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12/07/2022

Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France

Dans sa thèse en droit public, M. Ramel analyse l'intérêt et la spécificité d'une approche fondée sur le droit à l'alimentation pour lutter contre la précarité alimentaire en France. Prévenir la faim et garantir un accès de tous aux denrées sont des objectifs fortement énoncés aux niveaux national et international. Toutefois, en France comme dans de nombreux pays, le droit à l'alimentation n'est pas utilisé et, de manière générale, fait l'objet de reconnaissances et de protections juridiques parcellaires et contrastées.

La première partie traite des enjeux juridiques de la lutte contre la précarité alimentaire. À l'échelon international, celle-ci a évolué d'une approche considérant uniquement les disponibilités de denrées à la prise en compte des capacités d'accès des personnes. En France, les aspects quantitatifs et qualitatifs prédominent, et d'autres dimensions de l'acte alimentaire (sociales, culturelles, politiques) sont bien moins considérées. De plus, les approches se focalisent sur les comportements individuels, laissant de côté les aspects collectifs et systémiques.

La deuxième partie s'intéresse aux sources juridiques de la lutte contre la précarité alimentaire. Le droit à l'alimentation a été consacré au niveau international, avec une définition multidimensionnelle de son contenu. Toutefois, il reste à « géométrie variable » et imprécis, variant du droit fondamental d'être à l'abri de la faim à la prise en compte d'une diversité d'enjeux. De son côté, le droit français paraît silencieux en la matière, le thème du secours alimentaire étant principalement traité dans une approche caritative et non juridique. La loi Egalim (2018) introduit cependant une réorientation récente.

Enfin, dans une visée prospective, la troisième partie questionne la plus-value d'une approche fondée sur le droit à l'alimentation en France. La promotion de la santé ou l'aide alimentaire d'urgence paraissent centrées sur les questions nutritionnelles et environnementales, sur les comportements individuels, sur les enjeux de subsistance. Une entrée par le droit à l'alimentation permettrait alors de considérer les dimensions sociale et culturelle, composantes tout aussi essentielles documentées par les sciences sociales. Des travaux complémentaires sont toutefois nécessaires, pour en préciser le sens et la portée, pour identifier des modalités d'application adaptables à divers contextes (socio-économiques, territoriaux, etc.).

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : HAL

15/04/2021

Géraldine Aïdan, Danièle Bourcier (dir.), Humain Non-Humain. Repenser l’intériorité du sujet de droit, Éditions LGDJ, 2021, 224 pages

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Comment expliquer la multiplication, ces dernières années, de décisions juridiques attribuant le statut de sujet de droit à des animaux, fleuves et rivières ? À quelles caractéristiques cette qualité est-elle associée dans le droit positif et dans la science du droit ? À ces questions qui bousculent les systèmes agricole, sylvicole et halieutique, ce livre apporte des réponses issues d’un heureux rapprochement entre droit, sciences du vivant et intelligence artificielle.

G. Aïdan expose la thèse à l’origine de l’ouvrage : c’est parce que les systèmes juridiques lui attribuent une « intériorité », ensemble de phénomènes se rapportant au psychisme, que le non-humain devient un sujet de droits. Cette introduction s’appuie sur le « mécanisme de la représentation », selon lequel une entité non humaine, qui ne peut être destinataire de normes juridiques faute de capacités cognitives, se voit conférer des droits par le truchement d’un humain qui devient alors le sujet d’imputation.

La première partie interroge les attributs décisionnels dont sont dotées certaines machines et dans quelle mesure ces attributs, qui les rapprochent de l’humain, pourraient permettre de les qualifier de sujet de droit. À partir de travaux mobilisant des « réseaux de neurones artificiels » pour simuler la décision du juge, la juriste D. Bourcier met en évidence la création, par la machine, d’une catégorie de règles ininterprétables qui s’apparenteraient au for intérieur, entendu comme un espace d’interaction avec soi, inaccessible de l’extérieur.

Dans la seconde partie, qui nous intéresse plus directement ici, sont mis en exergue les résultats de travaux récents qui bousculent les énoncés normatifs actuels et sont susceptibles d’élargir davantage l’éventail des entités sujets de droit. M. Giurfa (neuroethologue) montre à partir de travaux visualisant l’activité du cerveau de l’abeille in vivo que celle-ci dispose de capacités cognitives et d’une forme de conscience. Selon B. Moulia, biologiste et physicien, la plante est capable de percevoir divers signaux émis par l’environnement et de se mouvoir en conséquence, ne se contentant pas d’une réponse réflexe associée à un stimuli unique. Cette sensorimotricité, encore considérée il y a peu comme une frontière intangible distinguant l’animal mobile de la plante passive, pourrait signifier une « remontée des végétaux sur l’échelle du vivant » et une appréhension nouvelle par le droit.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions LGDJ

08/02/2021

Des choses de la nature et de leurs droits, Sarah Vanuxem

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Pour faire face à la dégradation des milieux naturels, les juristes recourent souvent à la personnification morale : des humains, réunis par exemple sous forme d’association ou d’établissement public, portent la parole et représentent les intérêts de l’environnement en justice. Mais peut-on imaginer des procédés mieux « adaptés aux besoins de notre temps » ? Dans ce court ouvrage, S. Vanuxem (maître de conférences en droit privé, université de Nice Sophia Antipolis) entreprend de repérer, dans les textes en vigueur (dont le Code civil et la loi « biodiversité » de 2016), les nombreux dispositifs permettant de « reconnaître d’emblée » des droits aux animaux, aux végétaux, aux minéraux, sans passer par l'artifice de la personnification.

La notion de « servitude », théorisée par Moïse de Ravenne vers 1140, constitue une solution millénaire pour attacher des droits à des lieux, héritages ou « fonds de terres », avec bien des exemples historiques, allant des temples mésopotamiens aux droits d’usage des maisons sur les pâturages du haut plateau de l’Ardèche. Le procédé est repris dans le Code civil, où une servitude (ou un service foncier) « relie des choses, non des personnes », ce lien stable venant contraindre les usages qui peuvent en être faits. Mais ce procédé a souvent semblé problématique aux spécialistes de droit civil, qui peuvent encore y voir un archaïsme liberticide, teinté de religiosité et d'anthropomorphisme. Même dans les travaux d'E. Ostrom sur les « communs », ceux-ci sont réduits à des ressources gérées par un collectif humain.

S’appuyant sur Les mots et les choses (1966) de M. Foucault, et sur l’anthropologie comparée de P. Descola, l’auteure poursuit son analyse avec les services écologiques et environnementaux. En suivant la trame des relations entre écosystèmes, ces notions élargissent les protections, par association et analogie, bien au-delà des seules relations de voisinage engagées dans les servitudes foncières. S. Vanuxem montre que les mécanismes de compensation écologique, loin de renvoyer à une marchandisation de la nature, gagnent à être analysés comme des relations entre « fonds », obligeant les humains qui les habitent, en usent ou les amènent à fructifier. Enfin, elle consacre un chapitre aux droits des communautés d’habitants, chargées de « l’intendance » des lieux et de la nature.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

04/02/2021

Production agricole et droit de l'environnement, Isabelle Doussan, Benoît Grimonprez, Carole Hermon

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Dès l'introduction de cet ouvrage, les trois auteurs, deux professeurs de droit et une chercheuse à INRAE, soulignent que le rapport de l'agriculture à l'environnement est ambivalent. En effet, si certaines pratiques, « héritages du passé », peuvent l'endommager, d'autres au contraire valorisent la nature et ses services écosystémiques. Ce dernier point organise l'ouvrage en trois parties : après avoir rappelé les contraintes environnementales pesant sur la production agricole, les auteurs détaillent les incitations à produire vertueusement (aides publiques, fiscalité, sollicitations du marché), puis les sanctions prévues en cas de manquement. Parmi les aides publiques, à côté des traditionnels soutiens prévus aux premier et second (MAEC) piliers de la PAC, figurent les paiements pour services environnementaux (PSE), qui font l'objet d'un chapitre de synthèse, explicitant le statut juridique ambivalent de cet outil incitatif, entre aide et commande publiques.

Source : LexisNexis

15:50 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : maec, pse, production agricole, droit |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/05/2020

Droit et relocalisation des systèmes alimentaires

L’Institut de droit rural de l’université de Poitiers a organisé, le 11 mars 2020, un colloque consacré aux défis, pour le droit, du thème de la « relocalisation » des systèmes alimentaires. Des intervenants variés y participaient et les captations vidéos des différentes séquences sont accessibles en ligne. Divers sujets ont été abordés : les collectivités territoriales comme acteurs majeurs, la « démocratie alimentaire » locale comme processus à encourager, le foncier comme support à mobiliser, les moyens d'agir sur l'entreprise agricole, sur l'économie agricole et sur les filières.

Parmi les analyses présentées figure la nécessité de repenser la gouvernance du territoire. Bien que mentionnées dans la définition législative de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, les collectivités locales ont peu de compétences en matière d'alimentation. Elles disposent toutefois de moyens juridiques leur permettant de développer leurs propres politiques : passation de marchés publics (dont restauration collective), urbanisme, foncier, développement économique. Elles doivent cependant tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’État (1930), subordonnant cette intervention à deux conditions : la légitimité du besoin à satisfaire et la carence de l’initiative privée. Le foncier constitue un support à mobiliser, notamment pour pérenniser la vocation agricole d'un terrain. Plusieurs outils existent, dont la possibilité pour les départements de créer des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels péri-urbains. La collaboration avec les SAFER est ici fondamentale.

Parmi les autres enseignements de ce colloque, on retiendra les échanges relatifs aux moyens juridiques d'action sur les filières agricoles, de la fourche à la fourchette. Bien qu'envisagées dans la loi d’avenir en 2014 et précisées par une résolution du Parlement européen (14/01/2014), les filières territorialisées sont très imparfaitement prises en considération par le droit. Dans ces conditions, une évolution juridique pourrait offrir deux voies complémentaires : d’une part une forme de « laisser agir » de ces filières, en levant les obstacles juridiques (ex. : critères locaux dans les marchés publics) ; d’autre part donner des moyens pour structurer de véritables filières locales (ex. : inclusion dans les obligations des projets territoriaux d'une clause similaire à celle, prévue par le Code rural, d'une part minimale de produits locaux dans les magasins de producteurs).

Franck Bourdy, Centre d’études et de prospective

Source : université de Poitiers

09:54 Publié dans 4. Politiques publiques, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : droit, relocalisation, systèmes alimentaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/06/2019

Analyse critique des liens entre droit et alimentation

Le dernier numéro de la revue Droit et Société propose une analyse critique des relations entre droit et alimentation et souligne, de façon générale, un manque de cohérence et de philosophie dans le droit de l'alimentation français et européen. Un article introductif propose des éclairages historiques sur la construction du droit de l'alimentation contemporain. Loin de constituer une discipline canonique, il apparaît dual et morcelé, produit du droit du commerce (circulation des marchandises, libre-échange), tel qu'il émerge au XVIIIe siècle, et d'un ensemble de règles techniques à visée avant tout sanitaire.

Ce constat est complété dans un deuxième article, qui fait état d'une déconnexion forte entre le droit de et le droit à l'alimentation. Le droit de l'alimentation correspond à l'ensemble des « règles applicables aux denrées alimentaires et aux exploitants du secteur agroalimentaire ». Défini en 1996 lors du Sommet mondial de l'alimentation, le droit à l'alimentation est, quant à lui, de l'ordre de l'éthique et des droits humains, comprenant par exemple les notions de « disponibilité », de « qualité », de « préférences alimentaires ». Pour l'auteur, le droit de l'alimentation actuel ne répond pas aux valeurs portées par le droit à l'alimentation. Ainsi, selon lui, la prédominance de la logique de marché pose des questions d'équité sociale dans l'accès aux aliments et, en parallèle, atténue la diversité alimentaire : les spécificités locales non marchandes (protection de l'environnement, savoir-faire, traditions culturelles) ne demeurent que si elles peuvent être traduites en valeur marchande par contractualisation (signe de qualité, labellisation). En matière sanitaire et nutritionnelle, il met en avant une approche juridique parcellaire des enjeux : c'est par exemple le cas des questions de qualité des apports nutritionnels, pour lesquelles tant le Nutriscore que la régulation des allégations santé manqueraient d'une vision globale pour lutter contre les maladies chroniques non transmissibles. La gestion des crises sanitaires en est une autre illustration, construite, pour l'auteur, sur le court terme et ne prenant pas en compte les risques de long terme.

Signalons enfin deux autres articles, l'un portant sur la prise en compte de la transition écologique par les pouvoirs publics, l'autre sur les résultats du programme de recherche européen Lascaux, relatif à l'établissement d'une « exception alimentaire » similaire à l'« exception culturelle ».

Hélène Milet, Centre d'études et de prospective

Source : Droit et Société

05/03/2019

Le droit des données agricoles : dossier de la Revue de droit rural

Dans son numéro de janvier 2019, la Revue de droit rural consacre un dossier au droit des données agricoles. Alors que croissent les données produites sur les exploitations et l'intérêt de divers acteurs pour ces informations, les quatre articles proposent des éclairages juridiques intéressants, par exemple sur les questions de droit de la concurrence et des contrats. Autre approche, celle proposée par C. Alleaume sur le droit de la propriété intellectuelle (PI) : s'il n'y a pas de droit de propriété défini sur les données brutes, deux types de PI sont reconnus sur les bases de données (droit d'auteur et droit sui generis), « ce qui aboutit à conférer à leurs titulaires un contrôle de l'usage des données contenues dans leurs bases ».

Source : Revue de droit rural

13:06 Publié dans Agriculteurs, Société | Lien permanent | Tags : données agricoles, droit, numérique |  Imprimer | | | | |  Facebook

04/10/2018

L'animal est-il un homme comme les autres ? Les droits des animaux en question, Aurélien Barrau, Louis Schweitzer

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Sous forme de dialogue entre deux interlocuteurs engagés, cet ouvrage aborde différents thèmes relatifs à la condition animale : droits des animaux, hiérarchisation entre espèces, exploitation animale, végétarisme et véganisme, biodiversité, etc. Le droit à la vie animale est illustré par un principe édicté par Albert Schweitzer, illustre médecin missionnaire et grand oncle d'un des auteurs, qui jugeait légitime de tuer un moustique en Afrique – car potentiellement contaminant – mais pas en France. Malgré des divergences, notamment sur le bien-fondé de l'exploitation animale, la consommation de produits animaux ou la possession d'animaux de compagnie, le ton demeure serein et constructif. Enrichi de références juridiques, historiques, scientifiques et philosophiques, cet essai offre un ensemble de réflexions pertinentes sur cette question clivante. Pour les auteurs, l'avenir pourrait se situer entre un réformisme progressif (« droit souple à l'anglo-saxonne » compatible avec une société de consommation et d’économie libérale) et un révolutionnarisme assuré (les partis radicaux, aux procédés parfois contestables, participent à l'évolution du rapport Homme-Animal).

Source : Éditions Dunod

09:27 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : animal, droit, rapport homme-animal |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/10/2016

Mondialiser les normes sociales et environnementales : des propositions

En droit international, le droit commercial prime sur la protection de l'environnement ou les droits sociaux. Dans l'avant-dernier numéro de la revue Projet consacré à la mondialisation, A. Zacharie répertorie les leviers qui permettraient d'inverser cette hiérarchie des normes. L'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dispose des moyens pour veiller au bon respect des règles du libre commerce, mais les droits sociaux de l'Organisation internationale du travail (OIT) ou les engagements climatiques internationaux ne disposent pas de telles instances juridictionnelles. Parallèlement, pour l'auteur, les multinationales bénéficient d'une asymétrie d'échelle qui leur permet de mettre en concurrence les politiques des États, tandis que le recours croissant à l'arbitrage leur confère la capacité d'attaquer juridiquement les lois sociales et environnementales. Ces clauses d'arbitrage incluses dans les accords d'investissement définissent des droits pour les multinationales plutôt qu'elles ne leur fixent des devoirs.

Afin de tendre vers un « plancher social et environnemental universel », le défi consiste, pour l'auteur, à identifier des mesures que les pays en développement ne considéreront pas comme protectionnistes du fait de leurs normes moins élevées. Il en déduit deux principes : prendre en compte les asymétries de développement et cibler les firmes plutôt que les États.

La déclinaison de ces principes peut se faire de diverses façons. La première option est la moins réalisable à court terme : rendre contraignantes l'ensemble des normes internationales au même titre que les règles du commerce. Une deuxième option consisterait à utiliser le marché européen comme levier pour promouvoir les normes sociales et environnementales, en les rendant obligatoires pour tous les produits importés. L'auteur considère que la compatibilité avec les règles de l'OMC pourrait être assurée, par exemple en ayant recours à une « traçabilité sociale et environnementale » des produits. Une troisième option, imaginée par l'économiste D. Rodrick, serait d'instaurer à l'OMC un « accord sur les sauvegardes sociales et environnementales », permettant aux pays en développement d'imposer aux multinationales des normes issues de leurs propres législations. Plutôt que de s'opposer sur l'accès aux marchés, pays riches et pays pauvres se trouveraient alliés dans la défense de leurs marges de manœuvre politiques respectives.

Bien que revêtant un caractère général, ces analyses concernent au premier chef le secteur agricole et agroalimentaire, dont les régulations sont en permanence l'objet de tensions entre pays du nord et du sud, mais aussi entre multinationales et États.

Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective

Source : revue Projet

11:37 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : droit, normes, social, environnement |  Imprimer | | | | |  Facebook