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15/06/2022

Initiative FARM : conséquences de la guerre en Ukraine et réponses stratégiques

Dans le cadre de l'initiative française FARM (Food and Agriculture Resilience Mission), lancée en mars 2022, un « groupe de travail académique », réunissant une dizaine d'experts de haut niveau, a analysé les implications du conflit actuel et réfléchi à des réponses stratégiques. Leurs premières conclusions, livrées en mai, décrivent la complexification des enjeux agricoles, les effets en cascade de la guerre sur la sécurité alimentaire mondiale, et les nouveaux engagements attendus de l'Union européenne et de la France.

L'extrême importance de la question alimentaire est d'abord rappelée. Il faut nourrir une population croissante, dans un contexte de pressions environnementales et géo-stratégiques exacerbées. Les déstabilisations de la guerre, après celles causées par deux années de pandémie, obligent à repenser les principes de régulation et de gouvernance, et même toute l'architecture de la mondialisation, mais en veillant à maintenir les processus de transition vers une durabilité forte.

Plus globalement, l'intensification des jeux et enjeux géopolitiques, en matières agricole et alimentaire, entraîne un redoublement des besoins et des ambitions. L'agriculture est plus que jamais un secteur prioritaire pour la stabilité des relations internationales. Quant à l'alimentation, elle reste une des conditions de la paix sociale. La région de la mer Noire est emblématique de ces défis, des nouveaux rapports de force et des reclassements stratégiques en cours : réarmement agricole des pays de la zone, rapide modernisation des équipements, investissements spectaculaires, tissu logistique dense et fortes capacités productives et exportatrices, en particulier pour les céréales.

La troisième partie du document est consacrée à la guerre et à ses effets en chaîne. Sont d'abord passés en revue les impacts immédiats : destruction de matériels et de récoltes, restriction des chargements portuaires et du commerce, flambée et volatilité des prix, renchérissement des engrais, retour de « l'arme alimentaire », etc. À plus long terme, d'autres conséquences sont probables : difficultés d'approvisionnement, fragilisation de certaines régions ou populations, reconfigurations diplomatiques, érosion du multilatéralisme, nouvelles alliances entre puissances souhaitant « désoccidentaliser » la marche du monde.

Pour finir, les auteurs livrent quelques recommandations stratégiques. Les premières, qui concernent le rôle de l'Europe et de la France, insistent sur les nécessaires analyses de risques, les mesures de gestion de marché et la création d'institutions de régulation. D'autres visent à faciliter la mobilisation et l'efficacité de l'aide alimentaire internationale. La question des stocks agricoles et céréaliers est ensuite abordée, les objectifs étant tout à la fois de mieux les déclarer, connaître, gérer et utiliser. Les tensions possibles entre cultures alimentaires et non alimentaires sont aussi évoquées, avec le cas typique des biocarburants, dont la réduction voire l'interdiction sont de plus en plus souvent discutées. Enfin, les dernières pages traitent du développement de la sécurité alimentaire en Méditerranée et en Afrique, zones qui pourraient être durement touchées par les contrecoups du conflit en cours.

Notons, pour terminer, que le document comprend d'intéressantes annexes (marché mondial du blé, estimations de productions agricoles ukrainiennes pour 2022, tensions liées aux engrais en Europe et en France, etc.) et qu'une version révisée et actualisée est annoncée pour fin juin.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Source : Initiative Farm, Task Force Interministérielle France

19/04/2022

Stephen C. Wegren, Frode Nilssen, Russia's Role in the Contemporary International Agri-Food Trade System, Palgrave Macmillan, 2022, 343 pages

agrifood system.JPGCe livre récemment publié, coordonné par deux chercheurs américain et norvégien, revient sur l'évolution récente de l'agriculture russe et sur le nouveau positionnement géostratégique du pays dans le système agroalimentaire mondial.

Dans une première partie, les auteurs retracent les politiques et conditions économiques ayant permis à la Russie de devenir, en une quinzaine d'années, un acteur de premier plan sur les marchés des grains et des produits de la mer. Pour la pêche, la politique mise en œuvre visait à atteindre une couverture de 80 % des besoins nationaux par la production nationale. Elle s'est traduite par la mise en place de contrôles sur les échanges, d'entraves diverses aux activités des compagnies étrangères et d'incitations aux chantiers navals russes pour renouveler la flotte. Dans une deuxième partie, l'évolution des relations commerciales régionales est analysée, en particulier avec la Chine, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et les États-Unis, la Russie ayant inversé la situation et les rapports de force en devenant un fournisseur incontournable et en réduisant sa propre dépendance.

Source : Palgrave Macmillan

14/01/2016

Agriculture, alimentation et mondes ruraux au cœur de la géostratégie

Le degré de conflictualité entre les États, autour des enjeux agricoles, devrait augmenter durant les prochaines décennies. Partant de ce constat, Sébastien Abis et Pierre Blanc, dans une contribution au numéro de décembre de la Lettre d’information sur les Risques et les Crises de l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice (INHESJ), appellent à un reclassement des enjeux agricoles, alimentaires et ruraux dans le débat stratégique.

Si la crise alimentaire de 2008 a constitué un tournant dans l’attention portée par les décideurs à l’agriculture, les auteurs observent que l’indice moyen des prix des denrées alimentaires de base n’est toujours pas redescendu en dessous des niveaux d’avant crise. Il en résulte que la capacité d’accès à la nourriture reste fragile pour des millions d’individus.

Bien que les questions agricoles et alimentaires aient toujours été des enjeux de pouvoir entre États, la mondialisation semble venir accélérer cette dynamique. Les auteurs craignent que les phénomènes d’accaparement de la terre, mais aussi de l’eau, particulièrement vifs dans les États faibles, ne se fassent au détriment des populations rurales poussées vers l’exode. Or les récentes secousses sociopolitiques dans le Bassin méditerranéen prouvent que le « mal-développement rural » peut être à la source de profondes instabilités.

Les deux chercheurs, auteurs de plusieurs ouvrages sur les relations entre agriculture et géopolitique, invitent in fine la France à mieux positionner l’agriculture dans les débats stratégiques. Selon eux, dans une période aussi bousculée par les crises géopolitiques, la gestion des conséquences ne peut suffire à rétablir la stabilité si elle ne s’accompagne pas d’un véritable traitement des causes profondes.

Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective

Source : INHESJ

14:17 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : lirec, géostratégie |  Imprimer | | | | |  Facebook