plusieurs outils existent, dont la possibilité pour les départements de créer des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels péri-urbains. La collaboration avec les SAFER est ici fondamentale.

Parmi les autres enseignements de ce colloque, on retiendra les échanges relatifs aux moyens juridiques d'action sur les filières agricoles, de la fourche à la fourchette. Bien qu'envisagées dans la loi d’avenir en 2014 et précisées par une résolution du Parlement européen (14/01/2014), les filières territorialisées sont très imparfaitement prises en considération par le droit. Dans ces conditions, une évolution juridique pourrait offrir deux voies complémentaires : d’une part une forme de « laisser agir » de ces filières, en levant les obstacles juridiques (ex. : critères locaux dans les marchés publics) ; d’autre part donner des moyens pour structurer de véritables filières locales (ex. : inclusion dans les obligations des projets territoriaux d'une clause similaire à celle, prévue par le Code rural, d'une part minimale de produits locaux dans les magasins de producteurs).

Franck Bourdy, Centre d’études et de prospective

Source : université de Poitiers

09:54 Publié dans 4. Politiques publiques, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : droit, relocalisation, systèmes alimentaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/09/2019

Terres nourricières ? La gestion du foncier agricole en France face aux demandes de relocalisation alimentaire

Les démarches de « retour au local », en matière alimentaire, sont le plus souvent étudiées sous l'angle de la consommation citoyenne, reléguant à l'arrière-plan leurs aspects fonciers et spatiaux. Elles sont aussi entourées d'un certain halo discursif, entretenant un doute sur leur réelle portée transformatrice. La thèse de géographie qu'A. Baysse-Laîné (université Lyon 2) consacre aux « mobilisations de terre », dans le cadre de projets de relocalisation alimentaire, apporte une analyse très éclairante en la matière.

Ciblant ses observations sur trois zones – le Lyonnais, l'Amiénois et le sud-est de l'Aveyron –, l'auteur repère des projets de relocalisation portés par divers acteurs : l'association Terre de Liens (6), des acteurs publics locaux (12), mais aussi des agriculteurs (118) intégrés dans une filière et réorientant tout ou partie de leur activité vers les marchés de proximité, notamment à l'occasion de la transmission de l'exploitation. Une autre dimension importante de son travail consiste à cerner la base foncière de ces circuits alimentaires.

Ses résultats mettent notamment en évidence une forme originale de « circuits courts de longue distance », sous influence urbaine et, dans le cas des mobilisations des acteurs publics, relativisent l'idée d'une moindre qualité des terres mises à disposition. Ils pointent aussi l'important décalage entre les discours sur la terre nourricière et la réalisation limitée des projets.

Le renouvellement des voies d'accès au foncier agricole se fait « à la marge » des dispositifs majoritaires d'installation. Des associations de développement rural et le syndicalisme minoritaire mettent en œuvre des « stratégies réticulaires » pour partager l'information sur la libération de terres à exploiter. De leur côté, les acteurs publics territoriaux et Terres de Lien engagent des « stratégies domaniales » d'acquisitions de terres, pour réserver celles-ci à certains types d'agriculture (production biologique, permaculture, etc.). Adoptant une approche en termes de « faisceaux de droits fonciers », l'auteur analyse les rapports de force autour des terres et envisage les effets des stratégies domaniales sur la coexistence entre différents modèles agricoles. Si les surfaces concernées sont assez réduites, ces effets d'ouverture à de nouveaux publics sont, en fait, loin d'être négligeables, les mobilisations de terre étant l'occasion d'un réajustement, plus ou moins conflictuel, des relations entre acteurs.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : HAL

14/06/2019

La relocalisation de la filière forêt-bois contribuerait à la baisse des émissions nationales et mondiales de CO2

Une équipe de l'Institute for Climate Economics (I4CE) a comparé, à la situation actuelle, quatre scénarios de relocalisation de la transformation du bois français et leurs implications en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Il s'agissait ainsi d'évaluer l'impact des échanges et des effets de substitution entre matériaux sur l'inventaire français des émissions et sur les émissions mondiales. Plus précisément, la filière forêt-bois exportant essentiellement des produits bruts et important des produits transformés, comment la modification de la balance commerciale (en quantité et qualité), par le biais d'une transformation accrue de la ressource nationale par les entreprises françaises, déplacerait-elle les émissions de GES du pays, mais également celles de nos partenaires commerciaux ?

Pour ce faire, les auteurs ont reconstitué les flux français de produits bois et de « connexes » (sous-produits du travail du bois, utilisés pour la production de panneaux ou d'énergie). Ils ont identifié l'origine et la destination du bois produit et consommé en France, et intégré les volumes provenant des échanges commerciaux, en se basant sur les statistiques nationales et internationales (FAO). Les analyses de cycle de vie ont été privilégiées, pour prendre en compte toutes les émissions de GES liées à la consommation des produits bois, notamment le transport. Elles permettent également de comparer les émissions lorsque le bois est remplacé par une alternative non-bois, dans les usages énergétiques ou comme matériau.

Récapitulatif des différents scénarios explorés (BE : bois-énergie ; BI : bois d'industrie ; BO : bois d’œuvre)

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Source : I4CE

Les quatre scénarios sont progressifs, pour mieux comprendre l'impact des déplacements des émissions liés aux modifications des échanges. Cet exercice met en évidence les émissions « évitées » liées au commerce international, en complément de l'approche nationale par les inventaires. Le transport international s'avère être un contributeur clé au bilan des émissions de GES du secteur forêt-bois. De ce fait, une relocalisation de la transformation du bois aurait un impact positif sur les émissions mondiales. La réduction proviendrait des émissions évitées sur le transport et la production d'énergie (utilisation des connexes supplémentaires produits), alors même que les scénarios restent conservateurs en ce qui concerne les usages du bois (en énergie ou matériau).

Bilan des émissions de GES pour les différents scénarios, selon les deux approches retenues

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Source : I4CE

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : I4CE

09:54 Publié dans Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : ges, filière forêt-bois, relocalisation, transport, transformation |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/06/2018

Action des villes intermédiaires sur le foncier en vue d'une relocalisation de leur approvisionnement alimentaire : un état des lieux

Pour certaines villes, les terres agricoles situées à leur périphérie pourraient constituer le levier d'une possible relocalisation d'une partie de leur système alimentaire. Dans un article publié dans la revue Géocarrefour, une équipe de géographes s'est penchée sur ce phénomène, dont ils mettent en évidence les finalités, modalités et limites. Ils se focalisent sur les villes intermédiaires, moins étudiées jusqu'ici que les grandes métropoles, en s'appuyant sur l'étude de trois intercommunalités engagées dans ce type de démarches (Amiens, Millau, Saint-Affrique) et choisies selon la méthode des cas contrastés. Le travail d'enquête a reposé sur 25 entretiens semi-directifs conduits auprès d'acteurs locaux.

Localisation des terrains d'étude

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Source : Géocarrefour

Les études de cas illustrent la diversité des objectifs poursuivis par les intercommunalités. À Amiens, l'action de la collectivité est guidée par la volonté de préserver les hortillonnages, un patrimoine qui participe à l'attractivité touristique de la ville. À Millau, il s'agit d'approvisionner la cantine municipale en produits biologiques, afin de favoriser l'accès du grand public à ce mode d'alimentation jugé plus sain. À Saint-Affrique, la démarche s'inscrit d'abord dans une optique de réinsertion sociale.

Les auteurs soulignent plusieurs caractéristiques communes à ces projets, tel l'accent mis sur le maraîchage ou l'importance du portage par les élus. Ils constatent que le foncier est mobilisé de différentes manières : tantôt la collectivité met à disposition du foncier qu'elle possède déjà, tantôt elle l'achète au préalable. Par ailleurs, l'exploitation des terres se fait selon trois modalités (bail, bail à clauses environnementales et régie publique), qui reflètent des niveaux d'implication variables des collectivités. Enfin, plusieurs freins à ces démarches sont identifiés : obstacles juridiques et financiers, difficultés à légitimer une approche territoriale de l'alimentation par rapport à l'approche sectorielle qui prévaut au sein des organisations agricoles majoritaires, etc.

Pour conclure, les auteurs indiquent que si les actions étudiées sont le reflet d'une dynamique « locavore » impulsée par certaines villes intermédiaires, elles ne sont qu'un premier pas au regard de l'ambition globale de relocalisation alimentaire. La question se pose alors de savoir s'il est possible d'aller au-delà de la production maraîchère aujourd'hui centrale dans ces démarches.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Géocarrefour