15/11/2021
Laurent Davezies, L'État a toujours soutenu ses territoires, Éditions du Seuil, 2021, 108 pages
Ce livre questionne la réalité de certains débats sur la « fracture territoriale » ou « l'abandon des territoires ». Les rapports entre ville et campagne ont toujours été au cœur des préoccupations françaises, et les nouvelles revendications ne font que réactiver des questions anciennes. Amplifiées par les médias et les réseaux sociaux, elles tournent autour de la « métropolisation de la France », du « creusement des inégalités », de la « relégation du rural », de l’abandon des « zones périphériques » par le centre parisien. Mais qu'en est-il vraiment ? Les disparités géographiques sont-elles en train de se creuser ?
L'ouvrage de Davezies aborde de nombreux sujets et on se centrera volontairement ici sur le rural. L’auteur confirme d’abord que le dynamisme des zones urbaines a un effet direct d'entraînement de leur pourtour en matière de revenus, services, équipements, logement, transports et protection sociale. Quand la ville va bien son hinterland est dynamique, quand elle va mal le rural proche rencontre des difficultés. Il y a aussi 7 000 communes que l'Insee appelle « isolées hors influence des pôles ». Représentant un quart des « communes rurales », elles se situent autour d'une diagonale allant de la Lorraine aux Landes. Elles regroupent 5 % de la population française hexagonale (2,9 millions d'habitants), sur 26 % de sa superficie. On y trouve certes des personnes âgées isolées, des emplois vulnérables, une agriculture qui souffre, mais tout n'y va pas si mal : elles aussi commencent à entrer dans les zones d'attraction des aires urbaines, à gagner des emplois non marchands et des actifs navetteurs. De 1968 à 1999 elles avaient perdu 455 000 habitants ; de 1999 à 2016 elles en ont regagné 70 000. Tout cela a permis une progression du pouvoir d'achat de ces populations, dorénavant très proche de la moyenne de la France de province.
Il y a donc en France des territoires qui connaissent des difficultés, mais en aucun cas des territoires abandonnés par la puissance publique. Des activités et des familles sont parties mais les mécanismes protecteurs sont restés, et ils n'ont pas cessé de s’amplifier. La situation des ménages dépend aujourd'hui plus de la circulation privée et publique des revenus que de la création de richesses sur les territoires. Comme le dit Davezies, il est donc « curieux de prendre l'État pour cible », alors qu'il reste le principal aménageur des espaces rendus vulnérables par la désertion des entreprises. Aux yeux de l’opinion, les responsabilités du marché sont invisibles, mais les culpabilités de l'État sont d'avance acquises…
Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective
Lien : Éditions du Seuil
07:25 Publié dans 4. Politiques publiques, Territoires | Lien permanent | Tags : territoires, rapport ville campagne, ruralité, géographie | Imprimer | |