Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/02/2021

Revue de travaux sur l'industrialisation de la production d'insectes comestibles

Environmental Research Letters a publié la première revue de littérature concernant les travaux récents sur l'industrialisation de la production d'insectes comestibles. Estimé à 406 millions de $US en 2018, ce marché pourrait atteindre 1,18 milliard en 2023. Cette forme d'élevage concerne de nombreux débats de société et la recherche scientifique s'y intéresse de plus en plus. Les auteurs analysent les articles de 2018 dont la majorité se concentre sur l'industrialisation de la production. Cela dénote un besoin de recherche appliquée, sous l'influence notamment des exigences de la réglementation européenne Novel food.

Les 66 articles retenus traitent divers aspects. Pour les aspects microbiologiques, trois points clés sont considérés : les conséquences des conditions de production sur le microbiote des animaux, la survie éventuelle de pathogènes en post-production, les méthodes de décontamination. Les facteurs externes sont également étudiés, les principaux étant la température et l'alimentation des insectes, déterminantes pour leur métabolisme, leur taux de croissance, leur composition en macronutriments. Sur ces aspects, les auteurs soulignent la part importante d'articles traitant de l'Afrique. Le contexte occidental est moins abordé, du fait d'une concurrence forte des entreprises et laboratoires de recherche, et donc d'une réticence à la diffusion de résultats.

En matière de développement de produits, la poudre d'insectes est la forme la plus commune, ingrédient de denrées ensuite cuites (ex. crackers, pains, céréales). Parmi les procédés de transformation, le fractionnement contribue à la biodisponibilité des composants nutritionnels et à la standardisation des produits. Les améliorations de la qualité sanitaire et de la durée de vie sont aussi étudiées. Par ailleurs, l'acceptation de ces produits par les mangeurs est envisagée, variable selon la localisation géographique, le caractère traditionnel ou non de la consommation d'insectes, l'espèce (2 000 étant comestibles), le genre et le statut socio-économique des consommateurs, etc.

Enfin, si les dimensions sociales et environnementales (aspects culturels, éthique animale, etc.) sont souvent mentionnées dans les articles, peu d'analyses spécifiques leur sont consacrées. Pour les auteurs, les travaux sur les aspects sociaux et environnementaux sont indispensables, l'industrialisation de l'élevage d'insectes soulevant des questions importantes à traiter, telle celle des conséquences du passage à une production industrielle sur sa durabilité, largement débattue actuellement.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

08/02/2021

Q Open, une nouvelle revue en accès libre de l'Association européenne des économistes agricoles

Q open .jpg

L'Association européenne des économistes agricoles (EAAE) publiait déjà l'European Review of Agricultural Economics et Eurochoices. En partenariat avec Oxford University Press, elle vient de faire paraître le premier numéro d'une nouvelle revue, Q Open. En accès libre, elle a pour ambition de devenir une publication de référence en économie, dans les domaines de l'agriculture, de l'environnement, des ressources naturelles et du climat, de l'alimentation et du développement agricole et rural. Les articles sont évalués par les pairs avec une relecture en « double aveugle » (les auteurs ne connaissent pas l'identité des évaluateurs, et vice-versa).

Dans ce numéro inaugural, une série d'articles est consacrée à la prospective et à l'analyse des arbitrages entre critères d'impacts (trade-off analysis), appliquées aux systèmes alimentaires, sous l'angle de leur utilisation pour orienter les choix en matière de recherche et d'innovation. Ces articles présentent les résultats d'un projet de recherche mené pour le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), en vue d'appuyer sa réforme « One CGIAR » entamée en 2019. Cette réforme vise à redéfinir ses missions, sa gouvernance, ses partenariats, etc., pour augmenter ses impacts et son alignement sur les Objectifs de développement durable (ODD).

Parmi les travaux présentés, figurent deux revues de littérature : l'une analyse 11 prospectives récentes menées par diverses organisations (World Resources Institute, Food and Land Use Coalition, EAT-Lancet, etc.), sur le thème « système alimentaire, environnement et changement climatique » ; l'autre s'intéresse à la prise en compte du genre, de la pauvreté et de la nutrition dans les études prospectives. Si les tendances lourdes sont communes à la plupart des prospectives (démographie, changement climatique, etc.), les auteurs soulignent des aspects insuffisamment considérés, malgré leur rôle souvent déterminant : inégalités alimentaires et d'accès aux technologies, gouvernance, évolution des rapports de pouvoir, risques de ruptures systémiques, etc. En complément, un article propose une revue très complète des outils et méthodes développés depuis plusieurs années en matière d'arbitrages entre impacts multiples (économie, santé, environnement, etc.). Allant des modèles de simulation au projet AgMIP, ils permettent de plus en plus d'enrichir la prospective par des analyses quantitatives.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Q Open

Des choses de la nature et de leurs droits, Sarah Vanuxem

choses de la nature.jpg

Pour faire face à la dégradation des milieux naturels, les juristes recourent souvent à la personnification morale : des humains, réunis par exemple sous forme d’association ou d’établissement public, portent la parole et représentent les intérêts de l’environnement en justice. Mais peut-on imaginer des procédés mieux « adaptés aux besoins de notre temps » ? Dans ce court ouvrage, S. Vanuxem (maître de conférences en droit privé, université de Nice Sophia Antipolis) entreprend de repérer, dans les textes en vigueur (dont le Code civil et la loi « biodiversité » de 2016), les nombreux dispositifs permettant de « reconnaître d’emblée » des droits aux animaux, aux végétaux, aux minéraux, sans passer par l'artifice de la personnification.

La notion de « servitude », théorisée par Moïse de Ravenne vers 1140, constitue une solution millénaire pour attacher des droits à des lieux, héritages ou « fonds de terres », avec bien des exemples historiques, allant des temples mésopotamiens aux droits d’usage des maisons sur les pâturages du haut plateau de l’Ardèche. Le procédé est repris dans le Code civil, où une servitude (ou un service foncier) « relie des choses, non des personnes », ce lien stable venant contraindre les usages qui peuvent en être faits. Mais ce procédé a souvent semblé problématique aux spécialistes de droit civil, qui peuvent encore y voir un archaïsme liberticide, teinté de religiosité et d'anthropomorphisme. Même dans les travaux d'E. Ostrom sur les « communs », ceux-ci sont réduits à des ressources gérées par un collectif humain.

S’appuyant sur Les mots et les choses (1966) de M. Foucault, et sur l’anthropologie comparée de P. Descola, l’auteure poursuit son analyse avec les services écologiques et environnementaux. En suivant la trame des relations entre écosystèmes, ces notions élargissent les protections, par association et analogie, bien au-delà des seules relations de voisinage engagées dans les servitudes foncières. S. Vanuxem montre que les mécanismes de compensation écologique, loin de renvoyer à une marchandisation de la nature, gagnent à être analysés comme des relations entre « fonds », obligeant les humains qui les habitent, en usent ou les amènent à fructifier. Enfin, elle consacre un chapitre aux droits des communautés d’habitants, chargées de « l’intendance » des lieux et de la nature.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

04/02/2021

Les consommateurs se disent prêts à payer plus pour des produits portant des labels superflus ou trompeurs

Dans un article publié en janvier dans la revue Food Policy, des chercheurs de l'université de Purdue, aux États-Unis, ont étudié le phénomène selon lequel les consommateurs sont prêts à acheter plus cher des produits portant des labels superflus ou trompeurs. Ils ont interrogé 1 122 individus américains sur leur consentement à payer pour trois types de labels superflus : un sel sans OGM, un jus d'orange sans gluten et du poulet élevé sans hormones (les hormones sont interdites pour cet élevage aux États-Unis). Selon les résultats (voir tableau ci-dessous), 40 à 58 % des individus se disent prêts à payer davantage pour des produits portant ces labels que pour d’autres non labellisés. De manière générale, les personnes ayant le plus de connaissances (scientifiques et/ou sur l'agriculture) ont un consentement à payer moindre pour ces labels. Par ailleurs, lorsque des informations leur sont données expliquant en quoi le label est trompeur, 39 à 43 % des répondants diminuent leur consentement à payer, mais 30 % l'augmentent.

Différence moyenne et médiane de consentement à payer pour un produit portant un label superflu et pour un produit non labellisé, selon les labels, avant et après information

consommation et labels.jpg

Source : Food Policy

Source : Food Policy

15:15 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : labels, consommation, alimentation, nutrition |  Imprimer | | | | |  Facebook

19/01/2021

Alertes et lanceurs d'alerte, Francis Chateauraynaud

alerte.jpg

Au milieu des années 1990, F. Chateauraynaud (EHESS) a renouvelé la sociologie des risques et de l’expertise en créant le terme et mettant en évidence le rôle des « lanceurs d’alerte », à savoir ces personnes ou ces groupes qui, « rompant le silence, passent à l’action pour signaler l’imminence, ou la simple possibilité d’un enchaînement catastrophique ». La notion connut rapidement un certain succès. L’ouvrage retrace ses appropriations par les acteurs du risque environnemental, puis par ceux de la lutte contre la corruption et la délinquance économique. Mise à l'agenda politique dès le Grenelle de l'environnement (2007), elle est introduite dans l’ordre juridique en 2013 et 2016, avec le vote de deux lois sur la protection des lanceurs d'alerte contre les pressions et sur la procédure de signalement.

L'auteur critique cette institutionnalisation en se référant à l'idéal-type d'une « alerte authentique », basée sur l’attention aux changements à peine sensibles des milieux de vie. Dans ce modèle, une fois lancée, la mobilisation connaît des trajectoires variées, en partie imprévisibles. Elle est reprise dans de multiples arènes, connaît des rebondissements comparables à une enquête collective, jusqu’à provoquer les ajustements nécessaires pour prévenir le risque, ou limiter les dégâts, et retrouver prise sur le futur. Selon Chateauraynaud, le dispositif français, conçu en partie au moment de l'affaire Cahuzac, entretient la confusion avec une autre catégorie, moins pertinente pour l'analyse des risques : la « dénonciation de scandales » et le whistleblower.

Ce « jeu de lois » repose aussi sur le respect d'étapes, de formes et de hiérarchies. Or, toute alerte « véritable », mise en branle par des signaux faibles, « hors du code », ne tend-elle pas « à contourner les procédures normales » ? De nombreux dossiers, dans le domaine agricole et agroalimentaire (maladies liées aux pesticides, « vache folle », OGM, etc.), mais aussi des technologies de surveillance (affaire Snowden), le suggèrent. « La prolifération des objets d’alerte et de controverse », loin de démontrer l’ingouvernabilité de sociétés tétanisées par le principe de précaution, est avant tout « le signe d’un travail collectif permanent assurant les conditions de la vie sociale ». La question des institutions appropriées reste cependant ouverte, l'auteur évoquant des pistes plus ou moins convaincantes (plateformes citoyennes, autorités administratives indépendantes, etc.).

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : PUF

18/01/2021

Bouleversement. Les nations face aux crises et au changement, Jared Diamond

jared diamond.jpg

Voici une quinzaine d'années, le biologiste américain Jared Diamond publia un livre sur l'effondrement des sociétés (Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed, 2006), qui rencontra un large public à défaut de séduire les historiens professionnels, peu convaincus par sa lecture monofactorielle de l'évolution humaine. Il en ira certainement de même pour sa dernière publication (Upheaval: Turning Points for Nations in Crisis), à l'ambition totalisante affirmée, mais qui repose essentiellement sur les expériences vécues par l'auteur et sur l'idée que les crises sociétales sont similaires aux crises psychiques individuelles. Malgré ces défauts, l'ouvrage intéressera tous ceux qui se préoccupent du devenir des institutions, des changements culturels, de la survenue des crises et des capacités de résistance des systèmes sociaux.

L'analyse embrasse les deux derniers siècles et sept pays sont plus spécifiquement étudiés : Allemagne, Australie, Chili, États-Unis, Finlande, Indonésie et Japon. De ce large panorama historique et géographique, Diamond conclut à l'existence de douze facteurs qui, selon lui, influent directement sur le contenu et la forme des crises nationales. Il peut s'agir du « degré de consensus sur l'existence de la crise », du « niveau de reconnaissance de la nécessité d'agir » ou de l'acceptation plus ou moins franche « d'une aide venant d'un autre pays ». Il peut aussi s'agir de la nature de « l'identité nationale », de « l'expérience acquise lors de crises antérieures », des valeurs culturelles fondamentales ou de la prégnance des « contraintes géostratégiques ». Selon l'auteur, cette grille de lecture peut s'appliquer à toutes les crises (politiques, économiques, environnementales, énergétiques, sanitaires, etc.) et à tous les secteurs (production agricole, eau, alimentation, pêche, exploitation forestière, qualité des sols, etc.).

Les quatre derniers chapitres sont particulièrement intéressants, car prospectifs et synthétiques, Diamond utilisant sa grille de lecture pour décrypter l'avenir du Japon et des États-Unis, et plus généralement celui du monde. Ses conclusions sont peu optimistes car il considère que la majorité des « douze facteurs de crise » se retrouvent à l'échelle planétaire : l'humanité manque d'une identité partagée, elle est confrontée à des défis globaux inédits et ne peut s'appuyer sur l'expérience passée. Il n'y a pas non plus d'acceptation mondiale de notre responsabilité, et nos choix sont limités par de sévères contraintes (épuisement des énergies fossiles, changement climatique, baisse de la biodiversité). Bref, toutes les conditions sont réunies pour qu'advienne non pas un effondrement du monde, mais un bouleversement des nations qui le composent.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Gallimard

14/01/2021

Steven L. Kaplan, Pour le pain, Fayard, 2020, 366 pages

pain,consommation,alimentation,changement social

Ancien professeur à Cornell University (État de New York), ainsi que dans plusieurs universités françaises, Steven Kaplan est tombé amoureux de notre pays en mâchant sa première bouchée de pain, un jour de 1962 au jardin du Luxembourg. Depuis, il n'a cessé de consacrer ses recherches au bricheton, au lingot ou à la baguette, adoptant toujours une large perspective économique et sociale héritée de l'école des Annales : Bread, Politics and Political Economy, 1976 ; Le pain, le peuple et le roi, 1986 ; Le meilleur pain du monde, 1996 ; Le pain maudit, 2008 ; Raisonner sur les blés, 2017 (voir à ce sujet une brève). Dans ce nouvel ouvrage, il étudie la baisse continue de la consommation de pain, les actions entreprises pour l'enrayer, les stratégies des principaux acteurs concernés et les évolutions plus profondes de la culture panaire nationale. De façon plus personnelle, voire militante, Kaplan s'inquiète de la situation actuelle, appelle à la résistance et entreprend de défendre la cause du pain et des céréales, des meuniers et des boulangers.

L'auteur ne détaille pas une thèse centrale, mais il nous convie à une enquête vivante, diversifiée, nuancée, au fil de dix-neuf chapitres thématiques mobilisant les résultats d'études qualitatives et quantitatives. Certains chapitres traitent de la culture du pain, de la dégustation, des aspects sanitaires, des acteurs de la filière, de la boutique ou des questions de formation professionnelle. D'autres sont consacrés au désamour des consommateurs, à l'image malmenée des produits, aux attentes de naturalité, aux anciennes variétés de blé, mais aussi au levain et aux débats publics sur le gluten, aux nouvelles façons de commémorer ou de muséifier. Des pages très intéressantes sont centrées sur la « contre-filière » des « paysans-boulangers ».

De ces nombreux coups de projecteur, il ressort que nous n’avons pas seulement affaire à une moindre appétence des nouvelles générations, à une baisse des achats ou à une crise passagère, mais plutôt à une mutation structurelle du modèle alimentaire français, à une transformation profonde des saveurs et des repas, et à une place toujours plus réduite accordée au pain, concurrencé par des ingrédients et des plats jugés plus modernes et pratiques, plus sains et goûteux. Après avoir été au cœur de la ration des populations, le pain est devenu un produit d’accompagnement, une possibilité mais plus une obligation, et malgré le combat mené par Kaplan, « ni décliniste, ni réactionnaire nostalgique d’un quelconque âge d’or », sa consommation continuera à baisser dans les prochaines années.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions Fayard

12:30 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : pain, consommation, alimentation, changement social |  Imprimer | | | | |  Facebook

Analyse de Terra Nova sur les applications de notation alimentaire

Le 16 décembre 2020, le think tank Terra Nova a publié un rapport consacré aux applications de notation alimentaire, outils récents qui connaissent une augmentation continue du nombre de leurs utilisateurs. La préoccupation forte pour la qualité de l'alimentation (aspects nutritionnels, sanitaires et plus récemment environnementaux) se traduit par de nouveaux besoins des mangeurs auxquels répondent, notamment, les applications de notation.

Si les premiers outils (ex. BuyOrNot) se positionnaient face aux acteurs agroalimentaires, les propositions se sont depuis multipliées, portées par des structures variées (collectifs de citoyens, industriels de l'agroalimentaire, associations de consommateurs, etc.). OpenFoodFacts (dont les données servent elles-mêmes à une centaine d'autres applications) et Yuka sont les plus utilisées, et les auteurs relèvent que ce type d'outils s'adresse préférentiellement à une partie de la population (plus de 35 ans, de catégorie socio-professionnelle élevée, habitant en Île-de-France).

Du fait de l'offre importante d'applications, leur différenciation est nécessaire et passe actuellement par une plus grande personnalisation des services : critères de choix des consommateurs, suivi de régimes alimentaires spécifiques (en particulier liés à des problèmes de santé ou à des confessions religieuses). Cette personnalisation nécessite une évaluation plus complexe (finesse et fiabilité) des habitudes alimentaires et des contributions plus exigeantes de l'utilisateur (données très détaillées à renseigner, mises à jours régulières). De manière générale, l'auteure souligne les questions liées à l'utilisation d'informations personnelles. Elle met aussi en avant la variabilité des méthodes de notation et les différences importantes des niveaux de preuves scientifiques selon les types de données utilisées (ex. données nutritionnelles vs celles sur les additifs et conservateurs).

Complétant l'analyse par des éléments sur les démarches publiques et celles engagées par les industriels, le rapport aboutit à plusieurs propositions. Y figure notamment le renforcement des efforts de recherche afin que les applications de notation s'appuient sur des données robustes et des niveaux de preuves élevés. Il invite aussi à renforcer la régulation de ces outils et à garantir la transparence des modèles économiques et de la gestion des informations personnelles.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Terra Nova

13/01/2021

Viande in vitro : intérêts, enjeux et perception des consommateurs

Un article paru en décembre 2020 dans Techniques de l'ingénieur dresse le bilan de 20 années de recherche sur la culture de cellules animales in vitro à des fins alimentaires. Après un rapide rappel du dispositif (des cellules prélevées sur un animal sont multipliées et différenciées dans un milieu riche en nutriments et facteurs de croissance), il relativise son intérêt en matière de santé humaine, d'impacts environnementaux et de bien-être animal. L'article détaille ensuite les défis technologiques d'une production à grande échelle, dont la réduction des coûts et l'adaptation des milieux de culture (notamment le non-recours au sérum fœtal bovin), mais aussi des points minorés par les startups, comme la reproduction de la texture de la viande d'élevage, l'utilisation d'hormones ou les rejets dans l'environnement. Enfin, s'agissant de l'information des consommateurs et de la mise en marché, la terminologie diffusée dans les médias est discutable : pour les auteurs, « la viande de culture n'est pas vraiment de la viande », ni d'un point de vue biologique, ni pour le droit.

Sur ce sujet, le site d'INRAE propose un entretien avec l'un des auteurs.

Source : Techniques de l'ingénieur

13:20 Publié dans Alimentation et consommation, IAA, Société | Lien permanent | Tags : viande in vitro, alimentation |  Imprimer | | | | |  Facebook

La valeur récréative de la forêt métropolitaine largement supérieure aux ventes de bois

Selon un rapport récemment publié par le Commissariat général au développement durable (CGDD), dans le cadre de l'Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE), la valeur récréative de la forêt française (hors territoires d’outre-mer) est estimée entre 13 et 45 milliards d'euros, contre 3 milliards tirés de la commercialisation des bois.

L'estimation de cette valeur récréative s'appuie sur des données d'enquêtes qui concernent plus de 3 000 personnes, et sur des travaux de modélisation visant à calculer, d'une part, le consentement à payer des visiteurs pour accéder aux services récréatifs et, d'autre part, la valeur d'échange simulée (le marché du loisir récréatif forestier n'existant pas). C'est cette dernière qui peut être comparée à la valeur marchande des bois, issue de la comptabilité nationale. Le rapport préconise d'ailleurs de l'intégrer aux comptes de la forêt afin d'avoir une représentation plus large de la valeur de ces écosystèmes.

Utilisant des données issues du système d'information géographique pour avoir une description des forêts visitées, les auteurs ont également documenté les principales raisons des visites en forêt (promenade, cueillette, chasse, etc.) et les déterminants de l'attractivité des forêts pour un usage récréatif. Les forêts avec des arbres d'essences et d'âges variés, dont une partie d'arbres de grande taille, sont préférées par les visiteurs.

Répartition de l’offre et de la demande récréatives dans les forêts françaises

forets.jpg

Source : CGDD

Note de lecture : du rouge au vert l’offre augmente, du transparent à l’opaque la demande augmente.

Source : CGDD

12:50 Publié dans 2. Evaluation, Forêts Bois, Société | Lien permanent | Tags : services écosystémiques, bois, cgdd |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/01/2021

Quantification des liens d'intérêts dans les publications sur la nutrition et la diététique

Un article récent de PlosOne présente les résultats d'une analyse des liens d'intérêts déclarés (affiliations, financements de travaux ou de la structure, déclarations d'intérêts, etc.) entre le secteur agroalimentaire et les auteurs, éditeurs et membres des comités de relecture de 196 articles publiés en 2018 dans les dix premières revues scientifiques des domaines de la nutrition et de la diététique (classement SCImago en juin 2019).

The Journal of Nutrition compte 28,3 % des articles présentant au moins un lien d'intérêt, contre 3,8 % pour Paediatric Obesity. Ce sont les fabricants d'aliments transformés qui sont les plus concernés, 39 % des articles renvoyant à un lien d'intérêts avec eux. Par ailleurs, les auteurs ont estimé à 55,6 % la proportion d'articles présentant des conclusions favorables à l'industrie, sachant que cette proportion est de 9,7 % dans un tirage aléatoire d'articles sans lien déclaré. Ces résultats pourraient cependant être encore sous-estimés, l'étude ne se basant que sur les liens d'intérêts déclarés.

Nombre et pourcentage d'articles déclarant un lien d'intérêts avec le secteur agroalimentaire, en fonction du type d'acteur

lien d interet.jpg

Source : PlosOne

Lecture : de haut en bas, les fabricants d'aliments transformés, les fabricants de compléments alimentaires, le secteur laitier, la production primaire sauf produits laitiers et viandes (œufs, pommes de terre, huile, céréales, etc.), les industries agroalimentaires et organisations non incluses dans les autres catégories, le secteur des boissons non alcoolisées, le secteur de la viande et de l'élevage, les fournisseurs d'additifs alimentaires et la vente au détail (supermarchés, épiceries, entreprises de restauration, etc.). Le conditionnement et la promotion des produits sont inclus dans tous les cas précités.

Source : PlosOne

11/01/2021

Comment améliorer les politiques de lutte contre l'insécurité alimentaire en Europe ?

Des chercheurs des universités d'Anvers et d'Oxford se sont penchés sur le problème de l'insécurité alimentaire dans 24 pays d'Europe. Bien que la plupart d'entre eux aient mis en place des dispositifs d'assistance sociale, une partie parfois importante de la population accède encore difficilement à des régimes sains, pour des raisons économiques. Les chercheurs ont estimé le coût de ces régimes, en accord avec les recommandations nutritionnelles nationales, ainsi que les coûts du logement et des autres biens et services essentiels. Ils ont utilisé ces estimations pour évaluer la proportion de la population risquant d'être confrontée à des problèmes d'insécurité alimentaire (au moins 10 % de la population dans 16 des 24 pays étudiés), avant de comparer ces dépenses aux revenus des ménages modestes. Leurs résultats montrent que les politiques ciblant uniquement l'insécurité alimentaire s'avèrent insuffisantes pour assurer l'accès de ces ménages à des régimes sains. Pour eux, des politiques économiques et sociales plus ambitieuses devraient être mises en œuvre, avec en particulier l'instauration de revenus minimums couvrant les biens et services essentiels, et la limitation du coût de ces derniers.

Comparaison du montant net des aides sociales (points et courbe noire) et du revenu minimum (losanges), pour un ménage d'un couple avec deux enfants, avec les coûts du logement (barre blanche) et de régimes sains (barre grisée) pour 24 pays d'Europe

insécurité alimentaire.jpg

Source : Food Policy

Source : Food Policy

Un podcast et une chaîne Youtube pour mieux connaître le secteur de la viande in vitro

Cultured Meat and Future Food, un podcast animé par A. Shirazi, propose de nombreux entretiens avec les responsables des startups, les investisseurs et les ONG liées à la viande in vitro. Ainsi, un épisode récent éclaire l'arrivée sur le marché, à Singapour, fin 2020, des bouchées de poulet de Eat Just, Inc. Signalons également, parmi des événements publics relayés et également visibles sur Youtube, le récent Cultured Meat Symposium où intervenaient P. Shapiro, auteur du livre Clean meat, et I. Datar, de l'ONG Harvest, qui contribuent à structurer le secteur.

Source : Cultured Meat and Future Food

15/12/2020

Le pire n'est pas certain. Essai sur l'aveuglement catastrophiste, Catherine et Raphaël Larrère

Larrere.jpg

Aujourd'hui, sur dix livres qui parlent de l'avenir, sept ou huit sont négatifs et catastrophistes. À contre-courant de ce flux éditorial, l'ouvrage de C. et R. Larrère démonte les ressorts de la collapsologie, critique ses présupposés et montre que le pire n'est pas toujours à craindre. Les auteurs ne nient pas l'érosion de la biodiversité ou les conséquences dramatiques du changement climatique, mais ils déplorent les conclusions apocalyptiques qui en sont tirées.

Selon eux, la collapsologie se présente comme une nouvelle science accumulant théories et données, comme un savoir rigoureux sur les processus d'effondrement, alors qu'elle n'est qu'un agencement de tendances, d'intuitions, de critères moraux et de représentations du monde. Il s'agit d'un récit téléologique et finaliste, forgé par et pour les classes moyennes occidentales, postulant l'inévitable fin du monde et l'absence d'alternatives crédibles.

En second lieu, les raisonnements des collapsologues comportent une contradiction fondamentale. D'un côté ils décrivent la Terre comme un système hyper-complexe totalement imprévisible, fait de causalités multifactorielles, de rétroactions et de seuils d'emballement. D'un autre côté ils nient cette indétermination et n'envisagent qu'un seul scénario, celui de la chute irrémédiable, et font comme si toutes les interactions en chaîne étaient écrites à l'avance.

Les auteurs accusent aussi les théoriciens de l'Anthropocène de n'avoir qu'une vision mondiale et globale du futur, comme si tous les phénomènes allaient se dérouler à l'échelle planétaire, dans une sorte de dérègement général. Au contraire, leur analyse de l'histoire des crises environnementales les amène à penser qu'elles sont toujours limitées, localisées, ne débouchant que sur des contagions partielles et temporaires.

Plus significatif encore, la surenchère décliniste produit de la sidération et de l'éblouissement, elle noie ce qu'elle montre dans une grande sorgue qui aveugle. Au lieu d'encourager l'élaboration de projets collectifs et de favoriser le passage à l'action, elle étouffe les volontés sous le poids du destin. Catherine et Raphaël Larrère dénoncent cette innocuité politique, cette impuissance pratique, et appellent à une réflexion empirique sur les besoins humains futurs. La catastrophe sera évitable à condition de politiser l'écologie et de la protéger des prophètes de malheur et de leurs peurs inutiles.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : éditions Premier Parallèle

09:38 Publié dans Société | Lien permanent |  Imprimer | | | | |  Facebook

Histoire du sucre, histoire du monde, James Walvin

walvin.jpg

L’universitaire britannique James Walvin rencontre l’histoire et l’économie du sucre en 1967, à la Jamaïque, dans le cadre de l’étude d’une plantation locale. Ce compagnonnage aboutit à un ouvrage de référence, traduit en 2020 en français, qui s’inscrit dans l’histoire de l’économie, des cultures et des modes de vie.

Découpé en 16 chapitres, le livre revient tout d’abord sur la naissance et la diffusion de la production de sucre. Celui-ci a, dans un premier temps, circulé sous la forme de miel dans le sillage de l’expansion des empires grec, romain, islamique et ottoman. Puis la production sucrière change d’échelle à la faveur des explorations maritimes des Européens, amorcées au XVe siècle. Développée au départ dans les îles de l’Atlantique, elle se déplace vers les Amériques après que les Portugais eussent organisé le premier déplacement massif d’esclaves, de Luanda vers les champs de canne du Nouveau monde. Les colons français et britanniques s’inspirent des pratiques agricoles des pionniers du Brésil et, en 1770, la Jamaïque et surtout Saint-Domingue, la Martinique et la Guadeloupe deviennent le centre mondial de la production sucrière. Les femmes et les hommes, assignés au travail éreintant de la coupe, sont broyés ; les terres sont découpées, entourées de murs et de fossés tandis que les forêts, brûlées, cèdent la place aux parcelles et routes. Des chapitres suivants, qui analysent la consommation du sucre et de ses sous-produits, on retiendra la formation du binôme sucre-boisson chaude ainsi que l'affirmation, au XVIIe siècle, de la distinction du sucré et du salé, comme du dessert « à la française ». La mélasse agrémente, elle, la cuisine populaire ; le rhum s’exporte vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Les chapitres 9, 10, 11 et 12 montrent le basculement des lieux de pouvoir de l’industrie du sucre, de l’Europe vers les États-Unis. À partir de 1789, la production de Saint-Domingue s’effondre du fait des soulèvements d’esclaves, élément qui favorise le recours au sucre de betterave en Europe. Simultanément, les transformations de l’économie nord-américaine (constitution de trusts comme l'American sugar refining company) combinées à la mécanisation, participent outre-Atlantique à la formation de géants de l’agroalimentaire. L’ouvrage revient enfin sur les conséquences sanitaires de la consommation de sucre ainsi que sur les luttes acharnées entre industriels et acteurs de santé autour de sa taxation, par exemple.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : La Découverte

09:36 Publié dans Filières agricoles, Production et marchés, Société | Lien permanent | Tags : filière, sucre, histoire, esclavage |  Imprimer | | | | |  Facebook