10/02/2020
Diminuer la consommation de viandes ne réduirait pas les empreintes carbone des foyers japonais
Un article publié dans la revue One Earth, en décembre 2019, présente les facteurs expliquant les écarts d'empreintes carbone des régimes alimentaires au Japon, à l'échelle des préfectures. Un focus particulier est mis sur l'impact de la consommation de viandes.
60 000 foyers de 47 préfectures ont déclaré leurs dépenses pour 320 types de produits pendant 3 mois. Les produits ont été agrégés en 80 ensembles, dont les émissions de CO2 sont connues à chaque étape de production (du champ à l'assiette, y compris pour les produits importés). Chaque foyer se voit ainsi attribuer une empreinte carbone, associée à son régime alimentaire, sachant que les données disponibles ne permettaient pas d'étudier le CH4 et le N2O à l'échelle souhaitée.
Les foyers les plus émetteurs (dernier quartile) ont une empreinte carbone moyenne 1,9 fois plus élevée que celle des foyers du premier quartile. L'âge et le sexe ne sont pas des facteurs explicatifs de cet écart, et les revenus, économies et localisation géographique des ménages l'expliquent faiblement. Par ailleurs, 30 % des émissions sont liés au lait et à la viande, mais leur consommation est relativement homogène entre les foyers et ne contribue donc pas aux différences d'empreinte carbone. Les écarts sont plutôt imputés à la part du poisson dans les régimes, qui représente en moyenne 15 % des émissions et varie du simple au double dans la population étudiée. D'autres catégories alimentaires sont également en cause, les foyers ayant les émissions les plus élevées consommant 3,3 fois plus d'alcool, 2 fois plus de confiseries, de légumes et allant deux fois plus souvent au restaurant.
Plusieurs pistes d'action sont proposées pour diminuer les émissions dues aux choix des Japonais : favoriser la consommation d'espèces de poissons aux empreintes carbone moins élevées, communiquer sur les impacts environnementaux de la consommation de confiseries et d'alcool, introduire des taxes sur certains produits alimentaires (en particulier hauts de gamme), etc. Pour les auteurs, le régime moyen japonais correspond aux préconisations nutritionnelles que l'on peut trouver dans d'autres pays, et ces résultats pourraient donc les aider à se réorienter vers une alimentation plus durable.
Écart entre les empreintes carbone moyennes du premier et du dernier quartiles selon le poste de consommation alimentaire des ménages étudiés
Source : One Earth
Aurore Payen, Centre d'études et de prospective
Source : One Earth
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07/02/2020
Caractérisation multidimensionnelle de l'approvisionnement alimentaire mondial de 1961 à 2013
Dans un article de Nature food, des chercheurs ont développé, à partir des données de la FAO, un outil pour caractériser les systèmes alimentaires nationaux de 127 pays et suivre leur évolution entre 1961 et 2013. Ils ont chiffré la disponibilité de 18 groupes d'aliments par des scores numériques et ont observé que quatre combinaisons expliquent près de 90 % de la variance entre pays en matière d'approvisionnement alimentaire : les aliments d’origine animale et le sucre ; les légumes ; les fruits de mer et les oléagineux ; les racines tubercules et fruits amylacés.
Score moyen d'approvisionnement alimentaire par pays pour la période 2009-2013
Source : Nature
Lecture : les données ne sont pas disponibles pour les pays indiqués en gris. Les scores sont présentés sur une échelle de 0 à 100.
Un score élevé en aliments d'origine animale et en sucre est caractéristique de la population occidentale aisée. Mais c'est en Chine, Europe du Sud et de l'Est, Asie de l'Est et dans une partie de l'Asie centrale que ce score a le plus augmenté en 50 ans. À l’inverse, l'Australie, l’Amérique du Nord, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont connu les plus fortes baisses.
Le score des légumes est le plus élevé sur la « route de la soie », de la Chine et de la Corée du Sud au Liban et à la Grèce, en passant par l'Iran. En un demi-siècle, on enregistre les plus fortes croissances en Asie de l'Est et dans certains pays du Moyen-Orient. Le score des fruits de mer et des cultures oléagineuses est important en Corée du Sud et au Japon, ainsi que dans plusieurs îles des océans Pacifique, Indien et Atlantique. Il a surtout augmenté en Corée du Sud et en Chine. Enfin, c’est en Afrique subsaharienne que le score des racines et fruits amylacés est le plus élevé ; contrairement aux autres combinaisons, il a peu varié au fil du temps.
Évolution, de 1961-1965 à 2009-2013, du score moyen d'approvisionnement alimentaire par pays
Source : Nature
Lecture : les données ne sont pas disponibles pour les pays indiqués en gris. Les variations des scores sont comprises entre -30 et 80.
En conclusion, les auteurs soulignent les changements limités de l'approvisionnement alimentaire en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, les variations importantes en Asie de l'Est et du Sud-Est. À l’échelle mondiale, ils soulignent la relative convergence pour les aliments d’origine animale et le sucre, ainsi qu’une divergence entre les légumes, les fruits de mer et les cultures oléagineuses.
José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective
Source : Nature
09:14 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : approvisionnement | Imprimer | |
Boissons sans alcool et sucre au Royaume-Uni : évolutions entre 2015 et 2018
Publié en janvier 2020 par BMC Medicine, un article traite des effets des incitations à réduire la consommation de sucre via les sodas et autres boissons rafraîchissantes sans alcool au Royaume-Uni, entre 2015 et 2018. Alors que les apports en sucres ajoutés dans le pays excèdent les recommandations nutritionnelles, ces boissons en sont une source importante, à hauteur de 21 % pour les adultes et de 33 % pour les enfants. Les pouvoirs publics britanniques ont engagé différentes actions afin d'inciter les consommateurs à modifier leurs pratiques (initiative Change4Life) et les industriels à réduire la teneur en sucre ajouté de leurs produits. Annoncée en mars 2016, une taxe sur les sodas est entrée en vigueur en avril 2018. Elle comporte trois niveaux selon la concentration en sucres ajoutés : i) 24 pence/l pour une teneur supérieure à 8 g/100 ml, ii) 18 pence/l pour une teneur comprise entre 5 et 8 g/100 ml, iii) pas de prélèvement en-dessous.
Les auteurs ont associé des données sur la composition nutritionnelle des boissons (recueillies sur les sites Internet de trois distributeurs) et sur les volumes de ventes (supermarchés, distributeurs automatiques, etc.). Huit types de boissons ont été étudiés, incluant, à titre de comparaison, les eaux minérales et les jus de fruits « purs ». Sur la période 2015-2018, la consommation par personne a augmenté de 5 %, passant de 351 à 367 ml journaliers. Si les volumes globaux des ventes de boissons soumises à taxation se sont réduits de 50 %, ceux de la troisième catégorie ont crû de 40 %. Par ailleurs, le volume total de sucre vendu a diminué de 29 % (soit - 4,6 g/pers/j). La teneur moyenne des boissons étudiées a également baissé de 1,5 g/100 ml, soit 2,9 g en 2018 ; cette tendance est la plus marquée pour les boissons énergétiques. Enfin, six des dix entreprises analysées ont reformulé plus de la moitié de leurs produits entrant dans le champ de la taxe.
Malgré plusieurs limites (ex. : pas de prise en compte des fluctuations saisonnières, ni des caractéristiques socio-économiques des consommateurs), les auteurs soulignent l'intérêt de leur méthode pour une analyse similaire d'autres catégories de produits alimentaires. En particulier, par rapport aux enquêtes nutritionnelles, les données de vente ont l'avantage de ne pas reposer sur les déclarations des mangeurs et d'apporter des détails sur les marques. Enfin, selon eux, ces bons résultats pourraient inviter à élargir le champ de la taxe et à baisser les seuils.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : BMC Medicine
09:11 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : royaume-uni, taxe, sodas, sucre | Imprimer | |
04/02/2020
Une analyse des discours scientifiques sur la question alimentaire mondiale depuis 50 ans
Comment nourrir une population mondiale croissante ? Cette question a fait l'objet de nombreuses publications au cours des cinquante dernières années. Afin de voir les évolutions des discours scientifiques sur le sujet, des chercheurs suédois ont analysé un corpus de 12 640 publications. Au moyen d'un algorithme de regroupement, ces publications ont été classées en trois catégories, en fonction de l'angle sous lequel elles abordent cette question : la production alimentaire globale ; la demande par habitant ; la croissance de la population.
Les chercheurs montrent que l'augmentation de la production est l'angle privilégié par un nombre important et croissant d'analyses, alors que la réduction de la demande alimentaire par habitant n'a toujours suscité qu'une attention limitée. Par ailleurs, alors que nombre de publications abordaient cette question sous l'angle de la population il y a 50 ans, cette perspective est aujourd'hui marginale. Enfin, les auteurs constatent que très peu de publications combinent ces trois angles d'approche.
Répartition des publications au cours du temps selon les trois catégories
Source : Global Food Security
Lecture : les courbes jaune (resp. bleue, violette) montrent les proportions de publications mobilisant des approches par la production alimentaire (resp. par la demande par habitant, par la population).
Source : Global Food Security
08:48 Publié dans Alimentation et consommation, Enseignement et recherche, Mondialisation et international, Production et marchés, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : sécurité alimentaire, production alimentaire, demande alimentaire, population | Imprimer | |
20/01/2020
Rapport d'information parlementaire sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique
Fin 2019 ont été rendus, à l'Assemblée nationale, les travaux d'une mission d’information sur les conséquences sanitaires et environnementales des perturbateurs endocriniens (PE) présents dans les contenants en matière plastique alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques. S'appuyant en particulier sur 70 auditions, le rapport présente 48 recommandations.
Il constate d’abord que l’exposition aux perturbateurs endocriniens est à la fois fréquente et insidieuse. De nombreux éléments en contiennent et les produits de dégradation (chaleur, vieillissement) de matériaux inertes peuvent relever de la catégorie des PE (ex. : ré-utilisation de bouteilles d’eau en plastique à usage unique). En outre, leurs effets ne sont pas dose-dépendants (action pouvant être plus néfaste à faible qu’à forte dose) et les interactions entre molécules (effets cocktails) sont insuffisamment connues. L’enjeu majeur de santé publique lié à la perturbation endocrinienne est souligné, avec des conséquences sanitaires variées, avérées (reproduction) ou soupçonnées (cancers hormono-dépendants, obésité, etc.). Les femmes enceintes ou allaitantes, les nourrissons, enfants et adolescents sont les plus sensibles. Plus largement, l’environnement (pollution de l’eau et des sols) et la faune sauvage (aquatique et terrestre) sont également concernés.
Principales conséquences sur la santé humaine des perturbateurs endocriniens
Source : Assemblée nationale
Si la France a été à la pointe de la réglementation dans ce domaine, en particulier sur le bisphénol A, le niveau européen apparaît stratégique pour les députés : encadrement réglementaire (ex. : REACH) à adapter et homogénéiser ; trois types de substances à distinguer et mentionner (perturbateurs « avérés », « présumés » et « suspectés »), au lieu de la seule interdiction des substances avérées ; effort de recherche à renforcer et coordonner ; diffusion large des connaissances à assurer. D'autres défis sont également identifiés, tels que l'application par tous les acteurs du principe de précaution, la problématique du remplacement des PE par d'autres substances dont la toxicité est mal documentée, ou encore l'information de la population. Au niveau national, si le démarrage de la deuxième stratégie nationale en 2019 est salué, tout en regrettant ses limites, des attentes fortes sont placées dans l’application de la loi Égalim sur le retrait des plastiques alimentaires, en particulier en milieu scolaire. Enfin, les bonnes pratiques relevées au niveau local (Strasbourg, région Nouvelle-Aquitaine, etc.) sont soulignées.
Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective
Source : Assemblée nationale
16:14 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : assemblée nationale, perturbateurs endocriniens, plastique | Imprimer | |
16/01/2020
Sociologie de l'alimentation, Philippe Cardon, Thomas Depecker, Marie Plessz
Les éditions Armand Colin sont réputées pour la qualité de leurs manuels universitaires. Celui-ci, consacré à l'analyse sociologique du fait alimentaire, ne ternira pas cette image. Clairement rédigé, très documenté, associant constamment l'évolution des réalités et celle des concepts théoriques, il brosse un panorama complet des grands enjeux actuels.
L'alimentation vue par le sociologue, ce sont d'abord des processus de socialisation, des types de consommation conditionnés par des styles de vie ou des budgets, des normes qui régulent les besoins, l'expression inégalitaire et genrée de goûts et de dégoûts. Ce sont aussi des tâches ménagères et du travail domestique, des rapports à la tradition et à la nouveauté, des cuisines régionales ou familiales, l'expression d'habitus et de frontières qui distinguent les générations, les groupes sociaux ou les nations. Ce sont enfin des motivations et attitudes de consommateurs de plus en plus informés, critiques et méfiants, libres mais moutonniers.
L'alimentation du sociologue, c'est aussi l'insertion du mangeur dans un vaste système culturel fait de valeurs, de croyances religieuses, de manières de tables, de rites et de signes identitaires à décoder. L'héritage historique, ou les traditions inventées, sont une richesse patrimoniale en même temps qu'un espace symbolique assurant des revenus économiques et des fréquentations touristiques. Loin de gommer les différences et de conduire à l'occidentalisation des assiettes, la mondialisation a multiplié les transferts interculturels et les échanges de recettes.
La sociologie s'intéresse aussi aux politiques nutritionnelles des États, aux stratégies des entreprises agroalimentaires, aux actions des associations et ONG, aux prises de position des chercheurs et médecins. Ces différentes catégories d'acteurs sont en constante interaction, qu'il s'agisse de normer des produits, d'encadrer les marchés, de réguler les innovations techniques, de garantir la santé des populations ou de prévenir des risques.
L'ouvrage n'oublie pas de retracer l'histoire des nombreux mouvements de réforme et de responsabilisation de la consommation alimentaire, depuis l'ancienne éducation à l'économie ménagère des familles pauvres, jusqu'aux plus récentes injonctions nutritionnelles et sanitaires, en passant par les constantes critiques de l'industrialisation et la promotion de modèles alternatifs : végétarisme, végétalisme, véganisme, flexitarisme, instinctothérapie, lutte contre le gaspillage, recyclage, circuits courts, durabilité et retour à la nature, etc.
Cette lecture s'impose à tous ceux qui veulent comprendre les mutations des systèmes et conduites alimentaires, tant en France que sous d'autres latitudes ou dans d'autres ères culturelles. Ils constateront que la sociologie de l'alimentation, riche de ses méthodes et de ses résultats, est aussi une excellente introduction à la sociologie générale des sociétés contemporaines.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Armand Colin
15:23 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : sociologie, alimentation, cardon, depecker, plessz | Imprimer | |
13/12/2019
Évolution de l'utilisation des additifs alimentaires dans les produits transformés entre 2008 et 2016
L’Observatoire de l’alimentation (Oqali) a publié, fin novembre 2019, un rapport sur l'évolution, entre 2008 et 2016, de la présence d'additifs dans plus de 30 000 produits alimentaires transformés présents sur le marché français. S'appuyant sur les informations présentes sur les emballages et considérant une vingtaine de catégories (hors confiseries notamment), cet état des lieux met en évidence une diminution globale. De plus, si environ 400 additifs sont autorisés, 285 ont été identifiés et la majorité est faiblement utilisée : 53 % des produits testés contiennent moins de trois additifs et 22 % aucun.
Répartition des produits selon le nombre d'additifs différents retrouvés dans leurs listes d'ingrédients, tous secteurs confondus et au sein des 30 125 références étudiées
Source : Oqali
Parmi les additifs les plus courants figurent l’acide citrique (23 % des produits), les amidons modifiés (22 %), les lécithines (17 %), les glycérides. D'autres voient leur usage augmenter : caroténoïdes et anthocyanes, pectine, carbonate de sodium, édulcorants steviol et sucralose (aujourd'hui plus utilisés que l'aspartame et la saccharine).
Pour ce qui est des segments de marché, l'analyse révèle aussi que les produits sous marques nationales sont, en proportion, plus nombreux à ne pas contenir d'additifs : ils sont 27 % contre 21 % pour les produits sous marques de distributeurs, 20 % pour les entrées de gamme de la grande distribution et 19 % pour celles du hard discount. Par ailleurs, les produits comportant le plus d'additifs sont les viennoiseries et desserts surgelés, les produits traiteurs frais et les glaces et sorbets.
Selon les auteurs, cette tendance à la baisse d'utilisation par les industriels s'explique notamment par leur réaction à l'augmentation de la vigilance des consommateurs sur la composition des produits (applications smartphone, Nutriscore, etc.), et leur méfiance envers les produits trop transformés, soupçonnés d'effets néfastes sur la santé (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Enfin, ils évoquent plusieurs pistes pour l'utilisation de ces résultats et la poursuite des travaux : mieux caractériser l'exposition aux additifs, s'intéresser à d'autres catégories de produits et au secteur de la confiserie (denrées consommées principalement par des enfants et contenant en particulier des colorants), suivre les alternatives mises en œuvre par les industriels (nouveaux traitements technologiques, diminution de la durée de conservation, remplacement par d'autres substances).
Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective
Source : Anses
15:33 Publié dans Alimentation et consommation, IAA | Lien permanent | Tags : oqali, qualité nutritionnelle, additifs, produits transformés | Imprimer | |
12/12/2019
Comment améliorer la qualité nutritionnelle des aliments
Le récent volume 78 d'Innovations agronomiques, revue éditée par l'Inra, propose dix articles issus du colloque « Améliorer la qualité nutritionnelle des aliments », organisé début novembre 2019. Le premier présente les observations générales effectuées dans le cadre de l'Observatoire de la qualité de l'alimentation (Oqali) : si des démarches d'amélioration des produits sont bien engagées, elles restent trop limitées pour avoir des effets importants sur les apports nutritionnels des consommateurs. Les évolutions les plus nettes sont constatées pour la réduction des teneurs en sel.
Les articles suivants abordent les aspects sensoriels, souvent présentés comme limitant l'acceptabilité, par les mangeurs, des reformulations nutritionnelles. Parmi les pistes ouvertes, figurent par exemple des alternatives à l'addition de substituts ou d'exhausteurs pour la réduction du sel et du sucre dans des produits de la catégorie « boulangerie pâtisserie viennoiserie » : répartition hétérogène du sel dans les pizzas ; production par voie enzymatique de sucres (à partir d'amidon) dans une pâte feuilletée permettant ensuite de limiter leur teneur dans le fourrage aux fruits associé.
D'autres contributions s'intéressent aux leviers existants du côté des procédés de transformation : enrichissement des produits céréaliers en fibres, limitation des matières grasses dans les denrées frites, réduction de l'imprégnation en sel des charcuteries sèches, etc. Ainsi, dans le cas de jambons, les effets biochimiques, texturaux, structuraux et microbiologiques induits ont pu être quantifiés grâce à la simulation du procédé de transformation.
Enfin, sont également présentées des approches à l'échelle des filières, par exemple avec l'association céréales-légumineuses (blé-pois), connue pour ses avantages agronomiques et nutritionnels, depuis le champ jusqu'à la production de gâteaux moelleux. Les auteurs soulignent les questions posées par la variabilité des matières premières et la modification des procédés de transformation, ainsi que les opportunités de l'« ingénierie reverse ». Ils identifient plusieurs pistes d'améliorations : limiter le différentiel de dureté entre graines de blé tendre et de légumineuses, privilégier les conditions maximisant la proportion de pois, envisager un nouveau système de rémunération, de valorisation et de stockage.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Innovations agronomiques
15:30 Publié dans Alimentation et consommation, IAA | Lien permanent | Tags : qualité nutritionnelle, aliments, procédés, transformation | Imprimer | |
Optimisation de soi et alimentation
Ethnologie française consacre son dernier numéro aux différentes formes que peut prendre l'appropriation, par les individus, de l'injonction moderne à l'« optimisation de soi ». Une partie du dossier aborde, plus ou moins directement, les comportements alimentaires. Ainsi, E. Dagiral (CNRS) traite de la place des technologies de quantification du soi, à partir d'interviews de cadres early adopters de dispositifs de self-tracking (applications et montres connectées). Quel que soit le type de mesure au départ (souvent celle de la performance sportive), les dispositifs d'enregistrement poussent les personnes, « de proche en proche », à un auto-façonnage plus systématique : c'est alors moins l'amélioration isolée d'un aspect précis – activité physique, sommeil, etc. – qui est recherchée, qu'un « équilibre général » où alimentation et nutrition trouvent leur place.
On retrouve cette dimension exploratoire et bourgeonnante dans les articles où l'alimentation est au point de départ de l'effort de perfectionnement. N. Diasio et V. Fidolini (université de Strasbourg) examinent comment des hommes de 40-60 ans font face au vieillissement de leur corps, recalibrent leurs régimes et questionnent les modèles de masculinité dominants, structurés autour de la viande. V. Wolff (CNRS), elle, a enquêté sur les parcours de personnes qui, à force de maux de ventre, se découvrent une « sensibilité alimentaire » et s'engagent dans un régime sans gluten. Elles interprètent leur inconfort comme un « message » adressé par leur corps et lui donnent sens par référence à la critique de plus en plus répandue de « l'alimentation industrielle ». Elles vont ainsi jusqu'à remettre en cause la norme dominante et toutes les dimensions de leur existence : passion nouvelle pour la cuisine, réorientations professionnelles, etc.
Enfin, S. Mouret (Inra) s'intéresse aux pratiques de complémentation en vitamine B12 dans le régime végane. Selon lui, un corps maladif étant une mauvaise publicité pour le mouvement, ceux qui ne pratiquent pas correctement la complémentation sont vus comme « fautifs » et encourent la réprobation. Mais certains, au nom de la naturalité, refusent tout de même cet artifice, ce dernier se rapprochant, pour l'auteur, de la philosophie transhumaniste.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Source : Ethnologie française
15:28 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : optimisation, self-tracking, viande, vegan, gluten | Imprimer | |
11/12/2019
La France gastronome. Comment le restaurant est entré dans notre histoire, Antoine de Baecque
En 1765, Mathurin Roze de Chantoiseau sert une volaille au gros sel sur un guéridon de marbre dans une boulangerie de la rue des Poulies. Premier des « restaurateurs », il brave ainsi les interdits de l'Ancien Régime empêchant tout particulier, traiteur ou tavernier de nourrir ses semblables dans un lieu fermé pourvu de tables individuelles. Ce nouveau type d'établissements se diffuse ensuite rapidement, une clientèle de plus en plus large appréciant les plats variés, à prix fixes, choisis dans un menu. Avec la Révolution, les nombreux cuisiniers des princes émigrés s'établissent à leur compte et accélèrent le passage de la gastronomie aristocratique codifiée à la cuisine bourgeoise plus inventive.
De l'Empire jusqu'au début des années 1820, le Palais-Royal est l'épicentre de cette restauration française, et même mondiale : associant le régal du ventre aux plaisirs du jeu et de la chair, c'est là que se décident l'horaire du dîner, l'ordre des plats, leurs présentations, les manières de nommer et tarifer. Un trio célèbre marque cette époque : Carême, inventeur de la toque et premier cuisinier vedette de l'histoire ; Grimod de La Reynière, précurseur de la critique gastronomique ; Brillat-Savarin, philosophe hédoniste et théoricien du sensible.
Rien qu'à Paris, on compte trois cents « restaurants » en 1804, un millier en 1825, deux mille en 1834. En 1835, le mot entre dans le Dictionnaire de l'Académie française. Durant les années 1820-1840, les établissements les plus fameux migrent sur le « Boulevard parisien », entre la Bastille et la Madeleine. Caché des regards extérieurs, dans un entre-soi élitiste et mondain, le luxe de la table restauratrice devient un spectacle partagé, créateur de connivences et de distinctions sociales, le tout ponctué de notes exorbitantes.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les restaurants se diffusent dans tout le pays et dans tous les quartiers des villes, de façon variable selon leurs statuts et leurs clientèles : restaurants « à la carte » réservés aux fortunés, « à prix fixe » pour les bourses moyennes, « bouillons » pour les moins argentés. Les « brasseries », quant à elles, se développent surtout après 1870 et la perte de l'Alsace-Lorraine, faisant revivre les provinces perdues à travers leurs spécialités culinaires... arrosées de flots de bière. Et alors apparaît Escoffier, créateur de la pêche Melba, ancien responsable des cuisines de l'armée du Rhin, qui impose une division du travail inspirée du fonctionnement militaire, avec ses « chefs », « brigades », « fusils » et « coups de feu ». Plus tard, associé à César Ritz, il introduit le restaurant dans les palaces, permettant aux élites internationales de venir – dans le confort et la discrétion – festoyer à la française.
À la fin du XIXe siècle, à Paris, sur près d'un million d'habitants, cent mille dînent quotidiennement au restaurant. Plus généralement, 130 ans seulement après le coup d'éclat de Roze de Chantoiseau, la France dispose d'une large gamme d'établissements, en tous lieux, de tous décors, pour toutes cuisines, où l'on rassasie les panses en faisant la conversation, et synonymes de « francité » dans le monde entier.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Payot
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10/12/2019
Commerce de proximité en centres-villes
Un Insee Première publié en novembre 2019 fait un point sur l'évolution du commerce de proximité en centres-villes, pour les 368 villes de taille intermédiaire (VTI) françaises. Parmi les principales activités, on compte la restauration et les débits de boissons, ainsi que les commerces alimentaires, ces derniers employant 18 % des salariés (contre 30 % à l'échelle des agglomérations). Entre 2009 et 2015, la dynamique commerciale de ces centres-villes diminue, avec une baisse des effectifs salariés du commerce de proximité dans 8 VTI sur 10, et ce dans un contexte de fort renouvellement des établissements. De plus, les VTI connaissent des dynamiques différentes, avec un écart particulièrement marqué entre agglomération et centre-ville dans les régions Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne. Enfin, les auteurs identifient trois profils de villes intermédiaires : les premières profitent d'évolutions démographiques et socio-économiques favorables (centres-villes plus petits, structurés autour des commerces alimentaires), les deuxièmes s'appuient fortement sur le tourisme, les troisièmes connaissent des situations plus difficiles et sont souvent en déprise démographique.
Répartition des salariés du commerce par secteur en centre-ville et dans l'agglomération
Source : Insee
Source : Insee
10:08 Publié dans Alimentation et consommation, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : commerce, centres-villes | Imprimer | |
État de l'environnement et part de la France dans l'atteinte des limites planétaires
L'édition 2019 du rapport du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) sur l'état de l'environnement en France inclut, pour la première fois, une analyse de l'impact global de la France sur les ressources planétaires. La méthode repose sur les « limites planétaires » (planet boundaries), qui définissent un espace de développement sûr et juste pour l’humanité, fondé sur neuf processus naturels régulant la stabilité de la planète : climat, biodiversité, cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, utilisation des sols, acidification des océans, eau, ozone stratosphérique, aérosols atmosphériques, nouvelles entités introduites dans la biosphère (substances chimiques, formes de vie modifiées, etc.). Le rapport conclut que la France contribue au dépassement d'au moins six de ces neuf limites à l'échelle globale (voir figure ci-dessous). De plus, les activités et pratiques agricoles ont différents impacts sur ces six limites, par exemple avec l'utilisation d'engrais de synthèse et de produits phytosanitaires. Enfin, les auteurs discutent des interactions entre besoins humains et respect de l'environnement : selon eux, malgré d'importantes inégalités sociales et territoriales, les besoins essentiels sont largement satisfaits, ce qui induit de fortes pressions sur l'environnement à l'échelle nationale comme à l'étranger. L'alimentation représente, à elle seule, entre 17 % et 24 % de l'empreinte carbone du pays.
Situations mondiale et française vis-à-vis de l'atteinte des neuf limites planétaires
Source : MTES
Lecture : les limites colorées en rouge sont dépassées. Les limites colorées en rose sont presque atteintes ou préoccupantes. Les limites colorées en vert sont bien maîtrisées. Les informations disponibles sont insuffisantes pour conclure dans le cas des limites représentées en blanc.
Source : MTES
09:55 Publié dans Agronomie, Alimentation et consommation, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : état de l'environnement, planet boundaries | Imprimer | |
09/12/2019
Le potentiel de la consommation d'insectes pour réduire la pression mondiale sur l'utilisation des terres
Un article récemment publié dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems fournit des simulations quantifiant les impacts potentiels de la consommation d'insectes sur l'utilisation des terres dans le monde. Selon les auteurs, les apports nutritionnels issus des insectes auraient, dans ce contexte, la capacité de réduire les émissions de gaz à effet de serre issus de l'élevage, et aussi la concurrence sur l'utilisation des terres. Les auteurs se basent sur les différents scénarios du GIEC et utilisent des formules d'équivalence nutritionnelle (macronutriments) entre insectes et types de viandes issues des bases de données FAO BioComp4 et USDA (données nutritionnelles). Les résultats montrent que si l'utilisation des insectes contribue à réduire l'utilisation totale des terres, celui-ci a cependant un effet limité, suggérant la nécessité de politiques complémentaires en la matière.
09:46 Publié dans Alimentation et consommation, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : insectes, terres, ges, élevage | Imprimer | |
Consommations par habitant en France et en Europe
L'Insee a publié, en novembre 2019, une comparaison des consommations effectives par habitant en Europe. Il apparaît notamment que la France occupe la 10e place, avec des consommations supérieures de 7 % à la moyenne. Celles en produits alimentaires et boissons dépassent de 4 % la moyenne, avec un écart particulièrement marqué pour les catégories « lait, fromage et œufs » (+ 17 %) et « pain et céréales » (+ 8 %). Il en est de même pour les boissons alcoolisées (+ 31 %), la différence s'expliquant en particulier par la gamme des produits achetés. En revanche, la consommation dans l'ensemble « hôtellerie, cafés et restaurants » est inférieure de 20 %. Par ailleurs, les prix français sont plus élevés que la moyenne européenne, en particulier pour les produits alimentaires et les boissons (+ 15 %, et environ + 30 % pour les catégories « fruits, légumes et pommes de terre » et « viande »), alors que ceux des boissons alcoolisées sont inférieurs de 6 %, mais avec de fortes variations selon les types de boissons. Enfin, les auteurs soulignent une dynamique de convergence, entre États membres, des niveaux de consommation et de prix (sauf entre 2009 et 2015 pour ces derniers).
Source : Insee
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Histoire de la consommation de viande : dossier de la revue L'Histoire
La revue L'Histoire consacre le dossier de son numéro de décembre 2019 à « Manger de la viande : des interdits, des coutumes et des goûts ». Huit articles nous transportent de la révolution néolithique à « l'offensive végane » : nous en retiendrons deux ici. Dans sa contribution sur le Moyen-Âge, Bruno Laurioux explicite la notion de « jeûne » : il montre que celui-ci n'interdit pas toutes les viandes, la liste des interdictions variant au gré des interprétations. Par exemple, la viande des animaux aquatiques, comportant les poissons, mais aussi les oiseaux d'eau et la queue de castor, était autorisée car « dans l'eau ». Intéressant aussi est le cas de la viande hachée et des saucisses, considérées alors comme hors de l'alimentation carnée, et que l'on peut rapprocher de la forte consommation actuelle de viande hachée, dans un contexte de baisse de la viande dans les régimes alimentaires. Emmanuelle Cronier rappelle ainsi que la France a découvert l'industrie de la viande frigorifiée ou en conserve, provenant en particulier de l'industrie de Chicago, lors de l'arrivée des troupes américaines à la fin de la Première Guerre mondiale.
Source : L'Histoire
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