12/07/2022
Politique agricole commune : une analyse des plans stratégiques nationaux
La prochaine programmation (2023-2027) de la Politique agricole commune (PAC) se caractérise par une plus grande subsidiarité et davantage de latitude laissée aux États membres, dans la mise en œuvre des orientations européennes. Dans ce contexte, l'Institut Thünen d'études rurales a publié un document comparant les différents Plans stratégiques nationaux (PSN), qui décrivent la façon dont chaque pays entend décliner la PAC sur son territoire. L'analyse porte surtout sur la répartition de l'enveloppe financière selon les priorités.
Les auteurs constatent d'abord une grande hétérogénéité concernant l'éco-conditionnalité, non seulement parce que les règlements européens permettent aux États de choisir entre différentes options, mais aussi parce que de nombreuses dérogations sont prévues dans les PSN. L'analyse de la répartition des fonds du 1er pilier (soutiens directs) montre qu'en moyenne les pays consacrent 64 % de l'enveloppe aux paiements découplés, 24 % à l'éco-régime et 12 % aux paiements couplés. Ces chiffres confirment la tendance au recouplage partiel des aides de la PAC, amorcée lors de la précédente programmation. Cependant, une grande variabilité s'observe : alors que Malte dédie 35 % de ses fonds du premier pilier aux paiements couplés, les Pays-Bas ont fait le choix de ne pas y recourir. La part consacrée aux éco-régimes varie peu d'un État à l'autre, aucun pays n'ayant souhaité aller très au-delà du minimum fixé dans la réglementation.
Répartition des fonds du 1er pilier de la PAC prévue pour 2023-2027
Source : Thünen Institute for Rural Studies
Le second pilier (agro-environnement et développement rural) se caractérise par une relative continuité par rapport à la précédente programmation. Les parts des fonds dévolus à l'agriculture biologique, au bien-être animal et à la gestion du risque connaissent toutefois une légère augmentation, quand ceux consacrés aux investissements tendent à diminuer. Là encore de grandes différences s'observent : par exemple, alors que les aides à l'investissement consomment encore plus de 40 % de l'enveloppe du 2nd pilier dans bon nombre de pays d’Europe de l'Est et du Sud, le taux se situe aux alentours de 20 % à l'Ouest et dans les pays nordiques. Enfin, le développement rural non agricole demeure le parent pauvre de la PAC, ce sujet n'étant que partiellement présent dans les PSN.
En conclusion, cette étude met en évidence des orientations politiques contrastées dans la mise en œuvre de la PAC par les États membres, ce qui témoigne d'une renationalisation partielle de cette politique.
Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective
Source : Thünen Institute for Rural Studies
09:53 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement | Lien permanent | Tags : pac, écoconditionnalité, plan stratégique national | Imprimer | |
Vers un réseau européen de surveillance de la résistance aux antibiotiques en médecine vétérinaire
La revue Frontiers in Microbiology a publié, en avril 2022, les résultats d’une étude conduite par un réseau de chercheurs européens provenant de diverses autorités publiques nationales compétentes en matière de surveillance de la résistance aux antibiotiques (AMR, Antimicrobial resistance). Cette étude avait été entreprise afin de développer un réseau européen de surveillance de l’AMR chez les animaux malades. La sollicitation d'experts des 27 États membres a d'abord permis d'identifier l'existence, au niveau national, d'un système de suivi de l’AMR chez les bactéries pathogènes des animaux (figure ci-dessous). Par la suite, une campagne d’entretiens a été réalisée dans les onze pays concernés et les différents systèmes ont été analysés puis comparés grâce à l’outil d’analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces).
Existence de systèmes de surveillance nationaux de l’AMR chez les animaux malades, à l’échelle européenne
Source : Frontiers in Microbiology
Lecture : en vert, les pays dotés d'un système de surveillance de l'AMR chez les bactéries pathogènes des animaux ; en rouge, les pays pour lesquels aucun système de surveillance n'existe ; en violet, les pays n'ayant pas fourni d'information.
Bien que les systèmes de surveillance nationaux répondent à des objectifs similaires, les auteurs soulignent la diversité de leurs financements et de leurs organisations. De plus, ces systèmes reposent souvent sur la transmission volontaire d'échantillons et peuvent être coordonnés par des structures indépendantes (universités par exemple).
Lorsqu’un système de surveillance national est en place, les experts interrogés ont mis en avant la flexibilité et la bonne collaboration des équipes en charge du suivi de l’AMR, chez les bactéries pathogènes des animaux et des humains. Cet atout pourrait encore être renforcé dans un contexte où l’approche One Health bénéficie aujourd’hui d’une plus grande visibilité. En revanche, la faible représentativité des données recueillies dans les différents pays, dans le cadre d’une surveillance passive (réception et analyse d’échantillons transmis spontanément par les vétérinaires de terrain), et l’absence de seuils quantitatifs fixés au niveau européen pour objectiver les interprétations des antibiogrammes, représentent des difficultés importantes pour les acteurs en charge de la surveillance de l’AMR chez les animaux. Malgré ces défis d’importance, les auteurs considèrent qu'une harmonisation des pratiques et l’amélioration de la qualité des données, comme cela a été le cas pour le développement du réseau équivalent en santé humaine (EARS-Net), devrait permettre de créer un réseau européen de surveillance de l’AMR liée aux usages vétérinaires (EARS-Vet). Il sera alors possible de mieux connaître les niveaux d’AMR chez les animaux et leur évolution.
Louise Dangy, Centre d’études et de prospective
Source : Frontiers in Microbiology
09:49 Publié dans 4. Politiques publiques, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : santé publique vétérinaire, antibiorésistance, surveillance | Imprimer | |
L'introduction du développement durable dans le droit de la commande publique
Publié dans la revue Droit et société, un article s'intéresse à l'évolution des règles de concurrence des marchés publics, à la suite de l'introduction dans le droit de la notion de « développement durable ». Depuis les années 2000, des modifications du Code des marchés publics ont permis la prise en compte de considérations sociales et environnementales dans les appels d’offres. Sans être obligatoires, ces nouvelles possibilités font désormais de la commande publique un levier d'action en matière de développement durable (figure ci-dessous). Pour autant, au regard des règles de la concurrence, la référence à une origine locale pour un achat demeure toujours interdite.
C'est le cas notamment pour l'achat de produits alimentaires. « Le manger local » est fortement promu dans les discours des pouvoirs publics et dans les politiques (ex. loi Egalim de 2018), parce qu’il contribuerait à l'amélioration de la qualité de l'alimentation, à la réduction des impacts environnementaux, etc. Cependant, l’acheteur public ne peut faire référence à la notion de « proximité géographique » ou à une Appellation d'origine contrôlée (AOC) particulière. Plusieurs leviers sont toutefois utilisables dans les critères d'attribution des marchés : mieux valoriser les offres impliquant un nombre réduit d'intermédiaires, pouvoir se référer au cahier des charges d'un label particulier. Il est également possible de mieux cibler les producteurs locaux et d'accroître leur accès à la commande publique en utilisant le sourcing (rencontre des fournisseurs potentiels en amont de la rédaction de l'appel d'offres) et l'allotissement (division du marché en lots susceptibles d'être attribués séparément). Le premier permet aux acheteurs d'avoir une meilleure connaissance de l'offre locale avant de définir le besoin. L'allotissement donne, quant à lui, l'opportunité aux producteurs locaux de se positionner sur des lots alors qu'ils ne pourraient pas répondre à l'intégralité de la commande. Ainsi, dans le Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics de la Direction des affaires juridiques du ministère chargé de l'économie, il est explicitement recommandé d'y recourir pour développer les achats auprès d’agriculteurs, pour « susciter une large concurrence » et « faciliter la participation directe des producteurs agricoles et de leurs groupements ».
Les cinq objectifs de l'achat public selon la Direction des achats de l'État
Source : Droit et société
Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective
Source : Droit et société
09:25 Publié dans 4. Politiques publiques, 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : commande publique, développement durable, allotissement, alimentation, commande publique, développement durable, allotissement, alimentation | Imprimer | |
L'introduction du développement durable dans le droit de la commande publique
Publié dans la revue Droit et société, un article s'intéresse à l'évolution des règles de concurrence des marchés publics, à la suite de l'introduction dans le droit de la notion de « développement durable ». Depuis les années 2000, des modifications du Code des marchés publics ont permis la prise en compte de considérations sociales et environnementales dans les appels d’offres. Sans être obligatoires, ces nouvelles possibilités font désormais de la commande publique un levier d'action en matière de développement durable (figure ci-dessous). Pour autant, au regard des règles de la concurrence, la référence à une origine locale pour un achat demeure toujours interdite.
C'est le cas notamment pour l'achat de produits alimentaires. « Le manger local » est fortement promu dans les discours des pouvoirs publics et dans les politiques (ex. loi Egalim de 2018), parce qu’il contribuerait à l'amélioration de la qualité de l'alimentation, à la réduction des impacts environnementaux, etc. Cependant, l’acheteur public ne peut faire référence à la notion de « proximité géographique » ou à une Appellation d'origine contrôlée (AOC) particulière. Plusieurs leviers sont toutefois utilisables dans les critères d'attribution des marchés : mieux valoriser les offres impliquant un nombre réduit d'intermédiaires, pouvoir se référer au cahier des charges d'un label particulier. Il est également possible de mieux cibler les producteurs locaux et d'accroître leur accès à la commande publique en utilisant le sourcing (rencontre des fournisseurs potentiels en amont de la rédaction de l'appel d'offres) et l'allotissement (division du marché en lots susceptibles d'être attribués séparément). Le premier permet aux acheteurs d'avoir une meilleure connaissance de l'offre locale avant de définir le besoin. L'allotissement donne, quant à lui, l'opportunité aux producteurs locaux de se positionner sur des lots alors qu'ils ne pourraient pas répondre à l'intégralité de la commande. Ainsi, dans le Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics de la Direction des affaires juridiques du ministère chargé de l'économie, il est explicitement recommandé d'y recourir pour développer les achats auprès d’agriculteurs, pour « susciter une large concurrence » et « faciliter la participation directe des producteurs agricoles et de leurs groupements ».
Les cinq objectifs de l'achat public selon la Direction des achats de l'État
Source : Droit et société
Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective
Source : Droit et société
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Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France
Dans sa thèse en droit public, M. Ramel analyse l'intérêt et la spécificité d'une approche fondée sur le droit à l'alimentation pour lutter contre la précarité alimentaire en France. Prévenir la faim et garantir un accès de tous aux denrées sont des objectifs fortement énoncés aux niveaux national et international. Toutefois, en France comme dans de nombreux pays, le droit à l'alimentation n'est pas utilisé et, de manière générale, fait l'objet de reconnaissances et de protections juridiques parcellaires et contrastées.
La première partie traite des enjeux juridiques de la lutte contre la précarité alimentaire. À l'échelon international, celle-ci a évolué d'une approche considérant uniquement les disponibilités de denrées à la prise en compte des capacités d'accès des personnes. En France, les aspects quantitatifs et qualitatifs prédominent, et d'autres dimensions de l'acte alimentaire (sociales, culturelles, politiques) sont bien moins considérées. De plus, les approches se focalisent sur les comportements individuels, laissant de côté les aspects collectifs et systémiques.
La deuxième partie s'intéresse aux sources juridiques de la lutte contre la précarité alimentaire. Le droit à l'alimentation a été consacré au niveau international, avec une définition multidimensionnelle de son contenu. Toutefois, il reste à « géométrie variable » et imprécis, variant du droit fondamental d'être à l'abri de la faim à la prise en compte d'une diversité d'enjeux. De son côté, le droit français paraît silencieux en la matière, le thème du secours alimentaire étant principalement traité dans une approche caritative et non juridique. La loi Egalim (2018) introduit cependant une réorientation récente.
Enfin, dans une visée prospective, la troisième partie questionne la plus-value d'une approche fondée sur le droit à l'alimentation en France. La promotion de la santé ou l'aide alimentaire d'urgence paraissent centrées sur les questions nutritionnelles et environnementales, sur les comportements individuels, sur les enjeux de subsistance. Une entrée par le droit à l'alimentation permettrait alors de considérer les dimensions sociale et culturelle, composantes tout aussi essentielles documentées par les sciences sociales. Des travaux complémentaires sont toutefois nécessaires, pour en préciser le sens et la portée, pour identifier des modalités d'application adaptables à divers contextes (socio-économiques, territoriaux, etc.).
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : HAL
09:20 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Enseignement et recherche, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : droit à l'alimentation, précarité alimentaire, droit, politiques publiques | Imprimer | |
01/07/2022
Réguler avec modération : le cas des recommandations nutritionnelles
Benamouzig et C. Boubal (Sciences Po) consacrent un article aux recommandations nutritionnelles du troisième PNNS (2011-2015). Ils se sont entretenus avec des fonctionnaires, des scientifiques, des experts et des représentants des industries agroalimentaires. Ils analysent aussi le courrier adressé aux administrations. Loin d’une situation de « capture réglementaire » par les intérêts privés, ils montrent que les capacités de régulation publique sont renforcées. Le pragmatisme des autorités explique « les réactions mesurées des acteurs industriels, qui s’adaptent aux nouvelles recommandations, bien plus qu’ils ne les contestent ».
Source : Sociologie
11:46 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, IAA | Lien permanent | Tags : nutrition, recommandations, pnns | Imprimer | |
15/06/2022
Initiative FARM : conséquences de la guerre en Ukraine et réponses stratégiques
Dans le cadre de l'initiative française FARM (Food and Agriculture Resilience Mission), lancée en mars 2022, un « groupe de travail académique », réunissant une dizaine d'experts de haut niveau, a analysé les implications du conflit actuel et réfléchi à des réponses stratégiques. Leurs premières conclusions, livrées en mai, décrivent la complexification des enjeux agricoles, les effets en cascade de la guerre sur la sécurité alimentaire mondiale, et les nouveaux engagements attendus de l'Union européenne et de la France.
L'extrême importance de la question alimentaire est d'abord rappelée. Il faut nourrir une population croissante, dans un contexte de pressions environnementales et géo-stratégiques exacerbées. Les déstabilisations de la guerre, après celles causées par deux années de pandémie, obligent à repenser les principes de régulation et de gouvernance, et même toute l'architecture de la mondialisation, mais en veillant à maintenir les processus de transition vers une durabilité forte.
Plus globalement, l'intensification des jeux et enjeux géopolitiques, en matières agricole et alimentaire, entraîne un redoublement des besoins et des ambitions. L'agriculture est plus que jamais un secteur prioritaire pour la stabilité des relations internationales. Quant à l'alimentation, elle reste une des conditions de la paix sociale. La région de la mer Noire est emblématique de ces défis, des nouveaux rapports de force et des reclassements stratégiques en cours : réarmement agricole des pays de la zone, rapide modernisation des équipements, investissements spectaculaires, tissu logistique dense et fortes capacités productives et exportatrices, en particulier pour les céréales.
La troisième partie du document est consacrée à la guerre et à ses effets en chaîne. Sont d'abord passés en revue les impacts immédiats : destruction de matériels et de récoltes, restriction des chargements portuaires et du commerce, flambée et volatilité des prix, renchérissement des engrais, retour de « l'arme alimentaire », etc. À plus long terme, d'autres conséquences sont probables : difficultés d'approvisionnement, fragilisation de certaines régions ou populations, reconfigurations diplomatiques, érosion du multilatéralisme, nouvelles alliances entre puissances souhaitant « désoccidentaliser » la marche du monde.
Pour finir, les auteurs livrent quelques recommandations stratégiques. Les premières, qui concernent le rôle de l'Europe et de la France, insistent sur les nécessaires analyses de risques, les mesures de gestion de marché et la création d'institutions de régulation. D'autres visent à faciliter la mobilisation et l'efficacité de l'aide alimentaire internationale. La question des stocks agricoles et céréaliers est ensuite abordée, les objectifs étant tout à la fois de mieux les déclarer, connaître, gérer et utiliser. Les tensions possibles entre cultures alimentaires et non alimentaires sont aussi évoquées, avec le cas typique des biocarburants, dont la réduction voire l'interdiction sont de plus en plus souvent discutées. Enfin, les dernières pages traitent du développement de la sécurité alimentaire en Méditerranée et en Afrique, zones qui pourraient être durement touchées par les contrecoups du conflit en cours.
Notons, pour terminer, que le document comprend d'intéressantes annexes (marché mondial du blé, estimations de productions agricoles ukrainiennes pour 2022, tensions liées aux engrais en Europe et en France, etc.) et qu'une version révisée et actualisée est annoncée pour fin juin.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
Source : Initiative Farm, Task Force Interministérielle France
10:00 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international, Production et marchés, Sécurité alimentaire, Territoires | Lien permanent | Tags : sécurité alimentaire, géostratégie, conflit, ukraine, mer noire | Imprimer | |
14/06/2022
Un cadre d'action en faveur de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture
La Commission des ressources génétiques de la FAO a publié, en mai 2022, son Cadre d'action en faveur de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture. L'enjeu de ce document est de fournir une architecture globale de gestion de la biodiversité dans les secteurs alimentaires et agricoles. Il poursuit plusieurs objectifs, dont la promotion de la transition vers des systèmes agroalimentaires plus durables, ou encore l'amélioration de la construction d'indicateurs et de mesures pour évaluer les pratiques de gestion de la conservation et de l'utilisation de la biodiversité.
Les auteurs rappellent l'importance de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture. En dépit d'une croissance des pratiques respectueuses de cette biodiversité, celle-ci connaît un déclin. Quant aux connaissances de la faune et de la flore sauvages, elles restent encore incomplètes, et variables selon les régions du monde. Le document fait état de la perte de 178 millions d'hectares de forêts depuis 1990, ou bien encore d'une augmentation de la part des espèces locales de bétail en risque d'extinction (29 % en 2021 contre 26 % en 2019). Ce recul a des causes multifactorielles, liées en particulier à des modifications dans l'utilisation des terres et des eaux. Enfin, les cadres politiques et juridiques destinés à préserver cette biodiversité paraissent insuffisants. À partir de ce constat, les auteurs recensent les besoins en matière de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture, sur la base des contributions des pays au rapport sur l'État de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture.
Trois domaines stratégiques, comprenant 57 mesures à prendre, sont ensuite définis. Le premier concerne la caractérisation, l'évaluation et le suivi de la biodiversité, pour lesquels il conviendrait, par exemple, de soutenir l'amélioration des systèmes d'information. Le rapport appelle ensuite à un renforcement des programmes de conservation. Enfin, les cadres institutionnels relatifs à la biodiversité sont jugés globalement peu attentifs aux liens entre biodiversité, alimentation et agriculture. Les pouvoirs publics sont ainsi invités à renforcer leurs capacités en matière de recherche dans ce domaine. Au final, ce cadre d'action reste avant tout stratégique et il conviendra d'adapter ces recommandations aux spécificités des territoires concernés, afin de les rendre opérationnelles.
Johann Grémont, Centre d'études et de prospective
Source : FAO
09:54 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement | Lien permanent | Tags : biodiversité, systèmes alimentaires | Imprimer | |
Ifpri, 2022 Global Food Policy Report: Climate Change and Food Systems, 2022, 189 pages
En mai 2022, l'International Food Policy Research Institute (Ifpri) a publié son Global food policy report annuel, consacré au changement climatique et aux systèmes alimentaires. Il mobilise des travaux internes (notamment des résultats du modèle IMPACT) ou réalisés par d'autres centres du Consultative Group on International Agricultural Research (voir un portrait de cet organisme). Au fil des 12 chapitres, les auteurs décrivent des actions publiques et des innovations à même de répondre aux défis climatiques et à leurs conséquences : nouvelles variétés à cultiver, sources d'énergie « propre », technologies digitales, réforme du commerce, gouvernance des territoires, protection sociale, etc.
Par exemple, ils proposent de consacrer une partie des aides publiques agricoles à la recherche sur des technologies améliorant la productivité et diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Malgré une difficulté de mise en œuvre et la nécessité de mettre en place une coordination internationale, ces investissements publics paraissent les moins distorsifs et les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique. Les auteurs invitent également à réorienter une partie des flux financiers dans une optique de « finance climatique ». Si les flux annuels actuels consacrés aux secteurs de l'agriculture, de la forêt et des autres usages des terres sont estimés à 20 milliards de $ (figure ci-dessous), les besoins sont projetés, à 2030, à 350 milliards pour atteindre les Objectifs de développement durable. Dans un autre chapitre, divers apports des technologies digitales sont mis en avant : gestion des risques (ex. services d'informations météorologiques localisés), suivi de la qualité des denrées, prévisions climatiques, etc.
Montants (millions de $ américain) alloués à la « finance climatique » (moyenne annuelle estimée pour 2017-2018)
Source : Ifpri
Enfin, l'analyse de plusieurs régions met en évidence des enjeux clés spécifiques : utilisation de l'eau pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, politiques d'aides à l'agriculture pour l'Asie du Sud, etc. Par exemple, l'Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan) fait face à deux défis majeurs : les pénuries d'eau ; la dégradation des terres sous l'effet combiné de l'augmentation des températures, de l'aridité, des pratiques culturales, de l'irrigation et du sur-pâturage. La diversification des cultures et l'utilisation de techniques d'économie d'eau sont les deux pistes principales identifiées, les auteurs soulignant le besoin de production de données locales fiables sur le changement climatique et les systèmes alimentaires.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Lien : Ifpri
09:51 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Climat, Environnement, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : système alimentaire, changement climatique | Imprimer | |
31/05/2022
Lobbying agro-industriel, biocarburants et environnement
Cet article éclaire les coulisses du travail de représentation d’intérêts à Bruxelles. À partir d’archives, d’entretiens et d’observations, l’auteure retrace les inflexions, pendant les décennies 2000-2010, des campagnes d’influence d’une firme agroalimentaire dont les approvisionnements sont impactés par les réglementations en faveur des biocarburants. Ce lobbying a une double face, en direction des eurocrates, mais aussi, en interne, auprès des différents services de l’entreprise, appelés à présenter une « façade institutionnelle unifiée ».
15:38 Publié dans 4. Politiques publiques, Biomasse/Biocarburants, IAA | Lien permanent | Tags : lobbying, biocarburants | Imprimer | |
16/05/2022
Une évaluation des impacts du programme Leader
S'il ne représente qu'une faible part de l'enveloppe du second pilier de la Politique agricole commune (PAC), le programme de soutien au développement rural Leader n'en demeure pas moins un dispositif emblématique, en raison de son fonctionnement particulier : approche ascendante et transversale, mise en œuvre par des groupes d'action locale (GAL) réunissant l'ensemble des acteurs d'un territoire, etc. La programmation pour la période 2014-2020 a été évaluée par un consortium réunissant organismes de recherche et bureaux d'études (ADE, université de Goulcestershire, Institut autrichien d'études régionales). Le rapport final a été publié en mars 2022.
Le document, très volumineux, est structuré en cinq parties. La troisième, en particulier, présente les résultats d'une revue de la littérature concernant le développement local des zones rurales européennes, la mise en œuvre de Leader et ses évaluations précédentes. Elle est complétée par l'analyse des résultats d'un questionnaire administré auprès des GAL et autorités de gestion du programme. Elle montre que la plupart des GAL considèrent que le programme mis en œuvre entre 2014 et 2020 a été très efficace pour soutenir la création d'entreprises et d'emplois, mais les projets financés n'ont que peu bénéficié aux catégories sociales les plus défavorisées. L'efficience du dispositif est, elle, amoindrie par sa lourdeur administrative et les coûts qu'elle engendre. La charge administrative est toutefois différemment perçue d'une autorité de gestion à l'autre : très forte au Danemark, en Slovaquie et en France, mais beaucoup plus faible au Royaume-Uni, en Finlande et en Estonie.
La quatrième partie du rapport présente les résultats d'études de cas conduites dans dix pays de l'Union européenne. Il s'agissait d'identifier les facteurs susceptibles d'accroître l'efficacité du programme (implication de l'ensemble des acteurs, animation, démarche participative, etc.), et, à rebours, ceux risquant de la limiter (manque de ressources, rigidité du cadre réglementaire, etc.). Enfin, dans la dernière partie, les auteurs présentent leurs réponses aux quatorze questions évaluatives posées et ils formulent diverses recommandations : renforcement des réseaux nationaux et européens du programme, simplification du cadre réglementaire, etc.
Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective
Source : Commission européenne
12:20 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, PAC, Territoires | Lien permanent | Tags : développement rural, leader, pac, évaluation | Imprimer | |
13/05/2022
Guide de la FAO pour la gestion des urgences en santé animale
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l’agriculture (FAO) a publié récemment la seconde édition française de son manuel de bonne gestion des urgences, qui vise à réduire les impacts d'une crise sanitaire animale. Il décrit pas à pas cette gestion, lors des quatre phases de l'amont à l'aval d'une crise : préparation, identification, réponse, reconstruction une fois l'urgence passée (figure ci-dessous).
Gestion d'une urgence zoosanitaire
Source : FAO
La phase la plus importante est celle dite en « temps de paix ». Il s'agit alors de planifier une suite logique d'actions à réaliser dès le début de la crise. Dans ce cadre, une analyse du risque est intéressante et un audit des systèmes vétérinaires de surveillance, et de réponse à l'urgence avérée, permet de mettre en évidence les faiblesses des modes de gestion. Ceux-ci peuvent être testés lors d'un exercice de simulation. La prévention est également fondamentale : par exemple, dans le cadre de l'influenza aviaire hautement pathogène, les mesures de biosécurité ont été renforcées, en particulier dans les zones touchées. Enfin, la détection des signaux faibles annonciateurs ou des premiers cas requiert des plans de surveillance efficaces.
La phase d'alerte est déclenchée lorsqu’une maladie est présente dans un pays voisin ou qu'un premier cas est suspecté sur le territoire. Elle nécessite une appréciation rapide du risque, voire la modélisation de scénarios. Les protections sont renforcées aux frontières ou contre la faune sauvage si celle-ci est impliquée dans la propagation. Les mesures programmées en « temps de paix » sont adaptées pour une mise en application rapide en cas de besoin. Un système d'alerte précoce (détection, signalement, communication d'un premier cas) est activé.
La phase d'urgence, lors de la multiplication des cas, vise à contenir puis éliminer l'agent pathogène rapidement. Suite à une analyse de la situation, les procédures planifiées à l'avance sont activées. Selon la maladie, une approche One Health (Une seule santé) peut être utilisée. Coordonnée nationalement, elle est mise en œuvre localement et l'échange d'informations entre les niveaux national et local, et entre les parties prenantes, est fondamental.
Enfin, en phase de reconstruction, les capacités de production sont rétablies et les plans d'urgence sont mis à jour à partir d’une analyse critique de la gestion de la crise.
Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective
Source : FAO
12:12 Publié dans 4. Politiques publiques, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : crise sanitaire, politiques publiques, épizootie, zoonose | Imprimer | |
12/05/2022
Didier Fassin (dir.), La société qui vient, Paris, Seuil, 2022, 1318 pages
En janvier 2022 a été publié La société qui vient. L'ouvrage propose « une interrogation sur notre temps qui aiderait à penser l’avenir ». Selon D. Fassin (EHESS), les protestations des « gilets jaunes » et la relative adhésion qu’elles ont suscitée, la pandémie de Covid et la succession d’événements environnementaux en 2021 (canicule, inondations, etc.) marquent l’avènement d’un « moment critique ». L’ouvrage en donne des clés de compréhension à partir d’une analyse des questions politiques soulevées, des inégalités accentuées par la pandémie, des alternatives formulées.
Parmi les 64 chapitres regroupés en six parties, celui de C. Bonneuil (CNRS-EHESS) souligne que le concept d’anthropocène remet en question les grands partages entre nature et sociétés opérés par la modernité industrielle. Il s’agit désormais de « penser les puissances d’agir de la terre et de la matière, de la vie et des écosystèmes dans une même grille de pensée intégratrice » : un défi pour les concepteurs de politiques publiques. L’auteur invite aussi à faire un décryptage critique des récits dominants sur l’anthropocène. En 1800, une théorie largement partagée liait alors, en Europe de l'Ouest, le changement climatique à la déforestation massive. Selon l'auteur, cette déforestation a amené des communautés rurales, au nord comme au sud, à perdre les bienfaits de biens communs agricoles et forestiers. R. Keucheyan (université de Paris) souligne, lui, les mécanismes clés de l’univers de la consommation : publicité valorisant l’expérience liée au produit bien plus que celui-ci, « financiarisation de la vie quotidienne » et « fabrique de l’homme endetté », obsolescence programmée des biens. Il insiste sur les formes nouvelles de politisation de l’alimentation : l’action « collective individualisée » comme le véganisme, qui pourrait converger vers d’autres mouvements ; la construction de collectifs de consommateurs qui établissent, via les nouvelles technologies, le cahier des charges des produits qu’ils souhaitent acheter.
En écho au chapitre de L. Davezies (CNAM) sur les inégalités territoriales, J. Mischi (Inrae) rappelle certaines des caractéristiques majeures des espaces ruraux français : les catégories populaires y sont surreprésentées, les ouvriers formant le premier groupe d’actifs. Ils travaillent notamment dans les secteurs de l'agroalimentaire et de la logistique, tandis que les calendriers agricoles président à la circulation des travailleurs saisonniers.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Lien : Éditions du Seuil
12:15 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Environnement, Société | Lien permanent | Tags : avenir, politiques publiques, sociétés, anthropocène | Imprimer | |
Agir sur les comportements alimentaires : action publique et nutrition
Les questions nutritionnelles et de santé sont au cœur des préoccupations contemporaines liées à l'alimentation. En la matière, plusieurs publications récentes apportent des éclairages sur les perceptions individuelles, les connaissances scientifiques et les modalités d'action. Une récente enquête de l'EIT Food, menée dans 18 pays européens, confirme notamment les décalages entre les aspirations largement partagées à la « durabilité » et leur mise en œuvre dans les choix alimentaires réels.
Aux États-Unis, un rapport des académies des sciences, techniques et médecine compile les enseignements d'un séminaire consacré aux enjeux d'une nutrition personnalisée et de précision. Grâce aux avancées scientifiques, la prise en compte fine des caractéristiques individuelles ouvre la possibilité de proposer des services, des produits et des informations ciblés. Le marché américain dédié est en croissance depuis une dizaine d'années, avec un intérêt renforcé depuis la crise du Covid-19. Toutefois, la variabilité entre personnes oblige à considérer de nombreux facteurs (génétiques, biologiques, sociaux, etc.) dans l'identification du régime alimentaire optimal et des démarches d'accompagnement. Divers défis se posent donc au développement de telles approches : régulation publique, choix entre approches individuelles ou ciblant l'ensemble de la population, etc.
De son côté, le bureau régional européen de l'Organisation mondiale de la santé a étudié les taxes sur les boissons sucrées mises en place dans dix pays. Il identifie des traits communs (ex. ciblage systématique des sodas, oppositions fortes des industriels) et des spécificités nationales (sanitaires, économiques, etc.). Il relève également l'évolution dans le temps de ces taxes et des articulations différentes entre objectifs fiscaux et de santé.
Un article récent (Science Advances) s'intéresse lui aux effets des distorsions de prix des fruits et légumes frais sur les consommations, aux États-Unis. Ces prix apparaissent bien plus élevés que si les marchés correspondants étaient efficients, et, pour les auteurs, ces résultats appellent une intervention publique pour soutenir ces consommations.
Enfin, un autre article (British Journal of Nutrition) propose une revue de la littérature sur les effets de la réduction des tailles des portions sur les apports énergétiques journaliers et sur le poids. D'après les 14 études retenues, ils sont avérés à long terme et pourraient appuyer une stratégie efficace de lutte contre l'obésité.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
12:11 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Production et marchés | Lien permanent | Tags : nutrition, politiques publiques, consommation | Imprimer | |
11/05/2022
Évaluation des politiques agricoles et alimentaires au Mali
Dans un rapport paru au mois d’avril 2022, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) présente une évaluation des politiques nationales de soutien à l’agriculture au Mali. L’étude porte sur les chaînes de valeur de sept productions, entre 2005 et 2020 : arachide, bétail, coton, maïs, millet, riz et sorgho. Trois indicateurs sont d'abord utilisés : le taux nominal de protection (effet sur le prix domestique des politiques commerciales et de prix ; figure ci-dessous) ; le taux nominal d’assistance (effet des dépenses publiques sur le prix) ; l'écart de développement des marchés (effet des coûts d'accès aux marchés excessifs dus à des infrastructures déficientes, à des technologies obsolètes, à des marges abusives, etc.). Les dépenses publiques, trop faibles et en forte baisse, sont ensuite observées entre 2005 et 2017. Les subventions aux intrants sont importantes, au détriment de celles allouées à la recherche et à la vulgarisation. L'appui massif au riz et au coton ne favorise pas la diversification. Enfin, la protection des consommateurs et le dysfonctionnement des chaînes de valeur ont un impact négatif sur les prix agricoles.
Les composantes du taux nominal de protection
Source : FAO
Source : FAO
09:00 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : chaine de valeur, mali, évaluation | Imprimer | |