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15/01/2021

Irriguer pour s'adapter au changement climatique et sécuriser la production alimentaire

60 % de la production alimentaire mondiale reposent aujourd'hui sur l'agriculture pluviale. Face au changement climatique qui modifie les régimes de précipitations et les températures, l'irrigation constitue une mesure d'adaptation efficace, si elle est utilisée de manière durable (non épuisement des ressources souterraines et de surface). Dans un article publié en novembre dans la revue PNAS, des chercheurs s'intéressent aux impacts potentiels du changement climatique sur la demande en eau d'irrigation, sa disponibilité, et quantifient la possible extension de l'irrigation, dans un scénario de référence (considérant la période 1996-2005) et dans le cas où les températures globales augmenteraient de 3°C par rapport au scénario de référence.

Leur approche comporte plusieurs étapes : i) l'identification des terres cultivées touchées par les pénuries d'eau de pluie, ii) l'estimation des besoins en eau d'irrigation et le relevé des zones de cultures pluviales à irriguer si les températures augmentaient, la cartographie iii) des régions agricoles où les eaux de surface et souterraines pourraient suffire à irriguer si des infrastructures légères étaient construites (ex. petits bassins de rétention) et iv) de celles nécessitant des infrastructures plus lourdes (ex. barrages), enfin v) l'estimation des surfaces irriguées, des volumes d'eau et du nombre de personnes qui pourraient être approvisionnées dans chaque scénario.

Les auteurs montrent que 86 % des terres cultivées (800 Mha) sont menacés par la rareté de l'eau de pluie dans le scénario de référence, et 93,5 % dans un climat 3°C plus chaud (870 Mha). Cette différence de 70 Mha nourrirait plus de 700 millions de personnes.

Cartographie des systèmes culturaux non irrigués qui seront menacés par la rareté des eaux de pluie

irrigation 2.jpg

Source : PNAS

Lecture : les terres cultivées menacées par la rareté de l'eau de pluie dans le scénario de référence sont en gris. Les terres cultivées additionnelles menacées par la rareté de l'eau de pluie si les températures augmentaient de 3°C sont en rouge. Les zones en vert ne sont pas menacées tandis que celles en marron sont déjà irriguées.

Dans ces conditions, le recours à des infrastructures de stockage légères permettrait d'irriguer durablement 140 Mha de plus dans le scénario de référence, mais seulement 53 Mha supplémentaires dans un climat 3°C plus chaud (figure ci-dessous). Dans ce scénario, l'usage d'infrastructures de stockage plus lourdes permettrait d'étendre les surfaces irriguées de 281 Mha, pour un approvisionnement d'un milliard de personnes en plus. Selon les auteurs, les zones à fort potentiel pour étendre les surfaces irriguées se situent en Europe de l'Est, en Asie centrale, en Afrique sub-saharienne et en Amérique latine.

Potentiel d'expansion durable des surfaces irriguées au niveau mondial, consommation d'eau supplémentaire et nombre de personnes nourries, selon les conditions climatiques et les types d'irrigation

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Source : PNAS

Lecture : le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures légères est en rose foncé. Le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures légères et un déficit d'irrigation de 20 % est en rose clair. Le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures lourdes figure en bleu.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

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Le changement climatique impacte le potentiel d'atténuation des forêts françaises

Des chercheurs d'INRAE, de la Chaire d'économie du climat et de l'Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ont publié les résultats d'une étude évaluant le potentiel des forêts françaises pour atténuer le changement climatique et approvisionner l'industrie du bois. Elle s'inscrit dans la continuité de travaux menés dans d'autres pays européens, et combine plusieurs modèles : ceux-ci permettent de considérer à la fois les impacts biophysiques et économiques des évolutions climatiques sur les ressources forestières, et les effets des dynamiques d'usage des sols et des décisions en matière de gestion des peuplements. Ces dernières dépendent de la croissance et de la mortalité attendues des arbres, mais aussi du prix des produits bois. Pour évaluer ces impacts, les chercheurs se sont appuyés sur une modélisation spatialisée du secteur forestier, intégrant des décisions endogènes de gestion des ressources, couplée à un modèle d'approvisionnement agricole et à un modèle économétrique d'usage des sols. Ils ont également utilisé un modèle statistique évaluant les effets du changement climatique, calibré sur les données de l'inventaire national des forêts.

Les résultats de l'étude sont de plusieurs ordres. En termes biophysiques, ils montrent l'impact important du changement climatique sur la mortalité des arbres, multipliée par 1,83 en moyenne, et par 2,38 d'ici à 2060-2080. Cet impact s'ajoute à l'effet sur les variations de croissance, négatives dans la plupart des régions françaises (figure ci-dessous) : le temps de passage des arbres d'un diamètre au diamètre supérieur est multiplié par 1,07 en moyenne sur l'ensemble de la période. Combinés aux décisions de coupes et de ventes de bois des gestionnaires visant à maximiser leurs profits sous ces nouvelles conditions, ces effets feraient perdre aux forêts 30 % de leur potentiel d'atténuation entre 2015 et 2100. Au plan économique, l'impact d'un contexte international favorable sur les prix serait positif, compensant, au moins dans un premier temps, les pertes pour le secteur liées à la surmortalité.

Impacts du changement climatique sur la mortalité et la croissance des arbres en France

forets 1.jpg

Source : Journal of Forest Economics

Lecture : la première ligne de cartes concerne les feuillus, la deuxième les conifères. La couleur des régions reflète l'évolution des taux de croissance (une couleur rouge signifiant une diminution de la croissance des arbres). La couleur des cercles représente l'évolution de la mortalité des arbres (une couleur rouge indiquant une augmentation de la mortalité). La taille des cercles indique la probabilité de présence des feuillus et des conifères en fonction de l'évolution du climat.

Si les volumes forestiers totaux devraient continuer à augmenter au cours des prochaines décennies, les conséquences du changement climatique sur la mortalité et la croissance des arbres, ainsi que les effets liés à l'augmentation de la concurrence avec le secteur agricole pour les terres, devraient amener ces volumes à un pic à la fin du siècle, puis à un déclin au cours du siècle prochain.

Évolution des volumes forestiers (a) et de l'équilibre de carbone généré par les forêts, les produits bois et l'effet de substitution (b)

Forets2-bis.jpg

Source : Journal of Forest Economics

Lecture : à gauche, les courbes représentent les volumes forestiers totaux (courbe pleine), de feuillus et de conifères (courbes en pointillés). À droite, l'aire verte correspond au stock de carbone des peuplements de forêts, l'aire violette à celui des produits bois, et l'aire bleue à l'effet de substitution (par exemple la substitution des produits issus de la biomasse forestière aux énergies fossiles).

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Forest Economics

12:32 Publié dans Environnement, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : changement climatique, atténuation, bois |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/01/2021

L'intelligence artificielle au service de la connaissance de la biodiversité végétale

Le prix de l’innovation « Inria-Académie des sciences-Dassault Systèmes » a été attribué en 2020 au projet Pl@ntNet, plate-forme collaborative d'identification des plantes. Ce projet pluridisciplinaire est né, il y a 10 ans, d'une collaboration entre l’Inria (développements informatiques) et le Cirad (expertise botanique). Son évolution l'a conduit à devenir un outil géo-citoyen, où tout un chacun peut participer, via son mobile, à enrichir la connaissance de la biodiversité végétale, tout en améliorant les qualités prédictives du système d'identification basé sur le deep learning. Cette application mobile a fait l’objet de près de 20 millions de téléchargements ; 27 909 espèces de plantes y sont recensées et localisées à travers le monde. Les informations contenues dans l’application, une fois validées, enrichissent depuis peu la base de données du Global Biodiversity Information Facility (GBIF, système mondial d’information sur la biodiversité). Pl@ntNet devient ainsi la première source utilisant l'intelligence artificielle à être intégrée dans ce dispositif.

La version mobile de Pl@ntNet pour identifier une espèce végétale via sa photo

plantnet.jpg

Source : Copyright © 2021 Pl@ntNet

Source : Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique

12:04 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir, Environnement | Lien permanent | Tags : innovation, biodiversité, application, deep learning |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/12/2020

Quelle PAC pour une production agricole préservant les ressources naturelles ?

Des chercheurs d'INRAE et d'AgroParisTech ont mené, pour le compte du Parlement européen, des recherches sur l'adéquation de la Politique agricole commune (PAC) avec les objectifs du Pacte vert pour l'Europe (Green Deal). Adopté en 2019, celui-ci a pour objectif de faire de l'Europe le premier continent climatiquement neutre en 2050, mais il porte, au-delà des enjeux climatiques, sur l'ensemble des questions environnementales relatives à une croissance européenne durable. Le rapport de recherche reprend les objectifs quantitatifs du Pacte concernant l'agriculture et l'alimentation, concernant les enjeux climatiques, environnementaux et de santé. Il analyse ensuite la situation actuelle et les tendances à l'œuvre, au vu de ces objectifs, et estime les changements nécessaires dans les secteurs agricole et agroalimentaire pour les atteindre. Partant des évolutions requises, les auteurs traitent ensuite du rôle de la PAC pour les soutenir et accompagner.

Ainsi, par exemple, les excédents azotés bruts du secteur agricole de l'UE-27 seraient, à moyen terme, en hausse. Les projections tendancielles à 2030 sont donc très éloignées des objectifs à atteindre pour une croissance durable (réduction de 50 % des excédents), et elles nécessitent des changements profonds de l'appareil productif. Il en est de même pour les émissions de gaz à effet de serre.

Bilans azotés bruts du secteur agricole (UE-27) : excédents annuels, tendances et objectifs

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Source : Parlement européen

Lecture : les barres bleues figurent les excédents azotés bruts observés pour l'UE-27, le point rouge la prolongation de tendance à 2030 et la barre grise l'objectif de réduction de 50 %, entériné par le Pacte vert.

Les auteurs montrent que les pratiques actuelles sont loin de pouvoir répondre aux ambitions et aux objectifs chiffrés du Pacte vert. Leur optimisation, par exemple au moyen de l'agriculture de précision, ne permet pas non plus de répondre aux défis. Il serait alors nécessaire que la PAC soutienne une reconception profonde des agro-écosystèmes dans une perspective agro-écologique. Pour cela, les auteurs estiment indispensable d'appliquer strictement le principe du pollueur-payeur dans la PAC post-2020, notamment par un renforcement de la conditionnalité et des dispositifs environnementaux. Au-delà de ce renforcement de la dimension environnementale, ils proposent l'élargissement de la PAC à une politique alimentaire globale soutenant le changement des régimes nutritionnels, permettant ainsi la convergence des objectifs de santé publique et de durabilité.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Parlement européen

Audit de la Cour des comptes européenne sur la protection du milieu marin

En écho à l'engagement de l'Union européenne en faveur de la protection des espèces et milieux marins (ex. Objectifs de développement durable des Nations unies), figurant dans plusieurs accords internationaux, la Cour des comptes européenne a publié en novembre 2020 un rapport sur les politiques de l’Union dédiées, en y incluant la Politique commune de la pêche (PCP). L'audit a examiné la construction du cadre réglementaire et sa bonne application dans les États membres. La Cour a aussi vérifié si l'état des stocks méditerranéens et atlantiques s'était amélioré et si les fonds européens avaient été mobilisés pour atteindre les objectifs de conservation, sur la période 2008-2020 et sur une zone géographique précise (Espagne, France, Italie et Portugal ; carte ci-dessous).

Zone maritime concernée par l'audit de la Cour des comptes européenne sur les politiques de protection des milieux marins

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Source : Cour des comptes européenne

L'audit montre que les zones marines instaurées par les États membres n'atteignent globalement pas leurs objectifs de protection. Une des raisons de cet échec est que la plupart d'entre elles restreignent peu la pêche : sur les 21 zones contrôlées, 9 imposent peu voire aucune restriction, 9 en imposent certaines (autorisation de pêche, interdiction de certains engins, pêche interdite dans quelques endroits) et 3 interdisent la pêche sur la plus grande partie du périmètre.

Malgré des progrès observés dans l'océan Atlantique, les objectifs de durabilité concernant l'état biologique des stocks ne sont pas atteints en 2020, année-cible. En Méditerranée, l'activité de pêche était encore deux fois supérieure aux niveaux jugés comme durables en 2019. Le rapport souligne, de plus, le manque des données nécessaires au suivi des stocks européens, pour plus de la moitié d'entre eux. Par ailleurs, un frein à la protection des stocks est la difficulté, pour un État membre, d’imposer des restrictions de pêche aux flottes étrangères, européennes ou non.

Les auditeurs conseillent de renforcer les mesures de protection en Méditerranée, de développer l'utilisation des fonds européens dans un objectif de conservation des milieux marins (figure ci-dessous), et de recenser les modifications réglementaires et administratives qui permettraient d'améliorer l'atteinte des objectifs fixés. Il s'agirait de faciliter une application plus rapide des mesures de conservation de la PCP et d'étendre la protection à davantage d'habitats et d'espèces.

Ventilation du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) par objectifs : 6 % sont dédiés aux mesures de conservation des espèces marines et de leurs milieux

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Source : Cour des comptes européenne

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Cour des comptes européenne

14/12/2020

Une accumulation de résidus de pesticides dans les sols et les vers de terre au-delà des concentrations prévisionnelles

Des chercheurs d’INRAE et du CNRS ont mesuré l'accumulation de résidus de pesticides dans les sols et vers de terre, au sein d'habitats traités et non traités (au moins depuis 3 ans) d'un paysage d'agriculture intensive. Leurs résultats ont été publiés récemment dans Agriculture, Ecosystems & Environment. 180 échantillons de sols et 155 vers de terre ont été analysés, après avoir été prélevés au printemps 2016 dans des champs cultivés, des prairies, et des haies ou bosquets de 60 sites d'1 km² situés dans la « Zone Atelier » Plaine & Val de Sèvre (département des Deux-Sèvres). 9 insecticides, 10 fongicides et 12 herbicides ont été recherchés.

Sur ces 31 pesticides (représentant seulement la moitié de ceux utilisés dans l'aire sélectionnée), 27 ont été détectés dans les sols. La totalité des sols, traités ou non traités, contenaient au moins un pesticide, et 83 % en comprenaient cinq ou plus (figure), alors même que la plupart d’entre eux sont considérés comme modérément ou peu persistants dans l'environnement. Bien que la concentration et le nombre de pesticides soient plus importants dans les sols des habitats traités, les habitats non traités n'en étaient donc pas exempts. Ainsi, une moyenne de 6 pesticides a été retrouvée dans les sols des champs cultivés en agriculture biologique depuis au moins 3 ans. Ces résultats interrogent sur la possibilité, pour la faune bénéfique au secteur agricole, de trouver refuge au sein d'habitats non traités, et sur la résilience des agrosystèmes.

Pourcentage d'échantillons de sols ou de vers contenant 1 à 19 pesticides

concentration prévisionnelle .jpg

Source : Agriculture, Ecosystems and Environment

Chez les vers de terre, 18 pesticides ont été retrouvés. 92 % des individus en contenaient au moins un et 34 % cinq ou plus (figure ci-dessus), alors que la bioaccumulation dans ces organismes est peu observée en conditions de laboratoire. Certaines concentrations mesurées dépassent les seuils de toxicité, ce qui soulève aussi le problème d'une possible transmission du risque aux organismes prédateurs (sans même considérer les potentiels « effets cocktail » ou de l'exposition à long terme).

Les « concentrations environnementales prévisionnelles », méthode répandue pour prédire les risques encourus par la faune du sol après application de pesticides, posent ainsi question pour les scientifiques, car elles sont inférieures aux concentrations mesurées pour plusieurs herbicides, fongicides et insecticides, y compris dans les habitats non traités. Les auteurs appellent à mener de plus amples recherches sur l'accumulation en conditions réelles et sur les risques associés.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Agriculture, Ecosystems and Environment

09:32 Publié dans Agronomie, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : pesticides, paysages, vers de terre |  Imprimer | | | | |  Facebook

Planter des haies est la mesure de compensation écologique permettant d'abriter le plus de biodiversité en Champagne-Ardenne

La compensation écologique vise à équilibrer les pertes de biodiversité induites par des aménagements (ex. : fermes éoliennes), en évitant ou réduisant ces pertes, ou, en dernier ressort, en générant des gains équivalents dans d'autres espaces. En pratique, cela nécessite de pouvoir comparer des pertes et des gains de biodiversité, ce qui reste encore très difficile. Dans un article publié en novembre dans la revue Land Use Policy, des chercheurs français proposent une méthode pour calculer les niveaux de biodiversité de différents types de mesures agricoles de compensation.

Pour ce faire, ils créent un indicateur synthétique mesurant la différence d'abondance de communautés d'oiseaux (nicheurs, rapaces) et de chauves-souris, en Champagne-Ardenne entre différents usages des sols. Sont comparés plusieurs usages utilisés pour la compensation (jachères, haies, bandes enherbées, arbustes et bandes enherbées avec buissons) et l'usage agricole, qui constitue le scénario de référence. Leurs estimations reposent sur trois scénarios affectant des poids différents aux espèces selon leur vulnérabilité et leur intérêt pour les acteurs locaux : toutes les espèces ont le même poids dans le scénario 1, les espèces impactées négativement par les éoliennes comptent double dans le scénario 2 et les espèces d'intérêt (espèces de milieux agricoles notamment) comptent double dans le scénario 3.

Dans les trois scénarios, ce sont les haies qui produisent le plus de biodiversité, devant les bandes enherbées et les jachères (cf. tableau ci-dessous). Les bandes enherbées avec buissons obtiennent un score faible, ne permettant pas d'attirer les oiseaux nichant dans les haies et repoussant ceux nichant au niveau du sol. L'étude suggère donc que la mesure la plus efficace, pour compenser les pertes de biodiversité en Champagne-Ardenne, est de planter des haies. Cependant, les auteurs rappellent que les coûts d'opportunité et de mise en œuvre pour les agriculteurs, non abordés dans cet article, doivent être pris en compte dans le choix des mesures à adopter.

Niveau de biodiversité pour 1 ha d'usage des terres ou pour un buisson (a) et surface équivalente à 1 ha de jachères en matière de biodiversité, selon le poids accordé aux différentes espèces (b)

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Source : Land Use Policy

Lecture : les cinq premières lignes (a) indiquent le niveau de biodiversité associé à 1 ha de jachères (fallow), de haies (hedgerow), de bandes enherbées (grass strip), de bandes enherbées avec buissons (grass strip with bushes) et de buissons (bushes). Les cinq lignes suivantes (b) mentionnent la surface nécessaire, pour chaque type d'usage du sol, pour atteindre le même niveau de biodiversité que sur un hectare de jachères.

Les auteurs soulignent l'intérêt de cette méthode, qui prend en compte les objectifs des acteurs locaux via l'affectation de poids différenciés selon les espèces. Par ailleurs, les résultats de cette étude pourraient éclairer utilement le débat en cours sur la prochaine PAC et sa compatibilité avec les objectifs de la stratégie européenne pour la biodiversité, en particulier celui visant à dédier 10 % de la surface agricole à des particularités topographiques à haute diversité biologique.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

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10/12/2020

Confirmation des multiples bénéfices de la diversification sur le rendement agricole et les services écosystémiques

Une étude récente publiée dans Science Advances s'intéresse aux impacts des pratiques de diversification agricole (diversification des cultures, addition d'habitats autour des parcelles, amendements organiques, inoculations de micro-organismes, etc.) sur les services écosystémiques et le rendement des cultures. Les auteurs ont pour cela conduit une méta-analyse secondaire (méta-analyse de méta-analyses) sur 98 études existantes, basées elles-mêmes sur un total de 6 167 études originales. Sur un sous-ensemble de 69 méta-analyses, la magnitude des effets a pu être estimée et mesurée sous forme de logarithme de ratio de réponse. Les résultats montrent que les pratiques de diversification ont très majoritairement des effets positifs sur les services écosystémiques (cf. figure). Elles sont très favorables à la biodiversité, à la pollinisation, au contrôle des maladies végétales, au recyclage des éléments fertilisants, etc. En matière de régulation du climat (émissions de gaz à effet de serre, fixation biologique de l'azote, etc.) et des rendements, les effets sont neutres ou légèrement positifs. La synergie et les arbitrages entre services écosystémiques sont moins étudiés dans la littérature. Cependant les résultats disponibles témoignent de la prévalence des situations « gagnant-gagnant » des effets des pratiques de diversification sur le rendement agricole et les services écosystémiques.

La diversification de l'agriculture favorise la biodiversité et les services écosystémiques sans compromettre le rendement des cultures par rapport aux systèmes de culture sans ces pratiques

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Source : Science Advances

Lecture : en A) toutes les pratiques de diversification sont inclues dans l'analyse ; en B) seules sont considérées les pratiques de diversification ciblant les éléments en surface (diversité des espèces cultivées et non cultivées) ; en C) seules sont considérées les pratiques ciblant des éléments du sol (amendements organiques, labour réduit, etc.).

Source : Science Advances

09/12/2020

Une analyse en cycle de vie des impacts environnementaux de l'aquaculture

L'aquaculture est parfois présentée comme une solution pour répondre à la demande croissante en produits de la mer. Toutefois, cette activité est source d'impacts environnementaux importants. Pour les évaluer, des chercheurs ont procédé à l'analyse du cycle de vie de la production aquacole en système fermé de deux espèces (Tilapia et Clarias). Leurs travaux ont été publiés dans la revue Environmental Science and Technology. Ils ont quantifié quatre impacts : contribution à l'eutrophisation, émissions de gaz à effet de serre, usage de terres et consommation d'énergie. Au-delà des chiffres, il est intéressant de constater que, pour les trois premiers indicateurs, la quasi totalité de l'impact est imputable à la production de l'alimentation servant à nourrir les poissons.

Décomposition des impacts environnementaux de la production aquacole de Tilapia et Clarias en système fermé

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Source : Environmental Science and Technology

Lecture : le graphique montre la contribution de quatre facteurs (alimentation, engraissement, infrastructure et production d'alevins) aux impacts environnementaux étudiés (eutrophisation, émission de gaz à effet de serre, usage de terres, consommation d'énergie).

Pour réduire cette empreinte environnementale, les auteurs proposent de végétaliser davantage l'alimentation des poissons élevés, ce qui permettrait en particulier, selon eux, de réduire de 28 % les émissions de gaz à effet de serre.

Source : Environmental Science and Technology

Limiter le réchauffement à 1,5°C sera impossible sans changements des systèmes alimentaires

L'accord de Paris vise à limiter la hausse globale des températures à 2°C, voire 1,5°C, au-dessus du niveau pré-industriel. Dans un article publié en novembre dans la revue Science, des chercheurs ont estimé que les émissions cumulées globales (tous secteurs confondus) d'ici à 2100 devraient être inférieures à 705 Gt CO2-eq (resp. 1405 Gt CO2-eq) pour avoir une probabilité de 50 % de rester sous les 2°C (resp. 1,5°C). Or, leurs résultats suggèrent que, si rien n'est fait, les émissions cumulées des systèmes alimentaires s’élèveront à 1 356 Gt CO2-eq (figure ci-dessous). Dans ce cas, même si tous les autres secteurs arrêtaient totalement d'émettre, les émissions des systèmes alimentaires suffiraient pour dépasser les 1,5°C d'ici à 2051-2063. Les auteurs étudient également plusieurs stratégies pour réduire les émissions issues de l'alimentation (ex. : changements de régimes alimentaires, amélioration des rendements), et ils estiment que, en les adoptant toutes simultanément à hauteur de 50 % chacune, les émissions du secteur alimentaire diminueraient de 63 %. Individuellement, l'adoption de régimes faiblement carnés constitue la mesure la plus efficace (-48 %).

Émissions de gaz à effet de serre cumulées issues des systèmes alimentaires entre 2020 et 2100, selon le type de scénario (business-as-usual ou non)

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Source : Science

Source : Science

08/12/2020

Viande artificielle et environnement

L'Agence européenne pour l'environnement (AEE) a publié fin octobre 2020 quatre notes d'information sur les impacts environnementaux potentiels de quatre innovations technologiques émergentes. L'une d'entre elles porte sur la viande artificielle. Cette innovation est généralement présentée comme une réponse écologique à la forte augmentation de la consommation de viande attendue d'ici à 2050 à l'échelle mondiale (+73 % selon la FAO). Si des bénéfices en matière de santé et de bien-être animal pourraient en découler, des impacts négatifs sur l'emploi agricole et les écosystèmes des zones rurales sont à attendre, par exemple, à cause d'une diminution des pâturages d'estive. Outre l'incertitude pesant sur les achats par les consommateurs, des réserves scientifiques sont émises sur les réels impacts environnementaux d'une technologie dont les processus de production sont encore au stade de développement. Seules des évaluations systémiques et des programmes publics dédiés, le cas échéant, permettront d'en maîtriser les futures conséquences.

Source : Agence européenne de l'environnement

07/12/2020

Les terres cultivées et les pâturages, au cœur des engagements pour la restauration des écosystèmes ?

À l'approche du lancement, l'an prochain, de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, l'agence d'évaluation environnementale du gouvernement néerlandais PBL a publié une note recensant les engagements des différents pays du monde en matière de restauration. Au total, 115 pays ont pris de tels engagements dans le cadre des Conventions de Rio ou d'accords internationaux. Sur les près d'un milliard d'hectares concernés, la plupart concernent des terres forestières (42 %), mais 37 % touchent les terres agricoles, cultivées et pâturées (figure). Des études, comme celle de Strassburg et al. (2020), font état de l'utilité de restaurer des terres converties (i.e. d'un écosystème naturel à des terres cultivées ou à des pâturages). Un ciblage de seulement 15 % de celles-ci dans des aires prioritaires permettrait d'éviter 60 % des extinctions d'espèces et de séquestrer 20 % du total de l'augmentation de concentration de CO2 dans l'atmosphère depuis le début de la Révolution Industrielle.

Engagements de restauration au niveau mondial, par catégories de mesure de restauration (2020)

PBL.jpg

Source : PBL

Source : PBL

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Selon des chercheurs, 20 % de la surface des paysages anthropisés devraient héberger des habitats semi-naturels

La Convention sur la diversité biologique visait, en 1992, à conserver 17 % de la surface terrestre par des aires protégées avant 2020. Cependant, aucune cible de conservation n'était définie pour les paysages abritant des activités de production comme l'agriculture. Dans un article publié dans la revue Conservation Letters, des chercheurs ont observé que seuls 31 des 82 pays qu'ils ont étudiés imposaient des critères minimaux de conservation dans ces paysages. Selon eux, la part d'habitats semi-naturels devrait y atteindre au moins 20 %.

Source : Conservation Letters

 

08:56 Publié dans Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : paysages, conservation, biodiversité |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/11/2020

Ralentir l'érosion des terres pour enrayer la pénurie de phosphore

Un article publié par la revue Nature Communications s'intéresse à la disponibilité en phosphore au sein des cultures et systèmes agricoles. Par rapport aux études existantes sur ce sujet qui se concentrent, pour la plupart, sur les moyens d'augmenter l'offre ou de diminuer la demande, cette publication se penche sur un facteur relativement peu étudié, pourtant déterminant pour le solde de phosphore : l'érosion hydrique des sols. Une autre originalité de cette étude est d'évaluer cet impact de manière géographiquement différenciée (figure ci-dessous). Ainsi, les auteurs s'appuient sur plusieurs bases de données et modèles, précédemment mis en avant dans la littérature, pour évaluer les pertes de sol par érosion hydrique, d'une part, et leur contenu en phosphore d'autre part.

Pertes mondiales de phosphore liées à l'érosion des sols en kg par hectare et par an

Phosphore.jpg

Source : Nature Communications

Les données sur les pertes de phosphore ainsi obtenues et leur cartographie montrent que toutes les régions de production agricole, dans le monde, sont impactées par un solde négatif ou proche de zéro, à l'exception de l'Océanie et de l'Australie. D'après les soldes régionaux, l'Afrique est directement touchée, en raison d'une combinaison de l’érosion, induisant d'importantes pertes de phosphore, et de faibles apports de fertilisants. L'Amérique du Sud arrive à la deuxième place, en raison d'une érosion très élevée. L'Asie – et la Chine en particulier – est aussi fortement touchée par les pertes de phosphore liées à l'érosion, mais elles sont compensées par les importants apports de fertilisants (figure ci-dessous).

L'étude des flux conclut, au niveau mondial, à une dépendance critique des systèmes agricoles aux fertilisants chimiques pour combler les effets de l'érosion hydrique sur les pertes de phosphore. Dans un contexte d'augmentation de la demande de productions végétales pour répondre aux besoins agroalimentaires mondiaux, l'atténuation de l'érosion serait un levier déterminant de la lutte contre la pénurie de phosphore, surtout dans les régions avec peu ou pas d'apports futurs.

Chiffres clés pour le phosphore (kg par hectare et par an) dans une sélection de régions et pays

phosphore 2.jpg

Source : Nature Communications

Lecture : « Organic P management » = somme des apports d'engrais et de résidus - absorptions par la plante ; « Total Soil P » = pertes totales de phosphore dans les sols dues à l'érosion hydrique ; « Erosion loss » : ratio des pertes de phosphore par érosion sur le solde total de phosphore excluant les fertilisants (solde - fertilisants chimiques) ; « Geographic Europe » : inclut les pays européens autrefois membres de l'Union soviétique ; « NEU11 » : pays européens ayant rejoint l'Union après 2004 ; « Balance » = apports atmosphériques + fertilisants chimiques + variable « Organic P management » + total des pertes de phosphore par érosion ; « Balance-Chem. Fert. » = solde hypothétique sans les apports de fertilisant chimique.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Communications

18:33 Publié dans Agronomie, Environnement, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : phosphore, érosion hydrique, sols, monde |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/11/2020

Logistique des circuits courts alimentaires

Si les circuits courts alimentaires font l’objet de nombreuses publications, leur logistique est peu étudiée. Partant de ce constat, les auteurs ont conduit une revue de littérature sur ce sujet, dont les résultats sont publiés dans Sustainable Production and Consumption. Ils ont sélectionné, dans les bases de données bibliographiques des 14 dernières années, 66 études en anglais mentionnant la logistique (figure ci-dessous). Cet échantillon confirme le faible volume d’études sur la logistique, de l’ordre de 5 à 6 articles par an, même si on observe une augmentation depuis 2010.

Nombre de publications annuelles sur la logistique des circuits courts alimentaires, de 2006 à 2019circuits courts.jpgSource : Sustainable Production and Consumption

Lecture : 2011 correspond à un numéro spécial.

Une première série de 26 articles s’intéresse à l’impact environnemental de la logistique des circuits courts. Ses impacts, souvent présupposés comme vertueux par les consommateurs, sont en fait très variables en fonction des périmètres étudiés : il peut y avoir, par exemple, plus de déplacements individuels, pour des petites quantités de produits, qui conduisent à davantage d'émissions polluantes que dans le cas de circuits longs plus optimisés. Les articles permettent d'approcher l'hétérogénéité des effets, sans fournir de comparaison moyenne entre circuits courts et circuits longs. Deux approches sont habituellement utilisées : la première se focalise sur l’énergie utilisée pour le transport, le stockage, la manutention et la gestion ; la seconde repose sur une analyse du cycle de vie. Par ailleurs, 8 articles concernent l’optimisation du transport et de la distribution, pour un vendeur donné, à partir d’une cartographie du système actuel et en recentrant le lieu de vente. Enfin, 27 articles étudient l’amélioration de la logistique des circuits courts par une restructuration de la supply chain. Premièrement, les producteurs peuvent créer une plate-forme commune, jouant le rôle d’interface entre producteurs et consommateurs, et souvent gérée par un intermédiaire (association ou entreprise). En second lieu, quatre modes de distribution affectant les parts relatives du producteur et du consommateur dans la logistique sont étudiés (figure ci-dessous). Les outils numériques remplissent une fonction importante dans cette amélioration.

Modes de distribution des produits en circuits courtscircuits courts 2.jpg

Source : Sustainable Production and Consumption

Lecture : les lignes continues correspondent aux flux des produits du ressort des producteurs, les lignes pointillées à ceux des consommateurs.

Selon les auteurs, les producteurs doivent être conscients de l’importance de la logistique pour le développement des circuits courts. Ils devraient être ouverts à des systèmes de distribution innovants, à des coopérations verticales et horizontales, par exemple avec des chercheurs, pour analyser la situation existante et proposer des améliorations. Les auteurs recommandent enfin d’approfondir les études sur la contribution environnementale de ces circuits, en prenant en compte le fait que le consommateur remplit un panier et ne va pas chercher un seul produit.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Sustainable Production and Consumption

18:26 Publié dans Environnement, IAA | Lien permanent | Tags : circuits courts, logistique, alimentation |  Imprimer | | | | |  Facebook