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12/04/2022

Dépendance des cultures aux insectes pollinisateurs en Amérique latine

Dans le dernier numéro d'Ecological Economics, des chercheurs ont estimé le degré de dépendance des cultures aux insectes pollinisateurs en Amérique latine, et mis en évidence la vulnérabilité de ces agro-écosystèmes. Cinquante-trois espèces cultivées en Argentine, au Brésil, au Chili, au Mexique et en Uruguay ont été classées selon leur dépendance à la pollinisation entomophile : en cas d'absence d'insecte pollinisateur, les espèces les moins dépendantes subissent une baisse de rendement de moins de 10 %, et les plus vulnérables une perte supérieure à 90 %. Les rendements et prix de vente moyens de ces productions ont permis d'estimer le poids économique direct de cette vulnérabilité à près de 78 milliards de dollars par an, pour les cinq pays étudiés. En parallèle, le service rendu par les abeilles domestiques a été évalué à près de 23 milliards de dollars. Compte tenu du déclin des populations d'insectes sauvages, les auteurs insistent sur la fragilité des systèmes actuels.

Source : Ecological Economics

Adaptation des plantes cultivées aux conditions extrêmes : enseignements tirés d'espèces de l'Atacama

Dans un article publié dans la revue New Phytologist, des chercheurs ont étudié les métabolites de 24 espèces de plantes du désert de l'Atacama, en Amérique du Sud. Ce milieu se caractérise par un fort stress abiotique, lié à d'intenses radiations solaires, des oscillations de température extrêmes, une forte salinité et une faible teneur en azote des sols. Leurs recherches montrent que ces plantes, indifféremment de l'espèce à laquelle elles appartiennent, utilisent un ensemble commun de molécules qui leur permet de résister aux conditions dans lesquelles elles évoluent. Ces 39 métabolites, que les chercheurs ont reliés à différents facteurs de stress environnemental, existent aussi dans les espèces cultivées. Ils pourraient constituer des pistes intéressantes pour l'adaptation de ces dernières à l'évolution des conditions climatiques.

Source : New Phytologist

La combinaison de l’écologie et de l’agriculture reste timide en Inde

Un article de la revue Mouvements, paru en mars 2022, rend compte de la faible convergence des luttes à caractères socio-économique et écologique dans l’agriculture contemporaine indienne. En 2021, le Front uni des agriculteurs, qui s’opposait aux lois de libéralisation des marchés agricoles (voir à ce sujet un précédent billet), revendiquait le maintien des modèles productifs conventionnels. Au-delà de cet exemple, le fait que l’agriculture biologique reste essentiellement urbaine, et sa prise en charge timide par les organisations non gouvernementales, attestent de la discrétion des enjeux écologiques. Néanmoins, pour les auteurs, la transition vers un régime agro-écologique, engagée dans l’État de l’Andhra Pradesh, augure peut-être d’évolutions. S’inspirant des thèses de Subhash Palekar, agriculteur devenu conseiller du gouvernement, les programmes publics mis en œuvre avec un certain succès depuis 2020 reposent sur le non-labour et la lutte contre les ravageurs via des associations culturales.

Source : Mouvements

18/03/2022

Une analyse des gains de productivité dans le secteur laitier aux États-Unis

La production laitière étasunienne a connu d'importantes restructurations au cours des deux dernières décennies : accroissement de la taille des troupeaux et des volumes produits, essor spectaculaire de la production dans l'ouest du pays, etc. Dans un rapport publié par l'Economic Research Service de l'USDA, E. Njuki analyse les gains de productivité du secteur entre 2000 et 2016. Le travail porte essentiellement sur une estimation de la productivité globale des facteurs (PGF), c'est-à-dire du rapport entre la croissance de la production et celle de l'ensemble des facteurs nécessaires à cette production : terres, consommations intermédiaires, main-d’œuvre, capital (voir à ce sujet un précédent billet).

L'analyse montre qu'entre 2000 et 2016, la PGF du secteur laitier aux États-Unis a augmenté de 2,51 % par an. Des disparités notables s'observent toutefois selon la taille des troupeaux : alors que la croissance est de presque 3 % pour les troupeaux de plus de 1 000 têtes, elle n'est que de 0,6 % pour ceux de moins d'une centaine d'animaux.

L'augmentation de la PGF peut résulter du changement technique (innovations), d'économies d'échelle, d'une utilisation plus efficace des ressources ou de facteurs environnementaux. Dans la seconde partie du rapport, l'auteur décompose les gains de productivité observés selon chacune de ces composantes. Il en ressort (figure ci-dessous) que l’accroissement de la PGF sur la période étudiée résulte essentiellement du progrès technique, surtout pour les plus gros troupeaux, et de facteurs environnementaux (conditions climatiques favorables à la croissance des fourrages), notamment pour les plus petits cheptels. En revanche, dans tous les cas, il n'y a pas d'augmentation de la productivité du fait d'économies d'échelle ou d'une utilisation plus efficace des ressources disponibles.

Croissance de la productivité globale des facteurs et de ses composantes selon la taille des troupeaux, entre 2000 et 2016

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Source : USDA

Lecture : TFPI = index de productivité globale des facteurs : TPI = index de progrès technique ; SMEI : index d'économies d'échelle ; TEI : index d'efficience dans l'utilisation des ressources ; EI = index environnementaux.

En conclusion, l'auteur considère que les politiques publiques visant à soutenir la productivité dans le secteur agricole devraient s'appuyer sur un diagnostic précis des tendances en la matière, afin d'en identifier les composantes devant faire l'objet d'une vigilance accrue.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : USDA

Contribution des biotechnologies à l'augmentation du potentiel de rendement du maïs

Dans une étude publiée dans PNAS, la revue officielle de l'Académie nationale des sciences des États-Unis, des chercheurs s'intéressent aux gains de rendement du maïs irrigué cultivé dans trois régions de l'État du Nebraska, entre 2005 et 2018. Ils estiment que ces gains sont dus pour 48 % à des conditions climatiques particulièrement favorables, pour 39 % à l'amélioration des pratiques agronomiques et pour seulement 13 % aux progrès génétiques des semences permis par les biotechnologies (figure ci-dessous).

Les auteurs ont dans un premier temps alimenté un modèle agronomique adapté au cas considéré, comprenant les données climatiques quotidiennes des stations météorologiques locales. Ils ont ainsi constaté que près de la moitié du gain de rendement global est attribuable à des conditions climatiques très propices sur la période étudiée : hausse du rayonnement solaire, températures plus fraîches en période de floraison et plus élevées dans la phase végétative. En dehors du climat, les chercheurs ont fait l'hypothèse que le reste de l'augmentation de rendement est d'origine technique : évolution des pratiques agronomiques, améliorations génétiques apportées aux semences de maïs. Pour distinguer ces contributions, ils ont identifié et estimé celles de nature agronomique à partir des données enregistrées par les agriculteurs : rendements, intrants appliqués (engrais, produits phytosanitaires), irrigation, culture précédente, etc. Selon les auteurs, trois quarts des gains de rendement issus du progrès technique (soit 39 % des gains totaux) proviendraient de l'évolution des pratiques : augmentation des quantités d'engrais azotés et des densités de semis, changements dans le travail du sol, rotation des cultures, etc. Le quart restant est attribué à l'amélioration génétique des semences de maïs utilisées sur la période, soit 13 % du gain de rendement global.

Estimation des contributions à l'augmentation du rendement d'une culture de maïs irrigué dans trois zones agricoles du Nebraska entre 2005 et 2018

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Source : PNAS

Lecture : le gain de rendement (kg/ha) annuel de la culture de maïs irrigué est calculé pour trois zones agricoles du Nebraska (Lower Niobrara - LN, Tri-Basin - TB, Upper Big Blue - UBB), ainsi que pour la moyenne des trois. Ce gain est ensuite décliné selon la contribution relative estimée du climat (en vert), des techniques agronomiques (en jaune) et de l'amélioration des semences apportée par les technologies génétiques (en rouge).

Les résultats de cette étude montrent des apports limités des biotechnologies à l'augmentation du potentiel de rendement d'une culture, dans un contexte spécifique : du maïs génétiquement modifié était déjà cultivé au Nebraska en 2005, avec des niveaux de rendement parmi les plus élevés au monde et dans des conditions climatiques et agronomiques propices. Selon les auteurs, si des résultats similaires étaient identifiés dans d'autres contextes, l'augmentation de la production serait plutôt due à des pratiques agronomiques améliorant les rendements ou à une intensification des cultures.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

15/03/2022

Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, TAPE. Outil pour l'évaluation de la performance de l'agroécologie, décembre 2021

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Fin 2021, l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) a publié le guide d'application de son nouvel outil pour l'évaluation des performances de l'agro-écologie (TAPE-Tool for Agroecology Performance Evaluation). Conçu avec des partenaires scientifiques et institutionnels du monde entier, cet outil vise à consolider les données disponibles sur l'agro-écologie, et à développer un dispositif commun d'évaluation de ses performances. Il s'appuie pour cela sur différents cadres d'analyse préexistants, et fait actuellement l'objet de tests à grande échelle dans plusieurs pays (Italie, Kenya, Laos, Mexique, etc.).

La démarche TAPE se déroule en plusieurs étapes : i) description du système de production agricole analysé et de son contexte territorial (caractéristiques socioéconomiques, environnementales et démographiques, inventaire des politiques impactant l'agro-écologie, etc.) ; ii) caractérisation de son degré de « transition agro-écologique » ; iii) évaluation de ses performances ; iv) analyse et interprétation participative des résultats. La caractérisation de la transition s'appuie sur une déclinaison, en 37 indicateurs semi-quantitatifs, des dix composantes de l'agro-écologie établies par la FAO. Ces indicateurs sont détaillés dans le document et la figure ci-dessous présente un exemple d'application à Cuba. L'axe « Diversité » en agrège ainsi plusieurs relatifs à la diversité des cultures, des animaux, des arbres et autres plantes vivaces, ainsi que des activités, produits et services.

Caractérisation de trois exploitations agricoles cubaines, à différents stades de transition agro-écologique : monoculture conventionnelle, transition récente et transition avancée

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Source : FAO

Les performances des systèmes sont quant à elles évaluées selon dix critères : sécurité des régimes fonciers (cadre juridique, durée des baux, existence de conventions, etc.), productivité, revenus, valeur ajoutée, exposition des travailleurs agricoles aux pesticides, diversité alimentaire, autonomisation des femmes, perspectives professionnelles des jeunes, biodiversité agricole et santé du sol. Ces critères sont évalués grâce à des indicateurs déjà utilisés pour le suivi des Objectifs du développement durable (ODD).

Le TAPE peut ainsi être utilisé à l'échelle des exploitations comme des territoires, et il doit permettre un suivi dans le temps de l'évolution des systèmes de production. Basé sur des questionnaires simples, il permet aux producteurs de mettre en place des auto-diagnostics, mais pourrait aussi être utilisé à grande échelle pour le suivi et l'évaluation des politiques publiques.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Lien : FAO

Louis Bockel, Aristide S. Ouedraogo, Kouakou Aphely Amon Auguste, Padmini Gopal, Analyse prospective de la filière cacao en Côte d'Ivoire 2020-2030. Vers une politique commune de marché de cacao en Afrique de l’Ouest, FAO, novembre 2021, 49 pages

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La réflexion prospective publiée par l’Organisation mondiale des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en novembre 2021, expose deux scénarios de développement de la chaîne de valeur du cacao en Côte d’Ivoire à l’horizon 2030. Elle s’inscrit dans le contexte de l’alliance stratégique nouée en 2018, avec le Ghana, pour lutter contre la chute des prix. Un état des lieux de la filière précède ces deux scénarios.

Le scénario de référence (« Business as usual ») est proche de la tendance actuelle. Le niveau moyen annuel de déforestation, estimé à 28 800 ha (référence 2000-2015), décroît lentement pour arriver à un niveau nul en 2030. Au cours de la période, 158 400 ha de forêts sont détruits. Simultanément, 10 000 ha de cacaoyères installées en zone forestière protégée sont reboisés.

Le second scénario (« Du développement durable ») propose un plan bien plus ambitieux de sortie de la déforestation : 7 420 ha seulement sont déboisés sur l’ensemble de la période ; l’extension de la culture de cacao est permise par la mise en culture de jachères, de zones dégradées ainsi que par la mobilisation de parcelles dédiées à des cultures annuelles. Ce scénario prévoit le reboisement de 40 000 ha de cacaoyères installées en zone forestière protégée. Il s’accompagne de mesures de réhabilitation de 816 000 ha de plantations existantes ainsi que d'un meilleur entretien de plus d’un million d’hectares. Il table également sur la diffusion de pratiques agroforestières permettant de lutter contre les effets du changement climatique, auxquels les cacaoyers sont très exposés. Des objectifs de transformation locale de 50 % des volumes de cacao sont fixés, alors que seuls 30 % sont actuellement traités en Côte d’Ivoire.

Les investissements publics à prévoir et les mesures incitatives à déployer, dans le cadre du second scénario, sont exposés : appui aux pratiques durables, soutien à la transformation et aux exportateurs, aide logistique aux coopératives, subvention des intrants, etc. Une estimation de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, met en évidence la possible augmentation des revenus des producteurs de cacao, de 60 à 70 % sur 10 ans, la création de 180 000 emplois (en équivalent temps plein), l’accroissement du stockage du carbone et la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Projection des changements d’usage des terres selon les deux scénarios étudiés

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Source : FAO

Lecture : situation actuelle dans le haut du tableau (intitulés sur fond gris) ; effets du scénario « business as usual » dans la partie centrale (lignes violettes) ; effets du scénario de développement durable dans le bas du tableau (lignes vertes et grises).

Amandine Hourt, Centre d’études et de prospective

Lien : FAO

14/03/2022

La « vie chère » dans les Outre-mer

Dans la dernière livraison de la revue Géographie, économie, société, mise en ligne en février 2022, l'article de J.-F. Hoarau (université de La Réunion), identifie les facteurs et mécanismes qui participent aux différentiels de prix entre la métropole et les départements et régions d’Outre-mer (DROM), principalement tirés par les prix alimentaires. De plus, la vulnérabilité au changement climatique et la dépendance externe de ces territoires pourraient accroître prochainement les coûts d'accès à l'alimentation humaine (mais aussi animale).

Pour l’auteur, les forts handicaps structurels des économies ultra-marines sont à l'origine des écarts de prix. Ils les conduisent à une plus grande exposition aux chocs et à une situation de fragilité économique. Ces handicaps entraînent des surcoûts qui se traduisent par un surenchérissement des prix à la consommation et un défaut de compétitivité. L’auteur rappelle aussi que la localisation dans l’espace est un facteur crucial du développement économique. La distance importante entre les territoires et les grands marchés internationaux (figure ci-dessous) s’accompagne de coûts d’approche élevés (frais supplémentaires liés au conditionnement, au transport, etc.). De plus, leur insularité empêche les entreprises locales de bénéficier d’effets d’agglomération tels que la densité d’emplois, la présence d’une main-d’œuvre spécialisée ou l’existence d’infrastructures modernes. Cette limite est par exemple visible dans la quasi-absence d’effort de recherche des entreprises ultramarines.

Le système de transport global (terrestre, maritime et aérien)

productivité globale des facteurs,etats-unis,filière lait

Source : Géographie, économie, société

Lecture : en vert, le transport routier ; en bleu, les routes maritimes ; en rouge, les réseaux aériens.

De plus, pour J.-F. Hoarau, en économie, « l’histoire compte ». Les structures sociales issues des institutions coloniales traversent les âges et se manifestent dans la prévalence d’une logique « exportations de produits agricoles tropicaux contre importations de produits manufacturés » (figure ci-dessous).

Décomposition (en %) du commerce extérieur des DROM, en 2018

productivité globale des facteurs,etats-unis,filière lait

Source : Géographie, économie, société

Enfin, un troisième ensemble de facteurs touche à l’étroitesse économique des marchés et au défaut de concurrence associé. La faiblesse de la demande limite le nombre d’entreprises capables de desservir de manière efficace le marché local, favorisant des situations de monopole et d’oligopole qui concernent les industries de transformation locale comme la grande distribution. D'après l'auteur, l’intensité concurrentielle pourrait être renforcée et la recherche de compétitivité des entreprises resserrée sur le commerce extérieur à l’échelle régionale, par exemple au moyen du développement d’une industrie agroalimentaire de haute qualité, tournée vers les petits marchés touristiques « de luxe » avoisinants.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : Géographie, économie, société

10/03/2022

Un outil d'analyse multifactorielle de l'usage des terres agricoles

Une équipe de chercheurs vient de publier, avec l’Organisation mondiale des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l'Institut international de recherche sur le riz (IRRI), un système d'analyse de l'adéquation des terres aux productions agricoles. Cet outil (Agricultural Land Use Evaluation System : ALUES) prend la forme d'un module complémentaire (package) pour R, logiciel libre de traitement de données. Il intègre les besoins de 56 cultures (dont la luzerne, le blé, la banane ou le riz) en matière de composition et structure des sols, de température et de pluviométrie, ainsi que les caractéristiques de plusieurs zones d'Asie du Sud-Est à titre d'exemple. L'intérêt de ce package est notamment le recours à des algorithmes complexes d'analyse multifactorielle, reposant sur une démarche de logique floue. Cette approche non binaire permet d'évaluer de façon progressive les différentes adéquations, en tenant éventuellement compte d'effets de seuil. Elle permet aussi de les résumer en un indicateur synthétique (figure ci-dessous).

Adéquation des terres de l'île de Marinduque (Philippines) à la production de bananes

riz,fao,

Source : R-cran/ALUES

Lecture : l'adéquation des sols à la production de bananes est faible (en rouge) à élevée (en jaune) selon des critères de part d'éléments grossiers (CFragm), capacité d'échange cationique des argiles (CECc), pH (pHH2O), texture (SoilTe). Un indicateur agrégé (Overall Suitability) est également présenté.

Source : R-cran

09/03/2022

Les normes, « face cachée de l'alimentation dans la mondialisation »

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À l'occasion de la parution en février du Déméter 2022, l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) diffuse un entretien sur les enjeux de la normalisation, avec l'un des contributeurs, C. Mayeur, ancien directeur Développement et Innovation à l’Afnor. Dans un contexte de tensions géopolitiques et commerciales, les initiatives de normalisation volontaire en matière alimentaire reflètent les rapports de force entre les régions du monde, les États, les acteurs économiques, etc. Sur la scène internationale, la coordination européenne est nécessaire pour peser face aux poids lourds de la normalisation (Chine, États-Unis, Japon). Pour les industriels, aussi bien les grands groupes que les PME innovantes ou les start-ups, la normalisation est une arme stratégique pour accéder à de nouveaux marchés. Elle peut également apporter des garanties face aux questions environnementales et sanitaires, de plus en plus posées aux différents secteurs industriels, et tout particulièrement à l'industrie agroalimentaire.

Source : Iris

Évaluation d'impact d'un programme visant à contribuer à la sécurité alimentaire en Éthiopie

Un article publié dans PlosOne en janvier 2022 s'intéresse aux effets du Productive Safety Net Program (PSNP), conduit par le gouvernement éthiopien pour contribuer à la sécurité alimentaire des ménages ruraux de l'ouest du pays. Engagé en 2005 à la suite d’une grave crise alimentaire, le PSNP apporte aux ménages une aide financière ou en nature en cas de faible production agricole. Afin d'en apprécier l'impact, les auteurs ont comparé la ration calorique de deux échantillons de ménages, l'un ayant bénéficié du dispositif et l'autre non. Les échantillons ont été construits par un appariement sur score de propension. L'analyse montre un effet positif du PSNP sur la sécurité alimentaire avec 68 % des ménages participant en situation de sécurité alimentaire (+2 100 kcal/jour/adulte), contre 54 % pour les ménages ne participant pas. En conclusion, les auteurs formulent des recommandations, comme le soutien aux projets à visée nutritionnelle dans les zones rurales.

Source : PlosOne

16/02/2022

Évolution des productions végétales brésiliennes sur trois décennies

En janvier 2022, l'Instituto de Manejo e Certificação Florestal e Agrícola (Imaflora) a publié une analyse approfondie de la production agricole du Brésil sur la période 1988-2017. Ces trois décennies correspondent à la fin de la phase dite de modernisation de l'agriculture (années 1960-1990), à l'ouverture des marchés (1990-2000) et, depuis, au positionnement du pays comme fournisseur important de matières premières au niveau international. Mobilisant diverses bases de données, les auteurs se sont intéressés aux dynamiques spatiales et temporelles, ainsi qu'à la productivité et à la diversité des principales productions végétales. Ils montrent ainsi la concentration de la production brésilienne sur un nombre réduit de cultures.

Au cours de la période étudiée, la diversité végétale cultivée a été réduite de 9 %, sachant qu'une soixantaine d'espèces étaient utilisées dans les années 1980. De plus, la superficie agricole totale du pays est passée de 57 millions d'hectares en 1988 à 78 millions en 2017. Sur la période, au moins 70 % de cette surface sont dédiés à cinq cultures. Dans les années 2000, le soja a acquis une place de choix, occupant, en 2017, 43,2 % de la superficie, suivi du maïs (22,5 %), de la canne à sucre (13 %), des haricots (3,9 %) et du riz (2,6 %). La majeure partie de la surface agricole est consacrée au soja et au maïs (figure ci-dessous), ce dernier ayant perdu la première position à partir de 1995. La canne à sucre, quant à elle, est désormais à la troisième place, dépassant les cultures vivrières (riz et haricots).

Répartition spatiale des cinq principales cultures au Brésil en 2017 : première (carte de gauche) et deuxième (carte de droite) productions, en surface (%), par région agricole et au niveau national (barre inférieure)

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Source : Imaflora

Lecture : en jaune, maïs ; en vert clair, soja ; en marron, riz ; en vert foncé, canne à sucre ; en orange, haricot.

Sur les trois décennies analysées, la production totale annuelle est passée de 382 à 1 089 millions de tonnes, accompagnée de gains de productivité pour diverses cultures. Les situations sont toutefois différenciées. Par exemple, la production de soja a augmenté de 536 %, avec une croissance de 221 % de la superficie cultivée ; ces taux sont, respectivement, de 295 % et de 32 % pour le maïs. De plus, la surface consacrée à certaines cultures a été réduite, mais avec une croissance des volumes récoltés : c'est par exemple le cas du café, dont la surface a diminué de 40 % et la production augmenté de 96 %. Par ailleurs, la tendance est à la baisse pour le manioc, le cacao et le blé, avec par exemple -47 % de surfaces et -24 % de production pour ce dernier.

Enfin, l'analyse permet également d'approfondir les dynamiques par région agricole (exemple figure ci-dessous) et par type d'exploitations.

Évolution du nombre de cultures par région agricole, de 1988 à 2017

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Source : Imaflora

Lecture : en rouge, perte de plus de cinq cultures ; en orange, perte de 1 à 5 cultures ; en gris, stabilité du nombre de cultures ; en vert clair, gain de 1 à 5 cultures ; en vert foncé, gain supérieur à 5 cultures.

Franck Foures, Conseiller régional agricole par interim et référent sanitaire et phytosanitaire, Service économique régional, ambassade de France au Brésil

Source : Imaflora

Réorienter la moitié des subventions agricoles pour de meilleurs résultats environnementaux, sanitaires et économiques

Dans un article publié dans Nature Communications, deux chercheurs britannique et allemand ont analysé des scénarios de réorientation des subventions agricoles, au niveau mondial. Pour les auteurs, celles-ci sont des déterminants majeurs de la production alimentaire, considérée en l’état comme non durable et ne permettant pas de fournir des régimes équilibrés à la population.

Cinq scénarios ont été modélisés : une suppression de l'ensemble des subventions dédiées au secteur agricole, à l'exception de celles liées au commerce des marchandises (scénario RMV) ; une réallocation de la moitié (scénario S50) ou de la totalité (scénario S100) de ces aides à des productions bénéfiques pour le climat (émettant moins de gaz à effet de serre (GES) que d'autres productions) et la santé des populations (fruits, légumes et noix) ; une réallocation des subventions combinée à leur rééquilibrage mondial, en fonction du PIB (scénario GDP) ou de la population (scénario POP) de chaque pays. Les impacts sont évalués à différents niveaux : monde, pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pays non membres de l'OCDE et distribuant des subventions, pays non membres de l'OCDE et sans subventions. Les effets de la réorientation des aides sont étudiés pour la production agricole, les émissions de GES en lien avec l’alimentation, la consommation, les décès évités et la prospérité économique (figure ci-dessous).

Impacts des cinq scénarios de réorientation des subventions agricoles

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Source : Nature Communications

Les résultats montrent la nécessité de réaliser des arbitrages entre les objectifs environnementaux, économiques et de santé publique : tandis que la suppression des subventions a des impacts bénéfiques pour l'environnement et l'économie, la modélisation met en évidence des conséquences négatives en matière de santé publique. En revanche, la réorientation de l'ensemble des aides vers les fruits et légumes impacte positivement la santé publique et diminue les émissions de GES, mais s'avère défavorable pour l'économie. Les scénarios touchent aussi différemment les pays avec et sans subventions : le scénario RMV entraîne une baisse de la production dans les premiers, non compensée par la hausse de la production dans les seconds. De son côté, la réallocation des aides vers les fruits et légumes entraîne une hausse de la production horticole dans les pays avec subventions et une baisse dans ceux qui n’en allouent pas. Ainsi, le scénario que semblent privilégier les auteurs est celui de la réallocation partielle des subventions, combinée à un rééquilibrage de celles-ci au niveau mondial.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Communications

15/02/2022

Sécurité sanitaire : stratégie globale de l'OMS 2022-2030

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de publier sa stratégie globale 2022-2030 en matière de sécurité sanitaire. Faisant suite à une résolution adoptée en 2020, visant le renforcement des efforts pour une nourriture saine, ce rapport a été soumis à un comité technique puis à une large consultation : États membres, institutions scientifiques, agences onusiennes, ONG, etc. Le rapport publié sera présenté à l'Assemblée générale de l'OMS de mai 2022.

600 millions de personnes tombent malades chaque année, dans le monde, suite à l'ingestion d'aliments insalubres, surtout dans les pays à faible niveau de revenu. Ces aliments perturbent aussi les chaînes alimentaires et donc le commerce mondial (interdictions d’importation, etc.). Ces problèmes de qualité sanitaire ont de plus des conséquences négatives sur la sécurité alimentaire, et ils impactent plusieurs objectifs onusiens de développement durable. Pour y répondre, quatre principes régissent la stratégie sur la sécurité sanitaire (figure ci-dessous) : selon l'OMS, elle doit être « prospective », « basée sur les faits », « centrée sur les acteurs » et « efficiente ».

Principes sous-jacents aux priorités stratégiques de l'OMS en matière de sécurité sanitaire

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Source : OMS

Cette stratégie est faite de cinq priorités. La première porte sur la création ou l'amélioration des systèmes de contrôle nationaux. Ils doivent être établis selon des normes modernes, harmonisées et conformes aux données scientifiques et à la législation, régulièrement contrôlés et mis à jour. Des plans de gestion de crise sont à prévoir. La deuxième priorité recommande que les pays aient une attitude proactive, anticipant les changements mondiaux et les transformations des systèmes alimentaires. Pour cela, les impacts de ces changements sur la sécurité sanitaire (ex. augmentation ou émergence de zoonoses transmises par l'aliment) doivent être identifiés et des options de gestion des risques d'apparition étudiées. L'utilisation des données scientifiques et des informations remontées tout au long de la chaîne alimentaire (résultats de contrôles sanitaires, origine géographique, etc.) constitue la troisième priorité. Par ailleurs, l'ensemble des parties prenantes devrait être impliqué (quatrième priorité) grâce à un système d'échange d'informations performant, mobilisant les outils adaptés. Enfin, la sécurité sanitaire est à considérer comme une composante essentielle du commerce alimentaire national, régional et international (cinquième priorité). Dans ce cadre, les systèmes alimentaires doivent se conformer aux normes du Codex alimentarius pour protéger la santé publique et faciliter les échanges.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Organisation mondiale de la santé

Certification de l’indication géographique et revenu de ménages ruraux au Vietnam

Un article paru en 2021 dans les Cahiers Agricultures s’intéresse à l’effet de la certification de l’indication géographique, mise en place par des organisations de producteurs (OP), sur le revenu des petits riziculteurs au Vietnam.

L’indication de l’origine des produits agricoles est souvent considérée, par la littérature scientifique, comme un levier significatif pour améliorer l’accès au marché des exploitants des « pays en voie de développement » et, par conséquent, leurs conditions d’existence. Pour autant, cette démarche n’a pas fait l'objet d'une véritable évaluation d'impact. Les auteurs de cette étude ont donc ciblé une culture vivrière bénéficiant d’une bonne image auprès des consommateurs vietnamiens, le riz gluant Hoa Vàng, dont l'appellation est parfois utilisée abusivement par certains commerçants, qui proposent un riz moins onéreux et de moins bonne qualité. Ce produit bénéficie d'une certification créée par l'association de production et de commercialisation de la province de Hải Dương, fondée en 2006, regroupant 367 membres en 2015. Leur plan d’action visait entre autres un recours limité aux produits phytosanitaires et une stratégie de vente valorisant l’origine et la qualité de la production. Les auteurs ont conduit des entretiens auprès d’un échantillon de 314 riziculteurs membres et non membres de cette OP, ainsi qu'avec des collecteurs, grossistes et détaillants à Hải Dương, Hà Nội et Hồ Chí Minh ville

Caractéristiques des ménages et des exploitations agricoles en 2013 et 2015

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Source : Cahiers Agricultures

En utilisant la méthode du score de propension, les auteurs mettent en évidence le faible effet de la certification de l’IG et, par voie de conséquence, de l’appartenance à une OP, sur l’amélioration du revenu des ménages. Les prix de vente et les revenus ne sont pas nécessairement plus élevés pour la commercialisation du riz gluant. Cela s'explique notamment par une disponibilité plus faible en terres et en intrants des membres de l'OP. Toutefois, en dépit de ces moindres ressources, l'étude met en valeur des capacités similaires d'accès au marché, ce qui tend à prouver l'effet positif de l'appartenance à une OP pour la petite paysannerie. Pour en mesurer l’effet sur le revenu, néanmoins, ces résultats devraient être replacés dans une perspective diachronique. Les auteurs appellent également à un renforcement du dialogue entre les OP et leurs clients, ainsi qu’au développement des contrôles de l’étiquetage par les pouvoirs publics. Enfin, selon eux, l'étude du fonctionnement actuel de ces OP permettrait de dégager des pistes d'amélioration pour leur permettre d'atteindre plus efficacement leurs objectifs.

Johann Grémont, Centre d’études et de prospective

Source : Cahiers Agricultures