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12/07/2022

Vers un réseau européen de surveillance de la résistance aux antibiotiques en médecine vétérinaire

La revue Frontiers in Microbiology a publié, en avril 2022, les résultats d’une étude conduite par un réseau de chercheurs européens provenant de diverses autorités publiques nationales compétentes en matière de surveillance de la résistance aux antibiotiques (AMR, Antimicrobial resistance). Cette étude avait été entreprise afin de développer un réseau européen de surveillance de l’AMR chez les animaux malades. La sollicitation d'experts des 27 États membres a d'abord permis d'identifier l'existence, au niveau national, d'un système de suivi de l’AMR chez les bactéries pathogènes des animaux (figure ci-dessous). Par la suite, une campagne d’entretiens a été réalisée dans les onze pays concernés et les différents systèmes ont été analysés puis comparés grâce à l’outil d’analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces).

Existence de systèmes de surveillance nationaux de l’AMR chez les animaux malades, à l’échelle européenne

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Source : Frontiers in Microbiology

Lecture : en vert, les pays dotés d'un système de surveillance de l'AMR chez les bactéries pathogènes des animaux ; en rouge, les pays pour lesquels aucun système de surveillance n'existe ; en violet, les pays n'ayant pas fourni d'information.

Bien que les systèmes de surveillance nationaux répondent à des objectifs similaires, les auteurs soulignent la diversité de leurs financements et de leurs organisations. De plus, ces systèmes reposent souvent sur la transmission volontaire d'échantillons et peuvent être coordonnés par des structures indépendantes (universités par exemple).

Lorsqu’un système de surveillance national est en place, les experts interrogés ont mis en avant la flexibilité et la bonne collaboration des équipes en charge du suivi de l’AMR, chez les bactéries pathogènes des animaux et des humains. Cet atout pourrait encore être renforcé dans un contexte où l’approche One Health bénéficie aujourd’hui d’une plus grande visibilité. En revanche, la faible représentativité des données recueillies dans les différents pays, dans le cadre d’une surveillance passive (réception et analyse d’échantillons transmis spontanément par les vétérinaires de terrain), et l’absence de seuils quantitatifs fixés au niveau européen pour objectiver les interprétations des antibiogrammes, représentent des difficultés importantes pour les acteurs en charge de la surveillance de l’AMR chez les animaux. Malgré ces défis d’importance, les auteurs considèrent qu'une harmonisation des pratiques et l’amélioration de la qualité des données, comme cela a été le cas pour le développement du réseau équivalent en santé humaine (EARS-Net), devrait permettre de créer un réseau européen de surveillance de l’AMR liée aux usages vétérinaires (EARS-Vet). Il sera alors possible de mieux connaître les niveaux d’AMR chez les animaux et leur évolution.

Louise Dangy, Centre d’études et de prospective

Source : Frontiers in Microbiology

Sébastien Gardon, Amandine Gautier, Gwenola Le Naour, Serge Morand (dir.), Sortir des crises. One Health en pratiques, Éditions Quæ, 2022, 262 pages

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Dans cet ouvrage paru récemment, une cinquantaine d'auteurs s'interrogent sur la mise en pratiques de l'approche One Health. En effet, si le concept est maintenant bien connu, sa traduction opérationnelle se heurte à de nombreux défis. Les 29 courts chapitres, rendant compte de travaux diversifiés (synthèses, études de cas, témoignages de professionnels, entretiens), décrivent les mécanismes permettant de rendre opérant le concept. La première partie, « Après Pasteur ? », explique l’évolution historique des enjeux scientifiques vers une spécialisation des disciplines, que One Health remet en question. La partie suivante, « Une vision renouvelée des maladies et du soin », met en évidence la vision plus holistique de la santé dans les pratiques médicales sur laquelle repose One health. Ensuite, « Un nouveau (dés)ordre économique et sanitaire du monde ? » met en perspective la mondialisation des risques et le développement d'institutions et de mécanismes de régulation globaux. Enfin, « Un nouveau paradigme des politiques publiques de santé » témoigne de la difficulté à décliner le concept de One Health dans la fabrique des politiques publiques.

La profession vétérinaire est au cœur de ces questionnements, du fait des situations empiriques rencontrées par le praticien. Face à une infestation de poules par des poux rouges, le vétérinaire doit par exemple arbitrer entre des injonctions contradictoires, mais néanmoins inhérentes au concept One Health. Ainsi, en thérapeutique, les méthodes de biocontrôle sont moins efficaces que les produits pharmaceutiques, mais ceux-ci ont des conséquences environnementales négatives.

Un exemple emblématique d’application de One Health est la lutte contre l'antibiorésistance. Si la diminution de l'usage des antibiotiques dans les élevages est avérée, l'objectif général interroge le vétérinaire : confronté aux maladies animales, le label « sans antibiotique », prôné par des ONG et des distributeurs, constitue à ses yeux un « horizon irréaliste ». Renoncer aux traitements antibiotiques chez les animaux pourrait même causer une baisse du bien-être animal, la bonne santé constituant un de ses cinq critères d'évaluation. Enfin, selon les auteurs, pour que le vétérinaire devienne un acteur central de One Health, le contenu de sa formation et les modalités de ses relations professionnelles avec les ministères chargés de l'écologie et de la santé devraient évoluer (ex. dans le cadre de l'octroi du mandat sanitaire).

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

09:48 Publié dans Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : antibiorésistance, one health, crise sanitaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/05/2020

Le changement climatique favorise l'antibiorésistance en aquaculture

Les maladies en aquaculture sont un frein au développement de cette filière, qui contribue à la sécurité alimentaire de nombreux pays. Grâce à une méta-analyse conduite sur 460 articles scientifiques, une publication de Nature d'avril 2020 montre que, pour chaque pays, le niveau d'antibiorésistance en aquaculture est corrélé à celui dans la population humaine et à la vulnérabilité au changement climatique. En outre, les hausses de températures sont associées à une plus forte mortalité en élevage (fruits de mer, crustacés ou poissons).

Les auteurs estiment qu'il est urgent de limiter nationalement et internationalement l'utilisation des antibiotiques, afin de renforcer la sécurité alimentaire face au changement climatique : par exemple, interdire leur usage comme facteur de croissance, promouvoir des méthodes préventives comme l'emploi de probiotiques, etc.

Corrélation de Pearson entre un indicateur d'antibiorésistance (MAR) en aquaculture avec le MAR en médecine humaine (a), avec un indicateur de vulnérabilité au changement climatique (b) et avec les températures (c), selon les pays considérés

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Source : Nature Communications

Lecture : plus le coefficient de corrélation de Pearson est proche de 1, plus les deux variables sont corrélées linéairement. En bleu, pays à hauts revenus ; en vert, pays aux revenus moyens-supérieurs ; en rose, pays aux revenus moyens-inférieurs. Les numéros 1 à 4 désignent, dans l'ordre, le Vietnam, l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, pays les plus exposés aux antibiorésistances et au changement climatique. La taille des points est proportionnelle à la production aquacole en kg/habitant.

Source : Nature Communications

09/12/2019

Antibiorésistance en médecine vétérinaire

À l'occasion de la semaine de l'antibiorésistance, Santé Publique France, l'Anses et l'Agence nationale de sécurité du médicament ont publié leurs rapports annuels concernant la vente et la consommation des antibiotiques en médecines vétérinaire et humaine. En 2018 en France, 728 tonnes d'antibiotiques ont été consommées en médecine humaine et 471 en médecine vétérinaire (dont 95 % pour les animaux de rente et 5 % pour les animaux de compagnie). Dans le domaine vétérinaire, les ventes ont fortement diminué en volume (- 48 % par rapport à 2011), atteignant l'année dernière leur plus faible niveau depuis 1999.

Un bilan est également fait à partir des résultats de l'épidémiosurveillance des bactéries pathogènes animales, tout au long de la chaîne alimentaire. Retenons en particulier que la prévalence des bactéries E. Coli bêtalactamase à spectre élargi (BLSE, bactéries multirésistantes) dans la viande de poulet commercialisée est de 26 % en 2018, à comparer aux 62 % en 2016. La réduction de cette prévalence de 58,3 % depuis 2011 dépasse ainsi l'objectif fixé dans le plan Ecoantibio 2017-2021.

Sources : Anses, Anses, Anses

14/10/2019

Tendances en antibiorésistance dans les « pays en voie de développement »

Un article publié récemment dans Science s'intéresse à l'évolution de l'antibiorésistance animale dans les « pays en voie de développement ». Depuis une vingtaine d'années, la demande en viande dans ces régions a fortement augmenté : + 68 % en Afrique, + 64 % en Asie, + 40 % en Amérique du Sud. Elle est associée à une utilisation accrue des antibiotiques en élevage, à hauteur de 73 % du total mondial, pour améliorer la croissance des animaux. Or, ce mode d'usage, reposant notamment sur des doses infra-thérapeutiques, contribue à l'augmentation de l’antibiorésistance. Les auteurs ont souhaité vérifier ce fait dans les pays en voie de développement. Pour ce faire, ils ont analysé 901 enquêtes publiées entre 2000 et 2018, confirmant une élévation très importante de l’antibiorésistance sur cette période.

Évolution du nombre de déclarations d’antibiorésistance, par continent, entre 2000 et 2018

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Source : Science

Cette variation n’est pas répartie uniformément (carte ci-dessous) : des taux élevés d’antibiorésistance sont enregistrés dans le sud et le nord-est de l’Inde, le nord-est de la Chine, le nord du Pakistan, l’Iran, la Turquie, le sud de la côte brésilienne, l’Égypte, le delta du Fleuve Rouge au Vietnam, ainsi que dans les aires urbaines de Mexico et Johannesburg. Cette prévalence de l’antibiorésistance en Asie est corrélée au fait que ce continent rassemble 56 % du cheptel mondial de porcs et 54 % de celui de poulets.

Si l'évolution est générale, on note des variations selon les espèces : le taux de résistance passe, entre 2000 et 2018, de 15 à 41 % pour les poulets, de 13 à 34 % pour les porcs, et de 12 à 23 % pour le bétail. Les antibiotiques les plus concernés sont les tétracyclines, les sulfamides et les pénicillines.

Pour lutter contre cette tendance, les auteurs suggèrent une meilleure déclaration des cas d’antibiorésistance, comme cela se fait en Europe et en Amérique du Nord, une interdiction de l’utilisation en élevage de certains antibiotiques de haut intérêt en médecine humaine dans certains pays (Inde, Chine), et la création d’un fonds financier abondé par les pays développés pour effectuer des études.

Distribution géographique de l’antibiorésistance dans les pays en voie de développement

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Source : Science

Lecture : part des analyses bactériologiques comportant plus de 50 % de résistance aux antimicrobiens.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Science

10/12/2018

Recherche inter-disciplinaire sur l'antibiorésistance

Dans son numéro de décembre, la revue Veterinary and Animal Science a publié un article de chercheurs de l'Inra et de Mines ParisTech, rendant compte de l'utilisation de la théorie de la connaissance conceptuelle (C-K design theory), dans les travaux du réseau R2A2 sur les antibiorésistances en élevage. Structuré en quatre phases, le concept KCP permet de promouvoir des innovations et des réflexions inter-disciplinaires sur des questions de recherche appliquée. Le réseau a ainsi contribué, ces dernières années, à faire émerger des projets prenant en compte les enjeux sociétaux liés aux antibiorésistances et les besoins des acteurs de terrain, tels le projet TRAJ sur le changement de l'usage des antibiotiques en élevage, et SANT'Innov sur l'équilibre écologie-compétitivité en élevage.

Source : Veterinary and Animal Science

13/11/2018

Lutte contre l'antibiorésistance et recours aux antibiogrammes par les vétérinaires : impact de la politique de réduction des antimicrobiens en France

Dans une étude publiée en novembre 2018, cinq chercheurs français éclairent les facteurs et les freins déterminant l'utilisation d'antibiogrammes par les vétérinaires, cette méthode permettant de tester la sensibilité de germes aux antimicrobiens. Ils évaluent de plus l'impact d'un décret de 2016 (n°2016-317), rendant obligatoire l'utilisation d'un antibiogramme avant la prescription de certains antibiotiques (céphalosporines et fluoroquinolones de troisième et quatrième générations). 66 vétérinaires exerçant dans les secteurs de l'élevage bovin, équin, porcin et de volaille, ont été sélectionnés aléatoirement et interrogés, au cours d'entretiens semi-directifs, sur leurs pratiques et leur perception du décret.

46 facteurs, regroupés en 11 catégories, ont été identifiés comme déterminants pour l'utilisation d'un antibiogramme. Par exemple, la relation de confiance entre le vétérinaire et l'éleveur influe positivement sur leur utilisation. Au contraire, le temps nécessaire pour obtenir les résultats (en lien avec la distance au laboratoire) est un exemple de facteur négatif.

L'enquête révèle également que le décret n'a pas entraîné de hausse majeure du recours aux antibiogrammes : leur utilisation était déjà répandue dans les secteurs porcins et volailles, alors que leur coût favorise la prescription d'antimicrobiens non concernés par le texte, dans le cas des bovins et des équins. Par ailleurs, le décret a été bien accueilli par les vétérinaires. Les répondants estiment qu'il a permis d'homogénéiser leurs pratiques et qu'il est un bon support pour promouvoir des mesures préventives et montrer l'importance de la lutte contre l'antibiorésistance. Parmi les rares critiques soulevées, les vétérinaires soulignent le problème de la non-harmonisation des législations, au niveau européen, pouvant entraîner une distorsion de concurrence entre la France et les États réglementant différemment l'utilisation des antimicrobiens.

Plusieurs facteurs de réussite sont donc à retenir de cette enquête, afin de favoriser l'acceptation et l'efficacité des politiques publiques. Un temps suffisant a par exemple été accordé aux vétérinaires, avant la mise en œuvre du décret, pour se préparer au changement, et notamment pour relayer l'information et les enjeux de l'antibiorésistance auprès des éleveurs.

Objectifs exprimés par les vétérinaires, motivant l'utilisation d'un antibiogramme

L'utilisation comme garantie (« insuring tool ») en cas de conflit est spécifique au secteur équin ; les autres utilisations sont communes à tous les secteurs.

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Source : Preventive Veterinary Medicine

Aurore Payen, Centre d'études et prospective

Source : Preventive Veterinary Medicine

09/03/2018

Quels instruments économiques pour lutter contre la résistance aux antibiotiques ?

Publié mi-février 2018, le numéro 215 de Trésor-Éco est consacré aux instruments économiques pour lutter contre la résistance aux antibiotiques, en santés humaine et animale. Les auteurs rappellent tout d'abord la nécessité d'une réponse coordonnée au niveau international, basée sur trois types de politique visant la réduction de la consommation, la rationalisation de l'utilisation des molécules et la stimulation de l'innovation pharmaceutique. Le cadre actuel de la protection intellectuelle (PI) n'apparaissant pas adapté à la R&D sur les résistances microbiennes, plusieurs propositions sont présentées. Il s'agirait, d'une part, d'adapter le régime de PI : généralisation et harmonisation au niveau mondial du principe de certificat complémentaire de protection ; extension du bénéfice de ce certificat jusqu'à la première commercialisation. Une comparaison des différents systèmes d'incitations à la R&D est ainsi présentée dans la note. Un fonds de récompense de la mise sur le marché d'un nouvel antibiotique (contre cession des droits de PI) pourrait, d'autre part, être créé au niveau mondial, les auteurs en discutant les modalités d'application. Pour eux, l'installation d'un tel fonds servirait de test à une utilisation dans d'autres domaines, notamment la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique.

Source : Direction générale du Trésor

05/03/2018

Une étude sur la transmission des antibiorésistances entre animaux de ferme, sol et eau en Finlande

La revue Environmental Science & Technology a publié une étude sur la transmission de gènes d'antibiorésistance entre animaux d'élevage (sélection d'antibiotic-resistance genes – ARG – lors de l'utilisation d'antibiotiques, puis diffusion par épandage de fumier), sol et eau en Finlande. L'étude porte sur quatre élevages, deux bovins laitiers et deux porcins, dont tous les animaux avaient reçu un traitement antibiotique ponctuel suite à une infection bactérienne. Des échantillons ont été prélevés dans deux types de fumier (frais et stocké), dans des sols agricoles (sols témoins et sols recevant un épandage – prélèvement avant, juste après, deux et six semaines plus tard) et dans l'eau d'un fossé d'évacuation (avant et après épandage). Les extractions d'ADN dans les divers échantillons ont permis d'identifier au total 161 gènes de résistance, notamment à des groupes d'antibiotiques et à des désinfectants. La plus grande diversité de ces gènes a été trouvée dans le fumier, frais ou stocké, et dans les sols épandus. À noter que les sols non fertilisés ne comportaient que 29 types d'ARG.

D'après les auteurs, cette étude confirme que les élevages sont un réservoir d'ARG. Cependant, les échantillons prélevés avant l'application annuelle de fumier présentent de faibles concentrations (même en cas d'épandage depuis des années), montrant la survie relativement courte de ces gènes dans le sol. Les conditions climatiques finlandaises (périodes longues de gel) contribueraient également à atténuer la diffusion de l'antibiorésistance via l'environnement.

Source : Environmental Science & Technology

09:42 Publié dans Environnement, Protection des végétaux et des animaux | Lien permanent | Tags : antibiorésistance, finlande |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/12/2017

La résistance aux antimicrobiens et les aires marines protégées : deux des six enjeux majeurs des Nations unies pour l'environnement

Les Nations unies pour l’environnement ont publié le 5 décembre 2017, à l'occasion de leur troisième Assemblée, le rapport « Frontières 2017 : questions émergentes d'ordre environnemental ». Six enjeux clés y sont développés : la dimension environnementale de la résistance aux antimicrobiens, les nanomatériaux, la durabilité des aires marines protégées, les tempêtes de sable et de poussière, les solutions solaires pour les foyers hors-réseau et les migrations liées à la dégradation de l’environnement.

Co-sélection de résistance aux antibiotiques, aux métaux et aux biocides

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Source : Nations unies pour l'environnement

Dans la lignée de l'approche One Health, le rapport tisse les liens entre santés humaine, animale et environnementale, en soulignant l'usage abusif des antibiotiques en élevage, notamment comme promoteurs de croissance dans certains pays, et la méconnaissance mondiale des effets environnementaux associés. Il indique ainsi que 70 % des antibiotiques mondiaux sont aujourd'hui consommés par des animaux et que cette utilisation pourrait augmenter de 67 % d'ici 2030. Les déchets agricoles tels que le fumier peuvent contenir des concentrations d’antibiotiques similaires à celles utilisées pour soigner les infections. En aquaculture, jusqu'à 75 % des antimicrobiens utilisés se retrouvent dans l'environnement. Or, ces différents rejets, même à très faibles doses, favorisent l'apparition de résistances chez les bactéries présentes dans les eaux et les sols. Ce phénomène est amplifié par la présence d'autres polluants comme les métaux lourds.

Les aires marines protégées sont un autre sujet mis en exergue par le rapport. Il rappelle que la surpêche, l’exploitation d’autres ressources, l’aménagement du littoral, la pollution et le tourisme endommagent des habitats naturels essentiels et réduisent rapidement les populations marines. 31 % des 600 stocks halieutiques suivis par des organismes de recherche internationaux font actuellement l’objet d’une pêche non durable (essentiellement illégale, ni déclarée ni régulée), et 58 % sont pleinement exploités. En 40 ans, 49 % des espèces marines et 50 % des récifs coralliens ont disparu. Compte tenu du poids économique (plus de 24 milliards de dollars) et alimentaire des océans, cette dégradation est qualifiée de « schéma d’autodestruction sociétale » qui justifierait de protéger au moins 10 % des zones marines et côtières d’ici à 2020. L'amélioration de la gouvernance des aires marines protégées est aussi importante que leur extension, plus de 40 % d'entre elles souffrant aujourd'hui de graves insuffisances.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Nations unies pour l'environnement

11/12/2017

Publication d'une méta-analyse sur la restriction d'usage des antibiotiques chez les animaux producteurs d'aliments et sur ses conséquences

Face au problème global du développement de l'antibiorésistance, plusieurs pays ont adopté des réglementations imposant des restrictions d'usage des antibiotiques chez les animaux producteurs d'aliments. The Lancet a publié en novembre une méta-analyse des études relatives à l'incidence de cette restriction sur l'état des antibiorésistances chez ces animaux et chez l'homme. L'objectif de cette étude, répondant à une demande de l'advisory group on integrated surveillance of antimicrobial resistance (AGISAR) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), est de déterminer l’efficacité de ces mesures, dans l'optique de la rédaction de lignes directrices par l'OMS.

Sur environ 9 000 références initiales, 181 études ont été sélectionnées, majoritairement des articles scientifiques, mais aussi des résumés de conférences, des thèses ou des rapports officiels, provenant pour l'essentiel des États-Unis et d'Europe. Cette sélection a été basée sur trois critères : i) la catégorie d'animaux (volailles, porcs, vaches laitières en priorité) ; ii) les résistances à des antibiotiques inscrits sur les listes OMS (antibiotiques d'importance critique pour la médecine humaine) ou OIE (antibiotiques importants en médecine vétérinaire) ; iii) l'existence d'interventions engagées pour réduire l'usage des antibiotiques (dispositions réglementaires d'interdiction ou de restriction, initiatives privées). La méta-analyse a été réalisée via le protocole PRISMA, en procédant systématiquement à une comparaison avec un groupe témoin.

Les résultats indiquent que les dispositions interventionnistes induisent des réductions significatives du risque de résistances chez l'animal, de l'ordre de 15 % pour les bactéries résistantes et 23 % pour les multi-résistantes. Cependant, l'effet potentiel des réductions d'usage sur les résistances dans l’espèce humaine est plus complexe, et est principalement démontré chez les personnes en contact avec les animaux de production. Les auteurs soulignent l'intérêt de compléter ce type d’analyse pour, notamment, identifier le type de mesures le plus efficace ou les alternatives antibiotiques pouvant être conseillées.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : The Lancet

04/09/2017

Un rapport renforce les preuves du lien entre usage antibiotique et développement de résistances

Le deuxième rapport JIACRA (Joint Interagency Antimicrobial Consumption and Resistance Analysis), co-rédigé par l'Agence européenne du médicament (EMA), le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC) et l'Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA), présente et analyse des données statistiques communautaires sur l'usage des antibiotiques pour la période 2013-2015.

Publié en juillet, le rapport signale la baisse de sensibilité de certains germes (E. coli, Salmonella et Campylobacter) à la ciprofloxacine, qui pourrait être liée à l'utilisation chez les animaux, ainsi que le recours assez courant à la colistine en médecine vétérinaire. Les progrès réalisés en matière de collecte des données sont soulignés. Le JIACRA recommande de renforcer encore le système de surveillance avec des données détaillant, par exemple, le type de production. La coordination entre les différents réseaux nationaux de collectes est également conseillée, pour une harmonisation globale.

Source : EFSA

10:13 Publié dans Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : antibiorésistance, antibiotiques, jiacra |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/04/2017

Rôle du microbiote des chevaux dans le développement d'antibiorésistances

Le 16 mars, s'est déroulée la 43ème journée de la recherche équine, dont les actes sont parus récemment. À cette occasion, ont été présentés des résultats issus d'un projet mené par des chercheurs de l’université de Montréal et de l'Inra de Tours, sur la prévalence du portage de germes résistants aux antimicrobiens dans la filière équine.

Ces travaux ont porté plus précisément sur Escherichia coli, bactérie commensale du tube digestif, dont certaines souches sont très pathogènes. En 2015, 1 061 échantillons rectaux de crottin ont été prélevés chez des chevaux adultes sains dans 41 structures équestres. Des antibiogrammes ont été effectués pour 196 de ces échantillons, afin de tester leur sensibilité vis-à-vis de 14 antibiotiques de 10 classes différentes. D'autres analyses d'échantillons ont été réalisées afin d'identifier et quantifier les types de résistances bactériennes. Les résultats ont montré que 80 % des écuries hébergeaient des chevaux excréteurs de E. coli multirésistants, parmi lesquels des E. coli producteurs de β-lactamases à spectre étendu (BLSE), et de β-lactamases de type céphalosporinase, détectés dans 39 % des structures. Ces types de germes résistants sont particulièrement redoutés car ils inactivent la plupart des antibiotiques.

En parallèle, un questionnaire, renseigné par les établissements hébergeant les chevaux, a permis de lister des facteurs de risques : effectifs équins et humains, nombre de traitements antibiotiques administrés, fréquence de transport des animaux, contact potentiel des chevaux avec des animaux sauvages ou avec d'autres animaux domestiques, pratique de l'épandage sur le paddock, fréquence de curage des boxes. Il apparaît que le facteur de risque est multiplié par cinq si certains chevaux ont été traités médicalement au cours des trois mois précédents, et par huit s'ils ont été transportés plusieurs fois.

L'article conclut sur l'existence, dans la population équine française, d'un réservoir potentiel de gènes de résistance aux antibiotiques, y compris de gènes susceptibles de diffuser vers des bactéries pathogènes pour le cheval et pour l'homme. Compte tenu de la proximité de vie entre le cheval et l'homme (cavalier et soigneur notamment), les risques de transmission de germes résistants doivent être envisagés.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : IFCE

11/04/2017

Comment les consommateurs européens perçoivent-ils l'impact sur leur santé du risque d'antibiorésistance lié aux pratiques en élevage ?

L'autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA) a réalisé une étude sur la perception des risques, pour la santé humaine, des antibiorésistances liées à l'usage d'antibiotiques en médecine animale. Une infographie publiée début mars en présente les résultats. Les risques en question sont notamment liés au contact direct avec les animaux (pour les éleveurs et les vétérinaires) ou avec des produits animaux (manipulation de viande ou de lait cru), et ceux liés à la consommation de ces denrées.

Des éleveurs de porcs et de volailles et des vétérinaires ont été interviewés dans cinq pays (Espagne, Roumanie, Danemark, Pologne, Royaume-Uni). En parallèle, un échantillon de consommateurs a été interrogé dans douze États membres (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie), via un questionnaire en ligne. Il ressort en particulier de cette enquête qu'une grande partie (68 %) des consommateurs estime n'être pas suffisamment informée sur les risques liés aux antibiorésistances. Un plus grand nombre encore (75 %) juge que tout n'est pas fait pour limiter l'abus d'antibiotiques chez les animaux d'élevage.

Source : EFSA

15:48 Publié dans Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : antibiorésistance, perception |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/03/2017

Les bactéries présentes dans des sols contenant des pesticides peuvent développer des résistances croisées aux antibiotiques

Publiée récemment dans la revue Microbial Pathogenesis, une étude menée par des chercheurs indiens met en évidence une corrélation entre exposition des bactéries telluriques aux pesticides et apparition de multi-résistances aux antibiotiques, et identifie les mécanismes en jeu. La présence de résidus de pesticides dans le sol peut entraîner une modification de la voie métabolique de la flore bactérienne endémique, en particulier des bactéries capables de métaboliser les pesticides pour leurs besoins énergétiques (pseudomonas, bacillus, arthrobacter par exemple).

Les travaux ont porté sur des échantillons de sols provenant de différents sites de la province de Nadil Talun, en Inde du Sud. Il s'agissait de sols agricoles traités, depuis 5 ou 10 ans selon les cas, avec des insecticides contenant du monochrotophos, principe actif interdit dans l'Union européenne et aux États-Unis, mais toujours utilisé dans plusieurs pays. Vingt-cinq bactéries ayant la capacité de dégrader ce pesticide ont été isolées, mises en culture, puis sélectionnées en fonction de leur tolérance à différentes concentrations du pesticide et de leur sensibilité à divers antibiotiques. Cette étape a révélé que des germes de type bacillus sont à la fois résistants au monochrotophos et à plusieurs antibiotiques courants.

Dans certains des lots de bacillus, l'isolement et l'inactivation du plasmide hébergeant le gène de résistance ont permis de distinguer les capacités bactériennes selon le degré d'activité de ce plasmide. Cette activité varie en fonction des conditions chimiques. De manière générale, il apparaît que l'enzyme de dégradation des pesticides peut se lier avec certains antibiotiques par un pont hydrogène, et former ainsi un composé inactif.

En conclusion, la persistance de pesticides dans le sol peut induire chez les bactéries telluriques une capacité de résistance de deux façons : soit par sélection naturelle, en lien avec l'exposition sur le long terme à des doses sub-létales, soit à la suite d'une mutation sur plusieurs gènes impliqués dans la dégradation des pesticides. Les auteurs signalent que depuis dix ans la résistance aux pesticides a très fortement augmenté, et les résistances croisées pourraient donc se développer. Cette expérience effectuée en laboratoire doit toutefois être suivie de recherches en milieu naturel.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Microbial Pathogenesis