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13/02/2020

Combien peut-on nourrir d'êtres humains en respectant les limites planétaires ?

C'est la question que se sont posée des chercheurs européens dans un article de Nature Sustainability publié en janvier. Pour y répondre, ils ont modélisé la biosphère terrestre en intégrant les systèmes agricoles. Ils ont ainsi pu quantifier la part de la production alimentaire mondiale actuelle (mesurée en kilocalories) qui repose sur le dépassement global et local (grandes régions écologiques) de quatre des 9 « limites planétaires » (planet boundaries) identifiées dans la littérature (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) : biodiversité, utilisation des sols, gestion de l'eau et cycle de l'azote. Ils ont également étudié les possibilités permises par des systèmes alimentaires plus durables.

Les auteurs montrent que les systèmes agricoles actuels, s'ils respectaient les limites planétaires étudiées, ne pourraient fournir que 2,95x1015 kcal, contre 5,74x1015 kcal actuellement : cela ne permettrait de nourrir que 3,4 milliards d'êtres humains. 48,6 % de la production globale actuelle reposeraient donc sur le dépassement de ces limites.

Les auteurs mettent également en évidence des différences marquées selon les zones géographiques (figure ci-dessous). Plus de 70 % de la production locale de certaines régions d'agriculture intensive d'Asie centrale et du Sud-Ouest, d'Europe et d'Amérique reposent sur le dépassement de ces limites. Les États-Unis et l'Europe connaissent ainsi des usages excessifs d'intrants azotés ; les pays tropicaux sont plus concernés par le changement d'usage des terres et la perte de biodiversité, et les régions subtropicales par la disponibilité en eau. Par ailleurs, dans certains pays (Inde, Iran, Pérou, etc.), la production alimentaire repose sur le dépassement de 3 des 4 limites étudiées.

Statut actuel pour chacune des 4 limites planétaires analysées (a - biodiversité, b - utilisation des sols, c - gestion de l'eau, d - cycle de l'azote)

Limites1.jpg

Source : Nature Sustainability

Les auteurs ont aussi analysé les gains de production que permettraient des systèmes alimentaires plus durables, respectueux des limites étudiées. Ils proposent notamment une ré-allocation des terres, une gestion optimisée de l'eau et des nutriments, la réduction des pertes alimentaires et une baisse de la consommation de protéines animales. Ils montrent que la transition vers ces systèmes durables augmenterait globalement le nombre de kilocalories produites de 53 % par rapport au niveau actuel, tout en respectant les limites planétaires considérées. Cela permettrait de nourrir durablement 10,2 milliards d'humains. Cependant, certaines régions (Moyen-Orient, bassin de l'Indus, Indonésie et une partie de l'Europe) feraient face à des baisses de production et ne seraient pas autosuffisantes.

Effet du changement de système sur la production de kilocalories : (a) système agricole actuel soumis au respect des limites planétaires, (b) transition vers un système alimentaire plus durable

Limites2.jpg

Source : Nature Sustainability

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Sustainability

04/02/2020

Une analyse des discours scientifiques sur la question alimentaire mondiale depuis 50 ans

Comment nourrir une population mondiale croissante ? Cette question a fait l'objet de nombreuses publications au cours des cinquante dernières années. Afin de voir les évolutions des discours scientifiques sur le sujet, des chercheurs suédois ont analysé un corpus de 12 640 publications. Au moyen d'un algorithme de regroupement, ces publications ont été classées en trois catégories, en fonction de l'angle sous lequel elles abordent cette question : la production alimentaire globale ; la demande par habitant ; la croissance de la population.

Les chercheurs montrent que l'augmentation de la production est l'angle privilégié par un nombre important et croissant d'analyses, alors que la réduction de la demande alimentaire par habitant n'a toujours suscité qu'une attention limitée. Par ailleurs, alors que nombre de publications abordaient cette question sous l'angle de la population il y a 50 ans, cette perspective est aujourd'hui marginale. Enfin, les auteurs constatent que très peu de publications combinent ces trois angles d'approche.

Répartition des publications au cours du temps selon les trois catégories

Nourrir-monde.jpg

Source : Global Food Security

Lecture : les courbes jaune (resp. bleue, violette) montrent les proportions de publications mobilisant des approches par la production alimentaire (resp. par la demande par habitant, par la population).

Source : Global Food Security