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01/07/2022

La mer et ses enjeux : quelques controverses

La Revue d’anthropologie des connaissances consacre son dernier numéro à des « controverses maritimes ». Les conflits liés à l’exploitation des ressources halieutiques sont traversés par des enjeux de connaissance : évaluation des stocks de poissons, modélisation des écosystèmes et chaînes trophiques, mesure des impacts de la pêche, etc. Si certaines « causes » ont connu une médiatisation importante, comme la chasse au phoque ou l’interdiction des filets dérivants, les débats restent le plus souvent une affaire d’experts, et peu visibles du grand public. N. Reyes et M. Airaud (IRD) s’intéressent ainsi à une controverse peu connue, celle sur les Dispositifs de concentration de poissons (DCP) dérivants. Ils sont apparus dans les années 1980, pour faciliter la concentration des bancs de thons. Il comporte deux parties : un radeau (figure ci-dessous), sous lequel les poissons à la recherche de nourriture se regroupent, et une balise géo-localisée, équipée d’un échosondeur pour mesurer la taille du banc.

L’article suit « les vies multiples » de cet assemblage : préparation sur les quais d’Abidjan, largage en haute mer, récupération après les coups de pêche. Les informations récoltées permettent aux capitaines de diriger leurs navires et aux scientifiques d’alimenter leurs modèles des écosystèmes hauturiers. Les DCP vivent aussi dans les médias, où ils sont critiqués, notamment par des ONG qui dénoncent les dommages aux tortues et autres grands animaux.

Assemblage d’un DCP (à gauche, traînes déroulées ; à droite, empilement de radeaux)

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Source : Revue d’anthropologie des connaissances - Crédits photographiques : Manon Airaud

 Les auteures reviennent sur l’encadrement de leur utilisation par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT). Dans un premier temps, l’Asie et ses palangriers (navires pêchant à la ligne) se sont opposés à l‘Europe (Français et Espagnols pêchant au filet). Par la suite, un consensus a émergé : décision est prise de continuer à utiliser les DCP, mais en limitant leur nombre. En effet, ceux-ci permettent d’évaluer les ressources disponibles, de contrôler les rendements et « potentiellement, d’améliorer la durabilité de la pêcherie ». L’enjeu devient alors de s’accorder sur un plafond de DCP mis à l’eau par navire.

Comment fixer de bons quotas pour éviter une surpêche ? Cette question est au centre d’un autre article, sur la controverse liée à l’effondrement des stocks de morues au Canada. Si la gestion du ministère des pêches est régulièrement mise en cause, des incertitudes demeurent sur le rôle prédateur des phoques. Le dossier comporte aussi un texte sur un projet de parc d’éoliennes off-shore en baie de Saint-Brieuc et sur les méthodes élaborées par des associations de protection de l’environnement issues du monde du surf pour évaluer la « valeur non marchande » des vagues.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Revue d’anthropologie des connaissances

11:47 Publié dans Pêche et aquaculture, Société | Lien permanent | Tags : mer, pêche, controverses |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/07/2021

L'analyse des discours pour comprendre les controverses écologiques : l'exemple des accrus forestiers

Dans les aires protégées, plusieurs conceptions écologiques s'affrontent quant à la contribution à la biodiversité des accrus forestiers (accroissement de la surface forestière par colonisation spontanée) sur les terres agricoles délaissées. Dans un article récent publié dans Environmental Science & Policy, une équipe européenne de chercheurs s'est basée sur l'analyse des discours pour étudier la diversité des points de vue.

Pour ce faire, elle s'est appuyée sur des entretiens semi-directifs menés (directement ou en puisant dans des travaux antérieurs) dans des parcs en France (parcs nationaux des Pyrénées et des Cévennes), en Espagne (parc naturel du Montseny) et en Écosse (parc national des Cairngorms). Ces sites naturels anthropisés, mêlant en proportion variable forêts, landes et pâturages, sont justement reconnus, au titre de la conservation, par l'interaction ancienne entre l'homme et la nature.

Au sein de ces espaces, les discours sur les accrus forestiers divergent. Pour certains, ils sont synonymes de recul de l'agriculture et des modes de vie traditionnels, responsables de la perte de biodiversité liée à la fermeture des milieux. Pour d'autres, au contraire, ils symbolisent le retour à la nature antérieure de ces espaces. La comparaison des discours est alors intéressante. Pour cela, les auteurs ont utilisé un cadre d'analyse (figure ci-dessous) inspiré des travaux de Hajer, mobilisant les concepts de « lignes narratives » et de « coalitions discursives » pour expliciter les différentes positions et stratégies. De façon originale, ils donnent une importance particulière au contexte écologique réel (état des habitats, modes d'utilisation des terres et dynamique de la biodiversité).

Cadre d'analyse permettant d'identifier les facteurs sociaux et écologiques sous-tendant les discours

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Source : Environmental Science & Policy

Afin de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans l'élaboration des différents discours, les auteurs ont cherché à expliciter les rôles i) des intérêts des protagonistes, ii) des représentations dominantes et iii) des discours institutionnels. Ils se sont notamment attachés à décoder les discours des gestionnaires des parcs, mettant en évidence la prééminence des alliances (avec les agriculteurs ou les forestiers, l'opinion publique, les politiques, etc.) sur les arguments écologiques. Leurs positions évoluent d'ailleurs constamment en fonction de débats extérieurs, comme par exemple celui sur le ré-ensauvagement ou sur le changement climatique. Les auteurs concluent à l'importance de mettre en place des modes de gouvernance collaboratifs prenant appui sur des processus délibératifs continus.

Prévalence des différents discours en fonction du type de partie prenante, selon les sites

sylviculture 3.jpg

Source : Environmental Science & Policy

Lecture : les signes + indiquent l'adoption d'un type de discours par le groupe considéré. Les +++ signifient qu'un grand nombre d'entre eux a adopté cette modalité, alors qu'un seul + indique que si ce discours est bien présent, il n'est pas majoritaire.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Science & Policy

19:52 Publié dans Environnement, Forêts Bois, Territoires | Lien permanent | Tags : forêt-bois, accrus, controverses |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/03/2020

Une analyse des controverses sociétales liées à l'élevage

Le projet de recherche ACCEPT, dont les résultats ont fait l'objet d'une publication dans la revue Innovations Agronomiques, s'est intéressé aux différentes controverses associées à l'élevage : condition animale, impact sur l'environnement, critique du modèle économique des productions à grande échelle, etc. Outre une typologie des attentes sociétales par rapport à cette activité, les auteurs étudient quelques mouvements de contestation de projets d'élevage et identifient les facteurs susceptibles de déclencher leur rejet. Leur analyse montre que les réactions d'opposition peuvent concerner aussi bien des projets de grande que de petite dimension, en agriculture biologique comme en conventionnel. Elles ciblent généralement des installations porcines ou avicoles, situées au sein de territoires porteurs d'enjeux environnementaux forts ou qui étaient jusqu’à présent dédiés à des activités non agricoles, telles que le tourisme.

Source : Innovations Agronomiques

16:02 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : élevage, controverses |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/05/2018

Colloque sur « l'acceptabilité des élevages par la société » : cartographie des controverses, mobilisations collectives et prospective

Des conditions de vie des bêtes aux impacts de l'élevage sur l'environnement, les filières animales sont au cœur de nombreux débats. Le projet Casdar « Accept », dont le séminaire de clôture a eu lieu début avril, avait pour objectif d'en dresser la carte et d'en identifier les mécanismes, de façon à alimenter les réflexions sur l'avenir de l'élevage. Trois années de travail ont permis d'avancer sur 4 axes, déclinés en 12 études (cf. figure).

Présentation de la structure du projet Accept (intervention de C. Roguet)

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Source : Accept

Le premier volet, mené notamment dans le cadre de la thèse en cours d'E. Delanoue, a confirmé que les débats sur l'élevage prennent une forme particulière, celle de la « controverse ». S'y combinent en effet 1) des incertitudes scientifiques (sur la mesure des impacts environnementaux, la sensibilité des animaux, etc.), 2) une opposition assez tranchée entre deux parties (les « pour », notamment du côté du monde agricole, et les « anti », souvent du côté du monde associatif), et 3) un « public » placé en position d'arbitre (consommateurs-citoyens, industries agroalimentaires et décideurs politiques).

Une méthodologie sophistiquée combinant scientométrie, groupes d'échanges éleveurs-citoyens et sondages d'opinion, a permis de donner corps à une typologie des attitudes à l'égard de l'élevage. Différents profils de consommateurs-citoyens se dégagent : les « abolitionnistes » (qui militent pour la fin de l'élevage, y compris en adoptant une alimentation végane), les « alternatifs » (qui veulent consommer « moins, mais mieux », typiquement des produits bio), les « optimisateurs » (vers qui les démarches de progrès des filières peuvent être orientées), les « compétiteurs » (soucieux des parts de marché de la France) et les « indifférents ». En faisant varier le poids de chacun de ces profils dans la société de 2040, la réflexion prospective envisage divers scénarios d'évolution, d'une France indifférente gagnée par la junk food à la crise du secteur viande, mis à l'index tel un « nouveau tabac ».

Parmi les nombreux apports du projet Accept, signalons enfin la mise au point, par les chambres d'agriculture de Bretagne, d'un outil d'auto-diagnostic à destination des éleveurs, leur permettant de mieux anticiper l'acceptabilité de leurs projets au niveau local, et donc de désamorcer les conflits.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Accept

13:25 Publié dans 1. Prospective, Société | Lien permanent | Tags : accept, controverses, élevage, acceptabilité, colloque |  Imprimer | | | | |  Facebook