Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/10/2021

Filière porcine : conséquences des nouvelles réglementations pour la castration

Lors de l'édition 2021 du Salon international des productions animales (Space), consacrée au bien-être animal, l'Institut du porc (Ifip) a traité, au cours de quatre « matinales de l'élevage », des conséquences de la prochaine réglementation sur la castration. Cette opération sur les porcelets sans prise en charge de la douleur sera interdite à compter du 1er janvier 2022. Disponible en replay, chaque conférence s'intéressait à un maillon de la filière, en proposant une mise au point scientifique suivie de témoignages.

L'éleveur peut répondre à cette obligation de trois façons : en pratiquant la castration avec analgésie et anesthésie locale ou générale ; en recourant à une immunocastration sous forme d'injections d'un « vaccin » ; en conservant ses mâles entiers. Les conséquences économiques sont très variables : valorisations inégales des viandes, pénalités à l'abattoir pour les carcasses odorantes issues d'animaux non castrés, etc. Développé par l'Ifip, l'outil SIM'Alter permet alors au producteur d'effectuer une simulation pour affiner sa stratégie.

À l'abattoir, la détection des carcasses malodorantes, dues au scatol et à l'androsténone, peut se faire par une analyse chimique ou, de préférence, par des « nez » humains. Ceci nécessite de sélectionner les agents volontaires, de les former, puis de mettre en place une bonne gestion par roulement au sein de l'équipe. En effet, au bout de 150 carcasses, l'agent doit faire une pause d'au minimum 15 minutes, et il peut alors être préposé à l'enregistrement des données. Ces questions d'organisation du travail font l'objet du projet d'étude SANMALO d'Uniporc.

Au niveau du maillon « transformation », la non-castration induit une baisse des dépôts de gras et une hausse des teneurs en muscle et en os, avec une réduction de la qualité technologique (rétention d'eau) de la viande. Ceci est nettement défavorable pour les process industriels de fabrication des jambons secs de types Bayonne et Parme, et des saucissons. Des risques de déstructuration pour les jambons cuits sont également documentés. Un engraissement des femelles et l’utilisation de castrations sans douleur pourraient être une solution.

Enfin, en Europe, l'élevage de porcs mâles entiers augmente régulièrement, passant de 18 % du total du cheptel de mâles en 2010 à 35 % en 2020 (figure ci-dessous). Cependant, la situation est très variée selon les pays, sous l'effet de nombreux facteurs : habitudes alimentaires (morceaux, produits consommés), pression des associations de protection animale, importance des exportations vers certains pays peu préoccupés par le sujet, etc. Autant d'aspects à prendre en compte pour le devenir de ces produits.

Répartition de la production des porcs mâles en Europe

filiere porcine.jpg 
Source : Ifip (enquête 2021)

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : IFIP

15/10/2021

Le Comité permanent de l'Union européenne pour la recherche agricole (Standing Committee on Agricultural Research)

scar.jpg

Institué dès 1974 par le règlement européen 1728/74, et relancé en 2005, le comité permanent de l'Union européenne pour la recherche agricole (Standing Committee on Agricultural research, SCAR) vise à coordonner les programmes de recherche nationaux dans le domaine agricole. En interaction avec la Commission, il rassemble des experts délégués par 37 pays, membres de l'UE, États candidats à l'entrée dans l'Union et pays observateurs.

Différents groupes thématiques sont consacrés à la recherche en agriculture et en bioéconomie, ainsi qu'aux analyses prospectives. Il s'agit d'éclairer et de coordonner les décisions publiques nationales et internationales, et de fournir un socle commun de réflexion contribuant notamment à l'Espace européen de la recherche. Leurs rapports, publiés et transmis à la Commission et aux États membres, font régulièrement l'objet de conférences.

Parmi ces groupes, celui travaillant sur les forêts, la recherche et l'innovation forestière a publié, en 2018, un rapport consacré aux enjeux du changement climatique dans ce domaine. Il conduit actuellement une étude sur la déforestation importée. Un autre groupe plus récent, dont les travaux sur l'agro-écologie ont démarré en janvier 2021, entend élaborer une base de références commune aux différents pays, comprenant des concepts, approches et innovations.

5e conférence de prospective du SCAR : ressources naturelles et systèmes alimentaires

scar 2.jpg

Source : Standing Committee on Agricultural Research

Le groupe de prospective, présidé par Gianluca Brunori (université de Pise), avait entamé en 2019 un travail consacré aux ressources naturelles et aux systèmes alimentaires. La crise du Covid, survenue entre-temps, a mis en évidence les fragilités et vulnérabilités des systèmes actuels, conduisant les experts à préconiser, en décembre 2020, des réformes pour stimuler la reprise et aller vers des systèmes plus justes et plus sûrs. Ils recommandent ainsi de fixer des objectifs ambitieux, dont la réduction des intrants phosphorés de 81 % et l'usage des pesticides de 75 %, mais aussi la diminution du surpoids dans la population européenne, replaçant l'alimentation au centre des politiques de recherche en agriculture.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Standing Committee on Agricultural Research

Viande in vitro : obstacles et risque de désillusion

Dans un article de septembre 2021, The Counter s’interroge sur les prochaines étapes des projets de « viande in vitro ». La culture de cellules animales à des fins alimentaires a donné lieu à des prototypes, les startups constituent un secteur de R&D dynamique et les investissements s’intensifient. Fin 2020, à Singapour, une autorisation de mise sur le marché a été octroyée à la société Just. Toutefois, de nombreux indicateurs incitent à la prudence. L’auteur compare ainsi différentes études technico-économiques et interviewe les acteurs, pour mieux cerner leurs ambitions et perceptions des perspectives techniques. Les économies d’échelle, indispensables, peuvent être obtenues en suivant trois voies : des coûts réduits liés aux ingrédients du milieu de culture, des cellules plus « efficaces », des bioréacteurs plus grands. Aucune de ces voies ne semble maîtrisée aujourd'hui et le secteur pourrait être au bord de l’effondrement. Certains appellent donc à un renfort de la recherche par les fonds publics. Pour l’auteur, un tel choix d’allocation paraît particulièrement hasardeux au regard d’autres priorités, comme le déploiement des énergies renouvelables.

Source : The Counter

13/10/2021

Impacts économiques et environnementaux de la stratégie Farm to fork

Deux chercheurs allemands ont publié récemment une étude simulant les impacts économiques et environnementaux de la stratégie Farm to fork (F2F) de l'Union européenne (UE). Ils estiment une possible chute de la production agricole européenne (ex. - 20 % pour le bœuf), qui s'accompagnerait d'une hausse des prix dans l'UE (ex. + 58 % pour la viande bovine) et hors UE dans une moindre mesure (ex. + 7,4 % pour la viande bovine). Il y aurait également une modification du positionnement de l'Union dans le commerce mondial (ex. passage d'exportatrice nette à importatrice nette de bœuf), une baisse du pouvoir d'achat des consommateurs (- 70 milliards d'€) et une hausse du revenu des agriculteurs (+ 35 Md€). Par ailleurs, les auteurs obtiennent pour l'UE une réduction de l'usage des fertilisants (51 %) et des pesticides (58 %), une augmentation de 11 millions d'ha des aires protégées et une baisse de 109 MtéqCO2 des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, observant les effets de F2F hors-UE, notamment sur les émissions de GES, ils concluent que cette stratégie impose des restrictions à la production sans répondre globalement aux objectifs du Pacte vert, notamment en termes climatiques.

Volume de production (en prix constants), variation en % par rapport à la référence

farm to fork.jpg

Source : Kiel Universität

Lecture : les barres représentent les variations des volumes de production dues aux différents objectifs de la stratégie F2F pour 2030 (violet pour la réduction de 20 % de l'usage des fertilisants minéraux, orange pour la réduction de 50 % de l'usage des produits phytosanitaires, vert clair pour la réduction de 50 % des excédents de balance azotée, jaune pour l'atteinte de 25 % de SAU en agriculture biologique, bleu pour l'atteinte de 10 % d'éléments à haute diversité paysagère), et dues à l'ensemble des objectifs de la stratégie F2F combinés (vert foncé).

Sur le sujet des impacts de la stratégie F2F, on pourra se reporter également à un précédent billet.

Source : Kiel Universität

12/10/2021

Un podcast sur la sécurité alimentaire en République populaire de Chine

chine,sécurité alimentaire,gaspillage

Le 35e épisode du podcast China in context, diffusé par la School of Oriental and African Studies, porte sur les évolutions récentes du débat public sur la sécurité alimentaire en Chine. Le sinologue Bob Ash a rappelé combien ce sujet était important dans l’histoire et la mémoire nationales, le pays ayant connu selon lui les « pires famines de l’humanité ». À partir des années 1980, le sujet s’est fait plus discret avant de revenir dans les discussions publiques, sous l’influence de Xi Jinping. Quatre préoccupations majeures apparaissent aujourd'hui : i) la baisse de la production nationale de riz (la Chine en est devenue le plus gros importateur mondial en 2013), alors même que les céréales ont longtemps dominé le régime alimentaire ; ii) les tensions politiques avec les États-Unis et l’Australie, menaces potentielles pour les approvisionnements ; iii) le niveau du gaspillage alimentaire, estimé à 20 millions de tonnes, qui a conduit à la mise en œuvre en 2020 de l’opération « Assiette vide », incitant à la frugalité ; iv) l’enjeu hydrique du fait d’une disponibilité en baisse de l’eau.

Source : China in context

11/10/2021

Quelle alimentation en Bretagne à l'horizon 2050 ?

bretagne 1.jpg

Fin août 2021, le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de Bretagne a publié le rapport d'une analyse prospective conduite sur l'évolution des pratiques alimentaires à l'horizon 2050 et leurs implications pour le territoire et ses acteurs. Après un état des lieux documenté des tendances, quatre scénarios illustrent des futurs possibles : une alimentation fonctionnelle dans une société sous pression (1) ; une alimentation contrôlée dans un contexte de crises (2) ; une alimentation normée dans un contexte de sobriété volontaire (3) ; une alimentation mosaïque dans une société fragmentée (4). Les auteurs en tirent plusieurs enseignements pour répondre au défi alimentaire collectif, les territoires étant amenés à jouer un rôle clé. Cet exercice a également permis d'identifier les atouts de la région, tels l'ancrage des filières agroalimentaires, la densité de l'écosystème d'innovation ou les compétences de la société civile.

Source : CESER Bretagne

20/09/2021

Les stratégies européennes « biodiversité » et « de la ferme à la fourchette » : quels impacts économiques et environnementaux ?

Deux stratégies européennes fixent des cibles à atteindre dans les domaines de l'agriculture et de l'environnement d'ici à 2030 : les stratégies biodiversité (Biodiversity Strategy, BDS) et « de la ferme à la fourchette » (Farm to Fork, F2F). Le Centre commun de recherche de l'Union européenne a publié en juillet un rapport sur les effets environnementaux et économiques potentiels de l'atteinte de certaines de ces cibles. Les auteurs se concentrent sur celles relatives à la réduction de l'usage de pesticides et des pertes de nutriments dues à l’utilisation de fertilisants (- 50 % d'ici 2030). Ils s'intéressent aussi à la part de terres cultivées en agriculture biologique (+ 25 % d'ici 2030) et à la part de « particularités topographiques à haute diversité » (ex. : haies) dans l'assolement (+ 10 % d'ici à 2030).

Le travail est conduit avec CAPRI (Common Agricultural Policy Regionalised Impact Analysis), un modèle macro-économique de statistiques comparatives en équilibre partiel des secteurs agricoles et du premier niveau de transformation. Trois scénarios permettant d'atteindre les cibles choisies sont étudiés et comparés à un scénario de référence sans cible. Dans le premier, la Politique agricole commune (PAC) reste similaire à celle de 2014-2020. Dans le deuxième, elle évolue selon les propositions législatives de la Commission (juin 2018). Dans le troisième, un plan de relance européen est de plus mis en œuvre, avec des aides supplémentaires à l'investissement.

Les résultats montrent une baisse de la production européenne : dans le scénario 1, elle est de - 15 % pour les céréales et oléagineux, - 12 % pour les légumes et les cultures permanentes, - 14 % pour la viande et - 10 % pour le lait. Cela impacterait les importations et les exportations, et générerait des variations de prix et donc de revenu pour les producteurs.

Effets environnementaux de l'atteinte des cibles dans le scénario 1 ( % par rapport au scénario de référence sans cibles, en 2030)

strategies 1.jpg

Source : Centre commun de recherche de l'Union européenne

Lecture : la colonne « F2F and BDS targets & CAP 2014-2020 scenario » présente les résultats du premier scénario. Sont estimées les émissions d'azote (nitrogen), d'ammoniac (ammonia), de méthane (CH4), de protoxyde d'azote (N2O), ainsi que la part des réductions d'émissions de GES non-CO2 qui fuit (ligne Leakage). Les émissions nettes sont précisées dans la dernière ligne.

En parallèle, l'atteinte des quatre cibles sélectionnées aurait des impacts environnementaux positifs sur le surplus azoté et les pertes d'azote, les émissions d'ammoniac, de méthane, de protoxyde d'azote et de CO2. La baisse des émissions autres que de CO2 serait de 14,8 %, mais les deux tiers de cette baisse « fuiteraient » hors de l'UE, par l'augmentation des importations de certains produits. Ce taux de fuite ne serait plus que de 51 % si le projet de nouvelle PAC était mis en œuvre (figure ci-dessus pour le scénario 1, ci-dessous pour les scénarios 2 et 3). Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole européen diminueraient alors de 28,4 % d'ici à 2030.

Effets environnementaux de l'atteinte des cibles dans les scénarios 2 et 3 ( % par rapport au scénario de référence sans cible, en 2030)

strategies 2.jpg

Source : Centre commun de recherche de l'Union européenne

Lecture : la colonne « F2F and BDS targets & CAP LP » présente les résultats pour le deuxième scénario. La colonne « F2F and BDS targets & CAP LP + NGEU » présente les résultats pour le troisième scénario.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Centre commun de recherche de l'Union européenne

13:11 Publié dans 4. Politiques publiques, Agronomie, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : ue, strategie biodiversite, f2f, pesticides |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/09/2021

Une évaluation de la législation européenne sur le bien-être animal en élevage

Dans le cadre de la promotion du bien-être animal (BEA) par la Commission, le service de recherche du Parlement européen (EPRS) a été mandaté pour conduire une étude de l'application de la législation européenne et de la place du BEA dans les labels existant dans les pays de l’Union (résultats publiés en juin). Pour ce faire, deux groupes de travail correspondant aux deux volets de l'étude ont consulté la documentation existante et interrogé des personnes concernées (fonction publique et acteurs privés), aux niveaux européen et nationaux.

La législation européenne relative au BEA se compose de 5 directives et cette partie du rapport permet d'en avoir un récapitulatif (figure ci-dessous). Une directive générale de 1998 s'applique à tous les animaux de ferme tandis que 4 autres sont spécifiques aux poules pondeuses, poulets de chair, porcs et veaux. À celles-ci s'ajoutent des mesures nationales ainsi que des labels.

Législation européenne sur le bien-être animal en élevage

BEA.jpg

Source : European parliament research service (EPRS)

Le rapport émet plusieurs réserves. Il regrette que les directives, en particulier celle de 1998, soient maintenant anciennes et ne correspondent plus aux acquis de la science en matière de BEA. Le texte n'est en outre pas assez précis, souvent sans normes chiffrées. Si les directives relatives aux poules pondeuses, aux porcs et aux veaux ont apporté de réelles améliorations, l'efficacité de celle qui traite des poulets de chair est moins évidente : il est notamment très difficile de faire un lien entre les quelques améliorations des pratiques et la directive. Enfin, les auteurs regrettent des incohérences entre les directives et les politiques commerciales et environnementales.

Ils ont identifié 24 labels comprenant des mesures relatives au BEA, en augmentation ces dernières années (figure ci-dessous). La plupart ont été instaurés par le secteur privé. Ils concernent principalement les filières porcine, poulets de chair et lait de vache. Si la transparence de leurs cahiers des charges est correcte, des études complémentaires sur leur efficacité demeurent nécessaires. Enfin, deux désaccords entre les acteurs privés et la Commission sont dus au caractère national de ces labels : premièrement les acteurs privés craignent une distorsion de concurrence sur le marché intérieur du fait de coûts différents des labels ; en second lieu les différentes normes des labels entraînent des inégalités de revenu entre les producteurs communautaires.

Labels développés dans des États membres, comportant des mesures sur le BEA

BEA2.jpg

Source : EPRS

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Service de recherche du Parlement européen

De nombreux dispositifs de lutte contre la déforestation, mais une efficacité questionnée

Dans un rapport récemment publié par l'Institut français des relations internationales (Ifri), Alain Karsenty (Cirad) dresse un état des lieux des politiques et instruments internationaux de lutte contre la déforestation dans les régions tropicales, avant de proposer des pistes d'amélioration. L'estimation des impacts, sur les forêts tropicales, de la production de matières premières destinées au marché mondial fait consensus (figure ci-dessous). Il n'en va pas de même pour d'autres facteurs dont le lien avec la déforestation est plus ambivalent. C'est le cas de la pauvreté et de l'insécurité foncière, qui sont au cœur de controverses.

26 % de la surface déforestée entre 2001 et 2015 sont imputables à sept matières premières agricoles (en million d'hectares)

deforestation.jpg

Source : Ifri

Les acteurs privés sont eux-aussi largement concernés. Si, au XXe siècle, les entreprises d'exploitation forestière ont été motrices, des entreprises agroalimentaires (voire certains conglomérats regroupant activités agricoles, forestières et minières) sont désormais impliquées directement ou indirectement dans la déforestation en zone tropicale. Elles font de plus en plus souvent appel à des sous-traitants ou contractualisent avec des producteurs agricoles locaux, ce qui conduit à une dilution de la responsabilité.

Par ailleurs, la Chine tient un rôle croissant dans les évolutions du couvert forestier tropical. Tout en protégeant ses forêts naturelles et en plantant massivement, elle a multiplié par cinq ses importations de bois en 20 ans (figure ci-dessous). Elle a aussi fortement accru son approvisionnement en matières premières agricoles, externalisant ainsi la déforestation. De plus, elle utilise son influence au sein d'organisations internationales, dont la FAO, pour ralentir la mise en œuvre de certains accords visant à lutter contre la déforestation.

Principaux flux d'exportation de sciages tropicaux en 2020

deforestation 2.jpg

Source : Ifri

Le rapport détaille aussi l'empilement des réglementations et initiatives privées mises en œuvre depuis le milieu du XXe siècle : certification de gestion forestière durable, protocole de Kyoto puis dispositifs REDD et REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière), lutte contre le commerce illégal (initiative Forest Law Enforcement, Governance and Trade, FLEGT) et plus récemment contre la déforestation importée, accords bilatéraux de paiement aux résultats, etc.

En conclusion, l'auteur recommande de combiner différents instruments internationaux, accords bilatéraux et politiques nationales (agriculture, alimentation, éducation, foncier, fiscalité, etc.) pour améliorer leur efficacité.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Ifri

16/09/2021

Diversification des chaînes d’approvisionnement et résistance aux chocs

Les chocs d'approvisionnement, en particulier ceux liés à des pertes de production ou à des problèmes de distribution, sont en augmentation dans le monde. Face à ce constat, des chercheurs de l’université d'État de Pennsylvanie et de l’université d’Arizona du Nord ont travaillé, grâce au développement d’un modèle, sur des pistes permettant de les éviter.

Dans un article paru en juillet dans Nature, ils indiquent avoir mesuré la diversité des circuits d’approvisionnement en appliquant l’indice de Shannon à des données de flux annuels de marchandises (cultures, animaux vivants, aliments pour animaux et viande), dans cent quinze zones géographiques couvrant l’ensemble des États-Unis. Ils ont ensuite établi un lien entre ce critère et la probabilité de survenue d’un choc d’approvisionnement, défini comme une baisse des flux de marchandises en dessous d’une moyenne calculée sur quatre ans. Leurs travaux ont porté sur la période 2012-2015, lors de laquelle les systèmes alimentaires ont été très affectés par les sécheresses et les chocs de production agricole dans les Grandes Plaines et dans l'ouest du pays.

Contrairement aux modèles de gestion des aléas concentrés sur un type de risque spécifique, l’intérêt de cette approche est qu’elle intègre l’ensemble des sources de risques et donc les événements extrêmes inattendus, qu’ils soient climatiques, sanitaires, politiques, etc. Selon les auteurs, ce modèle pourrait constituer un outil au service des collectivités publiques afin qu’elles mènent des politiques alimentaires plus efficaces, basées sur la demande et encourageant, par la législation et des incitations, de nouveaux circuits d’approvisionnement. Ces mesures pourraient être renforcées par le déploiement d’assurances et de stockages dans les zones les plus à risque.

Relation entre la probabilité d'un choc et la diversité de la chaîne d'approvisionnement

approvisionnement,chocs,système alimentaire

Source : Nature Food

Lecture : a) relation observée empiriquement ; b) relation modélisée

Amandine Hourt, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Food

Antoine Bernard de Raymond, Delphine Thivet (dir.), Un monde sans faim, Presses de Sciences Po, 2021, 304 pages

un monde sans faim.jpg

Cet ouvrage étudie, en neuf chapitres, les transformations de la gouvernance alimentaire mondiale après les « émeutes de la faim » de 2007-2008. Largement inattendus, ces épisodes avaient replacé l’agriculture et les enjeux de production au premier plan de l’agenda international, relançant la réflexion sur l’avenir des systèmes alimentaires et enclenchant un ensemble de réajustements institutionnels.

Leurs effets de long terme sont considérables, mais paradoxaux. Comme le soulignent E. Fouilleux, N. Bricas et A. Alpha dans leur contribution, il est apparu en effet assez vite que l’envolée des prix « n’avait pas pour origine une crise de la production », mais bien d’autres causes : pauvreté et inégalités, modèles de consommation, etc. Des visions alternatives s’affirmaient, qui mettaient l’accent sur la transformation des régimes alimentaires, ou sur la nutrition. Pourtant, rapidement, différents acteurs (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, Banque mondiale, firmes multinationales, etc.) réitérèrent le « mantra » des « révolutions vertes » et de la « Global Food Security » : il faut produire plus pour nourrir 9 milliards de personnes en 2050.

Les outils de mesure de l’insécurité alimentaire, centrés sur la disponibilité et les quantités produites, ont contribué à refermer le débat. À partir de l’exemple de la réception de la prospective Agrimonde, V. Cardon et G. Tétart montrent ainsi que les modèles économiques au service des institutions internationales, comme le modèle Impact de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, tendent à écarter l’hypothèse d’une transformation des régimes alimentaires. Le chapitre consacré par A. Bernard de Raymond à la stratégie de compétitivité du Royaume-Uni permet également de souligner la contribution de la recherche scientifique à « la relance d’une vision productiviste (…) tentant néanmoins d’intégrer les enjeux sanitaires et environnementaux ».

Enfin, sur le plan institutionnel, le livre consacre des chapitres instructifs à la réforme du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), à l’alignement des « plateformes multi-acteurs » sur les engagements de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des firmes multinationales, et à la problématique des « accaparements » fonciers. Sont aussi envisagées la constitutionnalisation du droit à l’alimentation en Inde et les stratégies de coordination de l’aide alimentaire.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Presses de Sciences Po

15/09/2021

« Cultiver l’emploi », un dossier consacré à la PAC

La revue Projet consacre un dossier à la réforme de la Politique agricole commune (PAC), abordée sous l'angle de l’emploi. De nombreux experts contribuent à ce numéro, constatant que ce sujet est un absent majeur de la PAC depuis son origine. Parmi ces contributeurs, Jean-Marie Séronie rappelle combien les objectifs européens ont évolué depuis les années 1960, laissant toutefois la question de l’emploi dans un « angle mort ». Gilles Bazin explique comment ces choix européens et nationaux ont favorisé l’agrandissement des exploitations au détriment du renouvellement des agriculteurs. Partant de ce constat qui touche tous les pays d’Europe, Cécile Détang-Dessendre et Laurent Piet s’interrogent sur une conditionnalité sociale des aides, alors que Dacian Ciolos, ancien commissaire à l'Agriculture et au Développement rural, appelle de ses vœux une PAC rebâtie sur des critères d’utilité sociale et environnementale.

Source : Revue Projet

13/09/2021

Un outil de prévention des menaces agroterroristes liées à l'élevage

Un article publié dans One Health Outlook s'intéresse aux menaces agroterroristes liées à l'élevage. L'introduction intentionnelle de maladies animales peut permettre à un groupe terroriste de s'en prendre à un pays, de façon plus simple qu'avec des armes biologiques à destination humaine, tout en ayant des effets importants sur la santé humaine (zoonoses) ou l'économie (épizooties à forte morbidité). C'est pourquoi l'Organisation internationale pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et INTERPOL ont souhaité élaborer un outil de surveillance de cette forme d'action criminelle.

L'outil d'évaluation de la surveillance des maladies animales SET (Surveillance Evaluation Tool), développé en 2017 par la FAO, permettait déjà d'évaluer, à partir de 90 indicateurs, la capacité du service de surveillance d'un pays à faire face à une crise sanitaire animale. À partir du SET, les trois organisations ont développé un outil plus spécifique (finalisé courant 2021), permettant d'évaluer, en association avec des juristes (accès à certaines données, réglementation sur les libertés publiques, etc.), la capacité d'un pays à détecter une menace d'agroterrorisme liée à l'élevage. Il comporte 32 indicateurs, répartis en sept catégories, telles que « l'organisation nationale de l'épidémiosurveillance » et la « présence de laboratoires compétents ». Ce module permet au pays d'évaluer ses capacités et suggère, le cas échéant, un plan de mise à niveau à court, moyen et long termes sous forme d'un diagramme-radar (figure).

Exemple de résultat graphique de l'évaluation des capacités d'un pays fictif à détecter une menace

menace franck.jpg

Source : One Health Outlook

Lecture : le radar montre les capacités du pays à faire face à un cas d'agroterrorisme à partir de 32 indicateurs regroupés en sept catégories (organisation institutionnelle, laboratoires, épidémiosurveillance, gestion du risque, traitement des données, ressources humaines, évaluation). Plus le point est proche de la périphérie, meilleure est la capacité du pays dans le domaine concerné.

Source : One Health Outlook

Désastres sanitaires et rôle potentiel des vétérinaires

Un article publié dans Frontiers in public health propose une réflexion sur l’intérêt d'intégrer des vétérinaires à la gestion de catastrophes sanitaires majeures, possibilité proposée dès les années 1960 par un rapport non publié du Service de la défense civile américain. En effet, ceux-ci bénéficient de connaissances en protection de l'eau et des aliments, en épidémiologie et en maladies épizootiques, en gestion d'urgences médicales. En outre, beaucoup de cliniques vétérinaires disséminées sur le territoire disposent de ressources en imagerie médicale, en laboratoire, en chirurgie et en stock pharmaceutique. Cependant, des freins relevant de l'éthique médicale (soins sur des humains), des limites légales d'exercice professionnel (responsabilité en cas d'erreur) et d'un défaut d’entraînement aux gestes et à la gestion de crise peuvent compromettre cette contribution.

Source : Frontiers in public health

12/07/2021

La PAC est déconnectée des enjeux climatiques

Pour la période 2014-2020, la Commission européenne estime que 26 % du budget total de la Politique agricole commune (PAC), soit 100 milliards d'euros, ont participé à l’atténuation du changement climatique. Pourtant, les émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture, dans l'Union, n'ont plus diminué depuis 2010. La Cour des comptes européenne a donc décidé d'étudier les effets de la PAC sur l'atténuation du changement climatique. Les résultats sont présentés dans un rapport publié en juin.

Les auteurs dressent d'abord un état des lieux des émissions agricoles, qui représentent près de 16 % des émissions totales de l'UE (sans compter celles liées aux importations d'alimentation animale) et proviennent de trois sources principales : l'élevage (50 % du total des émissions agricoles), l'application de fertilisants organiques ou minéraux (36 %) et les changements d'usage des terres (14 %). Elles avaient diminué de 25 % entre 1990 et 2010, principalement grâce à une réduction de l'usage de fertilisants et de la taille du cheptel, puis elles se sont stabilisées ensuite (figure).

Émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture dans l'UE depuis 1990 (UE-27)

enjeux climatiques 1.jpg

Source : Cour des comptes européenne

Lecture : sont représentées, de bas en haut, les émissions issues de la digestion du bétail (vert foncé), du stockage du fumier (vert clair), de la fertilisation (bleu), des changements d'usage des terres (violet). Les autres émissions (ex. : liées aux carburants) sont représentées en gris.

Les auteurs analysent ensuite la pertinence et l'effet de la PAC sur ces trois sources d'émissions. Ils notent qu'aucune mesure ne vise à limiter l'élevage ni la consommation européenne de viande, en augmentation depuis 2014. Les aides couplées encouragent même ces productions, fortement émettrices. Concernant l'utilisation de fertilisants, les auteurs remarquent que la PAC ne cible pas les pratiques les plus efficaces (ex. : technologies de l'agriculture de précision pour l'application d'azote ou d'inhibiteurs de nitrification). Enfin, ils mettent en évidence la faiblesse des mesures mises en œuvre pour réduire les émissions liées au changement d'usage des terres, notamment au drainage des tourbières et à la conversion de prairies en terres arables (figure).

Tendances des émissions de gaz à effet de serre liées au changement d'usage des terres (2010-2018)

enjeux climatiques 4.JPG

 

Source : Cour des comptes européenne

De manière générale, les auteurs soulignent l'écart entre les ambitions climatiques affichées dans la programmation 2014-2020 et les très faibles changements concrets observés, liés notamment à la conditionnalité et aux mesures du second pilier. Le paiement vert, introduit en 2014, a quant à lui un impact marginal sur le climat, comme le montrait déjà un précédent rapport de la Cour (voir à ce sujet un autre billet). Les auteurs concluent par des recommandations, suggérant notamment de fixer des cibles d'émissions du secteur agricole pour chaque État membre.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Cour des comptes européenne