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13/03/2019

Paradoxe de la modernisation : le productivisme agricole et ses critiques en Bretagne (1990-2010)

Dans la revue Politix, C. Lemieux (EHESS) s'intéresse aux conflits sociaux autour de l'élevage porcin. Il s'appuie sur des observations ethnographiques et des entretiens réalisés entre 2006 et 2009, dans trois départements de Bretagne, avec des éleveurs, des syndicalistes agricoles, des habitants, des militants écologistes, des agents de l’État et des élus locaux.

En premier lieu, l'article décortique les transformations de la morphologie sociale de la région, la rurbanisation enclenchant une lutte entre agriculteurs et néo-habitants pour la maîtrise foncière et politique du territoire. Il montre comment, à l'occasion des procédures d'enquête publique sur les installations d'élevage, les différenciations entre groupes s’effacent au profit d’une simplification extrême de l’espace social, réduit à l’opposition entre urbains et ruraux. Ce clivage « en vient à résumer à lui seul, mais en apparence seulement, toute la conflictualité locale ».

Chacun de ces camps produit des idées et s’efforce de prescrire « ce que la société doit devenir » – élaborant ainsi leurs conceptions de la « modernité ». Celle que portent les agriculteurs s’est formée dans les années 1950 et met « une foi indéfectible dans la science et l'industrie » au service de la compétition sur les marchés internationaux. Elle rentre en conflit avec la modernité environnementale dont se réclament les néo-habitants, élaborée plus tardivement, et que le droit communautaire et les dispositifs de la PAC intègrent dans les années 1990, exerçant une pression inédite.

Les producteurs porcins en viennent progressivement à réinterpréter ces critiques et ces injonctions et à les considérer comme une attente des marchés. Ils réorganisent alors leurs exploitations en contrôlant mieux les rejets dans la nature. Mais, ce faisant, ils approfondissent aussi la logique d’intensification productiviste. Le monde agricole connaît donc un véritable processus de « modernisation », concept que l’auteur entend réhabiliter en sciences sociales. Sans céder à la téléologie, ni réifier les deux camps, Lemieux souligne ainsi la nécessité de prendre en compte des « évolutions de longue durée dont la dynamique génère dans le présent contradictions et paradoxes ».

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Politix

13:23 Publié dans Agriculteurs, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : bretagne, modernisation, productivisme |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/03/2019

Ixchel Delaporte, Les raisins de la misère. Une enquête sur la face cachée des châteaux bordelais

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La viticulture et l'arboriculture, qui demandent beaucoup d'emplois temporaires, s'étendent sur des territoires souvent marqués par des niveaux élevés de précarité économique et sociale. L'Insee a bien décrit ce phénomène, pour la région Aquitaine, avec trois notes publiées en 2011, 2014 et 2017 montrant une forte corrélation entre ces types de culture, une fréquence élevée de contrats saisonniers et une sur-représentation des allocataires du Revenu de solidarité active (RSA). Ces publications parlent même d'un « couloir de pauvreté », reliant la pointe du Médoc à Agen, en passant par Pauillac, Saint-André-de-Cubzac, Libourne, Sainte-Foy-la-Grande, Bergerac, Marmande et Villeneuve-sur-Lot. Sur ces zones, les exploitants sont très minoritaires par rapport aux nombreux salariés agricoles, plutôt jeunes, peu qualifiés, mal rémunérés, souvent célibataires voire isolés. La saisonnalité des cycles de production favorise une grande mobilité de la main-d’œuvre, aux ressources fluctuantes, d'origine locale mais pouvant aussi venir de très loin.

C'est la lecture de ces notes de l'Insee qui a poussé l'auteure de ce livre, journaliste, à entreprendre une enquête pour voir ce qu'il en était vraiment. Son reportage, fait d'entretiens et d'observations de terrain, est centré sur la seule viticulture. Pourquoi et comment la grande fortune des châteaux du bordelais cohabite-t-elle avec la précarité de leurs employés et des populations environnantes ? Au fil de ses rencontres, elle décrit l'envers du décor, la face cachée du milieu du vin, les à-côtés de la mythologie. Bien sûr, les conditions de travail sont dures en hiver (taille), au printemps (palissage, épamprage) comme en automne (vendanges), avec de longues journées, la fatigue, l'usure physique et les accidents. Les relations humaines sont dures aussi, faites de sujétion et d'obéissance, de surveillance et de contrôle, de la part des exploitants comme des entreprises de travaux agricoles. Les rémunérations restent faibles, puisque le salaire horaire est bas, les contrats courts et les heures supplémentaires pas toujours payées. Les conditions de logement demeurent plutôt mauvaises : l'hébergement par l'employeur est de moins en moins fréquent, les parcs immobiliers ruraux sont insuffisants et les marchands de sommeil peu scrupuleux. Au total, une part significative de ces travailleurs et de ces territoires est marquée par la fragilité et la vulnérabilité.

Ce petit livre, parfois un peu superficiel, ne dit rien de plus, mais il le dit bien. Ce faisant, il confirme ce que des travaux plus savants d'historiens et d'économistes ont déjà montré : la monoculture de la vigne, qui a empêché ou limité l'installation d'activités industrielles et de services, fonctionne grâce à de nombreux tâcherons. Le vin crée de formidables richesses, mais il ne sait pas les redistribuer, et contribue directement à entretenir la précarité sociale de ses territoires d'élection.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions du Rouergue

13:15 Publié dans Société, Territoires, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : vin, viticulture, delaporte, bordelais, précarité |  Imprimer | | | | |  Facebook

05/03/2019

Le droit des données agricoles : dossier de la Revue de droit rural

Dans son numéro de janvier 2019, la Revue de droit rural consacre un dossier au droit des données agricoles. Alors que croissent les données produites sur les exploitations et l'intérêt de divers acteurs pour ces informations, les quatre articles proposent des éclairages juridiques intéressants, par exemple sur les questions de droit de la concurrence et des contrats. Autre approche, celle proposée par C. Alleaume sur le droit de la propriété intellectuelle (PI) : s'il n'y a pas de droit de propriété défini sur les données brutes, deux types de PI sont reconnus sur les bases de données (droit d'auteur et droit sui generis), « ce qui aboutit à conférer à leurs titulaires un contrôle de l'usage des données contenues dans leurs bases ».

Source : Revue de droit rural

13:06 Publié dans Agriculteurs, Société | Lien permanent | Tags : données agricoles, droit, numérique |  Imprimer | | | | |  Facebook

04/03/2019

L'histoire des paysans français, Éric Alary

Compte tenu du succès rencontré par cet ouvrage (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog), les éditions Perrin viennent de le ressortir en petit format. L'auteur y met l'accent sur les modes de vie et les mentalités, sur les traditions et les sociabilités. On y trouve une mine d'informations sur les loisirs et les fêtes, l'alimentation, l'habitat, la famille et la vie domestique, la consommation, mais aussi sur l'essor de la protection sociale ou l'électrification des campagnes. Au plus près des sources (archives, biographies, témoignages, travaux de chercheurs), il brosse un tableau précis et nuancé, selon un plan chronologique en sept chapitres allant de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui.

Lien : Éditions Perrin

13:06 Publié dans Agriculteurs, Société | Lien permanent | Tags : alary, histoire, paysans |  Imprimer | | | | |  Facebook

Le Baromètre des Territoires 2019 dessine une « France en morceaux »

En février 2019, Elabe et l'Institut Montaigne ont publié les résultats du Baromètre des Territoires, s'appuyant sur les réponses, recueillies par Internet, de 10 000 personnes, échantillon représentatif de la population métropolitaine de plus de 18 ans et subdivisé en 12 sous-échantillons régionaux. L'analyse dessine l'image d'une « France en morceaux », avec la coexistence de quatre grands types de trajectoires individuelles : 21 % des individus sont « affranchis des contraintes territoriales et sociales », 22 % choisissent « un enracinement dans leur territoire », 25 % y sont « assignés et subissent de plein fouet les inégalités sociales et territoriales », 32 % « vivent une forte tension entre leur aspiration à la mobilité » et « une difficulté à s'affranchir de leur situation socio-économique et des inégalités territoriales ». La déclinaison des résultats par région apporte une lecture complémentaire intéressante.

Source : Institut Montaigne

13:05 Publié dans Société, Territoires | Lien permanent | Tags : baromètre, territoires, mobilité |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/02/2019

L'éthique de la terre, Aldo Leolpold

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Avant l'américain Aldo Leopold (1887-1948), les réflexions sur l'environnement étaient centrées sur l'intérêt humain, la nature étant surtout perçue comme un espace de vie, une réserve de ressources ou un lieu d'expériences esthétiques. Avec lui, la perspective change, et s'inverse même : forestier de formation, il milite pour l'inscription de l'ensemble des êtres naturels dans notre système moral et en appelle à une « extension de l'éthique » à toutes les existences non-humaines. Théoricien de la restauration écologique, il privilégie une approche holistique et considère que la Terre, prise dans sa globalité, forme un seul et unique organisme vivant (« communauté biotique »).

L'éthique de la terre, qui réunit trois articles publiés en 1933, 1939 et 1947, exprime clairement sa pensée. Déjà disponible en français depuis 2000, il faut saluer cette nouvelle traduction, plus alerte, accompagnée de huit autres textes emblématiques de son œuvre. Contre l'anthropocentrisme religieux qui met l'homme au centre de la création, Leopold s'inspire d'une part de Kant, pour conférer une valeur intrinsèque à l'environnement, et d'autre part de Darwin pour proposer une lecture évolutionniste des éco-systèmes. Il entame sa démonstration en déplorant qu'il « n'existe pas encore d'éthique de la relation de l'homme à la terre, aux plantes et aux animaux » (p. 15), et en affirmant que « notre problème consiste à convaincre les hommes d'étendre leur conscience sociale à la terre » (p. 27). Au fil des pages, il analyse les causes et les effets des désordres écologiques, et insiste à de nombreuses reprises sur la responsabilité première des activités agricoles. Au terme de son cheminement, après avoir révoqué en doute les justifications économiques de l'exploitation de la nature, il livre cette maxime, restée célèbre : « une chose est bonne quand elle tend à préserver l'intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique, et mauvaise dans le cas contraire » (p. 53). D'autres textes du recueil, tels Penser comme une montagne, Un bon chêne ou Esthétique d'une protection de la nature, mi-philosophiques mi-littéraires, frapperont le lecteur par leur force de conviction.

Tout le livre atteste de la profondeur d'analyse de Leopold, de ses nombreuses intuitions et anticipations prospectives. De plus, il jalonne ses raisonnements de synthèses percutantes : « il serait difficile de calculer les dommages que se causent mutuellement les mammifères privés de leurs prédateurs naturels et les pâturages privés de leurs plantes vivrières indigènes. Les cultures agricoles, prises entre ces deux boulets de la gabegie écologique, ne sont sauvées qu'au prix d'indemnités sans fin et de kilomètres de barbelé » (p. 110). Mais ces textes surprennent avant tout par leur modernité. L'éthique de la terre, en particulier, n'a pas pris une ride et semble avoir été écrit très récemment. La surprenante actualité de ses pensées, pourtant anciennes, explique que Leopold soit si souvent adulé comme un « prophète » par les environnementalistes contemporains.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : éditions Payot & Rivages

13:16 Publié dans Environnement, Société | Lien permanent | Tags : leopold, éthique de la terre, environnement, nature |  Imprimer | | | | |  Facebook

Les paysans ne sont pas à vendre. Treize documentaires (1970-1993), Philippe Haudiquet

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Ces près de huit heures de film évoquent un temps que les gens de vingt ans ne peuvent pas connaître. Et c'est bien la force du cinéma que de faire revivre au présent le son et l'image des événements passés. Nous montrer des paysans tels qu'ils étaient, attachés à leurs fermes, défenseurs de leur cause, soucieux de leur territoire : tel est l'objectif de cette série de documentaires réalisés dans les années 1970 par Philippe Haudiquet. Ses courts-métrages, réalistes et militants, fruits d'un travail artisanal et local, associent témoignages ethnographiques, sauvegarde culturelle et manifeste politique. Images-constats autant qu'images-combats, ils donnent à voir, et plus encore à entendre, un moment particulier de la civilisation paysanne.

Quatre films (1973-1978) proposent une chronique de la bataille du Larzac. Ils décrivent les temps forts de la protestation collective non-violente, inspirée de Lanza del Vasto, contre la décision d'agrandir le camp militaire. À l'époque, les éleveurs disaient se battre pour leurs terres, mais aussi contre la raison d'État et les industries de guerre. Le slogan « les paysans ne sont pas à vendre », qui donne son titre au coffret, était inscrit sur les pancartes pour signifier qu'ils refusaient toute expropriation par le pouvoir central. D'inspiration occitane, sans être occitaniste, ce cinéma identitaire souligne les tensions entre tradition et modernité, entre protection du patrimoine (Gardarem lo Larzac, 1974) et préparation de l'avenir (Les bâtisseurs, 1978).

Les images du village de Sansa (Pyrénées orientales), tournées en 1970, montrent une communauté semblant condamnée à disparaître, mais qui ne s'y résigne pas. Celles sur les derniers meuniers des Moulins du Nord (1971), associé à Crépuscule (1973), dressent un portrait du Westhoek, région transfrontalière franco-belge. Et n'oublions pas le portrait du cheval Bibi (1976), emmené par son propriétaire au tribunal, à travers les rue de Meulan, car un habitant voisin de son écurie se plaint du bruit qu'il fait avec ses sabots, chaque matin, pour avoir son avoine.

Tous ces films importent d'abord pour ce qu'ils montrent directement : des manières de travailler, des vies de famille, des jugements portés sur le monde, l'attachement des gens à leurs villages et l'inscription de ces villages dans les paysages. Ils valent aussi pour ce qu'ils suggèrent indirectement : les liens entre culture et histoire, entre histoire et espace, l’inexorable changement social, le sentiment d'un destin qui échappe et la peur de ne plus maîtriser sa vie. Beaucoup croyaient, comme dit Aimé Césaire, que « la voie la plus courte vers l'avenir est toujours celle qui passe par l'approfondissement du passé ». L'immense décalage entre les images d'Haudiquet et la réalité présente laisse penser que c'est une autre voie qui a été empruntée...

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Les Documents Cinématographiques

13:13 Publié dans Agriculteurs, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : haudiquet, paysans, documentaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/02/2019

Jardins collectifs et enquêtes potagères

En novembre dernier, le séminaire de recherche « Maintenir/soutenir : de la fragilité comme mode d’existence », animé par A. Hennion au Centre de sociologie de l’innovation (Mines ParisTech), accueillait les auteurs du livre Terres des villes. Enquêtes potagères de Bruxelles aux premières saisons du 21e siècle. Les échanges avec N. Prignot, B. Zitouni et L. Cahn, du groupe de recherche « Écologies de Bruxelles » (université libre de Bruxelles et université Saint-Louis Bruxelles), peuvent être écoutés en streaming sur le site du séminaire. Publié aux Éditions de l’Éclat et consultable en ligne, le livre dresse un état des lieux des jardins à Bruxelles en 16 chapitres, éclairant à la fois l’engouement des responsables politiques pour l’agriculture urbaine et le recul de potagers soumis à la pression des constructions nouvelles, y compris à vocation sociale. Signalons par ailleurs un numéro – de facture plus classique – de la revue In situ. Revue des patrimoines, consacré aux jardins collectifs, dont les articles proposent des typologies, relatent des expériences et s'intéressent aux enjeux de conservation.

Sources : Centre de sociologie de l'innovation, Éditions de l’Éclat, In situ. Revue des patrimoines

13:02 Publié dans Alimentation et consommation, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : agriculture urbaine, jardins collectifs |  Imprimer | | | | |  Facebook

Une analyse de l'animalisme radical en France

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En janvier 2019, la Fondation pour l'innovation politique a publié une analyse sur La contestation animaliste radicale. Ces dernières années, le paysage français de la protection animale s'est transformé : si ces mobilisations sont anciennes, notamment avec les associations traditionnelles de protection des animaux, de nouvelles formes apparaissent dans la seconde moitié des années 2000, un « moment végan » se développe à partir des années 2010 et, depuis 2018, l'animalisme radical monte. Ce mouvement est très disparate et traversé de clivages, mais trois constantes le caractérisent : la radicalité des propos et des images utilisées, celle des visions véhiculées et celle des modes opératoires. Plusieurs courants de pensée le traversent : le véganisme, l'antispécisme et l'activisme de la libération animale. Trois types de structures se dégagent, fortement influencées par les mouvements étrangers et internationaux : les organisations économiques véganes, des associations d'information et de sensibilisation, et des groupes de « libération animale » (avec des degrés variables de radicalité, d'illégalité, de clandestinité et de violence dans leurs actions). Enfin, les végans paraissent impopulaires d'après les résultats de plusieurs enquêtes, mais leur influence est loin d'être négligeable, notamment du fait de leur « part de voix » dans l'espace public, donnant une « illusion de majorité ». Toutefois, si le véganisme présente un attrait particulier pour les plus jeunes, il n'est pas sûr, pour l'auteur, qu'il s'étende rapidement dans les années à venir.

Source : Fondation pour l'innovation politique

13:00 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : animalisme, fondapol, rapport homme-animal |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/02/2019

Les batailles de la viande, une série d’émissions sur France Culture

L'émission Entendez-vous l’éco, sur France Culture, a consacré une série aux « batailles de la viande », ré-écoutable en podcast. La première émission donne la parole aux historiens. Pour B. Laurioux (université de Tours), l’industrialisation du secteur de la viande au XIXe siècle, conjointement avec l’urbanisation, occasionne une véritable « perte de contact avec l’animal et avec la manière de le préparer » et une « rupture de compétence » chez les consommateurs. Les évolutions du marché de la viande, et notamment l’intensification de l’élevage dans les années 1960, sont ensuite discutées avec deux économistes, J.-L. Rastoin (Montpellier Supagro) et J.-P. Simier (Bretagne Développement Innovation). La série explore aussi l’univers des abattoirs avec une journaliste, A. de Loisy, et une politiste, A. Gautier (université Lyon 2). Enfin, une dernière émission interroge l’avenir du rapport Homme-Animal, avec un échange entre D. Chauvet (association Droit des animaux) et G. Chapouthier (CNRS).

Source : France Culture

07/02/2019

Le Club des cinq arrête le gluten, Bruno Vincent

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Tout commence par un pique-nique au cours duquel Annie reçoit de Mick un livre de cuisine. C'est une révélation : « il m'a ouvert les yeux sur le monde moderne, sur notre façon de manger et sur l'impact terrible que ça a sur notre santé ». Elle a tôt fait d'embarquer ses amis, un peu malgré eux, dans une nouvelle aventure : celle d'un régime végétarien. Autour d'un objet mystérieux, le spiraliseur, les péripéties s'enchaînent : visite chez un diététicien new age, passage aux croquettes végétariennes pour le chien Dagobert, etc. Écrits de 1942 à 1963 par Enid Blyton, avec un énorme succès auprès des adolescents, les romans du « Club des cinq » sont aujourd'hui devenus très kitsch, comme les vignettes qui agrémentent chaque chapitre. Tirant parti de cette notoriété ambivalente, une série publiée au Royaume-Uni par Quercus et en France par Hachette reprend la formule en confrontant « les héros de notre enfance », devenus adultes, à des enjeux anti-romanesques tels que le Brexit, les séminaires d'entreprise, etc. Dans cet épisode consacré aux régimes « bien-être », de multiples décalages entre le style didactique, les aspirations datées des personnages, et les enjeux de la société actuelle, produisent une satire efficace, des tendances alimentaires récentes. Mais soyez rassuré-e-s : après bien des épreuves, tout rentrera dans l'ordre…

Lien : Hachette

12:50 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : club des cinq, gluten, sans gluten |  Imprimer | | | | |  Facebook

« Le grand méchant loup »

Diffusée le 22 décembre 2018 sur France Culture, l'émission Concordance des temps conviait Michel Pastoureau à un échange sur son récent ouvrage, Le loup. Une histoire culturelle. Réécoutable en ligne, elle aborde l'évolution du regard porté sur cet animal à travers les époques. Absent de l'art pariétal, il émerge dans les mythologies antiques, plus craint pour les troupeaux que pour les hommes. Peu à peu, il revêt une image négative et la peur croît, au haut Moyen-Âge, avec la déprise des campagnes et l'accroissement des forêts. Elle s'estompe après l'an 1 000, dans une période d'expansion économique et démographique (cf. les traits peu flatteurs d'Ysengrin dans Le roman de Renart), pour réapparaître à la fin du Moyen-Âge avec les famines et épidémies, la guerre (physique et symbolique) que l’Église fait à l'animal, le début de la « lutte » contre les sorciers et les loup-garous. Le loup devient l'un des animaux vedettes des contes et fables (ex. : Petit chaperon rouge) et sera au cœur de l'épisode de la Bête du Gévaudan (1764-1767). Fin XVIIIe-début XIXe, le système de valeurs commence à s'inverser : la sensibilité romantique lui attribue le caractère de « bon animal sauvage », il disparaît de certains pays européens. Par la suite, en quelques décennies, l'animal devient sympathique (premier témoignage dans Le livre de la jungle, littérature jeunesse, BD, dessins animés), et intègre à partir des années 1960 le bestiaire des jouets en peluche. Enfin, alors que le loup a encore aujourd'hui un statut ambivalent, M. Pastoureau invite à « ne pas projeter dans le passé nos savoirs, nos connaissances, nos sensibilités et nos morales d'aujourd'hui », au risque de tomber dans le « piège de l'anachronisme ».

Source : France Culture

12:44 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : pastoureau, loup, histoire |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/01/2019

Analyse de la couverture médiatique du débat sur le sucre au Royaume-Uni

En décembre 2018, la revue PLOS ONE a publié un article analysant la couverture médiatique de la thématique du sucre au Royaume-Uni, d'avril 2015 à novembre 2016. Cette période va de la publication par l'Organisation mondiale de la santé, en mars 2015, de lignes directrices sur le sucre, à la clôture, en octobre 2016, de la consultation organisée par le gouvernement sur le projet de taxation des sodas (soft drinks industry levy, SDIL). Onze journaux nationaux ayant des positionnements variés (tabloids, middle-market newspapers, 'quality' newspapers) ont été pris en compte, et une analyse de contenu quantitative a été réalisée pour 684 articles (sur une sélection initiale de 3 600).

Les parutions varient dans le temps en fonction d'événements clés (rapport de Public Health England, résultats d'une évaluation de la taxe au Mexique, annonce du projet de SDIL) et des points de vue adoptés. Si les articles adoptent une perspective plus favorable (24 %) que défavorable (14 %) à la taxation, les deux tiers se montrent neutres ou sans avis.

Fréquence des articles durant la période étudiée, total et en fonction du point de vue adopté concernant la taxation

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Source : PLOS ONE

Parmi les sujets traités, viennent en premier l'obésité, présente dans 78 % des articles, et les mesures fiscales (73 %), alors que, par exemple, l'environnement alimentaire ou les enjeux législatifs apparaissent dans moins de 10 % des cas. Le sucre est le plus souvent présenté comme un problème de santé (77 %), les risques pour les enfants étant les plus fréquemment relevés (40 %). En tête des causes de la consommation de sucre figure l'industrie agroalimentaire et ce sont des solutions gouvernementales (69 %) et volontaires de la part des entreprises (47 %) qui sont évoquées en premier.

Pour les auteurs, ces résultats permettent de voir comment les termes du débat ont été présentés au grand public, et de comprendre les représentations (du sucre, des taxes, des politiques) et les dynamiques médiatiques à l’œuvre sur ces questions d'alimentation et de santé publique. Ils montrent également la montée en puissance de la thématique du « sucre » dans les débats de société. La prise en compte uniquement de journaux imprimés figure au rang des limites, et de futurs approfondissements pourraient porter sur l'argumentaire développé par les acteurs ou consister à comparer le traitement médiatique de l'alimentation avec d'autres secteurs pouvant être associés à des problèmes de santé.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : PLOS ONE

09:07 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : médias, journaux, taxe, sucre, royaume-uni |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/01/2019

La France périurbaine, Hervé Marchal, Jean-Marc Stébé

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Le « périurbain » (néologisme forgé en 1967) est autant dénigré et déprécié qu'il est mal connu et caricaturé. Fidèle à l'esprit vulgarisateur de la collection Que sais-je ?, ce petit livre, écrit par deux sociologues universitaires, offre un bon aperçu des réalités qui le composent et des théories permettant de l'analyser. Nous n'évoquerons ici qu'une partie seulement de leurs réflexions, celles concernant les liens entre périurbain et ruralité.

Les années 1950-60 connaissent une forte extension des villes et un déversement résidentiel, via les « grands ensembles » d'habitat collectif et les nouvelles zones pavillonnaires. Cette expansion des périphéries, au-delà des banlieues, intéresse alors surtout les géographes, qui mettent l'accent sur la recomposition des campagnes françaises : augmentation subite de la population dans certaines zones, proportion croissante de personnes ne vivant plus de l'agriculture, migrations pendulaires domicile-travail, juxtaposition de différents modes de vie, etc. Les acteurs sociaux et les médias insistent, eux, sur la fin de l'âge d'or et la dénaturation des villages, sur les nouveaux espaces de vie « sans âme » qui pervertiraient le rural.

Du début des années 1970 à la fin des années 1990, le mouvement d'urbanisation des zones rurales s'accentue. Le front urbain continue à avancer, mais surtout, de nombreuses familles accèdent à la propriété en retapant de vieilles maisons ou en construisant des pavillons, surtout dans les communes rurales proches des agglomérations. L'importance du phénomène est attestée par les nombreuses notions inventées pour le qualifier (« rurbanisation », « exurbanisation », « suburbanisation », « tiers-espace »). Dans tous les cas les observateurs, de plus en plus sociologues, diagnostiquent les mêmes conséquences : changements d'affectation des sols, réorganisation des économies locales, rapprochement des modes de vie des anciens et nouveaux habitants, mais aussi redynamisation des espaces ruraux.

Sur les vingt dernières années, de plus en plus de champs et de forêts ont été encerclés par les hangars commerciaux, plateformes logistiques, nœuds routiers, nappes pavillonnaires. La ville s'est éparpillée, selon une logique de mitage. De nouveaux habitants se sont installés, à la recherche de calme et de nature. Des conflits d'usage en ont résulté, mais le périurbain est aussi devenu, de façon bien plus positive, terre d'hybridations inédites : nouvelles pratiques citoyennes, innovations économiques, sociabilités réinventées. Simultanément, le désenchantement est monté dans une partie de l'ex-rural péri-urbanisé, les habitants des territoires les plus éloignés des centres urbains exprimant leur désillusion croissante et leurs difficultés à vivre : sentiment d'être relégués, éloignement des équipements publics, coût des déplacements en voiture, etc.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : éditions des Presses universitaires de France

08:59 Publié dans Société, Territoires | Lien permanent | Tags : périurbain, ruralité |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/01/2019

Sans adieu, film de Christophe Agou, sortie DVD en novembre 2018

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Le photographe Christophe Agou, originaire de Montbrison (Forez), a publié en 2010 un livre (Face au silence, Actes Sud), sur la vie des petits paysans de sa région. Il travailla ensuite jusqu'à sa mort en 2015 à la réalisation d'un long métrage. Celui-ci fut sélectionné au festival de Cannes 2017, puis sortit en salle la même année. Il vient d'être édité et distribué en DVD par Blaq Out.

Son film n'est pas du tout représentatif de l'agriculture d'aujourd'hui, ni de la petite paysannerie qui continue à subsister. Il témoigne seulement de la fraction la plus miséreuse des paysans qui, après avoir existé en masse, ont aujourd'hui quasiment disparu. Son objectif est de nous les donner à voir et d'enregistrer leurs paroles. Les images sobres, sans dialogues, sont seulement ponctuées de soliloques et d'extraits de journaux radiophoniques en voix off.

Claudette, 75 ans, est le personnage principal. Tour à tour douce ou violente, hargneuse ou réfléchie, agaçante ou amusante, souvent criailleuse, solitaire et endettée, elle n'arrive pas à louer ses terres pour prendre sa retraite, et peste contre l'administration, le notaire, la banque, les assistantes sociales. Elle trime sans fin, les pieds dans la boue, mais conduit fièrement sa voiture, cherche son coq et engueule toujours son chien. Elle dit qu'elle préférerait être morte plutôt que de vivre sa vie, mais elle conjure tout de même le sort en disant « sans adieu ! » au réalisateur, après chaque prise de vues, pour être sûre de le revoir.

D'autres personnages plus secondaires se partagent l'écran. Raymond qui cohabite avec ses poules et court après ses vaches. Jean qui travaille à sa vigne pour supporter la mort de son frère. Mathilde, Jean-Baptiste et Jeanne, dans leur capharnaüm de misère noire et de chats. Jean-Clément et Bernadette, durement séparés de leur troupeau de vaches malades. Et enfin Christiane, la seule à parler d'amour, entre deux lessives à l'eau froide des montagnes. Tous vivent dans la saleté, le dénuement, entourés d'animaux salvateurs, burinés par les saisons, physiquement diminués, faisant d'amers constats (« on n'est plus maîtres de nos vies ») mais continuant à se battre : « Il faut lutter encore un peu, après je sais pas, bon, on verra bien... ».

Les images, belles et troublantes, sont rudes et crues, mais sans voyeurisme, sans misérabilisme, sans nostalgie. Agou n'a pas cherché à idéaliser ou victimiser le vieux monde paysan, mais à révéler ces gens de peu, ces gens de rien, ces vies de survie qui vivotent et que l'on ne voit pas. Son film n'est pas tragique, mais pathétique et tristement tendre, et parfois humoristique. Après être rentré dans l'intimité de ces résistants involontaires de la terre, derniers représentants d'un monde disparu, qui pourrait encore soutenir que « c'était mieux avant » ?

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Blaq Out

11:56 Publié dans Agriculteurs, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : agou, paysans, film, forez |  Imprimer | | | | |  Facebook